Le Président Robert Beugré Mambé, Gouverneur du District Autonome d’Abidjan, à la faveur de la conférence sur le climat, qui se tient en France, jusqu´au 11 décembre, s’est rendu vendredi 4 décembre, à Radio France, dans le 16e Arrondissement où, avec les maires de Genève, Esther Alder, et de Tunis, Saifallah Lasram, il a échangé sur le poids des grandes villes face au changement climatique. Nous vous proposons l’intégralité de son intervention.
Radio France : Gouverneur du District Autonome d’Abidjan, cela veut dire à peu près la même chose que maire ?
Robert Beugré Mambé : Un peu plus quand même.
RF : Un peu plus veut dire que cela englobe les communes aux alentours ?
RBM : Oui, toutes les 10 communes d’Abidjan et 3 autres banlieues. En plus, il y a des activités complémentaires que l’Etat peut confier au District d’Abidjan et des moyens d’actions plus renforcés.
RF : Par ailleurs, vous êtes vice-président de l’Association internationale des maires francophones.
RBM : C’est exact.
RF : Sur la question des inondations, vous êtes assez sensible à Abidjan puisqu’il y a eu notamment en août 2011 une forte montée des eaux.
RBM : Je rappelle qu’Abidjan, c’est aussi une ville qui se trouve en façade maritime.
RF : Est-ce que c’est une des manifestations également en Côte d’Ivoire du réchauffement climatique ?
RBM : Alors, il faut noter que les effets les plus palpables peuvent se résumer de la manière suivante : d’abord les pluies sont d’intensité beaucoup plus fortes, les périodes de retour des pluies sont légèrement modifiées et les réseaux de drainage, qui sont dimensionnés par des caractéristiques bien déterminés, sont quelquefois inadaptés parce qu´ils sont rapidement débordés. Par conséquent, cela nous pose énormément de problèmes. Mais on retient aussi que la température générale de la ville a légèrement augmenté et implique l’utilisation beaucoup plus intense de l’électricité pour la climatisation de certains logements, de certains bureaux, et surtout on sent aussi que le positionnement des périodes de pluie dans l’année se modifie. A l’époque par exemple, de septembre jusqu’en décembre, à Abidjan, c´est la petite saison des pluies. Mais aujourd’hui, c’est pratiquement l’équivalent d’une période de pluie forte. Donc les conséquences sont papables et nous identifions que rapidement, il faut qu’on prenne nos responsabilités au niveau planétaire pour modifier ces donnes qui commencent à gêner la vie des populations.
RF : Est qu’on peut dire que la vie à Abidjan a changé, que les habitants ont un peu modifié leur mode de vie du fait de ces épisodes à répétition que vous mentionniez tout à l’heure ?
RBM : Nous avons fait des statistique sur les cinq dernières années et nous nous sommes aperçus qu’en général, vers la fin du mois de mai, entre le 31 mai et le 5 juin, il y a une très forte pluie d’au moins deux à trois jours, et en ce moment là, toutes les zones situées dans les quartiers insalubres, que les populations utilisent malgré les interdictions, nous créent énormément de problèmes. Systématiquement, l’Etat prend des dispositions pratiques avec le ministère du Logement et les communes du District d’Abidjan, pour justement dégager toutes les personnes qui sont sur ces zones inondables, de manière à les protéger contre les inondations, parce que les pluies sont de très forte intensité et d’une durée beaucoup plus longue.
RF : Parce qu’en général, ce sont les plus démunis qui subissent les premiers, les conséquences de ces perturbations ?
RBM : Absolument, il faut une capacité d’anticipation dans ce domaine, et c’est ce que nous essayons de faire.
RF : Un échange de bonnes pratiques, un téléphone vert entre les maires et les responsables de ville.
