Feu roulant de questions ? Non, plutôt, une conversation autour d’une table où l’essentiel est passée en revue : la cyber-attaque, ses relations avec son actionnaire France Télévisions, sa stratégie face à la mutation numérique, son avenir en Afrique avec l’arrivée progressive de la TNT…
Diasporas-News : Comment se porte la « maison » depuis la cyber-attaque d’avril dernier ?
Yves BIGOT : Elle se porte comme un convalescent. C’est un acte qui fera date, dans l’histoire du media et du cyberespace : qu’une chaîne de télévision soit attaquée avec une telle force. Avec un objectif : nous détruire ! En tout cas, c’est validé à 100% par l’Agence Nationale de Sécurité des Services d’Information (ANSSI) qui a délégué une quinzaine d’ingénieurs ici avec nous et ce pendant six semaines.
Cela fait maintenant plus de cinq mois qu’on travaille sans Wifi, sans internet, sans Skype, sans clé USB. On est en train seulement de penser à se raccorder. Et surtout cette attaque informatique va nous coûter 5 millions €uros sur l’année 2015 ; 2,5 millions €uros de manière récurrente les années suivantes. Nous avons de gros frais de remplacement de nos multiplex de diffusion, nos encodeurs ainsi que tout le matériel informatique.
Il faut aussi compter la pénibilité pour le personnel. Par exemple : une tâche simple de dix minutes - confiée initialement à une seule personne - va prendre deux heures avec trois personnes. On doit maintenant procéder à la formation des 400 collaborateurs de TV5 Monde à la nouvelle sécurité informatique.
D-N : La survie de TV5 Monde est-elle en jeu ?
Y B : Elle aurait pu l’être ! Si au moment de cette attaque, notre équipe informatique n’avait pas été présente et n’avait pas eu la présence d’esprit de déconnecter nos services du réseau Internet, tout aurait été détruit. Par conséquent, on n’aurait pas mis huit heures avant de pouvoir réémettre mais huit semaines. Et surtout, le préjudice financier aurait pu se chiffrer à une vingtaine de millions d’€uros plutôt que cinq millions d’€uros. Nous sommes toujours en recherche du financement de ces cinq millions d’€uros. J’espère arriver partiellement à les couvrir alors que nous n’aurions eu aucune chance à joindre les deux bouts sur un préjudice de vingt millions d’€uros.
D-N : En quelques mots et en quelques chiffres, qu’est-ce-que la galaxie TV5 Monde aujourd’hui ?
Y B : Aujourd’hui, c’est douze chaînes : neuf généralistes et trois thématiques. Les généralistes sont découpées en fonction des diverses zones géographiques du monde dont TV5 Afrique, TV5 Moyen-Orient. Nous avions également une chaîne spécifique pour un pays et non pas un continent ; il s’agit du Brésil et des Etats-Unis. En ce qui concerne les chaînes thématiques, il y a la chaîne « Enfant » pour les Etats-Unis qu’on espère toujours diffuser en Afrique pour bientôt ; ensuite TV5 Monde « Style » - lancée trois heures avant la cyber-attaque le 8 avril – diffusée sur l’ensemble de la zone Asie-Pacifique et du monde Arabe (y compris l’Egypte, la Libye et les trois pays du Maghreb) ; et enfin une chaîne de « fil info » qui est diffusée à l’ONU et incessamment aux Etats-Unis.
Nous sommes présents aujourd’hui sur l’ensemble des pays membres de l’ONU soient 197 pays et même la Corée du Nord ! Nous sommes revenus en Iran depuis moins d’un an maintenant. Les pays où nous sommes le plus distribués c’est-à-dire où le plus foyer reçoit TV5 Monde sont l’Inde, ensuite l’Allemagne. Les pays où on est le plus regardé sont : d’abord, la République Démocratique du Congo (RDC) : 9 millions de téléspectateurs par semaine grâce aux deux émetteurs hertziens de Kinshasa, de Lubumbashi et on a l’intention de rouvrir celui de Goma bientôt ; ensuite, la Côte d’Ivoire et enfin la Roumanie.
