Fondement juridique de l’Etat, la constitution est-elle immuable ? La réponse est non ! A l’image de l’homme, la constitution naît, grandit et meurt. Comme toute norme juridique, la constitution est le produit de la société et non l’inverse. Et comme la société est sujette à des métamorphoses, évolutions et révolutions technologiques, scientifiques, idéologiques, culturelles etc. le contenu de la constitution doit s’adapter à ces changements sociétaux. D’où le recours à la révision, technique juridique et politique favorisant l’harmonisation du droit avec le progrès social. Mais, lorsque les modifications fréquentes de la loi fondamentale ne suffisent plus pour l’accommoder aux nouvelles exigences de la société étatique, ou lorsque la constitution ne favorise pas la paix sociale et la création de richesses, alors intervient l’abrogation. Par un acte juridique contraire, le peuple décide d’abandonner la constitution présente pour adopter une nouvelle constitution.
A l’observation, la constitution de 2000 est un gâchis. La rébellion de 2002 et la crise postélectorale sont illustratives de ce gâchis constitutionnel. D’où la pertinence d’une nouvelle constitution pour redéfinir l’organisation et le fonctionnement de l’Etat de Côte d’Ivoire. Encore faudrait-il qu’elle épouse la procédure (I) et le contenu(II) d’une constitution exigés dans un Etat démocratique.
I-De la procédure d’établissement de la nouvelle constitution
L’établissement d’une nouvelle constitution obéit à une double procédure : d’abord, celle de l’élaboration (A) et, ensuite, la procédure d’adoption (B).
A-De la procédure d’élaboration
Dans une démocratie, c’est le souverain (le peuple) qui est compétant pour élaborer et rédiger l’avant-projet de constitution par la mise en place d’une assemblée constituante qui regroupe l’ensemble des forces vives de la nation. L’avant-projet de constitution fini, l’exécutif en fait un projet de constitution et le soumet, par voie de référendum, au souverain, le peuple. Dans l’espèce ivoirienne, l’exécutif a mis en place un comité d’experts. L’initiative me paraît solitaire et non populaire. Dans une telle hypothèse, la doctrine constitutionnelle parle moins de constitution que de charte négociée. Je crains que la troisième République repose moins sur une constitution que sur une charte négociée. L’exécutif aurait dû demander aux membres du corps social de désigner des représentants dans le cadre d’une assemblée constituante non souveraine. Une assemblée constituante d’au moins 100 membres. On n’octroi pas une constitution à un peuple. Le peuple se donne, lui-même une constitution, si tant il est vrai que le principe de notre République est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. (Article 30 constitution). A la procédure d’élaboration succède celle l’adoption.
B-De la procédure d’adoption.
Dans une démocratie, l’organe compétent pour adopter la loi fondamentale est le pouvoir constituant originaire : le souverain. Dans notre pays, le souverain, c’est le peuple (art 31 constitution). Ici, je suis en phase avec l’exécutif qui a fait le choix du référendum pour l’adoption de la nouvelle constitution. Deux remarques. D’abord, l’intervention du peuple se situe en aval du processus d’établissement. Il aurait été souhaitable qu’il soit en amont et en aval, c'est-à-dire, une assemblée constituante pour élaborer le texte constitutionnel et le référendum pour l’adopter ou pas. Ensuite, il serait judicieux, politiquement, d’instaurer un taux de participation de validation de la consultation populaire. 50%. Pourquoi ? Parce qu’en démocratie, c’est la légalité que la légitimité qui consolide l’action politique. Quelle crédibilité démocratique pour une constitution adoptée par moins de la moitié de l’électorat ? Dans tous les cas les questions de la procédure terminées que surgissent celles relatives au contenu.
II-Du contenu de la nouvelle constitution
Une nouvelle constitution constitue un point de rupture avec l’ancien ordre politique et juridique. Aussi, importe-il de redéfinir la nature du régime politique (A) et la forme de l’Etat, de même que le mode de scrutin (B) pour une constitution qui réponde aux aspirations de paix et de prospérité des populations.
