La Côte d’Ivoire va bientôt désigner son chef de l’Opposition et ce sera immanquablement Pascal Affi N’Guessan. Mais ce statut, qui participe de la communication politique, représente une coquille vide, uniquement pour faire de la représentation. Sur le dos du contribuable ivoirien.
C’est fait. Pascal Affi N’Guessan, président contesté par le camp Sangaré, sera officiellement le chef de l’opposition ivoirienne. Le gouvernement a coupé l’herbe sous les pieds du Cadre permanent de dialogue (Cpd, plate-forme de discussion entre le pouvoir et l’opposition) au sein duquel la plupart des membres proposait une désignation consensuelle, en lieu et place d’un diktat du pouvoir, soupçonné de fabriquer un leader à son image.
Le projet de loi portant statut de chef de l’Opposition, adopté le mercredi 6 avril 2016 en Conseil des ministres, prend le contre-pied. Il fait souverainement du «candidat ou chef du parti ou groupement politique arrivé deuxième à la dernière élection présidentielle», le chef de l’Opposition; signe que la Côte d’Ivoire, avec son régime présidentiel, est face à un hyper-président.
A l’issue du premier tour de la présidentielle du 25 octobre 2015, sur 3.129.742 suffrages qui ont été exprimés (pour une population électorale de 6.301.189 inscrits, soit un taux de participation de 54,63%), Alassane Ouattara, candidat du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), est sorti vainqueur en obtenant 2.618.229 voix, soit 83,66%. Il est suivi de Pascal Affi N’Guessan candidat du Fpi, qui s’en est sorti avec 290.780 voix, soit 9,29%.
Ce projet de loi participe certainement de la modernisation de la vie politique. Car, c’est une pratique qui fait tache d’huile. C’est le Canada qui a introduit cette originalité politique, à l’occasion de son deuxième Parlement, en 1873. Cette année-là, Alexander Mackenzie, du Parti libéral, fut le premier titulaire du poste. Et le Parlement du Canada a été le premier au sein du Commonwealth à reconnaître officiellement le rôle du chef de l’Opposition.
Tout près de nous, au Togo, le gouvernement a adopté, le mardi 26 janvier 2016, le décret de mise en application de la loi portant sur le statut de l'Opposition, qui dormait dans les tiroirs depuis deux ans.
Mais le projet de loi ivoirien cache, et c’est un secret de polichinelle, des calculs politiciens. Alors que le Cpd proposait un statut de l’Opposition de nature à sécuriser les activités des militants et animateurs des partis de l’opposition en leur garantissant un accès libre et équitable aux médias de service public, une liberté de réunion et un financement transparent, le gouvernement a choisi de botter en touche.
En outre, le projet de loi donne au chef de l’Opposition un rôle de faire-valoir ou de spectateur. Il ne dit pas, par exemple, qu’il doit être nécessairement consulté avant que le gouvernement ne prenne certaines décisions importantes ou ne procède à certaines nominations importantes.
Sans compter que si, par extraordinaire, un candidat indépendant arrivait en deuxième position derrière le président élu, il deviendrait automatiquement le chef de l’Opposition, sans avoir d’appareil politique; l’Opposition politique étant définie comme l’ensemble des forces partisanes qui ont pour vocation de prendre le pouvoir, d’alimenter une critique des gouvernants actuels et de définir une alternative programmatique.
C’est pour cette raison, que nombre de pays privilégient des raisons objectives et de représentation nationale: le deuxième parti en importance à l’Assemblée nationale. Ainsi, le chef de l’Opposition est soit le président du deuxième groupe parlementaire ou le leader du principal parti de l’Opposition au sein du Parlement, à condition qu’il soit député. Au Togo, Jean-Pierre Fabre, dissident de l’Union des forces du changement (Ufc de Gilchrist Olympio), a ravi ce poste parce que son parti, l'Alliance nationale pour le changement (Anc), dispose de plus de députés dans la présente législature.
Au Togo, tout comme en Côte d’Ivoire, cette loi suscite beaucoup de commentaires: c'est un cadeau empoisonné et un guet-apens tendus aux leaders pour les amener à la soupe ou à composer, disent les détracteurs. Non, répondent les intéressés et leurs états-majors, pour qui c'est une loi impersonnelle et de portée générale.
C’est pourquoi pour El hadj Mbodj, professeur de droit constitutionnel à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, sur Rfi, «il faut éviter que cela débouche sur un statut de façade qui soit destiné seulement à donner le change. Je constate que dans certains pays, où l'Opposition est censée avoir un statut, l'Opposition n'est pas vraiment considérée comme elle devrait l'être».
Car le chef de l’opposition pourrait être défini comme l’acteur politique qui remplit l’une sinon les deux propriétés suivantes: 1. c’est l’acteur qui dirige la principale force d’opposition et porte l’essentiel des critiques et propositions alternatives au pouvoir en place. 2. c’est l’adversaire principal du titulaire de la fonction exécutive.
Le titulaire de ce poste bénéficie d’avantages: véhicule de commandement avec chauffeur, accès au Salon d’honneur à l’aéroport, indemnités de représentation. Au Canada, le titulaire du poste bénéficie d’une indemnité supplémentaire égale à celle des ministres du gouvernement. Au Togo, Fabre a rang de président d'institution, selon le protocole d'Etat et en Côte d’Ivoire, Affi a rang de ministre d’Etat et il bénéficie à ce titre des privilèges et avantages attachés à ce rang.
Sous d’ailleurs la Primature de Pascal Affi N’Guessan, le gouvernement de Laurent Gbagbo a fixé, le 18 juillet 2002 (si beaucoup d’eau n’a pas coulé sous les ponts depuis), le salaire mensuel du ministre d’Etat: 05 millions 750 mille 748 Fcfa, avec 28 millions de Fcfa comme prime d’installation à sa nomination.
