En Côte d'Ivoire, le projet de nouvelle Constitution en élaboration par la volonté du président Alassane Ouattara ouvre la voie à toutes les spéculations et suppositions, crée la polémique au sein de la classe politique et anime les débats dans la sphère des juristes ivoiriens.
A l'occasion de la 56ème célébration de la fête nationale le 7 août, Alassane Ouattara a présenté les grands traits des modifications qu'il souhaite apporter à la Constitution en vigueur qui contient, selon lui, les germes des conflits enregistrés dans le pays depuis près de deux décennies.
Le coup d'Etat de 1999, la rébellion armée de 2002 et la crise post-électorale de 2010 ont fini par démontrer, à en croire le président ivoirien, les limites de la loi fondamentale actuelle adoptée en 2000.
Les conditions d'éligibilité à la présidence de la République, notamment l'article 35, assimilé à "l'ivoirité", qui exclut tout candidat n'étant pas Ivoirien d'origine de père et de mère, seraient le noeud gordien de ces différentes crises.
"Si nous voulons tourner définitivement la page de notre passé, il nous faut en tirer des leçons, il nous faut écrire de nouvelles pages de notre histoire", a expliqué M. Ouattara.
"Pour y parvenir, il nous faut avancer sur de nouvelles bases", a-t-il ajouté, appelant à "un nouveau contrat social".
Alassane Ouattara a prévu également la création d'un vice-président "élu au suffrage universel direct en même temps que le président de la République" pour "garantir la paix et la stabilité".
"En cas de vacance du pouvoir, il (le vice-président) garantit la continuité de l'Etat d'une part et le respect du calendrier électoral d'autre", a-t-il relevé.
Une autre innovation est la création d'un sénat qui va conférer au parlement ivoirien un "caractère bicaméral, c'est-à-dire deux chambres mais garantissant la primauté de l'Assemblée nationale".
"Toutes ces réformes ont pour but ultime de doter la Côte d'Ivoire d'une Constitution moderne et de mettre en place des institutions cohérentes, fortes, respectueuses de la diversité et protectrice des libertés", a assuré le président.
Le contenu précis du nouveau texte n'est pas encore disponible.
M. Ouattara a mis en place un comité d'experts composé de spécialistes du droit pour rédiger un avant-projet de Constitution.
Le texte doit être remis fin août pour être soumis à référendum, une consultation populaire prévue avant la fin de l'année.
En prélude à cette échéance, l'Assemblée nationale a adopté une loi sur l'organisation du référendum.
Alors que le comité d'experts n'a pas rendu sa copie, le projet suscite des interrogations sur le fond et la forme et les indications données par le président Alassane Ouattara ouvrent la voie à toutes sortes de spéculations.
REVISION CONSTITUTIONNELLE OU NOUVELLE CONSTITUTION ?
Dès la mise en place du comité d'experts, l'ancien président du Conseil constitutionnel, Francis Wodié, est montré au créneau pour fustiger l'initiative d'Alassane Ouattara.
Pour lui, la réforme proposée par le chef de l'Etat "sort du champ juridique en posant un problème politique" car l'initiative de l'élaboration d'une nouvelle Constitution n'est pas prévue dans la loi fondamentale actuelle.
"Interroger le peuple pour savoir ce qu'il veut, s'il faut procéder à la révision de la Constitution en vigueur et quelles dispositions modifier ou s'il faut doter le pays d'une nouvelle Constitution, c'est le peuple qui tranche", a-t-il indiqué, suggérant un référendum sur l'initiative du président Ouattara et dénonçant "l'illégitimité" du comité d'experts.
Pour Cissé Bacongo, un ancien ministre proche de M. Ouattara et membre du comité d'experts, "il s'agit bien d'une nouvelle Constitution, pas d'une révision constitutionnelle".
"Dans sa réalisation, c'est une nouvelle Constitution, pour nous il s'agit de faire table rase du passé", a-t-il martelé.
Cissé Bacongo a fait remarquer que la démarche du président ivoirien de mettre sur pied un comité d'experts n'est pas un cas isolé.
"La Constitution de la 5ème République de la France a été élaborée de la même manière que celle qui est en voie d'élaboration, à savoir par des experts", a-t-il cru savoir.
Sa position est soutenue par Epiphane Zoro, un magistrat proche du parti de M. Ouattara, pour qui le processus mis en place par le président ivoirien respecte les exigences démocratiques.
