Abidjan - Optimisme à Abobo. "Deuil" à Yopougon. Les
deux plus grands quartiers populaires d’Abidjan, identifiés depuis des années aux "nordistes" soutenant le président sortant Alassane Ouattara pour le premier et à l’ex-président Laurent Gbagbo pour le second, vivent à l’opposé la présidentielle ivoirienne de dimanche.
Abobo (1,5 million d’habitants), majoritairement musulmane, soutient son idole "ADO", Alassane Dramane Ouattara, également musulman.
Alors que Yopougon (2 millions d’habitants), majoritairement chrétienne, considère Laurent Gbagbo comme un héros, injustement emprisonné à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.
"Pour nous, le 25 octobre est un jour de deuil à Yopougon. Aller voter, c’est comme si je violais moi-même la Constitution", assure Daniel, installé devant son atelier de coiffure à Yopougon, la plus grande des dix communes d’Abidjan, jadis réputée pour sa vie nocturne et rendue célèbre en France par la bande dessinée Aya de Yopougon.
Il fait référence à l’accusation récurrente selon laquelle Alassane Ouattara ne serait pas éligible, car de "nationalité douteuse".
Une exclusion dont s’estimaient victimes les "nordistes" principalement musulmans et qui a débouché sur une décennie de troubles politico-militaires, achevée dans le sang avec plus de 3.000 morts lors de cinq mois d’affrontements causées par le refus de Gbagbo de reconnaître la victoire de Ouattara lors la présidentielle de 2010.
A la mi-septembre, Yopougon, la frondeuse, avait été le théâtre de manifestations contre la validation de la candidature de M. Ouattara par le Conseil constitutionnel. Des bus ont été brûlés.
Beaucoup d’habitants sont encore persuadés que Gbagbo a gagné la dernière présidentielle. Lors de la crise de 2010-2011, les forces pro-Ouattara sont accusées d’avoir commis des exactions dans le quartier.
"Sans Gbagbo, pas d’élections!" lance dame Kouakou derrière son étal de fruits placé au bord d’une rue défoncée pleine de crevasses où s’accumule des eaux de pluie.
Mme Yaba, restauratrice au milieu de ses marmites fumantes, perd le sourire quand on l’interroge sur l’élection : "Dites-moi pour qui voter alors que mes
parents croupissent dans les prisons de Ouattara?"
- ’On a trop souffert’ -
A Abobo, il y a les mêmes rues défoncées, les mêmes maisons aux toits de tôle. Mais "Abobo, c’est ADO", affirme Mariam Fofana, une vendeuse du quartier Abobo-Marley, avec une casquette, un T-Shirt et même des boucles d’oreille
Ouattara!
"Ici, c’est 100% ADO. Nous avons eu des moments pas possibles, On a trop souffert. Il y a eu 22 morts", affirme-t-elle évoquant la chute d’un obus sur le marché pendant la crise post-électorale de 2010-2011.
Abobo avait alors abrité le "commando invisible" qui harcelait alors les forces soutenant Laurent Gbagbo. Dix ans plus tôt, lors de l’arrivée de M. Gbagbo au pouvoir dans des circonstances qu’il qualifiait lui-même de "calamiteuses", 57 civils raflés à Abobo par des gendarmes avaient été retrouvés tués dans un "charnier de Yopougon", en lisière de la forêt qui sépare les deux quartiers, distants d’une demi-douzaine de kilomètres.
Les vendeuses racontent aussi comment en 2010 on les rackettait à l’entrée du quartier. "Maintenant les affaires marchent. On peut venir nous voir", souligne Traoré Amy, une couturière qui emploie six personnes.
Ousmane Ouattara, 19 ans, a lui perdu sa mère pendant la crise. Il n’a pas de travail mais compte sur ADO pour lui en trouver. "Ado va bitumer les routes, il va donner du travail aux jeunes".
Habitante du quartier, vendeuse de piments et de gombos, Bénédicte est une exception dans le quartier: elle est chrétienne. Mais elle assure qu’elle va voter pour Ouattara.
"En 2010, on était obligé de courir (pour se sauver). On avait peur. Je veux la paix et je vais voter pour mon président. Je veux vendre mes piments pour nourrir mes enfants. Pendant la crise, j’ai perdu un de mes trois enfants que j’avais envoyé au village. S’il y a guerre, on ne peut rien faire. Je veux vendre pour donner à manger à mes enfants, nourrir mon père et ma mère qui sont vieux".
ck/pgf/so/sba
deux plus grands quartiers populaires d’Abidjan, identifiés depuis des années aux "nordistes" soutenant le président sortant Alassane Ouattara pour le premier et à l’ex-président Laurent Gbagbo pour le second, vivent à l’opposé la présidentielle ivoirienne de dimanche.