FERRO M. Bally
C’est fait. Pascal Affi N’Guessan, président contesté par le camp Sangaré, sera officiellement le chef de l’opposition ivoirienne. Le gouvernement a coupé l’herbe sous les pieds du Cadre permanent de dialogue (Cpd, plate-forme de discussion entre le pouvoir et l’opposition) au sein duquel la plupart des membres proposait une désignation consensuelle, en lieu et place d’un diktat du pouvoir, soupçonné de fabriquer un leader à son image.
Le projet de loi portant statut de chef de l’Opposition, adopté le mercredi 6 avril 2016 en Conseil des ministres, prend le contre-pied. Il fait souverainement du «candidat ou chef du parti ou groupement politique arrivé deuxième à la dernière élection présidentielle», le chef de l’Opposition; signe que la Côte d’Ivoire, avec son régime présidentiel, est face à un hyper-président.
A l’issue du premier tour de la présidentielle du 25 octobre 2015, sur 3.129.742 suffrages qui ont été exprimés (pour une population électorale de 6.301.189 inscrits, soit un taux de participation de 54,63%), Alassane Ouattara, candidat du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), est sorti vainqueur en obtenant 2.618.229 voix, soit 83,66%. Il est suivi de Pascal Affi N’Guessan candidat du Fpi, qui s’en est sorti avec 290.780 voix, soit 9,29%.
Ce projet de loi participe certainement de la modernisation de la vie politique. Car, c’est une pratique qui fait tache d’huile. C’est le Canada qui a introduit cette originalité politique, à l’occasion de son deuxième Parlement, en 1873. Cette année-là, Alexander Mackenzie, du Parti libéral, fut le premier titulaire du poste. Et le Parlement du Canada a été le premier au sein du Commonwealth à reconnaître officiellement le rôle du chef de l’Opposition.
Tout près de nous, au Togo, le gouvernement a adopté, le mardi 26 janvier 2016, le décret de mise en application de la loi portant sur le statut de l'Opposition, qui dormait dans les tiroirs depuis deux ans.
Mais le projet de loi ivoirien cache, et c’est un secret de polichinelle, des calculs politiciens. Alors que le Cpd proposait un statut de l’Opposition de nature à sécuriser les activités des militants et animateurs des partis de l’opposition en leur garantissant un accès libre et équitable aux médias de service public, une liberté de réunion et un financement transparent, le gouvernement a choisi de botter en touche.
En outre, le projet de loi donne au chef de l’Opposition un rôle de faire-valoir ou de spectateur. Il ne dit pas, par exemple, qu’il doit être nécessairement consulté avant que le gouvernement ne prenne certaines décisions importantes ou ne procède à certaines nominations importantes.
Sans compter que si, par extraordinaire, un candidat indépendant arrivait en deuxième position derrière le président élu, il deviendrait automatiquement le chef de l’Opposition, sans avoir d’appareil politique; l’Opposition politique étant définie comme l’ensemble des forces partisanes qui ont pour vocation de prendre le pouvoir, d’alimenter une critique des gouvernants actuels et de définir une alternative programmatique.
C’est pour cette raison, que nombre de pays privilégient des raisons objectives et de représentation nationale: le deuxième parti en importance à l’Assemblée nationale. Ainsi, le chef de l’Opposition est soit le président du deuxième groupe parlementaire ou le leader du principal parti de l’Opposition au sein du Parlement, à condition qu’il soit député. Au Togo, Jean-Pierre Fabre, dissident de l’Union des forces du changement (Ufc de Gilchrist Olympio), a ravi ce poste parce que son parti, l'Alliance nationale pour le changement (Anc), dispose de plus de députés dans la présente législature.
Au Togo, tout comme en Côte d’Ivoire, cette loi suscite beaucoup de commentaires: c'est un cadeau empoisonné et un guet-apens tendus aux leaders pour les amener à la soupe ou à composer, disent les détracteurs. Non, répondent les intéressés et leurs états-majors, pour qui c'est une loi impersonnelle et de portée générale.
C’est pourquoi pour El hadj Mbodj, professeur de droit constitutionnel à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, sur Rfi, «il faut éviter que cela débouche sur un statut de façade qui soit destiné seulement à donner le change. Je constate que dans certains pays, où l'Opposition est censée avoir un statut, l'Opposition n'est pas vraiment considérée comme elle devrait l'être».
Car le chef de l’opposition pourrait être défini comme l’acteur politique qui remplit l’une sinon les deux propriétés suivantes: 1. c’est l’acteur qui dirige la principale force d’opposition et porte l’essentiel des critiques et propositions alternatives au pouvoir en place. 2. c’est l’adversaire principal du titulaire de la fonction exécutive.
Le titulaire de ce poste bénéficie d’avantages: véhicule de commandement avec chauffeur, accès au Salon d’honneur à l’aéroport, indemnités de représentation. Au Canada, le titulaire du poste bénéficie d’une indemnité supplémentaire égale à celle des ministres du gouvernement. Au Togo, Fabre a rang de président d'institution, selon le protocole d'Etat et en Côte d’Ivoire, Affi a rang de ministre d’Etat et il bénéficie à ce titre des privilèges et avantages attachés à ce rang.
Sous d’ailleurs la Primature de Pascal Affi N’Guessan, le gouvernement de Laurent Gbagbo a fixé, le 18 juillet 2002 (si beaucoup d’eau n’a pas coulé sous les ponts depuis), le salaire mensuel du ministre d’Etat: 05 millions 750 mille 748 Fcfa, avec 28 millions de Fcfa comme prime d’installation à sa nomination.
FERRO M. Bally