Avril 1946 - avril 2016... Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire fête ses 70 ans. Mais à l’heure où l’on parle d’une fusion avec le Rassemblement des républicains de Côte d’Ivoire (RDR) d’Alassane Ouattara, est-ce que le PDCI d’Henri Konan Bédié ne risque pas de célébrer ses propres funérailles ? Laurent Dona Fologo a été le secrétaire général de ce vénérable parti pendant dix ans, de 1991 à 2001. Il en a même été le président par intérim pendant l’exil de Bédié à Paris. Depuis Abidjan, il a répondu aux questions de Christophe Boisbouvier.
Qu’est-ce que le PDCI a apporté à la Côte d’Ivoire ?
Le PDCI a été créé en 1946. A cette époque-là, je pense que les Ivoiriens ne savaient pas trop ce qu’un parti politique voulait dire, mais le président Houphouët-Boigny, qui était député à partir de 45, savait ce qu’était un parti et il a mis en place toutes les fondations de la République qui nous permettent aujourd’hui d’avancer.
En 1993, après la mort de Félix Houphouët-Boigny, le parti s’est déchiré entre les partisans d’Henri Konan Bédié et ceux d’Alassane Ouattara. A l’époque, vous avez fait le choix Bédié. Est-ce que vous le regrettez ?
Non, je ne le regrette pas parce que je crois que, dans la position qui était la mienne à cette époque, j’ai fait mon devoir. Moi, j’étais secrétaire général du PDCI depuis 1991 et il avait été décidé dans la Constitution que, en cas de malheur du président Houphouët-Boigny, c’est le président de l’Assemblée nationale [c'est-à-dire Henri Konan Bédié ; Ndlr] qui terminait le mandat en cours.
Mais tout de même, cette déchirure, est-ce que vous n’auriez pas pu l’éviter ?
Je pense que peut-être le parti dans son ensemble aurait pu l’éviter. Nous avons été un peu surpris par l’arrivée, en tant que Premier ministre, de monsieur Ouattara, qui était à Dakar à la BCEAO [Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest ; Ndlr]. Le président de la République Houphouët-Boigny ne nous avait pas spécialement préparés. Il nous avait dit que monsieur Ouattara venait nous aider à redresser l’économie qui se sentait mal à cette époque-là. C’est tout ce qu’on savait. C’est pour cela qu’il y a eu des petites positions un peu différentes les unes des autres. C’est tout.
Est-ce qu’en nommant Alassane Ouattara à la primature trois ans avant sa mort, Félix Houphouët-Boigny n’a pas créé, peut-être consciemment d’ailleurs, une rivalité Bédié-Ouattara ?
Je ne sais pas s’il l’a voulue, vraiment je ne sais pas.
Mais de fait, il a créé cette rivalité?
Oui. En fait, oui. C’est vrai. Mais, nous sommes tous des humains. On ne peut pas vivre 90 ans sans faire aucune erreur, ce n’est pas possible.
Noël 99, c’est la chute du PDCI avec ce coup d’Etat qui renverse Henri Konan Bédié et qui vous jette en prison. A qui la faute ?
Vous savez, quand cela est arrivé, le coup d’Etat vraiment inattendu et un peu bizarre, en tant que secrétaire général du PDCI, j’avais proposé un débat au bureau politique pour savoir comment est arrivé ce coup d’Etat, est-ce qu’on aurait pu l’éviter, à qui la faute ? Ça m’a coûté cher, ça me coûte même cher encore aujourd’hui. Je suis un peu sur la touche parce que je n’ai pas été entendu, ni suivi à ce niveau-là. Il n’y a jamais eu un débat sur la question.
Est-ce qu’il y a eu à l’époque une défaillance dans le leadership de la Côte d’Ivoire ?
Je ne peux pas l’affirmer.
Est-ce que c’était la faute à cette « ivoirité » qu’avait prônée le président Bédié ?
Je ne sais pas. Mais aujourd’hui, s’il y a quelqu’un qui souhaite oublier définitivement cette affaire d’ivoirité, c’est bien le président du PDCI, c’est-à-dire monsieur Bédié.
Ce leadership du PDCI, vous avez voulu le prendre après le putsch de 99 puisque c’est vous qui avez « gardé la boutique » en Côte d’Ivoire pendant l’exil de monsieur Bédié en France. Mais finalement, vous avez perdu. Pourquoi ?
Je suppose que j’ai perdu parce que j’étais moins fort que monsieur Bédié. C’est un épisode dont je ne parle pas beaucoup parce que c’est un épisode qui m’a troublé, qui m’a un peu perturbé, qui m’a gêné beaucoup.
Qu’est-ce qui vous a manqué ? Vous n’étiez pas originaire de la bonne région ?