RBM : Un téléphone vert a fonctionné aussi bien pour les problèmes de catastrophes naturelles que pour les problèmes sociopolitiques parce qu’il y a une fédération d’intelligence, au sein de l’AIMF, qui autorise une plate-forme de collaboration très profitable. En dehors de l’AIMF, il y a bien d’autres grandes organisations qui regroupent les villes du monde, par exemple, Metropolis. Il y a aussi CEGLU qui fédère aussi les intelligences. Tout cela mis en œuvre confère à penser que la coopération entre les villes est une exigence de développement et de stabilité sociale et c’est notre conviction, c’est que nous nous pratiquons. On n´est jamais intelligent seul, on est intelligent à plusieurs et c’est ce que nous devons mettre en œuvre dans cette coopération que nous développons constamment.
RF : A Abidjan, il y a aussi des projets d’aménagement du point de vue des transports, j´ai vu qu’il y avait un projet de train urbain qu’on appelle, si j´ai bien compris le métro d’Abidjan. Même si ça ne sera pas un métro, où en est-on avec ce projet ? Est-ce que ça fait partie justement de l’action que votre ville cherche à mener ?
RBM : La ville d’Abidjan cherche à mener, en relation avec le gouvernement, de gros investissements, une conjonction de projets qui vont fédérer les avantages de chaque mode de transport. Premier élément, le train urbain qui permettra de prendre le maximum de personnes du Nord vers le Sud. Ensuite le train qui va permettre de prendre les populations de l’Est à l’Ouest. Nous allons former une croix à partir du centre de laquelle nous allons évacuer les populations par un système multimodal de transport adapté aux personnes. Deuxième élément : zéro voiture en ville, c´est pas notre objectif. Notre objectif, c´est de réduire les temps de parcours du domicile vers le travail. Offrir aux populations un temps de présence à leur foyer beaucoup plus grand pour que la cohésion familiale soit préservée, mais surtout offrir des transports de grande capacité, sécurisé et confortable en améliorant les infrastructures routières. C’est ainsi qu’Abidjan prévoit de réaliser un grand cordon d´autoroutes de 2 fois 5 voies, on appelle cela la Y4, de très grande capacité avec sur le terre-plein central, la possibilité pour le futur métro. Mais parallèlement à cela, il faut développer le reboisement de toute la ville pour améliorer les conditions de captage du CO2 et de sécuriser la santé des populations. Voilà ce que nous voulons appliquer pour offrir les mêmes avantages que ceux qu’on a dans les villes où il y a zéro voiture.
RF : Certains disent qu’il faut aller plus loin en arrêtant de subventionner tout ce qui a trait aux énergies fossiles. Est-ce que les maires des villes que vous représentez ici sont prêts à aller aussi loin que ça ?
RBM : Subventionner sera déjà très compliqué parce que les urgences sociales sont telles que les subventions sont portées vers les actions sociales pour apporter un mieux-être aux populations. Par contre, ce que le gouvernement fait, c´est d´abord un audit énergétique de tous les bâtiments administratifs pour diminuer les coûts, nous le faisons systématiquement en Côte d’Ivoire. Récemment, le gouvernement a distribué des millions d’ampoules à faible consommation avec la même efficacité.
Ce qui compte pour les pays africains, c´est que nous avons la chance d’utiliser les énergies renouvelables, éolien et le soleil, qui sont à profusion en Afrique. Surtout pour nous qui avons des codes maritimes, notre chance ce sont des énergies à profusion. Notre chance sera de maîtriser les techniques liées à ce type d’énergie. Ceci va changer beaucoup de choses dans la gestion de la pollution atmosphérique.
RF : Est-ce que ça veut dire que vous avez besoin de transfert de technologie et de financement ? On parle par exemple des fameux 100 milliards d’euros qui ont été promis par les pays développés jusqu´à 2020. Considérez-vous que cette aide financière devrait servir à développer ce genre de projet ?
RBM : Si les dirigeants des grandes villes avaient une opinion à donner, nous souhaiterions avoir cette possibilité, nous leur proposerons d’orienter cet argent d’abord sur la recherche des énergies renouvelables. Deuxième chose, quand on aura capté les secteurs d’énergie renouvelable les plus propices au développement en Afrique, il faut mettre les moyens à disposition pour l’utilisation effective de ce type d’énergie. Et troisième chose, il faut former les générations futures à s’imprégner de ces réalités à propager et à les rendre permanentes. C’est ce qui est important pour l’Afrique.