A-De la nature du régime
politique
Pour mettre fin à la dégénérescence du régime présidentiel avec ses corolaires d’élections mortifères et de culte de la personnalité, je propose un régime plus raffiné et rationnel : le régime parlementaire. Celui-ci s’articulera au tour d’un exécutif bicéphale (1) et d’un parlement bicaméral (2).
1-Un exécutif bicéphale.
L’exécutif est composé du Président de la République (a) et du Premier Ministre (b).
a-Le Président de la République.
Le Président de la république est élu au suffrage universel indirect. En effet, il est désigné par les deux chambres du parlement pour un mandat de 4 ans renouvelable une seule fois. Relativement à ses attributions, le président de la République est le chef de l’Etat, il incarne la nation. C’est tout. Il joue un rôle purement honorifique et protocolaire.
b- Le Premier ministre.
Le Premier ministre est désigné par la majorité à l’Assemblée Nationale. Il est le chef du gouvernement. C’est lui le détenteur du pouvoir exécutif. En effet, le Premier ministre dirige l’action gouvernementale, il est responsable de la défense nationale. Titulaire du pouvoir réglementaire, le Premier ministre assure l’exécution des lois. Il conduit et détermine la politique de la nation, dispose de l’administration et de la force armée.
Le Premier ministre (le gouvernement) est responsable devant le parlement et non devant le président de la République. Celui-ci peut dissoudre l’Assemblée Nationale, une des deux chambres du parlement.
2-Un parlement bicaméral.
Le parlement de la troisième République devrait avoir deux chambres : L’Assemblée nationale et le Sénat. Celui-ci sera constitué de sénateurs élus pour 5 ans par les Etats fédérés. Celle-là, composée de députés élus pour 5 ans au suffrage universel direct. Pour y arriver il nous faut revoir la forme de l’Etat et le mode de scrutin usité.
B- De la forme de l’Etat et du mode de scrutin.
La forme de l’Etat et le mode de scrutin influencent, considérablement, la gouvernance politique des Etats. De ce qui précède, je propose que l’Etat unitaire décentralisé laisse place à l’Etat fédéral (1). Le scrutin majoritaire doit être abandonné au profit du scrutin proportionnel (2).
1-Un Etat Fédéral
Notre désir d’émergence ne peut prendre forme que dans un Etat fédéral. Les principes d’organisation et de fonctionnement de l’Etat fédéral favorisent le développement. Dans le monde les grandes nations sont des fédérations : les Etats-Unis, première puissance mondiale est une fédération, le Brésil, le pays le plus riche de l’Amérique latine, l’Allemagne, la première économie d’Europe, L’Afrique du Sud et le Nigéria, les deux grands d’Afrique etc. Tous ces pays qui nous font rêver sont des Etats fédéraux. Pour la troisième république, je propose un Etat fédéral en Côte d’ivoire avec cinq entités fédérées. Chaque entité sera autonome avec ses propres institutions politiques, juridiques, économiques et sociales aux côtés de celles du pouvoir central, c'est-à-dire, l’Etat fédéral qui seul exercera les pouvoirs régaliens parce que doté de la souveraineté. Le fonctionnement de la fédération sera renforcé avec l’instauration du scrutin proportionnel.
2-Un scrutin proportionnel.
Le scrutin majoritaire a l’inconvenant majeur de confier l’entièrement du pouvoir entre les mains du seul vainqueur. Ce qui favorise les grands partis. Dans notre nouvelle démocratie parlementaire, l’instauration du scrutin proportionnel, surtout aux élections des députés, permettra la représentativité, à l’hémicycle, de toutes les sensibilités et forces politiques de la Nation. Contrairement à l’opinion commune, le scrutin proportionnel est moins source d’instabilité gouvernementale que de bonne gouvernance. La majorité gouverne dans le respect de la minorité. La République d’Israël et l’empire du Japon sont deux exemples.