"Le chef de l'Etat a entrepris de larges consultations avec la société civile, les chefs traditionnels et religieux, les partis politiques pour recueillir leurs contributions qui sont versées aux travaux du comité d'experts qui lui aussi procède à des auditions et consultations, l'Assemblée nationale a adopté une loi organique sur le référendum", a-t-il expliqué avant de conclure : "le processus d'élaboration de la nouvelle Constitution répond aux exigences démocratiques de concertation et de consultation populaire avec en clef de voûte l'implication du parlement et de façon directe le recours au peuple à travers le référendum".
Des précisions loin de convaincre la société civile qui s'interroge sur l'opportunité de l'élaboration d'une nouvelle Constitution.
Après enquête auprès d'une vingtaine de groupes de discussions dans tout le pays, la Plate-forme de la société civile pour l'observation des élections en Côte d'Ivoire (POECI) estime que les réformes sociales, la réconciliation nationale, la lutte contre la vie chère paraissent bien plus prioritaires pour les Ivoiriens que la refonte de la Constitution.
Le projet de réforme constitutionnelle n'est pas opportun pour ces citoyens, selon la POECI qui préconise de surseoir à la création d'un sénat et d'une vice-présidence pour "rationnaliser les dépenses et les privilèges accordés aux gouvernants".
Même son de cloche du côté des partis politiques de l'opposition qui rejettent tout en bloc et menacent.
L'OPPOSITION BANDE SES MUSCLES
Au total 23 partis dont le Front populaire ivoirien (FPI, de Laurent Gbagbo), membres du Collectif des partis de l'opposition démocratique (CODE), sont farouchement opposés à la réforme constitutionnelle qu'ils jugent "antidémocratique, illégale et illégitime".
L'opposition rejette la vice-présidence, une réforme présentée comme une "dérive monarchique de M. Ouattara en vue de choisir son successeur" ou un sénat dont le tiers des membres serait nommé par le chef de l'Etat.
Un parti de l'opposition croit même savoir que le texte en élaboration prévoit la suppression de la limite d'âge d'éligibilité "pour permettre à Ouattara de rester au pouvoir jusqu'à sa mort".
Ils remettent en cause la procédure "autoritaire" engagée par le président ivoirien et critique l'absence de concertation avec l'opposition pour rédiger le texte de la nouvelle loi fondamentale.
Pour le président du FPI, Pascal Affi N'guessan, les conditions ne sont pas encore réunies pour une nouvelle Constitution, le pays restant divisé après la meurtrière crise post-électorale de 2010.
Le FPI et ses alliés appellent au rejet du projet de M. Ouattara et menacent de faire descendre leurs partisans dans la rue.
Pour le pouvoir, l'opposition fait un procès d'intention au président Ouattara.
LA COALITION AU POUVOIR SE SERRE LES COUDES
Le porte-parole du Rassemblement des républicains (RDR, parti présidentiel), Joël N'guessan, a jugé "saugrenue" la démarche des partis de l'opposition.
"Ils n'ont même pas vu le texte, on n'a même pas encore soumis le texte aux députés et ils disent qu'ils ne sont pas d'accord, leur démarche est saugrenue", a-t-il fulminé.
Sur l'opportunité de la nouvelle Constitution, le porte-parole du gouvernement, Bruno Koné pense que le moment est bien choisi.
"Dans dix ans, on pourra continuer à dire que ce n'est pas le moment opportun, parce qu'il y aura encore des problèmes non résolus au niveau de la nation", a-t-il relevé.
Bruno Koné a affirmé qu'"il n'y a aucune nation qui n'ait complètement résolu ses problèmes avant d'aller travailler sur une Constitution".
"Bien au contraire, le bon moment pour travailler sur une Constitution, c'est justement le moment où il y a des difficultés", a-t-il souligné.
Au sein de la grande famille du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, coalition au pouvoir), après des semaines de cacophonie au sujet du terme adéquat concernant le projet en élaboration, l'unité semble retrouvée après une rencontre avec le président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié (principal allié d'Alassane Ouattara).
"Nous indiquons à tous les cadres du RHDP qu'à partir de maintenant, pour éviter la cacophonie dans le message, il s'agit de l'élaboration d'une nouvelle Constitution", a déclaré le président du directoire du RHDP, Amadou Soumahoro, tout en rassurant que "sur la création d'un sénat, d'un poste de vice-président, du maintien de la primature, le président Bédié est en phase avec le président de la République".