RF : Cela veut dire que vous êtes tous les trois des maires exemplaires en la matière ?
RBM : Non, nous recherchons les éléments les plus adaptés aux réalités du monde en devenir. Personnellement, j’ai un problème particulier quand on parle du réchauffement climatique, et qu’on parle de la pollution atmosphérique. Nous avons un problème dans le monde, c’est que notre rapport à la nature doit changer, si nous ne changeons pas notre rapport par rapport à la nature, nous allons mettre en place des politiques mécanistes, des politiques techniques, des politiques méthodologiques, mais jamais on ne résoudra le problème de fond. Il faut travailler avec la nature et non contre la nature. Tant qu’on ne changera pas, nous allons beau faire les choses, on n’ira pas de l´avant.
RF : Comment une ville comme Abidjan, qui se développe énormément, peut renouer ce lien avec la nature, quand on est dans une urbanisation galopante ?
RBM : A Abidjan, le taux de croissance de la ville est de 3,8 %, ce qui est très important. Ensuite la consommation en espace public est très forte, c’est pourquoi dans les programmes de développement de l’aménagement urbain, nous entrevoyons de mettre en place un schéma directeur qui tienne compte justement du mode de transport adapté du type collectif, de l’aménagement des espaces verts, pour qu’il y ait une oxygénation générale, en plus de ce que la mer nous apporte comme oxygénation et surtout aider les Ivoiriens à une consommation juste dans l’énergie. Au foyer par exemple, les femmes font souvent la cuisine avec le bois de chauffe ou bien le charbon provenant du bois. On a fait des recherches et avec des fibres de coco et un certain nombre de choses, on peut utiliser du charbon mais en très petite quantité pour une longue durée, ce qui va nous éviter la production excessive de charbon de bois et protéger la forêt ainsi.
RF : Est-ce que vous pensez que de la même manière les Etats sont appelés à prendre des engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les villes que vous représentez devraient elles aussi prendre des engagements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ?
RBM : Nous devons nous engager à mener les Etats à s’engager.
RF : Et pourquoi pas vous directement ?
RBM : Justement, cela dépend des zones dans lesquelles nous avons les missions spécifiques. Pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts à prendre les engagements. Mais sachez que les gaz à effet de serre sont produits de deux manières. Il y a les gaz naturels et il ya les gaz qui sont produits par les activités humaines. Les gaz produits par les humains sont de deux sortes : ceux qui sont dans les zones rurales et ceux qui sont dans les zones urbaines. Pour ceux qui sont dans les zones urbaines, nous devons lutter contre leur prolifération par la réglementation, par le contrôle, par la police. Nous devons prendre cet engagement, mais l’engagement de la conception et l’administration. Il faut que ce soit des efforts conjugués entre les Etats et les villes. En ce qui nous concerne, nous voulons parler de la conception du développement urbain. Par exemple à Abidjan, nous avons à gérer un conflit entre ceux qui voient le développement en hauteur et ceux qui le voient en surface. Voilà les deux conflits que nous devons gérer, mais en tout état de cause, nous estimons que l’urbain doit être au service de l’humain.
RF : Quand vous dites que cela doit être réglé notamment par la police, que voulez-vous dire ?
RBM : Quand on détermine le niveau de gaz que les usines doivent émettre à proximité des zones d’habitations, il faut contrôler que ce niveau est respecté, et si ce n’est pas respecté, on prend des mesures coercitives. Il faut être rigoureux dans l’application de ces mesures.
RF : Vous êtes tous les trois à la tête de trois grandes villes, peut-être que dans une prochaine vie politique, vous serez amenés à administrer des villes qui n’existent pas encore et qui seront construites différemment. Justement, en prenant en compte ces questions climatiques, une ville appelée Mazdar est en train de naitre en plein désert. Que pensez-vous de ce projet ? Est que nous sommes dans l’utopie ?
