Evoquer la question du mauvais état de la route dans le milieu des transporteurs dans le Nord de la Côte d’Ivoire équivaut à toucher à un fétiche. En effet, traumatisés par cette situation qui a fait de nombreux dégâts au niveau des véhicules, c’est à mots couverts qu’ils daignent en parler, n’ayant aucun interlocuteur. Car disent-ils en chœur, et ils ont d’ailleurs raison, « la nationale A3 manque d’entretien ». Nous nous sommes rendus sur cette route en question pour mieux appréhender l’ampleur du phénomène puisque c’est là-bas que tout se passe. « C’est tout simplement alarmant !».
« Eh Dieu », c’est l’onomatopée entendue chez les chauffeurs et passagers qui empruntent l’axe Katiola-Niakara en provenance de Bouaké. Pour cause, le mauvais état de la route. L’axe Katiola-Niakara constitue un véritable casse-tête pour tous ceux qui le pratiquent. Des nids de poule et des crevasses à n’en point finir. Les automobilistes zigzaguent pour se frayer un passage tout le long des 70 kilomètres de distance entre ces deux localités. Un véritable calvaire qui contribue au ralentissement des activités économiques de cette partie du pays, surtout pendant les grandes saisons de pluie. A cause du mauvais état de la route, entre Katiola et Niakara, les camions, véhicules de transport commun et autres peuvent banalement perdre deux heures et demi.
Tronçon de la Honte
Et quand après toute cette souffrance, vous débarquez dans une ville obscure de Niakara, qui affiche un visage lugubre, vous avez le choix entre rire et pleurer. Le tronçon Katiola-Niakara-Kanawolo est une honte nationale, nous a dit à Niakara la plupart des habitants de la ville rencontrés. Pour eux, il est inimaginable que cette commune, capitale de l’anacarde soit dépourvue de Bitume par endroits, et envahie des carcasses de véhicules accidentés qui longent la route. Un triste paysage qui s’offre à tous à l’entrée de cette ville carrefour. Ici, pour ne rien arranger, les nids de poule se transforment en de véritables ‘’nids d’éléphant’’. Les petites voitures, après avoir évité plusieurs nids de poule sur une distance de plus de 70 km (Katiola-Niakara), peinent à faire leur entrée dans la commune et même à la traverser. « La route de Niakara est le tronçon de la honte pour les transporteurs ivoiriens », déplore Ouattara Mamadou, cadre dans une société d’import-export. Apparemment pour d’autres dans cette ville, le Fonds d’Entretien Routier et la mairie de Niakara ont tout simplement fui leur responsabilité. « Il faudrait que les autorités municipales à leur niveau sauvent l’image de Niakara. Sinon, le mieux serait de faire des déviations pour le plus grand bonheur des usagers », dit Chérif Abdoulaye, transporteur. Ici, en plus des ‘’nids d’éléphant’’, le conducteur doit éviter les camions-remorques stationnés anarchiquement le long de la chaussée. Toutefois, une question reste posée à Niakara : « Que fait le maire pour mettre fin à cela ? », une question à laquelle personne ne peut répondre car les services techniques de la mairie nous sont restés fermés. « Il y a un air de repos pour les véhicules poids lourd, mais tous préfèrent stationner sur la chaussée et le trottoir au vu et su des services techniques de la mairie malgré les désagréments que cela cause», s’insurge Coulibaly Kignilman Jérôme, professeur de langue. « Peut-être qu’il y a un deal entre les chauffeurs de ces engins et le maire. Sinon comment comprendre cela ? », renchérissent Diallo Salif et Koné Issiaka, tous deux chauffeurs de véhicules de transport en commun. De Niakara à Kanawolo, c’est un autre problème routier. Nids de poule se succèdent aux ‘’nids d’éléphant’’ et autres trous à ciel ouvert sur ce qui reste du bitume.
