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Économie Publié le vendredi 10 juin 2016 | Le Mandat

Affaire détournement dans la filière anacarde: voici le rapport de l’Inspection d’Etat qui contredit celui de la haute Autorité pour la bonne gouvernance

L’Inspection générale d’Etat a mené un audit sur les prétendus détournements de fonds par le Directeur général du Conseil du coton et de l’anacarde. Voici l’exclusivité de l’audit qui contredit le rapport de la Haute autorité pour la bonne gouvernance.

Pour éviter la détérioration des noix de cajou, en cas de mauvais emballage, le Gouvernement a décidé que les noix de cajou à commercialiser, aussi bien au niveau interne qu’à l’exportation, soient exclusivement collectées et commercialisées dans les sacs en toile de jute qui ne représentent aucun risque pour la qualité des noix et pour la santé humaine (décret N° 2013-813 du 26 novembre 2013 ». C’est ce que l’on appelle dans le jargon des spécialistes de la filière anacarde, la «sacherie brousse » (pour la commercialisation à l’intérieur) et la «sacherie export » (pour le conditionnement à l’exportation. C’est sur la gestion financière de la sacherie export que le collectif a saisi l’Inspection générale de l’Etat aux fins d’arbitrage. Il s’agit en fait d’une plainte dénonçant l’éventuelle implication dans la gestion financière de la sacherie export, de l’Association des exportateurs de noix de cajou de Côte d’Ivoire (Aec-CI) qui a réclamé la mise à sa disposition du reliquat des fonds destinés à la sacherie export, en lieu et place du Conseil du coton et de l’anacarde. Après avoir entendu les associations (collectif des exportateurs et Aec-CI) sur le sujet et auditionné le fournisseur (la société synergie 3A) de sacs de jute d’une valeur de 200 millions F Cfa en avril 2015 ayant été mis en exergue par le journal « le Nouveau Réveil » du 17 mai 2016, l’équipe d’inspection a eu des séances de travail avec la Direction générale du Conseil du coton et de l’anacarde. Elle a, par la suite, examiné les documents (loi, décrets, communication en Conseils des ministres) relatifs à l’organisation et au fonctionnement du Conseil du coton et de l’anacarde, à la sacherie et à la gestion de la sacherie export. Le présent rapport comporte deux points : le premier point fait des observations sur l’ensemble du sujet, le second tire des conclusions et faits des recommandations.
Les observations
L’équipe de la mission fait les observations aussi bien sur l’origine des redevances en question que sur le pouvoir des différents acteurs de la filière à gérer les fonds générés par ces redevances.
Les fonds de financement de la «sacherie export » sont constitués par le prélèvement de redevances de 10 F Cfa à l’exportation, institué par la République de Côte d’Ivoire.
La redevance, au sens financier, est une taxe, c’est-à-dire un prélèvement fiscal obligatoire perçu par l’Etat. C’est donc un impôt. Et la théorie des Finances publiques enseigne que tout prélèvement institué par l’Etat est un impôt. Or le revenu fiscal, donc le produit perçu de l’impôt, est un fonds public. En conséquence, la redevance de 10 F Cfa collectée sur l’exportation de noix de cajou est un fonds public. Ceci est rappelé par la loi N° 2013-656 du 13 septembre 2013 qui stipule en son article 10 : l’exportation des produits du coton et de l’anacarde donne lieu au paiement, par l’exportateur, de taxes et redevances dues au titre de prélèvement obligatoire. Ces prélèvements concernent notamment les droits et taxes dus à l’Etat, conformément aux textes législatifs et réglementaires. Les modalités de fixation et de perception sont déterminées conjointement par le ministre «chargé de l’Agriculture et le ministre chargé de l’Economie et des Finances » ; le même décret dit en son article 44 : «Les ressources de l’organe chargé de la régulation, du suivi et du développement des activités de la filières coton et anacarde sont constituées des redevances calculées sur les volumes à l’exportation des produits du coton et de l’anacarde, selon les modalités de collectes déterminées par décret, des contributions ou des redevances découlant des conventions passées avec des personnes physiques, des groupements professionnels ou des sociétés.