RBM : Nous, en Afrique, avons la chance qu’il y a encore du travail à faire et la meilleure façon d’offrir aux générations futures une plate-forme de vie agréable, c’est de tirer profit de quelques désastres connus dans les pays développés. Je suis d’accord pour ce qui se fait à Mazdar et je considère qu’il faut offrir aux générations futures une nature qui soit en harmonie avec l’homme, de façon à ce que l’urbain soit au service de l’homme et non l’homme au service de l’urbain.
Radio France : Gouverneur du District Autonome d’Abidjan, cela veut dire à peu près la même chose que maire ?
Robert Beugré Mambé : Un peu plus quand même.
RF : Un peu plus veut dire que cela englobe les communes aux alentours ?
RBM : Oui, toutes les 10 communes d’Abidjan et 3 autres banlieues. En plus, il y a des activités complémentaires que l’Etat peut confier au District d’Abidjan et des moyens d’actions plus renforcés.
RF : Par ailleurs, vous êtes vice-président de l’Association internationale des maires francophones.
RBM : C’est exact.
RF : Sur la question des inondations, vous êtes assez sensible à Abidjan puisqu’il y a eu notamment en août 2011 une forte montée des eaux.
RBM : Je rappelle qu’Abidjan, c’est aussi une ville qui se trouve en façade maritime.
RF : Est-ce que c’est une des manifestations également en Côte d’Ivoire du réchauffement climatique ?
RBM : Alors, il faut noter que les effets les plus palpables peuvent se résumer de la manière suivante : d’abord les pluies sont d’intensité beaucoup plus fortes, les périodes de retour des pluies sont légèrement modifiées et les réseaux de drainage, qui sont dimensionnés par des caractéristiques bien déterminés, sont quelquefois inadaptés parce qu´ils sont rapidement débordés. Par conséquent, cela nous pose énormément de problèmes. Mais on retient aussi que la température générale de la ville a légèrement augmenté et implique l’utilisation beaucoup plus intense de l’électricité pour la climatisation de certains logements, de certains bureaux, et surtout on sent aussi que le positionnement des périodes de pluie dans l’année se modifie. A l’époque par exemple, de septembre jusqu’en décembre, à Abidjan, c´est la petite saison des pluies. Mais aujourd’hui, c’est pratiquement l’équivalent d’une période de pluie forte. Donc les conséquences sont papables et nous identifions que rapidement, il faut qu’on prenne nos responsabilités au niveau planétaire pour modifier ces donnes qui commencent à gêner la vie des populations.
RF : Est qu’on peut dire que la vie à Abidjan a changé, que les habitants ont un peu modifié leur mode de vie du fait de ces épisodes à répétition que vous mentionniez tout à l’heure ?
RBM : Nous avons fait des statistique sur les cinq dernières années et nous nous sommes aperçus qu’en général, vers la fin du mois de mai, entre le 31 mai et le 5 juin, il y a une très forte pluie d’au moins deux à trois jours, et en ce moment là, toutes les zones situées dans les quartiers insalubres, que les populations utilisent malgré les interdictions, nous créent énormément de problèmes. Systématiquement, l’Etat prend des dispositions pratiques avec le ministère du Logement et les communes du District d’Abidjan, pour justement dégager toutes les personnes qui sont sur ces zones inondables, de manière à les protéger contre les inondations, parce que les pluies sont de très forte intensité et d’une durée beaucoup plus longue.
RF : Parce qu’en général, ce sont les plus démunis qui subissent les premiers, les conséquences de ces perturbations ?
RBM : Absolument, il faut une capacité d’anticipation dans ce domaine, et c’est ce que nous essayons de faire.
RF : Un échange de bonnes pratiques, un téléphone vert entre les maires et les responsables de ville.
RBM : Un téléphone vert a fonctionné aussi bien pour les problèmes de catastrophes naturelles que pour les problèmes sociopolitiques parce qu’il y a une fédération d’intelligence, au sein de l’AIMF, qui autorise une plate-forme de collaboration très profitable. En dehors de l’AIMF, il y a bien d’autres grandes organisations qui regroupent les villes du monde, par exemple, Metropolis. Il y a aussi CEGLU qui fédère aussi les intelligences. Tout cela mis en œuvre confère à penser que la coopération entre les villes est une exigence de développement et de stabilité sociale et c’est notre conviction, c’est que nous nous pratiquons. On n´est jamais intelligent seul, on est intelligent à plusieurs et c’est ce que nous devons mettre en œuvre dans cette coopération que nous développons constamment.
