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Société Publié le dimanche 26 octobre 2014 | AIP

Conflit foncier: Plus de 50 familles au bord de l’expulsion à Agboville

Agboville - Une cinquantaine de familles, prises dans l'engrenage d'un conflit foncier à Agboville, sont menacées d'expulsion, une problématique qui a fait l'objet d'une enquête menée par l'AIP.

ENQUETE

Au total 14 ha et 30 ares de superficie de la cité bâtie d'Agboville, dont une quinzaine de chalets, sont réclamés par Denis Kouadio, anciennement chauffeur auprès de la famille Balet. Il affirme avoir reçu procuration du nommé Christian Gustave Balet, opérateur économique Suisse, descendant d'une riche famille, et dont le père (Victor Balet), a vu sa société dénommée EFBA (Entreprise Forestière des Bois Africains), être déclarée en faillite en juillet 1991, et les biens vendus par le syndic, avant d’être cédé à de nouveaux acquéreurs.

Aujourd’hui, Denis Kouadio, nanti de sa procuration, tente de récupérer la parcelle TF 1066, sur laquelle se trouveraient une quinzaine de chalets vendus par le syndic, ainsi qu’une dizaine d’hectares de parcelles. Le tribunal a donné raison à M. Kouadio en première instance, sur la base que les logements acquis dans le cadre du syndic, ne portent pas le nom des acquéreurs, et se situerait sur la parcelle des Balet.

Un collectif des acquéreurs, attributaires des biens immobiliers de l'actif de la société EFBA, essentiellement des retraités et une cinquantaine d’autres propriétaires contestent, preuve à l’appui, l’hypothèse que les biens propre de Christian Balet, s’étendent aux chalets et autres terres, vendu par le syndic.

Historique du conflit

Une parcelle de terrain rural (aujourd'hui urbain), portant le Titre Foncier (TF) numéro 383 créée le 15 janvier 1934 et couvrant une superficie de 47 ha 64 a 53 ca, sis à Agboville, était la propriété de M. Fraysse Emile, de nationalité française.

Plus tard, M. Fraysse Emile a cédé ladite parcelle (TF 383) à M. Victor Balet, un Français, exploitant forestier. Ce denier opère plusieurs cessions titrées issues de TF 383 à des tiers, entre autres, le TF 1066.

La parcelle de 4 ha 93 a 78 ca, a été cédée par M. Victor Balet par acte sous seing privé le 15 septembre 1949 à M. Dourlot Emile (frère de Fraysse Emile).

Le 12 juin 1950, Dourlot Emile obtient le TF 1066, sur la parcelle d'une superficie de 04 Ha 93 a 78 ca, aujourd'hui objet de l'actuel litige.

Par diverses transactions, le TF 1066 porte aujourd'hui le nom de Christian Gustave Balet, industriel, fils de Victor Balet, selon la conservation de la propriété foncière et des hypothèques, en date du 14 février 2013.

Victor Balet, exploitant forestier, était le PDG de la société EFBA, jusqu'à sa faillite.

Entre-temps, le tribunal d'Abidjan, avait déclaré la société EFBA en faillite et nommé par décision numéro 415/CI V6 du 28 juin 1995, Mme Zebeyoux Aimée, juge, en qualité de Juge-Commissaire et désigné Edi Albert, Expert-comptable agrée près la Cour d'Appel d'Abidjan, en qualité de Syndic, en vue de la liquidation des dettes à hauteur des créances d'un montant de 730 421 313 Fcfa.

Ainsi, le 18 décembre 1997, l'assemblée des créanciers, composée du personnel des Impôts, de la Cnps, la Biao, la Sgbci, Galerie Peyrissac et surtout le Syndic, donne accord pour cession des actifs de l'EFBA, dont les chalets. Le coût de la transaction, est compris entre 2,5 millions pour les plus petites maisons et 04 millions pour les plus grandes.

Plusieurs personnes physiques ainsi que des ex-employés de EFBA, acquièrent ainsi une quinzaine de chalets, et des terrains nus. D'autres squattent de vieilles bâtissent abandonnées.

Christian Balet, qui a succédé à son père, et qui vit en Europe, réagit, au prétexte que sa parcelle TF 1066 est occupée.

Il signe le 03 novembre 2011, une procuration à l’attention de Monsieur Denis Kouadio, « aux fins de s'occuper de l'exploitation et de la gestion de ma concession comprenant Habitation et Hangar sise au Km 2 à Agboville, TF Numéro 1066, Terrain urbain bâti, actuellement 'squattée' occupée sans mon accord ».

Nanti de ce document, le nommé Denis saisit le tribunal et demande réparation à l'encontre de tous ceux qui ont, selon lui, acquis 'maladroitement' des biens de Christian Balet. A l’opposé, les acquéreurs soutiennent avoir obtenu 'de bonne foi' et surtout dans 'la régularité', des chalets, ainsi que d'autres concessions et terrains nus.

