Contrairement à ce que pensent – ou affirment - certains politiciens, le débat sur le projet de la « nouvelle constitution » est une ‘’très bonne chose’’ qui ne saurait s’arrêter de si tôt. En effet, ce débat s’inscrit dans « l’esprit même de la démocratie » qui est justement fondé (cet esprit) sur des « avis et opinions contradictoires sur un sujet ou événement donné » jusqu’à ce que se dégage un « consensus » ou du moins une « majorité ». Même si, on le sait, ‘’majorité’’ n’est pas toujours synonyme de ‘’raison’’, mais c’est la règle de la démocratie !
Autrement dit, le consensus tant ‘’prisé’’ par les Africains (l’esprit « d’unanimisme africain » !) ne peut s’obtenir, dans un système démocratique moderne, qu’au bout d’un processus fait de débats contradictoires. Il ne sert donc à rien de faire un « forcing » pour imposer un « consensus factice » qui ne saurait prospérer.
Ce qui est sûr, c’est que lorsque la « vie de la nation est en jeu », un ‘’bon patriote’’ (ou un ‘’bon Ivoirien nouveau’’, ce qui revient au même !) ne peut (ou ne doit pas) ‘’se taire’’ ! Le débat sur le projet de la ‘’nouvelle constitution’’ doit donc rester ouvert. Jusqu’à ce que les courtisans arrêtent de flagorner et que les opposants retrouvent raison et sagesse. Et surtout que les citoyens aient la compréhension du sujet débattu : « révision de l’ancienne constitution » ou « élaboration d’une nouvelle loi fondamentale » ?
Pour cette dernière option, un « Comité d’experts », fût-il composé d’éminents juristes, suffit-il ? Même avec ‘’l’association de toutes les couches sociales’’. N’est-il pas plus indiqué d’élire une « Assemblée constituante » à l’instar par exemple de la France, dont la constitution de la Ve République (1958) continue de résister au temps ? L’objectif du président Ouattara étant de laisser aux générations futures un « nouveau contrat social » qui transmet « un message de paix, d’unité, de prospérité et d’espérance en l’avenir ».
Arguments fallacieux
Maintenant, que peut-on dire ?
D’abord, il faut reconnaître que le président de la République a le droit d’initier un projet de révision (ou d’élaboration) de la constitution. Pourvu qu’il ait des « arguments pour cela ». Et en fait d’arguments, le président Ouattara, dans le cas d’espèce, en a de massue. Entre autres : « la paix et la stabilité » comme l’objectif de son projet : « L’intérêt de cette réforme est de garantir la paix et la stabilité auxquelles mon aîné, le président Henri Konan Bédié et moi-même sommes particulièrement attachés. De plus, elle mettra notre pays à l’abri des tensions et des incertitudes pouvant déboucher sur un ralentissement économique », a-t-il expliqué dans son message à la nation le 6 août dernier. Il faut être vraiment ‘’anti-patriote’’ pour être contre un projet si ‘’patriotique’’ !
En effet, il semble que nos différentes crises socio-politiques depuis la mort du ‘’père de la nation’’ (Félix Houphouët-Boigny) prennent leur source dans ‘’nos constitutions’’ : ‘’Réformes constitutionnelles’’ du président Henri Konan Bédié (1995) qui ont entraîné le coup d’Etat de 1999 ; ‘’Nouvelle constitution’’ (2000) qui a conduit à la chute du Général Guéi, tout comme celle (la chute) du président Laurent Gbagbo (2011). Comme dit notre ami Mory Traoré, les « constitutions écrites » portent en elles les germes de conflits.
Accords de Linas-
Marcoussis
Bien sûr, pour le président Ouattara, c’est moins le ‘’caractère écrit’’ de la constitution qui pose problème que son contenu ‘’injuste et inique’’. Il est donc nécessaire d’extirper de notre « loi fondamentale » actuelle ses ‘’germes conflictuels’’. Selon les recommandations mêmes des accords de Linas-Marcoussis (Paris, 2003) dont le président Ouattara dit qu’elles (ces recommandations) ont reçu l’approbation de nos principaux leaders politiques présents dans la capitale française.
