La Haye - Une semaine après l'abandon des poursuites contre le président kényan, la Cour pénale internationale a avancé dans la procédure contre deux proches de l'ancien chef d'Etat ivoirien Laurent Gbagbo, au risque de se voir encore taxée de pratiquer une "justice des vainqueurs".
La CPI a décidé jeudi de confirmer quatre charges de crimes contre l'humanité contre Charles Blé Goudé, qui a du coup été renvoyé en procès, et a sommé la Côte d'Ivoire de lui livrer Simone Gbagbo, l'épouse de l'ancien président.
Ils sont tous deux poursuivis pour leur rôle présumé dans les violences ayant suivi la présidentielle de 2010 qui a opposé Laurent Gbagbo au président actuel Alassane Ouattara. La crise s'était achevée par deux semaines de guerre et avait fait quelque 3.000 morts.
Charles Blé Goudé, ex-chef des "Jeunes patriotes", mouvement pro-Gbagbo extrêmement virulent, est écroué à La Haye depuis mars 2014.
Il était l'un des hommes forts de l'ancien régime. Selon le bureau du procureur de la CPI, des miliciens sous les ordres de M. Blé Goudé avaient tué, violé, brûlé vives et persécuté des centaines de personnes.
La date de son procès n'est pas encore déterminée, et la défense peut encore interjeter appel.
Simone Gbagbo est, quant à elle, détenue à Abidjan. En plus d'être poursuivie par la CPI, l'ancienne "dame de fer" est inculpée par la justice ivoirienne d'"atteinte à la sûreté de l'Etat" en lien avec la crise postélectorale.
Abidjan refuse de livrer Mme Gbagbo à la Cour pour la juger en Côte d'Ivoire, et avait soulevé une "exception d'irrecevabilité" contestant la compétence de la CPI, qui ne peut poursuivre un suspect que si la justice nationale ne peut pas ou ne veut pas le faire.
Or, la CPI a estimé jeudi que les poursuites engagées en Côte d'Ivoire ne portent pas sur les mêmes accusations, rejetant dès lors l'exception d'irrecevabilité.
- 'Général de la rue' -
Surnommé "général de la rue" pour sa capacité à mobiliser les foules, Charles Blé Goudé doit répondre de quatre chefs de crimes contre l'humanité: meurtre, viol, actes inhumains et persécution.
Il est accusé d'avoir participé à un plan commun fomenté par Laurent Gbagbo et son entourage pour conserver le pouvoir "à tout prix".
Son avocat, Nick Kaufman, a déclaré à l'AFP que M. Blé Goudé "est surpris de la décision de la Cour, qui néglige en grande partie les preuves de la défense et confirme une enquête sélective et politiquement motivée".
Le camp Gbagbo affirme que l'ancien président a été évincé en faveur de son rival Alassane Ouattara, dénonçant un "complot" qui aurait été mis sur pied par la France, l'ancienne puissance coloniale.
Laurent Gbagbo est lui aussi poursuivi par la CPI. Ecroué à La Haye, il est dans l'attente d'un procès qui doit s'ouvrir en juillet 2015.
- 'Justice des vainqueurs' -
Alors que les deux camps rivaux ont été accusés de graves crimes dans de multiples rapports, aucun partisan du président Ouattara n'a encore été inquiété par la CPI, ce qui lui vaut d'être accusée de pratiquer une "justice des vainqueurs".
Le 5 décembre, le procureur de la CPI avait décidé d'abandonner les poursuites contre le président kényan Uhuru Kenyatta, faute de preuve. Cette décision avait été perçue comme un véritable camouflet pour la CPI.
Ce faux pas illustre une des plus grandes difficultés de la CPI: poursuivre de hauts responsables qui sont au pouvoir.
En effet, la CPI n'a pas sa propre force de police et doit s'en remettre à la coopération des Etats. Dans le cas de M. Kenyatta, la CPI demandait au Kenya de lui fournir des documents qui auraient pu compromettre son propre chef de l'Etat...
"Peut-être qu'on attend trop de la CPI, peut-être que le produit nous a trop bien été vendu?", s'était alors interrogé Dov Jacobs, spécialiste en justice internationale à l'université de Leiden (Pays-Bas).
Avec Charles Blé Goudé et Simone Gbagbo, la CPI avance sur deux dossiers très différents de l'affaire Kenyatta: ils se trouvent dans le camp des vaincus.