Les fonds publics, par principe et règles des finances publiques en Côte d’Ivoire, doivent être gérés par les services publics représentés par l’administration et ses démembrements et structures étatiques (et non par des structures privées) ;
L’Etat ou une structure étatique (société d’Etat, Epn, Spfp) peuvent s’ils le jugent opportun, concéder par convention, la gestion de fonds publics dont ils ont la charge à une structure privée (dont la compétente en la matière est avérée). Mais ils n’en ont pas l’obligation et la structure privée non plus n’a aucun droit, ni pouvoir de les y obliger.
Si les fonds destinés à la sacherie export ont jusqu’ici été générés par le Conseil du coton et de l’anacarde conformément aux :
-décret n° 2013-808 du 26 novembre 2013 dit en son article 3 : « Les taxes, redevances et cotisations professionnelles dans la filière coton et anacarde sont payées par les exportateurs, avant embarquement, pour les produits destinés à l’exportation. Les chèques sont collectés à titre exclusif par le Conseil du coton et de l’anacarde ».
-décret n° 2013-813 qui stipule en son article 7 que le Conseil du coton et l’anacarde prend toutes les mesures que nécessitent la mise à disposition et la gestion des sacs.
La convention de cogestion des fonds pour la «sacherie export », signée entre l’Aec-CI et le Conseil du coton et de l’anacarde ne dépend que de la volonté du Directeur général du Conseil du coton et de l’anacarde qui n’en a aucune obligation.
L’Aeci-CI, par lettre en date du 19 avril 2016, a réclamé le transfert du reliquat de l’exercice budgétaire passé de 1.178.409.250 F Cfa disponible, à sa disposition pour en assurer la gestion ;
Le collectif des exportateurs, dans une lettre à l’Inspection générale d’Etat, dénonce la demande de mise à disposition de fonds, formulée par l’Aec-CI. A l’audition sur le sujet devant les inspecteurs, elle se dit satisfaite de la gestion actuelle, et ne trouve pas nécessaire de changer de gestionnaire des fonds destinés à la sacherie export.
Par principe et règle des finances publiques ivoiriennes, l’Etat et ses démembrements et autres structures étatiques ont pouvoir pour générer les deniers publics. Or le conseil du coton et de l’anacarde est une structure étatique (Cf Loi n° 2013-656 du 13 septembre 2013) et la redevance pour la sacherie export est un fonds public. On en conclut que le Conseil du coton et de l’anacarde a pouvoir pour gérer ce que la Loi n°2013-656 du 13 septembre 2016 confirme en ses articles suivants :
Article 11 : l’exportation des produits du coton et de l’anacarde donne lieu, dans les mêmes conditions, au paiement de cotisations professionnelles destinées au financement des fonctions mutualisées.
Les cotisations doivent préalablement avoir été rendues obligatoires au profit des organisations interprofessionnelles reconnues conformément aux dispositions législatives du Code des douanes.
C’est ce que dit, d’ailleurs, le décret n° 2013-813 du 26 novembre 2013 en son article 7 qui stipule : « Le Conseil du coton et de l’anacarde prend toutes les mesures que nécessitent la mise à disposition et la gestion des sacs ».
Dans la gestion des fonds publics (dont les redevances sacherie export), le Conseil du coton et de l’anacarde n’a pas de compte à rendre à l’Aec-CI ou toute autre association d’exportateurs de cajou, puisque les fonds collectées sont publics et non des cotisations et autres fonds collectés par des professionnels privés de la filière anacarde eux-mêmes. Le Conseil du coton et de l’anacarde rend compte de la gestion des fonds publics à l’Etat.