RF : A Abidjan, il y a aussi des projets d’aménagement du point de vue des transports, j´ai vu qu’il y avait un projet de train urbain qu’on appelle, si j´ai bien compris le métro d’Abidjan. Même si ça ne sera pas un métro, où en est-on avec ce projet ? Est-ce que ça fait partie justement de l’action que votre ville cherche à mener ?
RBM : La ville d’Abidjan cherche à mener, en relation avec le gouvernement, de gros investissements, une conjonction de projets qui vont fédérer les avantages de chaque mode de transport. Premier élément, le train urbain qui permettra de prendre le maximum de personnes du Nord vers le Sud. Ensuite le train qui va permettre de prendre les populations de l’Est à l’Ouest. Nous allons former une croix à partir du centre de laquelle nous allons évacuer les populations par un système multimodal de transport adapté aux personnes. Deuxième élément : zéro voiture en ville, c´est pas notre objectif. Notre objectif, c´est de réduire les temps de parcours du domicile vers le travail. Offrir aux populations un temps de présence à leur foyer beaucoup plus grand pour que la cohésion familiale soit préservée, mais surtout offrir des transports de grande capacité, sécurisé et confortable en améliorant les infrastructures routières. C’est ainsi qu’Abidjan prévoit de réaliser un grand cordon d´autoroutes de 2 fois 5 voies, on appelle cela la Y4, de très grande capacité avec sur le terre-plein central, la possibilité pour le futur métro. Mais parallèlement à cela, il faut développer le reboisement de toute la ville pour améliorer les conditions de captage du CO2 et de sécuriser la santé des populations. Voilà ce que nous voulons appliquer pour offrir les mêmes avantages que ceux qu’on a dans les villes où il y a zéro voiture.
RF : Certains disent qu’il faut aller plus loin en arrêtant de subventionner tout ce qui a trait aux énergies fossiles. Est-ce que les maires des villes que vous représentez ici sont prêts à aller aussi loin que ça ?
RBM : Subventionner sera déjà très compliqué parce que les urgences sociales sont telles que les subventions sont portées vers les actions sociales pour apporter un mieux-être aux populations. Par contre, ce que le gouvernement fait, c´est d´abord un audit énergétique de tous les bâtiments administratifs pour diminuer les coûts, nous le faisons systématiquement en Côte d’Ivoire. Récemment, le gouvernement a distribué des millions d’ampoules à faible consommation avec la même efficacité.
Ce qui compte pour les pays africains, c´est que nous avons la chance d’utiliser les énergies renouvelables, éolien et le soleil, qui sont à profusion en Afrique. Surtout pour nous qui avons des codes maritimes, notre chance ce sont des énergies à profusion. Notre chance sera de maîtriser les techniques liées à ce type d’énergie. Ceci va changer beaucoup de choses dans la gestion de la pollution atmosphérique.
RF : Est-ce que ça veut dire que vous avez besoin de transfert de technologie et de financement ? On parle par exemple des fameux 100 milliards d’euros qui ont été promis par les pays développés jusqu´à 2020. Considérez-vous que cette aide financière devrait servir à développer ce genre de projet ?
RBM : Si les dirigeants des grandes villes avaient une opinion à donner, nous souhaiterions avoir cette possibilité, nous leur proposerons d’orienter cet argent d’abord sur la recherche des énergies renouvelables. Deuxième chose, quand on aura capté les secteurs d’énergie renouvelable les plus propices au développement en Afrique, il faut mettre les moyens à disposition pour l’utilisation effective de ce type d’énergie. Et troisième chose, il faut former les générations futures à s’imprégner de ces réalités à propager et à les rendre permanentes. C’est ce qui est important pour l’Afrique.
RF : Cela veut dire que vous êtes tous les trois des maires exemplaires en la matière ?