Huit familles ont déjà été expulsées en présence d'une vingtaine d’agents de police et de gendarmerie, le 13 août 2014, sur ordre de M. Denis Kouadio.

Cette action a été menée au vu d’une grosse du tribunal d’Agboville, statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort, et qui a déclaré nulles et de nul effet, le 08 janvier 2014, toutes les locations, et ordonner l'expulsion des défendeurs concernés.

Par ailleurs, attendu qu'il n'y a pas extrême urgence en la matière, il n'y a donc pas lieu à exécution provisoire, poursuit la grosse.

En outre rapporte une source judiciaire proche du dossier, les biens acquis par les acquéreurs du fait du syndic, ne sont pas encore la propriété des nouveaux acquéreurs, même s'ils les auraient obtenus dans la 'régularité', suivant que les procédures d'acquisitions ne sont pas arrivées à leur terme et que les noms des personnes désignées par le syndic, ne figurent pas encore sur les titres fonciers.

« Ils ont donc été condamnés pour ainsi dire, faute d'avoir prouvé qu'ils sont vraiment les nouveaux propriétaires », poursuit la source, précisant que les conclusions du tribunal, peuvent varier, sur la base de faits, de pièces ou d'éléments nouveaux, comme cela semble paraitre le cas.

Position de Denis Kouadio, défenseur des droits du propriétaire Christian Balet

« J'exige l'expulsion de tous ceux qui sont illégalement sur la parcelle de Christian, et je leur demande de partir. Je ne peux leur tendre la main, parce que l'acquisition n'a pas été faite dans les normes », insiste Denis Kouadio.

« La parcelle 1066 part depuis la clôture du Collège moderne, jusqu'à l'espace Henri Konan Bédié, y compris les chalets », affirme le défenseur des intérêts de Christian Balet, qui fait observer que ce litige a mis deux ans et six mois au tribunal, avant de connaitre son dénouement en Première instance.

L'homme soutient avoir reçu mandat de la famille Balet, pour déguerpir tous les occupants. Il exige aussi l'expulsion de dizaines de familles et la destruction de nouvelles concessions acquises sur la base d'achat de terrain, vendues par le syndic.

M. Kouadio s'insurge contre le fonctionnement de ce syndic mené par M. Edi, qui non seulement a attribué ‘illégalement’ des propriétés de la famille Balet à des individus, au prétexte qu'il s'agit de liquidation de biens de la société EFBA, mais, en plus, aurait octroyé une partie de ces biens, à des proches parents, contrairement à la règlementation en vigueur en matière de cession dans le cas de syndic.

« Le TF mère 383, duquel ont été extrait notamment les TF 1066 et TF 12 980, n'est pas la propriété la société EFBA, mais bien, celui de Victor Balet, anciennement PDG de EFBA. Il faut faire cette différence s'il vous plait », insiste le détenteur de la procuration.

« Jamais, il n'a été question dans la transaction, d’une quinzaine de chalets ainsi que les autres terrains, propriété exclusive de la famille Balet et non de l’entreprise EFBA», soutient Kouadio Denis. « Nous ne reconnaissons d’ailleurs pas ce syndic, qui a fait du faux », s’insurge Denis Kouadio.

Réaction de Samélé Kouassi Jean, porte-parole du collectif

« Sa procuration qu'il nous présente sur la base du TF 1066, vu sa situation géographique, ne couvre pas les chalets ni le terrain de Total-CI qui a un TF 12 918, qu'il revendique. Voilà ce que nous disons », assure le porte-parole du collectif.

« La limite entre le titre foncier 1066 et les chalets, c'est le ruisseau », poursuit le porte-parole du collectif, qui accuse Kouadio Denis, « d'outrepasser volontairement » les compétences attribuées à la procuration.

« Il a produit une procuration, qui est bien précise », s'insurge Samelé Kouassi Jean, chef du village d'Offoriguié (07 km d'Agboville), anciennement 2ème adjoint au maire en charge des affaires domaniales dix ans durant à la mairie d'Agboville (2001-2012) et porte-parole du collectif, parlant de Kouadio Denis.
« Concession comprenant : Habitation et Hangar' », selon les propos de la procuration, soutient M. Samelé. Et le porte-parole de préciser, qu'il s'agit d'une habitation et d'un hangar au singulier, et sans 'S', donc ne pouvant prendre en compte quinze chalets et plusieurs autres concessions et terrains nus.

Selon M. Samelé, le hangar et la concession se trouvent encore à l'endroit indiqué et cela représente effectivement une partie du TF 1066. Il s'étonne donc que le nommé Kouadio aille revendiquer des biens se trouvant en dehors de l'espace géographique du TF 1066.