Causes des accidents de circulation
Les accidents mortels sont devenus récurrents sur ce tronçon. Selon un transporteur routier, le mauvais état de la route est la principale cause des innombrables accidents. « Aujourd’hui, les accidents sur la Nationale A3 sont dus principalement au mauvais état de la route en plus de l’incompétence de certains chauffeurs. Je suis constamment sur cette route et j’avoue que les difficultés sont énormes. Je tombe toujours en panne à cause de la route et cela me retarde dans la livraison de la marchandise que je transporte. Et d’ailleurs, beaucoup de marchandises pourrissent en cours de route et cela cause d’énormes pertes à nos clients », nous a expliqué Tuo Oumarou, transporteur routier. A un moment où les grandes pluies s’annoncent à l’horizon et que le Fonds d’Entretien Routier (FER) est plus que jamais inerte, les usagers de la route Katiola-Niakara-Kanawolo n’ont d’autres choix que de prendre leur mal en patience.
Ferké-Ouangolo : Sanctuaire des coupeurs de route
Cet état de fait peut être constaté depuis la sortie de la ville de Tafiré (39 km de Kanawolo). Là, la route en plus d’être impraticable devient le nid des coupeurs de route. L’axe Férké-Ouangolo est l’une des plus dangereuses routes en Côte d’Ivoire. L’état dégradé de cette route, réalisée au temps de la première République, laisse indifférentes les autorités, au grand dam de ses usagers, qui n’ont que leurs yeux pour pleurer. Il est presque impossible de faire une centaine de mètres sans se heurter à ces innombrables trous qui empêchent la fluidité de la circulation. Toute chose qui fait que les accidents mortels sont devenus récurrents sur ce tronçon et qui fait l’affaire de coupeurs de route. Ici, tous les voyageurs retiennent leur souffle dès qu’ils prennent la route Ferké-Ouangolo. « On ne sait pas si cette route a été faite contre nous les usagers », se demande Ouattara Seydou, infirmier à Ouangolo. « Notre département (ndrl : Férké) vit les affres d’une situation de psychose totale qui empoisonne notre développement », renchérit Silué Dokanaman Cheick Tidiane, opérateur économique.
Chacun y gagne à tous les coups
A l’évidence, le mauvais état de la route a créé un nouvel emploi. Celui de colmater les nids de poule qui implique de nombreux autres acteurs. Ainsi, outre les jeunes sur la chaussée pour colmater les trous, il y a les patrons, les employeurs de ces jeunes dont l’âge varient entre 10 et 25 ans, les accessoiristes (brouettes, pelles, pioches et machettes), les mécaniciens-réparateurs aux abords des voies pour ne citer que ceux-là. A en croire le bilan des gains journaliers et mensuels dont ont fait état certains de nos interlocuteurs, nul doute que chacun tire son épingle du jeu. Pour en venir aux ’’colmateurs’’ proprement dits, il n’y a pas de sommes fixes. Chaque conducteur donne ce qu’il veut. A la tête du ’’colmateur’’ et l’humeur du conducteur, la somme peut aller de 100 à 500 FCFA vu l’heure ou le mauvais temps. Koné Kignélman Franck, 18 ans forgeron à Katiola, déclare une recette journalière variant entre 1.500 et 2.500 FCFA. Soit 46.500 à 77.500 FCFA par mois. Sans compter les extras. Cependant, selon que le matériel appartient ou pas au ’’colmateur’’, il convient de nuancer ce gain. S’il est employé, le patron perçoit 900 FCFA par jour, l’accessoiriste 200 FCFA et lui, il gère le reste. Étant entendu que le transport, les frais médicaux et la nourriture sont à la charge du patron. Ce qui semble arranger les deux parties. L’on comprend donc l’engouement des uns et des autres et le sentiment d’épanouissement ambiant. « J’arrive à participer aux dépenses de ma famille », nous a confié Diallo Issa, 14 ans mendiant reconverti. Quand d’autres parlent d’aide aux proches avec cet argent. Les élèves de la région du Hambol, eux, clament fièrement leur autonomie financière. « Je ne tends plus la main à qui que ce soit et je peux désormais subvenir à la plupart de mes besoins comme l’achat de fringues et fournitures scolaires », peut donc s’extasier le jeune Coulibaly Katié Olivier. « Quelquefois, nous sommes chassés par les coupeurs de routes qui disent qu’à cause de nous, les conducteurs ne ralentissent plus dans leurs différents points d’embuscade. Ou aussi, il peut arriver des jours où nous ne percevons, même pas, une petite pièce d’argent », nous dit Touré Abdoul-Aziz.