Mais plus que ‘’la paix et la stabilité’’, même une préoccupation déjà noble, ce qui plaide encore en faveur du projet de la nouvelle constitution, c’est la « non-candidature du président Ouattara en 2020 ». Car ce qui pose problème dans les révisions constitutionnelles en Afrique, c’est la volonté des ‘’présidents sortants’’ de modifier la loi fondamentale pour se maintenir au pouvoir. Certes, le président Ouattara n’a pas encore dit « clairement » qu’il ne serait pas candidat en 2020. C’est plutôt Cissé Bacongo qui l’a affirmé publiquement le 20 août 2016 lors d’une manifestation des jeunes républicains (Rjr) à la rue Lepic.
Il y a donc un « hic » dans l’entreprise du président de la République ! Ne cache-t-il pas sa « véritable intention », celle de briguer un « 3ème mandat » ? La «nouvelle constitution » qui va certainement faire sauter les « verrous juridiques», lui permettant de solliciter un tel suffrage sans être traité « d’anti-démocrate ». Mais ici encore, Cissé Bacongo a tenté de rassurer : «Le président Ouattara qui est un grand bosseur, a besoin de repos après dix ans de gestion du pouvoir. Voilà pourquoi les arguments de ceux qui attribuent au président Ouattara l’intention d’un 3ème mandat sont tout simplement des arguments fallacieux ! ». Bruno Koné, de son côté, déclare : « Cette constitution précisera que le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel et éligible une seule fois. Ce n’est pas dans l’intention du chef de l’Etat de toucher à cette disposition » (conférence de presse du vendredi 3 juin 2016, après le Conseil des ministres).
Mais beaucoup doutent de la sincérité de ces tentatives d’explication. Déjà des « flagorneurs », à l’instar de nos ‘’têtes couronnées’’, sont à la tâche pour préparer les esprits à accepter ce 3ème mandat : « Un 3ème mandant à Ouattara ne dérangerait pas », lance astucieusement le mercredi 8 juin Nanan Désiré Tanoé, président du directoire de la Chambre des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire. Le président Ouattara doit donc lever toute équivoque : oui ou non sera-t-il candidat en 2020 ? La réponse claire à cette question déterminera la position de beaucoup d’Ivoiriens.
Le conflit entre ‘’ET’’ et ‘’OU’’
Enfin, plus que le 3ème mandat, l’obstacle majeur à toute révision constitutionnelle en Côte d’Ivoire, c’est l’état actuel de la « mentalité du peuple » : fortement attachée à son « ET », la majorité des Ivoiriens n’est pas prête à céder d’un « iota » sur « l’article 35 » de la constitution actuelle. Et ce n’est pas le probable vote à « plus de 100 % » du ‘’référendum’’ et de la ‘’nouvelle constitution’’ qui changerait cette ‘’mentalité’’. Il faut sûrement encore du temps.
En effet, la majorité des Ivoiriens reste attachée à cette ‘’clause constitutionnelle’’ de « deux mandats présidentiels ». Comme le fait savoir Séraphin Yao Kouamé (maire PDCI de Bodro): « La question de 3ème mandat ne doit pas et ne peut même pas être envisagée : ce serait un recul de la démocratie en Côte d’Ivoire. »
En un mot, il faut remettre à plus tard ce projet de ‘’nouvelle constitution’’ : en voulant réparer une ‘’injustice’’, on risque de créer une ‘’autre injustice’’ plus grave : une victoire de « ou » sur le « et » à l’heure actuelle reviendrait sûrement à réveiller les vieux démons qui, comme les ‘’crocodiles de Yamoussoukro’’ (pour paraphraser Félix Houphouët-Boigny), ‘’dorment les yeux ouverts’’ !
Nous craignon fort qu’une ‘’nouvelle constitution’’ élaborée dans les conditions actuelles ne soit une ‘’constitution mort-née’’. Au plus une « constitution unijambiste » (pour parler comme Joachim Bohui), causant sur son passage des dégâts aux conséquences imprévisibles. Comme ces ‘’sorciers du village’’. La priorité actuelle est incontestablement celle de réaliser la « réconciliation nationale ». Enfin, pour paraphraser l’Ecriture, nous disons : « Je crois, c’est pourquoi j’ai écrit ! » (2 Corinthiens 4 : 13). A bon entendeur… salut .