Le porte-parole du collectif affirme donc que le Titre Foncier 1066 n'a rien à voir avec les chalets, qui eux se trouvent sur le reste du Titre Foncier mère 383, propriété de l’entreprise Efba et cédé ‘normalement’ par le syndic, suite à la faillite de l’entreprise. « Il ne s’agit donc pas de propriété personnelle des Balet », ajoute-t-il.

L'homme étaye ses propos avec une copie de la conservation de la propriété foncière et des droits fonciers, signée de Mme la conservateur de la Propriété Foncière Saraka Danielle, en date du 06 septembre 1995, dans laquelle il est notifié que le Titre Foncier 383, est la propriété de la Société 'Entreprise Forestière des Bois Africains' (EFBA) à Agboville.

Samelé Kouassi va plus loin et présente la cartographie (réquisition) numéro 1582 du 15 janvier 1934, signée du chef service topographique, qui expose les limites du TF 1066.

Selon le document, le TF 1066 a une largeur totale de 82,37 mètres, à partir de la clôture du collège moderne, sur l'axe Agboville-Abengourou (voie principale partant du rond-point d’Agboville et passant devant la place Bédié).

« Cette carte montre bien que le TF 1066, ne peut atteindre les chalets, à fortiori, le TF 12 918, de Total-CI », s’indigne le porte-parole du collectif.
« L'essentiel de la superficie des 04 ha 93 a 78 ca du TF 1066, se trouve être à l'intérieur du quartier 'Saint-Georges', jouxtant les vieilles bâtisses des Balet et aujourd'hui consommé par la municipalité, mais ne se prolonge pas le long de la voirie menant au Chalet, ni à ma parcelle acquise TF 12 918 et à fortiori, à la place Bédié», s'irrite l'ex adjoint au maire, qui invite M. Kouadio Denis et son mandataire Christian Balet, à orienter leur recherche ailleurs.'
Il présente une autre carte numéro 4947 du 14 octobre 1968, sur laquelle, se trouve le site de la station d'essence, acquis avec Total-CI, racheté par lui et portant le TF 12 918, extrait du TF 383.

Puis de dire, « qu'à supposer même dans l'absurde que nous soyons sur les terres de Victor Balet, nous nous interrogeons sur l'attitude de M. Denis Kouadio, qui revendique des parcelles, pour lesquelles il n'aurait pas reçu mandat, vu que sa procuration ne concerne que le TF 1066 et non le titre foncier-mère 383 », fait remarquer le porte-parole des acquéreurs.

Position de l'administration déconcentrée
Le rapport du directeur régional de la Construction de l'Agnéby-Tiassa, Koutouan Georges, en date du 31 mai 2006, souligne que M. Victor Balet a fait plusieurs cessions titrées, issues du TF 383, à des tiers, entre autres, le titre foncier numéro 1066.
Le directeur régional précise, toujours dans son rapport que la parcelle TF 1066, de 04 ha 93 a 78 ca, cédée par M. Victor Balet par acte sous seing privé le 15 septembre 1949, à Dourlot Emile (frère de Fraysse Emile-premier propriétaire du TF 383-), a été sortie dans la partie Ouest du TF 383 de M. Victor Balet.

Qu'une partie du TF 1066, d'une superficie de 9 000 m2 environ, servant de garage autos à M. Victor Balet a été mise en valeur et comporte un bâtiment de 02 pièces servant de bureau (bâtiments encore visible), un bâtiment servant de magasin de stockage de pièces autos, un bâtiment de 04 pièces servant de logements et une plate-forme servant d'aire de séchage des pièces (toutes ces bâtisses existent encore, même si elles sont vétustes)
M. Koutouan en conclu que le site litigieux, le TF 1066 de 04 ha 93 a 78 ca, est bel et bien compris dans le TF 383 du 15 janvier 1934.

Ce qui ressort des confrontations des deux hypothèses

Il est évident que le débat se trouve dans la désignation de la paternité du TF 383, pour lequel, Kouadio Denis soutient qu'il appartient à Victor Balet et à son successeur de fils, Christian Balet. Alors que pour le collectif, ce TF est la propriété de EFBA. Si tel est le cas, le syndic était donc dans son droit de procéder à sa liquidation.

En plus, il s'agit aussi de déterminer l'emplacement exact du TF 1066, et savoir définitivement, si les chalets et la quarantaine d'autres familles acquéreurs, sont concernés par les expulsions.
Apparemment, un 'compulsoire' (enquête foncière) devrait s'avérer nécessaire pour départager les parties, et éviter ainsi, un conflit dans la cité d'Agboville.

Des dizaines de familles attendent dans l'angoisse et nul ne sait la suite de ce feuilleton qui cristallise aujourd'hui la vie sociale à Agboville, vu que les deux syndics désignés par le tribunal d'Abidjan, et à même de faire engager les procédures d'acquisitions définitives des TF, sont décédées en 2010 et 2012, deux ans au moins après la fin des activités du syndic.

Enquête réalisée par Dogui Dogad, AIP Agboville
ask
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