Ainsi va l’état de la Nationale A3, qui traverse la Côte d’Ivoire du Sud au Nord en se projetant au Mali et Burkina- Faso.
Réalisée par Aboubacar Al Syddick
« Eh Dieu », c’est l’onomatopée entendue chez les chauffeurs et passagers qui empruntent l’axe Katiola-Niakara en provenance de Bouaké. Pour cause, le mauvais état de la route. L’axe Katiola-Niakara constitue un véritable casse-tête pour tous ceux qui le pratiquent. Des nids de poule et des crevasses à n’en point finir. Les automobilistes zigzaguent pour se frayer un passage tout le long des 70 kilomètres de distance entre ces deux localités. Un véritable calvaire qui contribue au ralentissement des activités économiques de cette partie du pays, surtout pendant les grandes saisons de pluie. A cause du mauvais état de la route, entre Katiola et Niakara, les camions, véhicules de transport commun et autres peuvent banalement perdre deux heures et demi.
Tronçon de la Honte
Et quand après toute cette souffrance, vous débarquez dans une ville obscure de Niakara, qui affiche un visage lugubre, vous avez le choix entre rire et pleurer. Le tronçon Katiola-Niakara-Kanawolo est une honte nationale, nous a dit à Niakara la plupart des habitants de la ville rencontrés. Pour eux, il est inimaginable que cette commune, capitale de l’anacarde soit dépourvue de Bitume par endroits, et envahie des carcasses de véhicules accidentés qui longent la route. Un triste paysage qui s’offre à tous à l’entrée de cette ville carrefour. Ici, pour ne rien arranger, les nids de poule se transforment en de véritables ‘’nids d’éléphant’’. Les petites voitures, après avoir évité plusieurs nids de poule sur une distance de plus de 70 km (Katiola-Niakara), peinent à faire leur entrée dans la commune et même à la traverser. « La route de Niakara est le tronçon de la honte pour les transporteurs ivoiriens », déplore Ouattara Mamadou, cadre dans une société d’import-export. Apparemment pour d’autres dans cette ville, le Fonds d’Entretien Routier et la mairie de Niakara ont tout simplement fui leur responsabilité. « Il faudrait que les autorités municipales à leur niveau sauvent l’image de Niakara. Sinon, le mieux serait de faire des déviations pour le plus grand bonheur des usagers », dit Chérif Abdoulaye, transporteur. Ici, en plus des ‘’nids d’éléphant’’, le conducteur doit éviter les camions-remorques stationnés anarchiquement le long de la chaussée. Toutefois, une question reste posée à Niakara : « Que fait le maire pour mettre fin à cela ? », une question à laquelle personne ne peut répondre car les services techniques de la mairie nous sont restés fermés. « Il y a un air de repos pour les véhicules poids lourd, mais tous préfèrent stationner sur la chaussée et le trottoir au vu et su des services techniques de la mairie malgré les désagréments que cela cause», s’insurge Coulibaly Kignilman Jérôme, professeur de langue. « Peut-être qu’il y a un deal entre les chauffeurs de ces engins et le maire. Sinon comment comprendre cela ? », renchérissent Diallo Salif et Koné Issiaka, tous deux chauffeurs de véhicules de transport en commun. De Niakara à Kanawolo, c’est un autre problème routier. Nids de poule se succèdent aux ‘’nids d’éléphant’’ et autres trous à ciel ouvert sur ce qui reste du bitume.
Causes des accidents de circulation
Les accidents mortels sont devenus récurrents sur ce tronçon. Selon un transporteur routier, le mauvais état de la route est la principale cause des innombrables accidents. « Aujourd’hui, les accidents sur la Nationale A3 sont dus principalement au mauvais état de la route en plus de l’incompétence de certains chauffeurs. Je suis constamment sur cette route et j’avoue que les difficultés sont énormes. Je tombe toujours en panne à cause de la route et cela me retarde dans la livraison de la marchandise que je transporte. Et d’ailleurs, beaucoup de marchandises pourrissent en cours de route et cela cause d’énormes pertes à nos clients », nous a expliqué Tuo Oumarou, transporteur routier. A un moment où les grandes pluies s’annoncent à l’horizon et que le Fonds d’Entretien Routier (FER) est plus que jamais inerte, les usagers de la route Katiola-Niakara-Kanawolo n’ont d’autres choix que de prendre leur mal en patience.