L’Aec-CI regroupe des exportateurs privés de cajou. Elle n’est donc pas une structure spécialisée en gestion financière, moins encore un cabinet d’experts comptables. Selon les documents qu’elle nous a transmis, son dossier de reconnaissance officielle auprès du ministère de l’Intérieur est en cours. Elle nous a communiqué quelques informations oralement (par M. Meité Inza et au téléphone par M. Diaby Aboubacar) sur le sujet pour confirmer son intention de gérer les redevances pour la sacherie export, mais ne nous a pas retourné la fiche d’audition promise, d’abord pour le mercredi 17 dans la matinée, puis le jeudi 18, alors qu’il aurait dû la remplir sur place. Finalement, M. Diaby Aboubacar nous l’a promis promise pour le lundi 23 mai 2016 que nous ne pouvions attendre.
La gestion du compte bancaire dédié à la « sacherie export » ne comporte pas d’irrégularité tant du point de vue de la prise en compte dans la comptabilité du Conseil du coton et de l’anacarde que de la transaction des 200 millions F Cfa d’achat de sacs de jute en avril 2015. En effet, les 200 millions F Cfa de paiement cash à la société Synergie 3A (fournisseur de sacs de jute) n’est pas un délit. En matière de gestion des deniers publics, on dispose de trois procédures de paiement :
-Par virement
-Par chèque
-cash (paiement en liquide)
Dans les trois cas de figure, le comptable (le payeur) s’assure de la preuve du paiement (facture ou acquit dûment signé) de la part du bénéficiaire. Or dans le paiement es 200 millions F Cfa, le Conseil du coton et de l’anacarde a procédé au paiement à la suite de l’émission d’une facture et obtenu un bon de livraison de la part du bénéficiaire. Dans ces conditions, il parait difficile de dire que l’opération était irrégulière, sauf à mettre en doute la bonne fois du bénéficiaire qui a d’ailleurs dit sa préférence pour le paiement liquide, compte tenu des délais de règlement par rapport à la pression de ses partenaires.
L’Aec-CI et le collectif des exportateurs n’ont pas encore l’existence officielle auprès du ministère d’Etat, ministère de l’Intérieur. Si la procédure de reconnaissance en ce qui concerne l’Aec-CI est en cours, le collectif des exportateurs ne nous a communiqué aucune information à ce sujet.
II. Les recommandations
Conclusion
Les fonds pour la sacherie export générés par institution et prélèvement de redevances sur le Kg de noix de cajou exporté, sont gérés, à juste titre, par le Conseil du coton et de l’anacarde, une structure étatique. Au regard des textes en vigueur, ce dernier peut ne pas céder la gestion de ces fonds à l’Aec-CI ou à toute autre structure privée, s’il juge que cela n’est pas opportun.
Recommandation
Des constations et observations qui précèdent, l’Inspection générale d’Etat recommande :
-la gestion « de la sacherie export » uniquement par le Conseil du coton et de l’anacarde conformément aux principes et règles des Finances publiques ivoiriennes et au décret n°2013-813 du 26 novembre 2013 et décret n° 2013-808 du 26 novembre 2013 qui stipule en son article 3 « les taxes redevances et cotisation professionnelles dans les filières coton et anacarde sont payées par les exportateurs avant embarquement pour les produits destinés à l’exportation. Les paiements se font par chèque libellés à l’ordre de chaque bénéficiaire ou poste. Ces chèques sont collectés, à titre exclusif, par le Conseil du coton et de l’anacarde.
-L’annulation de la convention de cogestion des fonds de redevances pour sacherie export entre le Conseil du coton et de l’anacarde et l’Aec-CI pour absence d’existence officielle et par respect des règles de gestion des deniers publics et autres lois et décrets relatifs en vigueur.
-Le maintien de la procédure actuelle d’évaluation de la demande et d’acquisition de noix de cajou. Seule la gestion financière, c’est-à-dire la collecte des fonds pour sacherie, le règlement des fournisseurs, la gestion du compte bancaire sacherie et la prise en compte dans les états financiers sont exclusivement de la compétence du Conseil du coton et de l’anacarde.
-La non implication, dorénavant, des structures privées dans la gestion financière des fonds destinés à la «sacherie export» pour éviter les palabres sans fondement légal et inutiles qui pourraient nuire à l’image de la filière.
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