On estime à peu près nos téléspectateurs à 55 millions par semaine. De nos propres chiffres, nous garantissons 35 millions de téléspectateurs sur 26 pays. Grâce à une extrapolation, nous obtenons un chiffre de l’ordre de 50 millions pour les 197 pays. En Afrique, nous arrivons à environ 14 millions de foyers qui regardent TV5 Monde. Et nos meilleures audiences se réalisent en RDC, en Côte d’Ivoire, en RCA, en Guinée.
D-N : Le groupe France Télévisions est actionnaire de TV5 Monde, la nomination récente de Delphine Ernotte à sa tête ne fera pas craindre une incidence au niveau de la stratégie ?
Y B : Il n’y a pas de raison. Nous accueillerons madame Delphine Ernotte lors de notre prochain conseil d’administration du 21 octobre prochain. France Télévisions détient 49% de nos titres et il a une responsabilité vis-à-vis de nous. Il s’agit en fait d’un système à deux niveaux : nous sommes financés par cinq Etats (la France, la Suisse, le Canada, le Québec, la fédération Wallonie-Bruxelles). Mais au sein de notre conseil d’administration, ce sont leurs télévisions publiques – fournisseurs de nos programmes - qui représentent les Etats, véritables actionnaires.
Ceci dit, il pourrait y avoir une stratégie à la marge au sein de France Télévisions avec un impact positif ou légèrement négatif sur TV5 Monde ; mais ne modifie pas sa responsabilité vis-à-vis de nous.
D-N : Que pensez-vous du projet de lancement d’une nouvelle « chaîne info » publique en continu entre France Télévisions et Radio France ?
Y B : Et France Info surtout ! On rappelle que TV5 Monde n’est pas une chaîne d’informations mais un diffuseur francophone culturel mondial. On fait de l’information multilatérale [pas que française]. Nous avions créée, il y a presque deux ans, « 64 mn, le monde en français » qui est le premier journal télévisé quotidien en français au monde. C’est pour bien marquer nos différences ; il ne s’agit pas que de l’information française mais partagée, coproduite par nos propres rédactions ainsi que celles de France 2, France 3 ; mais aussi de la RTBF, de RTS, de Radio-Canada. Et j’insiste, nous sommes un diffuseur culturel avec des œuvres, des documentaires, des concerts…
Nous sommes intéressés par ce nouveau projet ; il est trop tôt pour le faire et d’autant plus, qu’on n’a pas encore eu de contact officiel avec la nouvelle présidente de France Télévisions. Cette idée de chaîne d’informations, j’en discute depuis fort longtemps avec le directeur de France Info Laurent Guimier, qui lui est officiellement dans ce projet.
D-N : Dans un audiovisuel en profonde mutation (TNT, chaînes gratuites), quel est le business-model de TV5 Monde ?
Y B : Une stratégie, oui ; un business-model, non dans la mesure nous sommes une télévision de service public. A ce titre, la rentabilité n’est pas le critère premier. En revanche, on se focalise davantage sur la part d’autofinancement via la publicité (en Afrique) ou les revenus de distribution (Amérique, Asie) grâce à la diffusion sur des bouquets payants. Sur le continent africain, la publicité nous génère une progression de recettes de l’ordre de 20% annuel depuis maintenant trois ans.
Par rapport à la TNT, TV5 Monde a une double particularité. D’une part, l’Afrique francophone, nous avons le « must carry » auquel s’engagent tous les chefs d’Etat membres de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) : nous autoriser à diffuser gratuitement sur leur territoire. Donc, TV5 Monde sera disponible sur les bouquets TNT de chaque pays dès que la technologie permettra le basculement. D’autre part, il reste la question de l’Afrique non-francophone où ce sont souvent les chinois qui opèrent sur la TNT. Nos sommes sur la plupart des bouquets pour la raison suivante : TV5 Monde a une présence historique et même Canal+ nous utilise comme un produit d’appel de par notre notoriété et nos fortes audiences. Sachant que hors des pays francophones, nous sommes sous-titrés en anglais et en espagnol voire en portugais.