Fort de cette mise au point, les responsables de la coalition sont en campagne sur l'ensemble du territoire national pour appeler à voter pour le projet de nouvelle Constitution à l'occasion du référendum prévu fin octobre.
A l'occasion de la 56ème célébration de la fête nationale le 7 août, Alassane Ouattara a présenté les grands traits des modifications qu'il souhaite apporter à la Constitution en vigueur qui contient, selon lui, les germes des conflits enregistrés dans le pays depuis près de deux décennies.
Le coup d'Etat de 1999, la rébellion armée de 2002 et la crise post-électorale de 2010 ont fini par démontrer, à en croire le président ivoirien, les limites de la loi fondamentale actuelle adoptée en 2000.
Les conditions d'éligibilité à la présidence de la République, notamment l'article 35, assimilé à "l'ivoirité", qui exclut tout candidat n'étant pas Ivoirien d'origine de père et de mère, seraient le noeud gordien de ces différentes crises.
"Si nous voulons tourner définitivement la page de notre passé, il nous faut en tirer des leçons, il nous faut écrire de nouvelles pages de notre histoire", a expliqué M. Ouattara.
"Pour y parvenir, il nous faut avancer sur de nouvelles bases", a-t-il ajouté, appelant à "un nouveau contrat social".
Alassane Ouattara a prévu également la création d'un vice-président "élu au suffrage universel direct en même temps que le président de la République" pour "garantir la paix et la stabilité".
"En cas de vacance du pouvoir, il (le vice-président) garantit la continuité de l'Etat d'une part et le respect du calendrier électoral d'autre", a-t-il relevé.
Une autre innovation est la création d'un sénat qui va conférer au parlement ivoirien un "caractère bicaméral, c'est-à-dire deux chambres mais garantissant la primauté de l'Assemblée nationale".
"Toutes ces réformes ont pour but ultime de doter la Côte d'Ivoire d'une Constitution moderne et de mettre en place des institutions cohérentes, fortes, respectueuses de la diversité et protectrice des libertés", a assuré le président.
Le contenu précis du nouveau texte n'est pas encore disponible.
M. Ouattara a mis en place un comité d'experts composé de spécialistes du droit pour rédiger un avant-projet de Constitution.
Le texte doit être remis fin août pour être soumis à référendum, une consultation populaire prévue avant la fin de l'année.
En prélude à cette échéance, l'Assemblée nationale a adopté une loi sur l'organisation du référendum.
Alors que le comité d'experts n'a pas rendu sa copie, le projet suscite des interrogations sur le fond et la forme et les indications données par le président Alassane Ouattara ouvrent la voie à toutes sortes de spéculations.
REVISION CONSTITUTIONNELLE OU NOUVELLE CONSTITUTION ?
Dès la mise en place du comité d'experts, l'ancien président du Conseil constitutionnel, Francis Wodié, est montré au créneau pour fustiger l'initiative d'Alassane Ouattara.
Pour lui, la réforme proposée par le chef de l'Etat "sort du champ juridique en posant un problème politique" car l'initiative de l'élaboration d'une nouvelle Constitution n'est pas prévue dans la loi fondamentale actuelle.
"Interroger le peuple pour savoir ce qu'il veut, s'il faut procéder à la révision de la Constitution en vigueur et quelles dispositions modifier ou s'il faut doter le pays d'une nouvelle Constitution, c'est le peuple qui tranche", a-t-il indiqué, suggérant un référendum sur l'initiative du président Ouattara et dénonçant "l'illégitimité" du comité d'experts.
Pour Cissé Bacongo, un ancien ministre proche de M. Ouattara et membre du comité d'experts, "il s'agit bien d'une nouvelle Constitution, pas d'une révision constitutionnelle".
"Dans sa réalisation, c'est une nouvelle Constitution, pour nous il s'agit de faire table rase du passé", a-t-il martelé.
Cissé Bacongo a fait remarquer que la démarche du président ivoirien de mettre sur pied un comité d'experts n'est pas un cas isolé.
"La Constitution de la 5ème République de la France a été élaborée de la même manière que celle qui est en voie d'élaboration, à savoir par des experts", a-t-il cru savoir.
Sa position est soutenue par Epiphane Zoro, un magistrat proche du parti de M. Ouattara, pour qui le processus mis en place par le président ivoirien respecte les exigences démocratiques.