K. K. MAN JUSU
Journaliste consultant kkmanjusu@yahoo.fr
Autrement dit, le consensus tant ‘’prisé’’ par les Africains (l’esprit « d’unanimisme africain » !) ne peut s’obtenir, dans un système démocratique moderne, qu’au bout d’un processus fait de débats contradictoires. Il ne sert donc à rien de faire un « forcing » pour imposer un « consensus factice » qui ne saurait prospérer.
Ce qui est sûr, c’est que lorsque la « vie de la nation est en jeu », un ‘’bon patriote’’ (ou un ‘’bon Ivoirien nouveau’’, ce qui revient au même !) ne peut (ou ne doit pas) ‘’se taire’’ ! Le débat sur le projet de la ‘’nouvelle constitution’’ doit donc rester ouvert. Jusqu’à ce que les courtisans arrêtent de flagorner et que les opposants retrouvent raison et sagesse. Et surtout que les citoyens aient la compréhension du sujet débattu : « révision de l’ancienne constitution » ou « élaboration d’une nouvelle loi fondamentale » ?
Pour cette dernière option, un « Comité d’experts », fût-il composé d’éminents juristes, suffit-il ? Même avec ‘’l’association de toutes les couches sociales’’. N’est-il pas plus indiqué d’élire une « Assemblée constituante » à l’instar par exemple de la France, dont la constitution de la Ve République (1958) continue de résister au temps ? L’objectif du président Ouattara étant de laisser aux générations futures un « nouveau contrat social » qui transmet « un message de paix, d’unité, de prospérité et d’espérance en l’avenir ».
Arguments fallacieux
Maintenant, que peut-on dire ?
D’abord, il faut reconnaître que le président de la République a le droit d’initier un projet de révision (ou d’élaboration) de la constitution. Pourvu qu’il ait des « arguments pour cela ». Et en fait d’arguments, le président Ouattara, dans le cas d’espèce, en a de massue. Entre autres : « la paix et la stabilité » comme l’objectif de son projet : « L’intérêt de cette réforme est de garantir la paix et la stabilité auxquelles mon aîné, le président Henri Konan Bédié et moi-même sommes particulièrement attachés. De plus, elle mettra notre pays à l’abri des tensions et des incertitudes pouvant déboucher sur un ralentissement économique », a-t-il expliqué dans son message à la nation le 6 août dernier. Il faut être vraiment ‘’anti-patriote’’ pour être contre un projet si ‘’patriotique’’ !
En effet, il semble que nos différentes crises socio-politiques depuis la mort du ‘’père de la nation’’ (Félix Houphouët-Boigny) prennent leur source dans ‘’nos constitutions’’ : ‘’Réformes constitutionnelles’’ du président Henri Konan Bédié (1995) qui ont entraîné le coup d’Etat de 1999 ; ‘’Nouvelle constitution’’ (2000) qui a conduit à la chute du Général Guéi, tout comme celle (la chute) du président Laurent Gbagbo (2011). Comme dit notre ami Mory Traoré, les « constitutions écrites » portent en elles les germes de conflits.
Accords de Linas-
Marcoussis
Bien sûr, pour le président Ouattara, c’est moins le ‘’caractère écrit’’ de la constitution qui pose problème que son contenu ‘’injuste et inique’’. Il est donc nécessaire d’extirper de notre « loi fondamentale » actuelle ses ‘’germes conflictuels’’. Selon les recommandations mêmes des accords de Linas-Marcoussis (Paris, 2003) dont le président Ouattara dit qu’elles (ces recommandations) ont reçu l’approbation de nos principaux leaders politiques présents dans la capitale française.