D-N : En Afrique, le développement économique bouleverse également le paysage audio-visuel : concurrence accrue, lancement de chaînes privées en langue française ou locale…
Y B : Oui mais çà c’est la vie ! La concurrence bénéficie aux téléspectateurs africains. Je sais que beaucoup vivent mal le fait de ne plus être en situation de monopole ou en position dominante. Mais cela nous oblige tous à être le meilleur en remettant en cause la manière dont on conçoit nos programmes. En Afrique, nous sommes certes en concurrence avec Canal+ dans plusieurs domaines (comme le droit sportif de diffusion de la CAN, la production de séries africaines) ; mais nous sommes également partenaires complémentaires car il nous distribue sur leur bouquet. Ils sont sur une logique financière ; tandis que TV5 Monde reste sur le gratuit avec une diffusion plus large. Pour nous (TV5 Afrique ou Maghreb), l’enjeu c’est de rester parmi les chaînes qui sont consommées par les téléspectateurs, qui, par expérience ne peuvent que regarder une quinzaine de chaînes au maximum. Et ceci passe par l’amélioration de nos programmes comme les existants tels que le journal « Afrique », « 64 mn », « Africanité ». Sachez que nous avions obtenu le droit de diffusion des Jeux Olympiques de Rio 2016 avec six heures de direct par jour et un focus sur un athlète du continent. Je reviens sur « Africanité » sur laquelle nous avions été surpris par le nombre de retour de la part des téléspectateurs de la diaspora ; même des Etats-Unis. Donc, lorsque TV5 Monde parle de l’Afrique, nous nous adressons aux africains dans toute sa diversité.
D-N : TV5 Monde participe également à la création, le renforcement de la sécurité informatique ne se fera-t-il pas au détriment de votre participation dans la co-production ?
Y B : D’abord, on espère que les Etats qui nous financent, feront en sorte que l’activité de TV5 Monde ne soit pas impactée par ces coûts. Et si c’est le cas (de manière marginale), on fera en sorte que ses dépenses supplémentaires soient négociées et absorbées dans d’autres postes pour éviter d’avoir de conséquences sur le travail de la rédaction ou d’implication sur les budgets de production de films et de séries télévisées.
D-N : Le salut du groupe TV5 Monde ne viendrait-elle pas de l’avènement d’internet : TV5 Web ?
Y B : Comme toutes les entreprises de médias, d’audio-visuels, la transformation numérique de l’entreprise est essentielle. En ce qui nous concerne, elle était en cours lorsque la cyber-attaque est intervenue. Cela nous fait perdre non seulement du temps dans notre développement, mais aussi des internautes. On va reprendre dès que possible l’intégration du numérique y compris dans la transformation et la conception des programmes. Aujourd’hui, nous sommes au milieu du gué de notre plan pluriannuel 2013-2016 sur la double affirmation de notre francophonie d’un côté et de notre rôle de diffuseur culturel de l’autre. Nous entamons actuellement ce qui sera notre plan stratégique 2017-2020 avec une seule ligne directrice : « pensons numérique ». Bien-sûr que nous garderons notre mode de diffusion linéaire avec ses rendez-vous à l’heure fixe. Mais nous basculerons sur les applications, ou sur WebTV dès que nous avions des informations essentielles alors qu’aujourd’hui le numérique est le complément du linéaire. C’est l’inversion du paradigme !
D-N : Voilà ! Vous allez ainsi abandonner l’Afrique qui manque de connexion numérique…
Y B : Non, puisque Jean-Louis Borloo s’occupe de l’électrification. On mènera tous les deux le front mais qu’il en ait un qui soit plus rapide que l’autre. Qu’on puisse déjà jouer sur les deux tableaux pour ceux qui sont déjà connectés !
