Dakar, ) - L'arrivée d'une Canadienne à la tête de la Francophonie est un camouflet pour l'Afrique, victime de ses divisions, mais aussi une prime à la bonne gouvernance et au renouveau, estiment observateurs et acteurs politiques.
Pour la première fois la Francophonie, née à l'aube des années 1970 sous l'impulsion de dirigeants du Sud, dont le Sénégalais Léopold Sedar Senghor, a choisi de ne pas promouvoir un continent qui concentre 90% de son action et représente la moitié des locuteurs dans le monde.
"C'est un tremblement de terre. C'est une autre Francophonie qui va émerger. On ne peut pas imaginer qu'une organisation dirigée par un Africain ait la même orientation qu'une organisation dirigée par une Nord-Américaine", s'est insurgé auprès de l'AFP l'ex-Premier ministre mauricien Jean-Claude de l'Estrac, évoquant une "défaite africaine".
M. de l'Estrac s'était porté candidat au poste de secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui représente des pays majoritairement africains.
L'ex-président burundais Pierre Buyoya, l'écrivain et diplomate congolais Henri Lopes et l'ancien ministre équato-guinéen Agustin Nze Nfumu concouraient aussi pour succéder au Sénégalais Abdou Diouf, qui avait remplacé en 2003 l'Egyptien Boutros Boutros-Ghali.
Le président sénégalais Macky Sall a reconnu dimanche que les dirigeants africains avaient consenti à la nomination de Mme Jean, ex-gouverneure générale du Canada et critiquée par certains pour son manque d'expérience, après avoir fait le "constat d'une non-candidature unique africaine".
"C'est une honte pour l'Afrique noire qui n'a pas réussi à s'entendre", a tancé un membre de la délégation de la République démocratique du Congo (RDC).
- Dépasser le critère de nationalité -
Pour certains, la violation historique d'une règle non écrite voulant que le dirigeant de l'OIF soit Africain, ou du moins du Sud, souligne au contraire que l'OIF a réussi à s'affranchir de critères obsolètes.
"On a dépassé l'identité ethnique pour défendre les valeurs de la Francophonie, on a privilégié la légitimité, la compétence", a estimé une source africaine sous le couvert de l'anonymat.
Pour cette source, les Africains ont échoué à s'accorder sur une personnalité incontournable "ce qui est un vrai problème lorsque l'on veut représenter un continent qui aura le plus grand nombre de locuteurs" au milieu
du siècle.
Selon un récent rapport de l'OIF, la Francophonie, qui représente 274 millions de locuteurs, sera composée à 85% d'Africains à l'horizon 2050.
Mais à 57 ans, Michaëlle Jean incarne une nouvelle génération et sa campagne tournée vers le développement économique de la Francophonie, en particulier en Afrique, a fait mouche à l'heure où le budget de l'OIF (financé surtout par les pays du Nord) patine sous l'effet de la crise.
Le Canada est aussi le deuxième bailleur de l'OIF, juste derrière la France, et certains ont évoqué sa puissance financière pour expliquer son succès.
A l'inverse de certains candidats africains comme Pierre Buyoya au passé putchiste, Mme Jean incarne aussi l'image d'un pays n'ayant maille à partir ni avec le respect des droits de l'Homme ni avec la démocratie, au moment où le président français François Hollande appelle les dirigeants à respecter l'ordre constitutionnel et à "tirer les leçons" de la chute fin octobre, sous la pression populaire, du président burkinabé Blaise Compaoré.
Selon une source diplomatique africaine, "la France a imposé ses règles et son candidat, tout en affirmant le contraire. Ce n'est pas l'élue qui pose problème, elle a les qualités et l'expertise requise, c'est la manière qui
pose problème".
Soft, un journal pro-pouvoir de RDC, estime d'ailleurs que la nomination de Michaëlle Jean "va laisser des traces dans les relations entre Paris et plusieurs capitales africaines".
Selon Soft, Mme Jean "aura du mal à s'imposer dans certaines capitales africaines", en particulier après l'ère Diouf qui promouvait une diplomatie d'influence auprès de ses anciens pairs pour dénouer les crises.
Le porte-parole de la présidence du Gabon, Alain-Claude Bilie By Nzé, a salué la nomination d'"une Africaine de la diaspora" et prévenu qu'il y aurait de la "déception" si elle n'agissait pas en faveur du continent car "il n'y a
pas d'OIF sans Afrique".
Pendant sa campagne, Michaëlle Jean a répété comme un mantra ses origines haïtiennes et son identité de "petite-petite-petite-fille d'esclaves" pour gagner le coeur des Africains.