Mais plus que ‘’la paix et la stabilité’’, même une préoccupation déjà noble, ce qui plaide encore en faveur du projet de la nouvelle constitution, c’est la « non-candidature du président Ouattara en 2020 ». Car ce qui pose problème dans les révisions constitutionnelles en Afrique, c’est la volonté des ‘’présidents sortants’’ de modifier la loi fondamentale pour se maintenir au pouvoir. Certes, le président Ouattara n’a pas encore dit « clairement » qu’il ne serait pas candidat en 2020. C’est plutôt Cissé Bacongo qui l’a affirmé publiquement le 20 août 2016 lors d’une manifestation des jeunes républicains (Rjr) à la rue Lepic.
Il y a donc un « hic » dans l’entreprise du président de la République ! Ne cache-t-il pas sa « véritable intention », celle de briguer un « 3ème mandat » ? La «nouvelle constitution » qui va certainement faire sauter les « verrous juridiques», lui permettant de solliciter un tel suffrage sans être traité « d’anti-démocrate ». Mais ici encore, Cissé Bacongo a tenté de rassurer : «Le président Ouattara qui est un grand bosseur, a besoin de repos après dix ans de gestion du pouvoir. Voilà pourquoi les arguments de ceux qui attribuent au président Ouattara l’intention d’un 3ème mandat sont tout simplement des arguments fallacieux ! ». Bruno Koné, de son côté, déclare : « Cette constitution précisera que le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel et éligible une seule fois. Ce n’est pas dans l’intention du chef de l’Etat de toucher à cette disposition » (conférence de presse du vendredi 3 juin 2016, après le Conseil des ministres).
Mais beaucoup doutent de la sincérité de ces tentatives d’explication. Déjà des « flagorneurs », à l’instar de nos ‘’têtes couronnées’’, sont à la tâche pour préparer les esprits à accepter ce 3ème mandat : « Un 3ème mandant à Ouattara ne dérangerait pas », lance astucieusement le mercredi 8 juin Nanan Désiré Tanoé, président du directoire de la Chambre des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire. Le président Ouattara doit donc lever toute équivoque : oui ou non sera-t-il candidat en 2020 ? La réponse claire à cette question déterminera la position de beaucoup d’Ivoiriens.
Le conflit entre ‘’ET’’ et ‘’OU’’
Enfin, plus que le 3ème mandat, l’obstacle majeur à toute révision constitutionnelle en Côte d’Ivoire, c’est l’état actuel de la « mentalité du peuple » : fortement attachée à son « ET », la majorité des Ivoiriens n’est pas prête à céder d’un « iota » sur « l’article 35 » de la constitution actuelle. Et ce n’est pas le probable vote à « plus de 100 % » du ‘’référendum’’ et de la ‘’nouvelle constitution’’ qui changerait cette ‘’mentalité’’. Il faut sûrement encore du temps.
En effet, la majorité des Ivoiriens reste attachée à cette ‘’clause constitutionnelle’’ de « deux mandats présidentiels ». Comme le fait savoir Séraphin Yao Kouamé (maire PDCI de Bodro): « La question de 3ème mandat ne doit pas et ne peut même pas être envisagée : ce serait un recul de la démocratie en Côte d’Ivoire. »
En un mot, il faut remettre à plus tard ce projet de ‘’nouvelle constitution’’ : en voulant réparer une ‘’injustice’’, on risque de créer une ‘’autre injustice’’ plus grave : une victoire de « ou » sur le « et » à l’heure actuelle reviendrait sûrement à réveiller les vieux démons qui, comme les ‘’crocodiles de Yamoussoukro’’ (pour paraphraser Félix Houphouët-Boigny), ‘’dorment les yeux ouverts’’ !
Nous craignon fort qu’une ‘’nouvelle constitution’’ élaborée dans les conditions actuelles ne soit une ‘’constitution mort-née’’. Au plus une « constitution unijambiste » (pour parler comme Joachim Bohui), causant sur son passage des dégâts aux conséquences imprévisibles. Comme ces ‘’sorciers du village’’. La priorité actuelle est incontestablement celle de réaliser la « réconciliation nationale ». Enfin, pour paraphraser l’Ecriture, nous disons : « Je crois, c’est pourquoi j’ai écrit ! » (2 Corinthiens 4 : 13). A bon entendeur… salut .
K. K. MAN JUSU
Journaliste consultant kkmanjusu@yahoo.fr