Alex ZAKA
Diasporas-News : Comment se porte la « maison » depuis la cyber-attaque d’avril dernier ?
Yves BIGOT : Elle se porte comme un convalescent. C’est un acte qui fera date, dans l’histoire du media et du cyberespace : qu’une chaîne de télévision soit attaquée avec une telle force. Avec un objectif : nous détruire ! En tout cas, c’est validé à 100% par l’Agence Nationale de Sécurité des Services d’Information (ANSSI) qui a délégué une quinzaine d’ingénieurs ici avec nous et ce pendant six semaines.
Cela fait maintenant plus de cinq mois qu’on travaille sans Wifi, sans internet, sans Skype, sans clé USB. On est en train seulement de penser à se raccorder. Et surtout cette attaque informatique va nous coûter 5 millions €uros sur l’année 2015 ; 2,5 millions €uros de manière récurrente les années suivantes. Nous avons de gros frais de remplacement de nos multiplex de diffusion, nos encodeurs ainsi que tout le matériel informatique.
Il faut aussi compter la pénibilité pour le personnel. Par exemple : une tâche simple de dix minutes - confiée initialement à une seule personne - va prendre deux heures avec trois personnes. On doit maintenant procéder à la formation des 400 collaborateurs de TV5 Monde à la nouvelle sécurité informatique.
D-N : La survie de TV5 Monde est-elle en jeu ?
Y B : Elle aurait pu l’être ! Si au moment de cette attaque, notre équipe informatique n’avait pas été présente et n’avait pas eu la présence d’esprit de déconnecter nos services du réseau Internet, tout aurait été détruit. Par conséquent, on n’aurait pas mis huit heures avant de pouvoir réémettre mais huit semaines. Et surtout, le préjudice financier aurait pu se chiffrer à une vingtaine de millions d’€uros plutôt que cinq millions d’€uros. Nous sommes toujours en recherche du financement de ces cinq millions d’€uros. J’espère arriver partiellement à les couvrir alors que nous n’aurions eu aucune chance à joindre les deux bouts sur un préjudice de vingt millions d’€uros.
D-N : En quelques mots et en quelques chiffres, qu’est-ce-que la galaxie TV5 Monde aujourd’hui ?
Y B : Aujourd’hui, c’est douze chaînes : neuf généralistes et trois thématiques. Les généralistes sont découpées en fonction des diverses zones géographiques du monde dont TV5 Afrique, TV5 Moyen-Orient. Nous avions également une chaîne spécifique pour un pays et non pas un continent ; il s’agit du Brésil et des Etats-Unis. En ce qui concerne les chaînes thématiques, il y a la chaîne « Enfant » pour les Etats-Unis qu’on espère toujours diffuser en Afrique pour bientôt ; ensuite TV5 Monde « Style » - lancée trois heures avant la cyber-attaque le 8 avril – diffusée sur l’ensemble de la zone Asie-Pacifique et du monde Arabe (y compris l’Egypte, la Libye et les trois pays du Maghreb) ; et enfin une chaîne de « fil info » qui est diffusée à l’ONU et incessamment aux Etats-Unis.
Nous sommes présents aujourd’hui sur l’ensemble des pays membres de l’ONU soient 197 pays et même la Corée du Nord ! Nous sommes revenus en Iran depuis moins d’un an maintenant. Les pays où nous sommes le plus distribués c’est-à-dire où le plus foyer reçoit TV5 Monde sont l’Inde, ensuite l’Allemagne. Les pays où on est le plus regardé sont : d’abord, la République Démocratique du Congo (RDC) : 9 millions de téléspectateurs par semaine grâce aux deux émetteurs hertziens de Kinshasa, de Lubumbashi et on a l’intention de rouvrir celui de Goma bientôt ; ensuite, la Côte d’Ivoire et enfin la Roumanie.
