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Société Publié le dimanche 23 août 2015 | AIP

Interview/ Hyacinthe Kakou (DR Culture Haut-Sassandra) : "Nous voulons faire de Daloa un espace de rencontre culturelle"

Daloa- Souvent reléguée au second plan dans notre administration ou au niveau des collectivités territoriales, la culture a pourtant sa place dans le développement socioéconomique des régions en général et du Haut-Sassandra en particulier. Car en plus d’être un facteur essentiel pour l’épanouissement de la société, elle a une valeur marchande incontestable que tâche de démontrer le Directeur Régional de la Culture et de la Francophonie dans cette interview accordée à l’AIP.

Interview réalisée par Bernard Yao Yoboué (AIP Daloa)

AIP : Quelle est la mission assignée à une direction Régionale de la Culture et de la Francophonie comme la vôtre?


Hyacinthe Kakou : Il faut préciser que Le ministère de la Culture et de la Francophonie dont nous sommes un de ses services extérieurs, assure la mise en œuvre et le suivi politique du Gouvernement concernant les Arts et la Culture. Ainsi, la direction régionale de la Culture et de la Francophonie du Haut-Sassandra a pour principales tâches, selon les recommandations de la feuille de route, de mener des actions permettant la mise en œuvre des activités susceptibles de rendre visible et mesurable le fonctionnement de l’administration culturelle régionale en synergie avec l’ensemble des services publics, privés et associatifs, en ayant présent à l’esprit l’exigence d’un comportement qui favorise la réconciliation nationale, la paix et la cohésion sociale.
Nous avons aussi pour mission d’installer le livre et la lecture publique par la mise sur pied d’une bibliothèque fonctionnelle dans les locaux de la direction régionale et l’organisation d’activités diverses autour du livre.
Il nous incombe d’assurer la sauvegarde et la promotion du patrimoine culturel régional ; à savoir : l’identification des sites et monuments natu rels et culturels ; l’identification des infrastructures culturelles, des langues nationales et des trésors humains vivants ; la sensibilisation des responsables de l’administration déconcentrée et décentralisée à l’inscription dans leur programme d’investissement de centres culturels, de musées, de bibliothèques et de salles de spectacles…
Nous devons participer activement à l’échelle régionale à l’implantation et à la mise en œuvre des festivals initiés ou accompagnés par le ministère, au recrutement, à l’encadrement et à la mise en relation des Artistes et des groupes artistiques locaux avec les projets de financement et de formation, à l’animation des établissements secondaires et universitaires (clubs littéraires, de peinture, de photographie et les troupes art istiques…
Vaste programme que voilà !

AIP : Quel était l’état des lieux à votre arrivée et maintenant. Les choses ont-elles évolué positivement ?

HK : À notre arrivée en février 2013, la direction régionale de la Culture et de la Francophonie ne se portait pas mal. Nos prédécesseurs ont abattu un travail important et ont donné déjà une visibilité au service. Ils avaient déjà commencé à tracer les sillons des activités essentielles qui nous incombent ; faire des pré-inventaires ; des conférences, des concours littéraires et culturelles ; ils avaient noué un réseau de relations important avec les responsables des collectivités locales.
Mais la crise militaro-politique était passée par là, et certains de ces acquis ont & eacute;té annihilés. En matière de moyens techniques, nous avons perdu des outils informatiques, des fonds documentaires, etc.
Cependant, le ministre de la Culture et de la Francophonie M. Maurice Kouakou Bandama n’est pas resté inactif. Il nous a permis de reconstituer le matériel informatique, la bibliothèque. Grâce au Conseil régional du Haut-Sassandra, et à des maisons d’édition comme FratMat Editions, Matrice Editions, Vallesse, Encre bleue, Balafons, Éburnie, et quelques autres encore, nous avons donné un peu plus de relief aux concours de dictée et de lecture des Journées de la Francophonie qui s’est, outre Daloa, élargi à deux autres départements : Zoukougbeu et Issia avec des Prix plus conséquents : des dictionnaires, des encyclopédies, des tablettes et ordinateurs. Nous venons, pour mieux couvrir la région , de recevoir une 4X4. C’est un outil de travail essentiel pour nous.