Conclusion
La volonté affichée par l’exécutif d’inscrire la Côte d’ivoire dans une nouvelle République est salutaire. Seulement, tout ceci doit être fait dans le respect des valeurs démocratiques et républicaines. La nouvelle constitution doit marquer une véritable rupture avec l’ordre ancien. On ne change pas de République pour des questions de vice-présidence ou de conditions d’éligibilité du président de la République. Une simple révision constitutionnelle suffit.
Geoffroy-Julien Kouao
Juriste et Analyste-politique
Enseignant de droit constitutionnel
Auteur de « Droit Constitutionnel
et institutions politiques »
A l’observation, la constitution de 2000 est un gâchis. La rébellion de 2002 et la crise postélectorale sont illustratives de ce gâchis constitutionnel. D’où la pertinence d’une nouvelle constitution pour redéfinir l’organisation et le fonctionnement de l’Etat de Côte d’Ivoire. Encore faudrait-il qu’elle épouse la procédure (I) et le contenu(II) d’une constitution exigés dans un Etat démocratique.
I-De la procédure d’établissement de la nouvelle constitution
L’établissement d’une nouvelle constitution obéit à une double procédure : d’abord, celle de l’élaboration (A) et, ensuite, la procédure d’adoption (B).
A-De la procédure d’élaboration
Dans une démocratie, c’est le souverain (le peuple) qui est compétant pour élaborer et rédiger l’avant-projet de constitution par la mise en place d’une assemblée constituante qui regroupe l’ensemble des forces vives de la nation. L’avant-projet de constitution fini, l’exécutif en fait un projet de constitution et le soumet, par voie de référendum, au souverain, le peuple. Dans l’espèce ivoirienne, l’exécutif a mis en place un comité d’experts. L’initiative me paraît solitaire et non populaire. Dans une telle hypothèse, la doctrine constitutionnelle parle moins de constitution que de charte négociée. Je crains que la troisième République repose moins sur une constitution que sur une charte négociée. L’exécutif aurait dû demander aux membres du corps social de désigner des représentants dans le cadre d’une assemblée constituante non souveraine. Une assemblée constituante d’au moins 100 membres. On n’octroi pas une constitution à un peuple. Le peuple se donne, lui-même une constitution, si tant il est vrai que le principe de notre République est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. (Article 30 constitution). A la procédure d’élaboration succède celle l’adoption.
B-De la procédure d’adoption.
Dans une démocratie, l’organe compétent pour adopter la loi fondamentale est le pouvoir constituant originaire : le souverain. Dans notre pays, le souverain, c’est le peuple (art 31 constitution). Ici, je suis en phase avec l’exécutif qui a fait le choix du référendum pour l’adoption de la nouvelle constitution. Deux remarques. D’abord, l’intervention du peuple se situe en aval du processus d’établissement. Il aurait été souhaitable qu’il soit en amont et en aval, c'est-à-dire, une assemblée constituante pour élaborer le texte constitutionnel et le référendum pour l’adopter ou pas. Ensuite, il serait judicieux, politiquement, d’instaurer un taux de participation de validation de la consultation populaire. 50%. Pourquoi ? Parce qu’en démocratie, c’est la légalité que la légitimité qui consolide l’action politique. Quelle crédibilité démocratique pour une constitution adoptée par moins de la moitié de l’électorat ? Dans tous les cas les questions de la procédure terminées que surgissent celles relatives au contenu.
II-Du contenu de la nouvelle constitution
Une nouvelle constitution constitue un point de rupture avec l’ancien ordre politique et juridique. Aussi, importe-il de redéfinir la nature du régime politique (A) et la forme de l’Etat, de même que le mode de scrutin (B) pour une constitution qui réponde aux aspirations de paix et de prospérité des populations.
A-De la nature du régime
politique
Pour mettre fin à la dégénérescence du régime présidentiel avec ses corolaires d’élections mortifères et de culte de la personnalité, je propose un régime plus raffiné et rationnel : le régime parlementaire. Celui-ci s’articulera au tour d’un exécutif bicéphale (1) et d’un parlement bicaméral (2).
1-Un exécutif bicéphale.
L’exécutif est composé du Président de la République (a) et du Premier Ministre (b).
a-Le Président de la République.