Ferké-Ouangolo : Sanctuaire des coupeurs de route
Cet état de fait peut être constaté depuis la sortie de la ville de Tafiré (39 km de Kanawolo). Là, la route en plus d’être impraticable devient le nid des coupeurs de route. L’axe Férké-Ouangolo est l’une des plus dangereuses routes en Côte d’Ivoire. L’état dégradé de cette route, réalisée au temps de la première République, laisse indifférentes les autorités, au grand dam de ses usagers, qui n’ont que leurs yeux pour pleurer. Il est presque impossible de faire une centaine de mètres sans se heurter à ces innombrables trous qui empêchent la fluidité de la circulation. Toute chose qui fait que les accidents mortels sont devenus récurrents sur ce tronçon et qui fait l’affaire de coupeurs de route. Ici, tous les voyageurs retiennent leur souffle dès qu’ils prennent la route Ferké-Ouangolo. « On ne sait pas si cette route a été faite contre nous les usagers », se demande Ouattara Seydou, infirmier à Ouangolo. « Notre département (ndrl : Férké) vit les affres d’une situation de psychose totale qui empoisonne notre développement », renchérit Silué Dokanaman Cheick Tidiane, opérateur économique.
Chacun y gagne à tous les coups
A l’évidence, le mauvais état de la route a créé un nouvel emploi. Celui de colmater les nids de poule qui implique de nombreux autres acteurs. Ainsi, outre les jeunes sur la chaussée pour colmater les trous, il y a les patrons, les employeurs de ces jeunes dont l’âge varient entre 10 et 25 ans, les accessoiristes (brouettes, pelles, pioches et machettes), les mécaniciens-réparateurs aux abords des voies pour ne citer que ceux-là. A en croire le bilan des gains journaliers et mensuels dont ont fait état certains de nos interlocuteurs, nul doute que chacun tire son épingle du jeu. Pour en venir aux ’’colmateurs’’ proprement dits, il n’y a pas de sommes fixes. Chaque conducteur donne ce qu’il veut. A la tête du ’’colmateur’’ et l’humeur du conducteur, la somme peut aller de 100 à 500 FCFA vu l’heure ou le mauvais temps. Koné Kignélman Franck, 18 ans forgeron à Katiola, déclare une recette journalière variant entre 1.500 et 2.500 FCFA. Soit 46.500 à 77.500 FCFA par mois. Sans compter les extras. Cependant, selon que le matériel appartient ou pas au ’’colmateur’’, il convient de nuancer ce gain. S’il est employé, le patron perçoit 900 FCFA par jour, l’accessoiriste 200 FCFA et lui, il gère le reste. Étant entendu que le transport, les frais médicaux et la nourriture sont à la charge du patron. Ce qui semble arranger les deux parties. L’on comprend donc l’engouement des uns et des autres et le sentiment d’épanouissement ambiant. « J’arrive à participer aux dépenses de ma famille », nous a confié Diallo Issa, 14 ans mendiant reconverti. Quand d’autres parlent d’aide aux proches avec cet argent. Les élèves de la région du Hambol, eux, clament fièrement leur autonomie financière. « Je ne tends plus la main à qui que ce soit et je peux désormais subvenir à la plupart de mes besoins comme l’achat de fringues et fournitures scolaires », peut donc s’extasier le jeune Coulibaly Katié Olivier. « Quelquefois, nous sommes chassés par les coupeurs de routes qui disent qu’à cause de nous, les conducteurs ne ralentissent plus dans leurs différents points d’embuscade. Ou aussi, il peut arriver des jours où nous ne percevons, même pas, une petite pièce d’argent », nous dit Touré Abdoul-Aziz.
Ainsi va l’état de la Nationale A3, qui traverse la Côte d’Ivoire du Sud au Nord en se projetant au Mali et Burkina- Faso.
Réalisée par Aboubacar Al Syddick