AIP : Quels sont les défis à relever en ce qui concerne votre mission ou les objectifs recherchés ?

HK : Il faut procéder à l’inventaire des richesses culturelles de cette région qui a un énorme potentiel ! Faire de Daloa, le chef-lieu de la région du Haut-Sassandra, un espace de rencontre culturelle où passent des troupes de théâtre, des écrivains, des conférenciers, des expositions et où existent des festivals.
Nous travaillons à cela déjà ! Nous avions dans le domaine du spectacle, l’année dernière, fait venir ici Bacome Niaba , une grande chorégraphe et enseignante de danse à l’INSAAC, et cette année, à deux reprises, Noëlle Kalou, que je considère comme la plus grande tragédi enne ivoirienne. En matière d’expositions, nous envisageons d’y exposer les œuvres du célèbre dessinateur Bruly Bouabré, par exemple. Nous avons avec nous un ministre et un préfet de région qui nous y encouragent.

AIP : Quelles sont les perceptives internes d’actions culturelles -ce qu’il y a lieu de faire pour que la culture décolle véritablement au niveau de la région ?

HK : C’est d’une prise de conscience collective vis-à-vis de l’importance de la culture qu’il faut au départ. Il faudrait que les uns et les autres réalisent que la culture est à la base de tout développement et qu’elle ne devrait pas être la dernière roue de la charrue.
Que dans les moindres localités de la région l’on attache du prix à la culture comme levier de sauvegarde et de promo tion de valeurs morales et artistiques et de développement socio-économique, et non comme moyen d’assouvir des intérêts bassement égoïstes, et individuels ! Voyez donc ; cette année dans le cadre de la Semaine Nationale des Arts et de la Culture (SNAC) qui s’est déroulé à Bouaké, nous avons réussi à qualifier un groupe de "danse de panthère" dans le département de Vavoua, essentiellement composé de jeunes gens qui sortaient fraichement de la forêt sacrée.
Mais à notre grande surprise, tous ces jeunes danseurs qui nous avaient épatés lors des présélections avaient été radicalement remplacés, en dernière minute, par des vieillards qui éprouvaient du mal à danser et étaient au bord de l’évanouissement, dès le moindre mouvement. P arce qu’ils croyaient, sans doute, qu’ils reviendraient de Bouaké les poches pleines de billets de banque !
Pour que la culture décolle, le Conseil régional et les mairies devraient participer à sa promotion en octroyant des aides à ses acteurs ; en apportant des appuis à ceux-ci ou /et en soutenant ou en organisant des salons, expositions et festivals.

AIP : S’agissant des concours de dictée et de lecture des Journées de la Francophonie que vous organisez chaque année à l’intention des élèves du Haut-Sassandra, quel bilan faites-vous ? Qu’est-ce qu’il y a lieu de faire pour le parfaire ?