Mais même le dossier kényan n'est pas tout à fait enterré pour la Cour. Le vice-président en exercice, William Ruto, est actuellement jugé à La Haye.
ndy/cjo/tmo
La CPI a décidé jeudi de confirmer quatre charges de crimes contre l'humanité contre Charles Blé Goudé, qui a du coup été renvoyé en procès, et a sommé la Côte d'Ivoire de lui livrer Simone Gbagbo, l'épouse de l'ancien président.
Ils sont tous deux poursuivis pour leur rôle présumé dans les violences ayant suivi la présidentielle de 2010 qui a opposé Laurent Gbagbo au président actuel Alassane Ouattara. La crise s'était achevée par deux semaines de guerre et avait fait quelque 3.000 morts.
Charles Blé Goudé, ex-chef des "Jeunes patriotes", mouvement pro-Gbagbo extrêmement virulent, est écroué à La Haye depuis mars 2014.
Il était l'un des hommes forts de l'ancien régime. Selon le bureau du procureur de la CPI, des miliciens sous les ordres de M. Blé Goudé avaient tué, violé, brûlé vives et persécuté des centaines de personnes.
La date de son procès n'est pas encore déterminée, et la défense peut encore interjeter appel.
Simone Gbagbo est, quant à elle, détenue à Abidjan. En plus d'être poursuivie par la CPI, l'ancienne "dame de fer" est inculpée par la justice ivoirienne d'"atteinte à la sûreté de l'Etat" en lien avec la crise postélectorale.
Abidjan refuse de livrer Mme Gbagbo à la Cour pour la juger en Côte d'Ivoire, et avait soulevé une "exception d'irrecevabilité" contestant la compétence de la CPI, qui ne peut poursuivre un suspect que si la justice nationale ne peut pas ou ne veut pas le faire.
Or, la CPI a estimé jeudi que les poursuites engagées en Côte d'Ivoire ne portent pas sur les mêmes accusations, rejetant dès lors l'exception d'irrecevabilité.
- 'Général de la rue' -
Surnommé "général de la rue" pour sa capacité à mobiliser les foules, Charles Blé Goudé doit répondre de quatre chefs de crimes contre l'humanité: meurtre, viol, actes inhumains et persécution.
Il est accusé d'avoir participé à un plan commun fomenté par Laurent Gbagbo et son entourage pour conserver le pouvoir "à tout prix".
Son avocat, Nick Kaufman, a déclaré à l'AFP que M. Blé Goudé "est surpris de la décision de la Cour, qui néglige en grande partie les preuves de la défense et confirme une enquête sélective et politiquement motivée".
Le camp Gbagbo affirme que l'ancien président a été évincé en faveur de son rival Alassane Ouattara, dénonçant un "complot" qui aurait été mis sur pied par la France, l'ancienne puissance coloniale.
Laurent Gbagbo est lui aussi poursuivi par la CPI. Ecroué à La Haye, il est dans l'attente d'un procès qui doit s'ouvrir en juillet 2015.
- 'Justice des vainqueurs' -
Alors que les deux camps rivaux ont été accusés de graves crimes dans de multiples rapports, aucun partisan du président Ouattara n'a encore été inquiété par la CPI, ce qui lui vaut d'être accusée de pratiquer une "justice des vainqueurs".
Le 5 décembre, le procureur de la CPI avait décidé d'abandonner les poursuites contre le président kényan Uhuru Kenyatta, faute de preuve. Cette décision avait été perçue comme un véritable camouflet pour la CPI.
Ce faux pas illustre une des plus grandes difficultés de la CPI: poursuivre de hauts responsables qui sont au pouvoir.
En effet, la CPI n'a pas sa propre force de police et doit s'en remettre à la coopération des Etats. Dans le cas de M. Kenyatta, la CPI demandait au Kenya de lui fournir des documents qui auraient pu compromettre son propre chef de l'Etat...
"Peut-être qu'on attend trop de la CPI, peut-être que le produit nous a trop bien été vendu?", s'était alors interrogé Dov Jacobs, spécialiste en justice internationale à l'université de Leiden (Pays-Bas).
Avec Charles Blé Goudé et Simone Gbagbo, la CPI avance sur deux dossiers très différents de l'affaire Kenyatta: ils se trouvent dans le camp des vaincus.
Mais même le dossier kényan n'est pas tout à fait enterré pour la Cour. Le vice-président en exercice, William Ruto, est actuellement jugé à La Haye.
ndy/cjo/tmo