"Je suis à la fois d'Afrique et des Amériques, je suis une synthèse de la Francophonie", s'est-elle targuée après sa nomination.
burs-blb/cs/mw
Pour la première fois la Francophonie, née à l'aube des années 1970 sous l'impulsion de dirigeants du Sud, dont le Sénégalais Léopold Sedar Senghor, a choisi de ne pas promouvoir un continent qui concentre 90% de son action et représente la moitié des locuteurs dans le monde.
"C'est un tremblement de terre. C'est une autre Francophonie qui va émerger. On ne peut pas imaginer qu'une organisation dirigée par un Africain ait la même orientation qu'une organisation dirigée par une Nord-Américaine", s'est insurgé auprès de l'AFP l'ex-Premier ministre mauricien Jean-Claude de l'Estrac, évoquant une "défaite africaine".
M. de l'Estrac s'était porté candidat au poste de secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui représente des pays majoritairement africains.
L'ex-président burundais Pierre Buyoya, l'écrivain et diplomate congolais Henri Lopes et l'ancien ministre équato-guinéen Agustin Nze Nfumu concouraient aussi pour succéder au Sénégalais Abdou Diouf, qui avait remplacé en 2003 l'Egyptien Boutros Boutros-Ghali.
Le président sénégalais Macky Sall a reconnu dimanche que les dirigeants africains avaient consenti à la nomination de Mme Jean, ex-gouverneure générale du Canada et critiquée par certains pour son manque d'expérience, après avoir fait le "constat d'une non-candidature unique africaine".
"C'est une honte pour l'Afrique noire qui n'a pas réussi à s'entendre", a tancé un membre de la délégation de la République démocratique du Congo (RDC).
- Dépasser le critère de nationalité -
Pour certains, la violation historique d'une règle non écrite voulant que le dirigeant de l'OIF soit Africain, ou du moins du Sud, souligne au contraire que l'OIF a réussi à s'affranchir de critères obsolètes.
"On a dépassé l'identité ethnique pour défendre les valeurs de la Francophonie, on a privilégié la légitimité, la compétence", a estimé une source africaine sous le couvert de l'anonymat.
Pour cette source, les Africains ont échoué à s'accorder sur une personnalité incontournable "ce qui est un vrai problème lorsque l'on veut représenter un continent qui aura le plus grand nombre de locuteurs" au milieu
du siècle.
Selon un récent rapport de l'OIF, la Francophonie, qui représente 274 millions de locuteurs, sera composée à 85% d'Africains à l'horizon 2050.
Mais à 57 ans, Michaëlle Jean incarne une nouvelle génération et sa campagne tournée vers le développement économique de la Francophonie, en particulier en Afrique, a fait mouche à l'heure où le budget de l'OIF (financé surtout par les pays du Nord) patine sous l'effet de la crise.
Le Canada est aussi le deuxième bailleur de l'OIF, juste derrière la France, et certains ont évoqué sa puissance financière pour expliquer son succès.
A l'inverse de certains candidats africains comme Pierre Buyoya au passé putchiste, Mme Jean incarne aussi l'image d'un pays n'ayant maille à partir ni avec le respect des droits de l'Homme ni avec la démocratie, au moment où le président français François Hollande appelle les dirigeants à respecter l'ordre constitutionnel et à "tirer les leçons" de la chute fin octobre, sous la pression populaire, du président burkinabé Blaise Compaoré.
Selon une source diplomatique africaine, "la France a imposé ses règles et son candidat, tout en affirmant le contraire. Ce n'est pas l'élue qui pose problème, elle a les qualités et l'expertise requise, c'est la manière qui
pose problème".
Soft, un journal pro-pouvoir de RDC, estime d'ailleurs que la nomination de Michaëlle Jean "va laisser des traces dans les relations entre Paris et plusieurs capitales africaines".
Selon Soft, Mme Jean "aura du mal à s'imposer dans certaines capitales africaines", en particulier après l'ère Diouf qui promouvait une diplomatie d'influence auprès de ses anciens pairs pour dénouer les crises.
Le porte-parole de la présidence du Gabon, Alain-Claude Bilie By Nzé, a salué la nomination d'"une Africaine de la diaspora" et prévenu qu'il y aurait de la "déception" si elle n'agissait pas en faveur du continent car "il n'y a
pas d'OIF sans Afrique".
Pendant sa campagne, Michaëlle Jean a répété comme un mantra ses origines haïtiennes et son identité de "petite-petite-petite-fille d'esclaves" pour gagner le coeur des Africains.
"Je suis à la fois d'Afrique et des Amériques, je suis une synthèse de la Francophonie", s'est-elle targuée après sa nomination.
burs-blb/cs/mw