Le Président de la république est élu au suffrage universel indirect. En effet, il est désigné par les deux chambres du parlement pour un mandat de 4 ans renouvelable une seule fois. Relativement à ses attributions, le président de la République est le chef de l’Etat, il incarne la nation. C’est tout. Il joue un rôle purement honorifique et protocolaire.
b- Le Premier ministre.
Le Premier ministre est désigné par la majorité à l’Assemblée Nationale. Il est le chef du gouvernement. C’est lui le détenteur du pouvoir exécutif. En effet, le Premier ministre dirige l’action gouvernementale, il est responsable de la défense nationale. Titulaire du pouvoir réglementaire, le Premier ministre assure l’exécution des lois. Il conduit et détermine la politique de la nation, dispose de l’administration et de la force armée.
Le Premier ministre (le gouvernement) est responsable devant le parlement et non devant le président de la République. Celui-ci peut dissoudre l’Assemblée Nationale, une des deux chambres du parlement.
2-Un parlement bicaméral.
Le parlement de la troisième République devrait avoir deux chambres : L’Assemblée nationale et le Sénat. Celui-ci sera constitué de sénateurs élus pour 5 ans par les Etats fédérés. Celle-là, composée de députés élus pour 5 ans au suffrage universel direct. Pour y arriver il nous faut revoir la forme de l’Etat et le mode de scrutin usité.
B- De la forme de l’Etat et du mode de scrutin.
La forme de l’Etat et le mode de scrutin influencent, considérablement, la gouvernance politique des Etats. De ce qui précède, je propose que l’Etat unitaire décentralisé laisse place à l’Etat fédéral (1). Le scrutin majoritaire doit être abandonné au profit du scrutin proportionnel (2).
1-Un Etat Fédéral
Notre désir d’émergence ne peut prendre forme que dans un Etat fédéral. Les principes d’organisation et de fonctionnement de l’Etat fédéral favorisent le développement. Dans le monde les grandes nations sont des fédérations : les Etats-Unis, première puissance mondiale est une fédération, le Brésil, le pays le plus riche de l’Amérique latine, l’Allemagne, la première économie d’Europe, L’Afrique du Sud et le Nigéria, les deux grands d’Afrique etc. Tous ces pays qui nous font rêver sont des Etats fédéraux. Pour la troisième république, je propose un Etat fédéral en Côte d’ivoire avec cinq entités fédérées. Chaque entité sera autonome avec ses propres institutions politiques, juridiques, économiques et sociales aux côtés de celles du pouvoir central, c'est-à-dire, l’Etat fédéral qui seul exercera les pouvoirs régaliens parce que doté de la souveraineté. Le fonctionnement de la fédération sera renforcé avec l’instauration du scrutin proportionnel.
2-Un scrutin proportionnel.
Le scrutin majoritaire a l’inconvenant majeur de confier l’entièrement du pouvoir entre les mains du seul vainqueur. Ce qui favorise les grands partis. Dans notre nouvelle démocratie parlementaire, l’instauration du scrutin proportionnel, surtout aux élections des députés, permettra la représentativité, à l’hémicycle, de toutes les sensibilités et forces politiques de la Nation. Contrairement à l’opinion commune, le scrutin proportionnel est moins source d’instabilité gouvernementale que de bonne gouvernance. La majorité gouverne dans le respect de la minorité. La République d’Israël et l’empire du Japon sont deux exemples.
Conclusion
La volonté affichée par l’exécutif d’inscrire la Côte d’ivoire dans une nouvelle République est salutaire. Seulement, tout ceci doit être fait dans le respect des valeurs démocratiques et républicaines. La nouvelle constitution doit marquer une véritable rupture avec l’ordre ancien. On ne change pas de République pour des questions de vice-présidence ou de conditions d’éligibilité du président de la République. Une simple révision constitutionnelle suffit.
Geoffroy-Julien Kouao
Juriste et Analyste-politique
Enseignant de droit constitutionnel
Auteur de « Droit Constitutionnel
et institutions politiques »