"Le chef de l'Etat a entrepris de larges consultations avec la société civile, les chefs traditionnels et religieux, les partis politiques pour recueillir leurs contributions qui sont versées aux travaux du comité d'experts qui lui aussi procède à des auditions et consultations, l'Assemblée nationale a adopté une loi organique sur le référendum", a-t-il expliqué avant de conclure : "le processus d'élaboration de la nouvelle Constitution répond aux exigences démocratiques de concertation et de consultation populaire avec en clef de voûte l'implication du parlement et de façon directe le recours au peuple à travers le référendum".
Des précisions loin de convaincre la société civile qui s'interroge sur l'opportunité de l'élaboration d'une nouvelle Constitution.
Après enquête auprès d'une vingtaine de groupes de discussions dans tout le pays, la Plate-forme de la société civile pour l'observation des élections en Côte d'Ivoire (POECI) estime que les réformes sociales, la réconciliation nationale, la lutte contre la vie chère paraissent bien plus prioritaires pour les Ivoiriens que la refonte de la Constitution.
Le projet de réforme constitutionnelle n'est pas opportun pour ces citoyens, selon la POECI qui préconise de surseoir à la création d'un sénat et d'une vice-présidence pour "rationnaliser les dépenses et les privilèges accordés aux gouvernants".
Même son de cloche du côté des partis politiques de l'opposition qui rejettent tout en bloc et menacent.
L'OPPOSITION BANDE SES MUSCLES
Au total 23 partis dont le Front populaire ivoirien (FPI, de Laurent Gbagbo), membres du Collectif des partis de l'opposition démocratique (CODE), sont farouchement opposés à la réforme constitutionnelle qu'ils jugent "antidémocratique, illégale et illégitime".
L'opposition rejette la vice-présidence, une réforme présentée comme une "dérive monarchique de M. Ouattara en vue de choisir son successeur" ou un sénat dont le tiers des membres serait nommé par le chef de l'Etat.
Un parti de l'opposition croit même savoir que le texte en élaboration prévoit la suppression de la limite d'âge d'éligibilité "pour permettre à Ouattara de rester au pouvoir jusqu'à sa mort".
Ils remettent en cause la procédure "autoritaire" engagée par le président ivoirien et critique l'absence de concertation avec l'opposition pour rédiger le texte de la nouvelle loi fondamentale.
Pour le président du FPI, Pascal Affi N'guessan, les conditions ne sont pas encore réunies pour une nouvelle Constitution, le pays restant divisé après la meurtrière crise post-électorale de 2010.
Le FPI et ses alliés appellent au rejet du projet de M. Ouattara et menacent de faire descendre leurs partisans dans la rue.
Pour le pouvoir, l'opposition fait un procès d'intention au président Ouattara.
LA COALITION AU POUVOIR SE SERRE LES COUDES
Le porte-parole du Rassemblement des républicains (RDR, parti présidentiel), Joël N'guessan, a jugé "saugrenue" la démarche des partis de l'opposition.
"Ils n'ont même pas vu le texte, on n'a même pas encore soumis le texte aux députés et ils disent qu'ils ne sont pas d'accord, leur démarche est saugrenue", a-t-il fulminé.
Sur l'opportunité de la nouvelle Constitution, le porte-parole du gouvernement, Bruno Koné pense que le moment est bien choisi.
"Dans dix ans, on pourra continuer à dire que ce n'est pas le moment opportun, parce qu'il y aura encore des problèmes non résolus au niveau de la nation", a-t-il relevé.
Bruno Koné a affirmé qu'"il n'y a aucune nation qui n'ait complètement résolu ses problèmes avant d'aller travailler sur une Constitution".
"Bien au contraire, le bon moment pour travailler sur une Constitution, c'est justement le moment où il y a des difficultés", a-t-il souligné.
Au sein de la grande famille du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, coalition au pouvoir), après des semaines de cacophonie au sujet du terme adéquat concernant le projet en élaboration, l'unité semble retrouvée après une rencontre avec le président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié (principal allié d'Alassane Ouattara).
"Nous indiquons à tous les cadres du RHDP qu'à partir de maintenant, pour éviter la cacophonie dans le message, il s'agit de l'élaboration d'une nouvelle Constitution", a déclaré le président du directoire du RHDP, Amadou Soumahoro, tout en rassurant que "sur la création d'un sénat, d'un poste de vice-président, du maintien de la primature, le président Bédié est en phase avec le président de la République".
Fort de cette mise au point, les responsables de la coalition sont en campagne sur l'ensemble du territoire national pour appeler à voter pour le projet de nouvelle Constitution à l'occasion du référendum prévu fin octobre.