On estime à peu près nos téléspectateurs à 55 millions par semaine. De nos propres chiffres, nous garantissons 35 millions de téléspectateurs sur 26 pays. Grâce à une extrapolation, nous obtenons un chiffre de l’ordre de 50 millions pour les 197 pays. En Afrique, nous arrivons à environ 14 millions de foyers qui regardent TV5 Monde. Et nos meilleures audiences se réalisent en RDC, en Côte d’Ivoire, en RCA, en Guinée.
D-N : Le groupe France Télévisions est actionnaire de TV5 Monde, la nomination récente de Delphine Ernotte à sa tête ne fera pas craindre une incidence au niveau de la stratégie ?
Y B : Il n’y a pas de raison. Nous accueillerons madame Delphine Ernotte lors de notre prochain conseil d’administration du 21 octobre prochain. France Télévisions détient 49% de nos titres et il a une responsabilité vis-à-vis de nous. Il s’agit en fait d’un système à deux niveaux : nous sommes financés par cinq Etats (la France, la Suisse, le Canada, le Québec, la fédération Wallonie-Bruxelles). Mais au sein de notre conseil d’administration, ce sont leurs télévisions publiques – fournisseurs de nos programmes - qui représentent les Etats, véritables actionnaires.
Ceci dit, il pourrait y avoir une stratégie à la marge au sein de France Télévisions avec un impact positif ou légèrement négatif sur TV5 Monde ; mais ne modifie pas sa responsabilité vis-à-vis de nous.
D-N : Que pensez-vous du projet de lancement d’une nouvelle « chaîne info » publique en continu entre France Télévisions et Radio France ?
Y B : Et France Info surtout ! On rappelle que TV5 Monde n’est pas une chaîne d’informations mais un diffuseur francophone culturel mondial. On fait de l’information multilatérale [pas que française]. Nous avions créée, il y a presque deux ans, « 64 mn, le monde en français » qui est le premier journal télévisé quotidien en français au monde. C’est pour bien marquer nos différences ; il ne s’agit pas que de l’information française mais partagée, coproduite par nos propres rédactions ainsi que celles de France 2, France 3 ; mais aussi de la RTBF, de RTS, de Radio-Canada. Et j’insiste, nous sommes un diffuseur culturel avec des œuvres, des documentaires, des concerts…
Nous sommes intéressés par ce nouveau projet ; il est trop tôt pour le faire et d’autant plus, qu’on n’a pas encore eu de contact officiel avec la nouvelle présidente de France Télévisions. Cette idée de chaîne d’informations, j’en discute depuis fort longtemps avec le directeur de France Info Laurent Guimier, qui lui est officiellement dans ce projet.
D-N : Dans un audiovisuel en profonde mutation (TNT, chaînes gratuites), quel est le business-model de TV5 Monde ?
Y B : Une stratégie, oui ; un business-model, non dans la mesure nous sommes une télévision de service public. A ce titre, la rentabilité n’est pas le critère premier. En revanche, on se focalise davantage sur la part d’autofinancement via la publicité (en Afrique) ou les revenus de distribution (Amérique, Asie) grâce à la diffusion sur des bouquets payants. Sur le continent africain, la publicité nous génère une progression de recettes de l’ordre de 20% annuel depuis maintenant trois ans.
Par rapport à la TNT, TV5 Monde a une double particularité. D’une part, l’Afrique francophone, nous avons le « must carry » auquel s’engagent tous les chefs d’Etat membres de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) : nous autoriser à diffuser gratuitement sur leur territoire. Donc, TV5 Monde sera disponible sur les bouquets TNT de chaque pays dès que la technologie permettra le basculement. D’autre part, il reste la question de l’Afrique non-francophone où ce sont souvent les chinois qui opèrent sur la TNT. Nos sommes sur la plupart des bouquets pour la raison suivante : TV5 Monde a une présence historique et même Canal+ nous utilise comme un produit d’appel de par notre notoriété et nos fortes audiences. Sachant que hors des pays francophones, nous sommes sous-titrés en anglais et en espagnol voire en portugais.