HK : Ce double concours de Dictée et de Lecture est une de nos activités phare ! Il a pris de l’importance et connaît un réel engouement auprès des élèves et de leurs encadreurs. Nous avons, c ette année encore, récompensé une trentaine d’élèves lauréats du Primaire et du Secondaire de Daloa, Zoukougbeu, et Issia avec des prix importants. Cela grâce au parrainage du Conseil Régional et à l’appui de quelques maisons d’édition de la Capitale économique.
Nous avons réussi par le biais des épreuves de dictée des présélections à faire passer en direction des apprenants, un message relatif au « vivre ensemble » avec des textes exhortant aux relations interethniques harmonieuses et aux modes de règlements de conflits à la lumière de nos richesses culturelles pour répondre aux justes recommandations du ministre de la Culture et de la Francophonie.
Mais pour porter à maturité cette activité que nous voulons l’année prochaine ouvrir au quatrième d&eac ute;partement de la région : Vavoua, il nous faut d’avantage de personnel et de moyens. Comme les candidats se feront plus nombreux sur les quatre niveaux de compétion : CM, 6e -5e, 4e -3e, 2e ,1ere, Terminale, il nous faudrait récompenser au-delà des quatre premiers de chaque épreuve et à tous les niveaux. Et cela a un coût auquel il faut faire face.
Si nous continuons à bénéficier de l’aide du Conseil Régional qui fait déjà beaucoup pour nous, et de l’appui de quelques maisons d’édition, on attend beaucoup des Mairies de ces départements qui ne se sont pas encore manifestés.
Autrement, nous serions obligés de limiter cette activité, hélas, à deux villes. Mais nous espérons vivement ne pas y être contraint.
La Direction Régionale de l’Education Nationale et de l’Ensei gnement Technique, partenaire de cette activité, nous aide énormément, en nous prêtant ses éducateurs, ses classes, ses maîtres. Cependant, il nous faut encore plus de moyens en amont pour mener un travail préparatoire.
Et il nous faudra - sans aucun doute - intéresser davantage tous ces bénévoles qui nous offrent leur aide en leur décernant également - pourquoi pas ?-, quelques prix.

AIP : Enfin, est-ce que la chose culture a véritablement sa place dans le développement socio-économique de la région ? Quel appel faites vous pour amener les populations à s’y intéresser, quand on sait que le théâtre et le cinéma, par exemple, sont inexistants ici ?

HK : Oui bien sûr ! La culture a bien sa place dans le développement socio-économique de la région du Haut-Sassandra. En plus d&r squo;être un facteur essentiel pour l’épanouissement de la société, la culture a une valeur marchande incontestable.
La réputation des masques bété, gouro , gnabwa dépasse largement les frontières de notre région. Les rythmes de ce terroir ont inspiré et continuent d’inspirer des générations d’artistes chanteurs et musiciens en Afrique, et même au-delà du Continent africain.
Le Tohourou, une forme de chant-poésie pratiquée dans la région est prisée par les populations locales et inspire de nombreux créateurs.
La danse de panthères est un spectacle formidable aussi envoûtant que les danses zoulou et pourrait bien faire le tour du monde ! À la SNAC 2014, la Danse de Panthères de Liabo dans le département de Zoukougbeu a séduit les festivaliers qui la découvraien t.
La valeur des dessins du dessinateur -philosophe Frédéric Bruly Bouabré se chiffre à des milliards de nos francs.
C’est dire que la culture a tout à fait sa place dans cette région riche sur le plan artistique.
Vous avez raison, le cinéma est inexistant dans cette région ; comme dans toutes les régions du pays. Sans doute à cause du manque de salles de projection. Toutefois, les acteurs de cette région tels que Michel Bohiri et Michel Gohou, pour ne citer que ceux-là, font les beaux jours du cinéma ivoirien, voire africain.
Mais le théâtre existe tout de même ici. Il y a des troupes de théâtre, et un potentiel réel qu’il va devoir encadrer. D’autre part, des troupes de théâtre et des comédiens de renom de la capitale ont joué à Daloa : le Soleil de Cocody, de Vincent Diallo Ticouai, Pacome Niaba, Noëlle Kalou, qui a vraiment séduit un public d’élèves et d’enseignants.

Vous savez la Culture rapporte gros à certains pays comme les Etats-Unis. Savez-vous qu’en 2011, l'industrie culturelle a représenté 3,2% du PIB de la France ? La culture a dégagé 57,8 milliards d'euros de valeur ajoutée en 2011. Soit quasiment au même niveau que l'industrie agroalimentaire. Avec ces résultats, au pays de Molière, la valeur ajoutée de la culture s'approche de celle de l'agriculture et des industries alimentaires (60,4 milliards d'euros). Elle est deux fois plus importante que celle des télécommunications (25,5 milliards) et sept fois supérieure à celle du secteur de l'industrie automobile (8,6 milliards).


yy/tm
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