RBM : Non, nous recherchons les éléments les plus adaptés aux réalités du monde en devenir. Personnellement, j’ai un problème particulier quand on parle du réchauffement climatique, et qu’on parle de la pollution atmosphérique. Nous avons un problème dans le monde, c’est que notre rapport à la nature doit changer, si nous ne changeons pas notre rapport par rapport à la nature, nous allons mettre en place des politiques mécanistes, des politiques techniques, des politiques méthodologiques, mais jamais on ne résoudra le problème de fond. Il faut travailler avec la nature et non contre la nature. Tant qu’on ne changera pas, nous allons beau faire les choses, on n’ira pas de l´avant.
RF : Comment une ville comme Abidjan, qui se développe énormément, peut renouer ce lien avec la nature, quand on est dans une urbanisation galopante ?
RBM : A Abidjan, le taux de croissance de la ville est de 3,8 %, ce qui est très important. Ensuite la consommation en espace public est très forte, c’est pourquoi dans les programmes de développement de l’aménagement urbain, nous entrevoyons de mettre en place un schéma directeur qui tienne compte justement du mode de transport adapté du type collectif, de l’aménagement des espaces verts, pour qu’il y ait une oxygénation générale, en plus de ce que la mer nous apporte comme oxygénation et surtout aider les Ivoiriens à une consommation juste dans l’énergie. Au foyer par exemple, les femmes font souvent la cuisine avec le bois de chauffe ou bien le charbon provenant du bois. On a fait des recherches et avec des fibres de coco et un certain nombre de choses, on peut utiliser du charbon mais en très petite quantité pour une longue durée, ce qui va nous éviter la production excessive de charbon de bois et protéger la forêt ainsi.
RF : Est-ce que vous pensez que de la même manière les Etats sont appelés à prendre des engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les villes que vous représentez devraient elles aussi prendre des engagements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ?
RBM : Nous devons nous engager à mener les Etats à s’engager.
RF : Et pourquoi pas vous directement ?
RBM : Justement, cela dépend des zones dans lesquelles nous avons les missions spécifiques. Pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts à prendre les engagements. Mais sachez que les gaz à effet de serre sont produits de deux manières. Il y a les gaz naturels et il ya les gaz qui sont produits par les activités humaines. Les gaz produits par les humains sont de deux sortes : ceux qui sont dans les zones rurales et ceux qui sont dans les zones urbaines. Pour ceux qui sont dans les zones urbaines, nous devons lutter contre leur prolifération par la réglementation, par le contrôle, par la police. Nous devons prendre cet engagement, mais l’engagement de la conception et l’administration. Il faut que ce soit des efforts conjugués entre les Etats et les villes. En ce qui nous concerne, nous voulons parler de la conception du développement urbain. Par exemple à Abidjan, nous avons à gérer un conflit entre ceux qui voient le développement en hauteur et ceux qui le voient en surface. Voilà les deux conflits que nous devons gérer, mais en tout état de cause, nous estimons que l’urbain doit être au service de l’humain.
RF : Quand vous dites que cela doit être réglé notamment par la police, que voulez-vous dire ?
RBM : Quand on détermine le niveau de gaz que les usines doivent émettre à proximité des zones d’habitations, il faut contrôler que ce niveau est respecté, et si ce n’est pas respecté, on prend des mesures coercitives. Il faut être rigoureux dans l’application de ces mesures.
RF : Vous êtes tous les trois à la tête de trois grandes villes, peut-être que dans une prochaine vie politique, vous serez amenés à administrer des villes qui n’existent pas encore et qui seront construites différemment. Justement, en prenant en compte ces questions climatiques, une ville appelée Mazdar est en train de naitre en plein désert. Que pensez-vous de ce projet ? Est que nous sommes dans l’utopie ?
RBM : Nous, en Afrique, avons la chance qu’il y a encore du travail à faire et la meilleure façon d’offrir aux générations futures une plate-forme de vie agréable, c’est de tirer profit de quelques désastres connus dans les pays développés. Je suis d’accord pour ce qui se fait à Mazdar et je considère qu’il faut offrir aux générations futures une nature qui soit en harmonie avec l’homme, de façon à ce que l’urbain soit au service de l’homme et non l’homme au service de l’urbain.