D-N : En Afrique, le développement économique bouleverse également le paysage audio-visuel : concurrence accrue, lancement de chaînes privées en langue française ou locale…
Y B : Oui mais çà c’est la vie ! La concurrence bénéficie aux téléspectateurs africains. Je sais que beaucoup vivent mal le fait de ne plus être en situation de monopole ou en position dominante. Mais cela nous oblige tous à être le meilleur en remettant en cause la manière dont on conçoit nos programmes. En Afrique, nous sommes certes en concurrence avec Canal+ dans plusieurs domaines (comme le droit sportif de diffusion de la CAN, la production de séries africaines) ; mais nous sommes également partenaires complémentaires car il nous distribue sur leur bouquet. Ils sont sur une logique financière ; tandis que TV5 Monde reste sur le gratuit avec une diffusion plus large. Pour nous (TV5 Afrique ou Maghreb), l’enjeu c’est de rester parmi les chaînes qui sont consommées par les téléspectateurs, qui, par expérience ne peuvent que regarder une quinzaine de chaînes au maximum. Et ceci passe par l’amélioration de nos programmes comme les existants tels que le journal « Afrique », « 64 mn », « Africanité ». Sachez que nous avions obtenu le droit de diffusion des Jeux Olympiques de Rio 2016 avec six heures de direct par jour et un focus sur un athlète du continent. Je reviens sur « Africanité » sur laquelle nous avions été surpris par le nombre de retour de la part des téléspectateurs de la diaspora ; même des Etats-Unis. Donc, lorsque TV5 Monde parle de l’Afrique, nous nous adressons aux africains dans toute sa diversité.
D-N : TV5 Monde participe également à la création, le renforcement de la sécurité informatique ne se fera-t-il pas au détriment de votre participation dans la co-production ?
Y B : D’abord, on espère que les Etats qui nous financent, feront en sorte que l’activité de TV5 Monde ne soit pas impactée par ces coûts. Et si c’est le cas (de manière marginale), on fera en sorte que ses dépenses supplémentaires soient négociées et absorbées dans d’autres postes pour éviter d’avoir de conséquences sur le travail de la rédaction ou d’implication sur les budgets de production de films et de séries télévisées.
D-N : Le salut du groupe TV5 Monde ne viendrait-elle pas de l’avènement d’internet : TV5 Web ?
Y B : Comme toutes les entreprises de médias, d’audio-visuels, la transformation numérique de l’entreprise est essentielle. En ce qui nous concerne, elle était en cours lorsque la cyber-attaque est intervenue. Cela nous fait perdre non seulement du temps dans notre développement, mais aussi des internautes. On va reprendre dès que possible l’intégration du numérique y compris dans la transformation et la conception des programmes. Aujourd’hui, nous sommes au milieu du gué de notre plan pluriannuel 2013-2016 sur la double affirmation de notre francophonie d’un côté et de notre rôle de diffuseur culturel de l’autre. Nous entamons actuellement ce qui sera notre plan stratégique 2017-2020 avec une seule ligne directrice : « pensons numérique ». Bien-sûr que nous garderons notre mode de diffusion linéaire avec ses rendez-vous à l’heure fixe. Mais nous basculerons sur les applications, ou sur WebTV dès que nous avions des informations essentielles alors qu’aujourd’hui le numérique est le complément du linéaire. C’est l’inversion du paradigme !
D-N : Voilà ! Vous allez ainsi abandonner l’Afrique qui manque de connexion numérique…
Y B : Non, puisque Jean-Louis Borloo s’occupe de l’électrification. On mènera tous les deux le front mais qu’il en ait un qui soit plus rapide que l’autre. Qu’on puisse déjà jouer sur les deux tableaux pour ceux qui sont déjà connectés !
Alex ZAKA