Abobo (1,5 million d’habitants), majoritairement musulmane, soutient son idole "ADO", Alassane Dramane Ouattara, également musulman.
Alors que Yopougon (2 millions d’habitants), majoritairement chrétienne, considère Laurent Gbagbo comme un héros, injustement emprisonné à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.
"Pour nous, le 25 octobre est un jour de deuil à Yopougon. Aller voter, c’est comme si je violais moi-même la Constitution", assure Daniel, installé devant son atelier de coiffure à Yopougon, la plus grande des dix communes d’Abidjan, jadis réputée pour sa vie nocturne et rendue célèbre en France par la bande dessinée Aya de Yopougon.
Il fait référence à l’accusation récurrente selon laquelle Alassane Ouattara ne serait pas éligible, car de "nationalité douteuse".
Une exclusion dont s’estimaient victimes les "nordistes" principalement musulmans et qui a débouché sur une décennie de troubles politico-militaires, achevée dans le sang avec plus de 3.000 morts lors de cinq mois d’affrontements causées par le refus de Gbagbo de reconnaître la victoire de Ouattara lors la présidentielle de 2010.
A la mi-septembre, Yopougon, la frondeuse, avait été le théâtre de manifestations contre la validation de la candidature de M. Ouattara par le Conseil constitutionnel. Des bus ont été brûlés.
Beaucoup d’habitants sont encore persuadés que Gbagbo a gagné la dernière présidentielle. Lors de la crise de 2010-2011, les forces pro-Ouattara sont accusées d’avoir commis des exactions dans le quartier.
"Sans Gbagbo, pas d’élections!" lance dame Kouakou derrière son étal de fruits placé au bord d’une rue défoncée pleine de crevasses où s’accumule des eaux de pluie.
Mme Yaba, restauratrice au milieu de ses marmites fumantes, perd le sourire quand on l’interroge sur l’élection : "Dites-moi pour qui voter alors que mes
parents croupissent dans les prisons de Ouattara?"
- ’On a trop souffert’ -
A Abobo, il y a les mêmes rues défoncées, les mêmes maisons aux toits de tôle. Mais "Abobo, c’est ADO", affirme Mariam Fofana, une vendeuse du quartier Abobo-Marley, avec une casquette, un T-Shirt et même des boucles d’oreille
Ouattara!
"Ici, c’est 100% ADO. Nous avons eu des moments pas possibles, On a trop souffert. Il y a eu 22 morts", affirme-t-elle évoquant la chute d’un obus sur le marché pendant la crise post-électorale de 2010-2011.
Abobo avait alors abrité le "commando invisible" qui harcelait alors les forces soutenant Laurent Gbagbo. Dix ans plus tôt, lors de l’arrivée de M. Gbagbo au pouvoir dans des circonstances qu’il qualifiait lui-même de "calamiteuses", 57 civils raflés à Abobo par des gendarmes avaient été retrouvés tués dans un "charnier de Yopougon", en lisière de la forêt qui sépare les deux quartiers, distants d’une demi-douzaine de kilomètres.
Les vendeuses racontent aussi comment en 2010 on les rackettait à l’entrée du quartier. "Maintenant les affaires marchent. On peut venir nous voir", souligne Traoré Amy, une couturière qui emploie six personnes.
Ousmane Ouattara, 19 ans, a lui perdu sa mère pendant la crise. Il n’a pas de travail mais compte sur ADO pour lui en trouver. "Ado va bitumer les routes, il va donner du travail aux jeunes".
Habitante du quartier, vendeuse de piments et de gombos, Bénédicte est une exception dans le quartier: elle est chrétienne. Mais elle assure qu’elle va voter pour Ouattara.
"En 2010, on était obligé de courir (pour se sauver). On avait peur. Je veux la paix et je vais voter pour mon président. Je veux vendre mes piments pour nourrir mes enfants. Pendant la crise, j’ai perdu un de mes trois enfants que j’avais envoyé au village. S’il y a guerre, on ne peut rien faire. Je veux vendre pour donner à manger à mes enfants, nourrir mon père et ma mère qui sont vieux".
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