Je ne peux pas dire que ce soit suffisant parce que, pour ce congrès [Le 11e Congrès du PDCI en avril 2002 ; Ndlr], j’avais fait une campagne normale. J’ai visité toutes les régions. J’ai été reçu par tous les chefs, y compris les chefs Baoulé, partout, et bien reçu.
Il vous manquait des moyens financiers ?
Sans doute. C’est une des raisons, je pense.
Alors aujourd’hui, le PDCI fête ses 70 ans, mais certains se demandent si ce ne seront pas ses funérailles, car on parle d’une fusion PDCI-RDR pour la création d’un nouveau parti. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Moi, je soutiens l’idée de rapprochement. Je soutiens parce que c’est bon pour la Côte d’Ivoire, le rapprochement, l’alliance est souhaitable.
Oui mais l’alliance, ce n’est pas la même chose que la fusion ?
Oui, l’alliance, ce n’est pas la même chose. C’est pourquoi j’emploie seulement le mot alliance parce que je pense plus que ce sera ce genre de stratégie plutôt que la fusion pure et simple. Ce ne sera pas simple, une fusion pure et simple.
Et pourquoi ce ne sera pas simple?
Parce que certains qui sont partis, ils avaient des raisons de partir. S’ils estiment qu’ils se sont retrouvés dans des meilleures positions parce qu’ils sont partis, que le vieux parti ne pouvait pas faire ça pour eux, etc., ils viendront un peu difficilement.
Voulez-vous dire que c’est plus les gens du RDR que ceux du PDCI qui vont s’opposer à la fusion ?
Je pense que des deux côtés, il y a des PDCI aussi qui perdraient certaines positions si tout le monde revient. C’est normal. Mais ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il ne faut pas essayer. Et c’est dans l’intérêt de la Côte d’Ivoire.
Beaucoup de ‘’PDCIstes’’ ont renoncé à une candidature à la présidentielle de 2015 dans l’espoir que ce serait un candidat PDCI qui représenterait le RHDP [Rassemblement des Houphouetistes pour la démocratie et la paix ; Ndlr] en 2020. Ils ont raison d’y croire ou ils risquent d’être trahis ou déçus?
Moi, je dis que ce ne sera pas simple. Si on arrive à trouver une solution à l’intérieur du RHDP pour un candidat que tout le monde soutiendrait comme ils l’ont fait aux dernières élections, le problème sera résolu. Mais au jour d’aujourd’hui, certains n’ont pas encore dit leur dernier mot. Donc il faut qu’avec beaucoup de délicatesse et d’habileté et de stratégie, on arrive à convaincre les uns et les autres.
Il y a déjà trop de candidats, c’est ça que vous voulez dire ?
Oui, il y a beaucoup de candidats pour le moment.
Qu’est-ce que le PDCI a apporté à la Côte d’Ivoire ?
Le PDCI a été créé en 1946. A cette époque-là, je pense que les Ivoiriens ne savaient pas trop ce qu’un parti politique voulait dire, mais le président Houphouët-Boigny, qui était député à partir de 45, savait ce qu’était un parti et il a mis en place toutes les fondations de la République qui nous permettent aujourd’hui d’avancer.
En 1993, après la mort de Félix Houphouët-Boigny, le parti s’est déchiré entre les partisans d’Henri Konan Bédié et ceux d’Alassane Ouattara. A l’époque, vous avez fait le choix Bédié. Est-ce que vous le regrettez ?
Non, je ne le regrette pas parce que je crois que, dans la position qui était la mienne à cette époque, j’ai fait mon devoir. Moi, j’étais secrétaire général du PDCI depuis 1991 et il avait été décidé dans la Constitution que, en cas de malheur du président Houphouët-Boigny, c’est le président de l’Assemblée nationale [c'est-à-dire Henri Konan Bédié ; Ndlr] qui terminait le mandat en cours.
Mais tout de même, cette déchirure, est-ce que vous n’auriez pas pu l’éviter ?
Je pense que peut-être le parti dans son ensemble aurait pu l’éviter. Nous avons été un peu surpris par l’arrivée, en tant que Premier ministre, de monsieur Ouattara, qui était à Dakar à la BCEAO [Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest ; Ndlr]. Le président de la République Houphouët-Boigny ne nous avait pas spécialement préparés. Il nous avait dit que monsieur Ouattara venait nous aider à redresser l’économie qui se sentait mal à cette époque-là. C’est tout ce qu’on savait. C’est pour cela qu’il y a eu des petites positions un peu différentes les unes des autres. C’est tout.
Est-ce qu’en nommant Alassane Ouattara à la primature trois ans avant sa mort, Félix Houphouët-Boigny n’a pas créé, peut-être consciemment d’ailleurs, une rivalité Bédié-Ouattara ?
Je ne sais pas s’il l’a voulue, vraiment je ne sais pas.
Mais de fait, il a créé cette rivalité?
Oui. En fait, oui. C’est vrai. Mais, nous sommes tous des humains. On ne peut pas vivre 90 ans sans faire aucune erreur, ce n’est pas possible.
Noël 99, c’est la chute du PDCI avec ce coup d’Etat qui renverse Henri Konan Bédié et qui vous jette en prison. A qui la faute ?
Vous savez, quand cela est arrivé, le coup d’Etat vraiment inattendu et un peu bizarre, en tant que secrétaire général du PDCI, j’avais proposé un débat au bureau politique pour savoir comment est arrivé ce coup d’Etat, est-ce qu’on aurait pu l’éviter, à qui la faute ? Ça m’a coûté cher, ça me coûte même cher encore aujourd’hui. Je suis un peu sur la touche parce que je n’ai pas été entendu, ni suivi à ce niveau-là. Il n’y a jamais eu un débat sur la question.
Est-ce qu’il y a eu à l’époque une défaillance dans le leadership de la Côte d’Ivoire ?
Je ne peux pas l’affirmer.
Est-ce que c’était la faute à cette « ivoirité » qu’avait prônée le président Bédié ?
Je ne sais pas. Mais aujourd’hui, s’il y a quelqu’un qui souhaite oublier définitivement cette affaire d’ivoirité, c’est bien le président du PDCI, c’est-à-dire monsieur Bédié.
Ce leadership du PDCI, vous avez voulu le prendre après le putsch de 99 puisque c’est vous qui avez « gardé la boutique » en Côte d’Ivoire pendant l’exil de monsieur Bédié en France. Mais finalement, vous avez perdu. Pourquoi ?
Je suppose que j’ai perdu parce que j’étais moins fort que monsieur Bédié. C’est un épisode dont je ne parle pas beaucoup parce que c’est un épisode qui m’a troublé, qui m’a un peu perturbé, qui m’a gêné beaucoup.
Qu’est-ce qui vous a manqué ? Vous n’étiez pas originaire de la bonne région ?
Je ne peux pas dire que ce soit suffisant parce que, pour ce congrès [Le 11e Congrès du PDCI en avril 2002 ; Ndlr], j’avais fait une campagne normale. J’ai visité toutes les régions. J’ai été reçu par tous les chefs, y compris les chefs Baoulé, partout, et bien reçu.
Il vous manquait des moyens financiers ?
Sans doute. C’est une des raisons, je pense.
Alors aujourd’hui, le PDCI fête ses 70 ans, mais certains se demandent si ce ne seront pas ses funérailles, car on parle d’une fusion PDCI-RDR pour la création d’un nouveau parti. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Moi, je soutiens l’idée de rapprochement. Je soutiens parce que c’est bon pour la Côte d’Ivoire, le rapprochement, l’alliance est souhaitable.
Oui mais l’alliance, ce n’est pas la même chose que la fusion ?
Oui, l’alliance, ce n’est pas la même chose. C’est pourquoi j’emploie seulement le mot alliance parce que je pense plus que ce sera ce genre de stratégie plutôt que la fusion pure et simple. Ce ne sera pas simple, une fusion pure et simple.
Et pourquoi ce ne sera pas simple?
Parce que certains qui sont partis, ils avaient des raisons de partir. S’ils estiment qu’ils se sont retrouvés dans des meilleures positions parce qu’ils sont partis, que le vieux parti ne pouvait pas faire ça pour eux, etc., ils viendront un peu difficilement.
Voulez-vous dire que c’est plus les gens du RDR que ceux du PDCI qui vont s’opposer à la fusion ?
Je pense que des deux côtés, il y a des PDCI aussi qui perdraient certaines positions si tout le monde revient. C’est normal. Mais ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il ne faut pas essayer. Et c’est dans l’intérêt de la Côte d’Ivoire.
Beaucoup de ‘’PDCIstes’’ ont renoncé à une candidature à la présidentielle de 2015 dans l’espoir que ce serait un candidat PDCI qui représenterait le RHDP [Rassemblement des Houphouetistes pour la démocratie et la paix ; Ndlr] en 2020. Ils ont raison d’y croire ou ils risquent d’être trahis ou déçus?
Moi, je dis que ce ne sera pas simple. Si on arrive à trouver une solution à l’intérieur du RHDP pour un candidat que tout le monde soutiendrait comme ils l’ont fait aux dernières élections, le problème sera résolu. Mais au jour d’aujourd’hui, certains n’ont pas encore dit leur dernier mot. Donc il faut qu’avec beaucoup de délicatesse et d’habileté et de stratégie, on arrive à convaincre les uns et les autres.
Il y a déjà trop de candidats, c’est ça que vous voulez dire ?
Oui, il y a beaucoup de candidats pour le moment.