Dr Christophe Kouamé est le président de Civis-CI (Citoyens & participation), une organisation de la Société Civile qui a pour objet l’éducation à la citoyenneté, la promotion et la défense des droits humains. Dans l’entretien accordé à l’Intelligent d’Abidjan, il revient sur le processus d’élaboration de la Constitution prévue pour octobre 2016. Entretien !
Quel regard portez-vous sur le référendum constitutionnel ?
La question du référendum constitutionnel annoncé par le Président Ouattara, est en principe, une bonne chose. Dans la généralité, un référendum permet de passer d’une étape à une autre de la vie d’une nation en améliorant la Constitution existante. Parce que réviser, réformer signifie la remise en question de l’existant et partant son amélioration.
Pour vous, l’initiative actuelle de réforme constitutionnelle est une révision de la Constitution et non l’élaboration d’une nouvelle Constitution comme le soutient le Comité d’Experts ; aussi, soutenez-vous qu’il ne saurait y avoir de « nouvelle Constitution ». Expliquez-nous cette position ?
Cela ne relève pas d’une position particulière, mais ressort simplement de constat de plusieurs faits. Pour votre gouverne, la Constitution de 2000 n’a pas consacré la deuxième République.
En effet, en Droit constitutionnel pour consacrer une nouvelle République, il faut abolir l’ancienne, la remettre en question, or, l’ordonnance n° 01/99 PR du 27 décembre 1999 relative à la Constitution de 1960, portait simplement sur la suspension de celle-ci et non son abrogation.
De plus, l’ordonnance n° 01/99 PR du 27 décembre 1999 n’a pas remis en question la Constitution de 1960.
Pour ce qui est de l’appellation ‘’nouvelle Constitution’’, les juristes puristes disent que la Constitution étant l’ADN d’un peuple, même si on en fait une pour la deuxième République ou la troisième République, elle reste toujours l’ADN.
Donc, le terme ‘’nouvelle Constitution’’ n’est pas consacré juridiquement. On devrait dire plutôt la Constitution de 2000, la Constitution de 2016.
Le comité d’experts mis en place par le Président de la République, a-t-il fait du faux ?
Non, nous ne mettons pas en cause leurs expertises, mais nous disons que l’expertise juridique devrait intervenir après la réflexion sociologique des différentes forces vives de la nation (c’est-à-dire la consultation du corps social) et transformer cette réflexion sociologique en normes juridiques.
Oui mais plusieurs personnes parlent de 3ème République; les présidents Bédié et Ouattara parlent de la 3ème République. Vous dites le contraire, sont-ils dans le faux ?
Nous tenons à inviter chacun à se rappeler l’ordonnance n° 01/99 PR du 27 décembre 1999 portant suspension de la Constitution et organisation des pouvoirs publics, prise par feu le Général Robert Guéi.
Revenons aux experts, ce comité est-il crédible et représentatif ?
Sur la question, nous voudrions vous rappeler qu’il s’agit d’un Comité d’experts. A ce titre, c’est leur compétence avérée en la matière qui fait d’eux des experts.
Quelles sont vos observations sur le processus d’élaboration de la Constitution ?
Nos principales observations portent sur la conduite du processus d’élaboration de la Constitution. En dehors des consultations du Président de la République avec quelques représentants du corps social, il n’y a pas eu de véritable communication de l’Exécutif et un débat national sur la question.
Par ailleurs, vous constatez en même temps que nous une absence criante de chronogramme écrit, rendu public et le processus est conduit selon une méthodologie indéterminée, gérée de façon confidentielle.
En tant qu’observateur de la vie politique et institutionnelle depuis plusieurs années, nous pouvons dire que les enjeux des futures législatives sont énormes, par le simple fait qu’elles participeront de la fin d’un cycle d’élections post-crise. Dans ce cas, si le référendum se tient après les législatives, cela pourrait participer de la légitimation de la Constitution de 2016.
Aussi, ces législatives pourraient-elles nous donner un élément d’appréciation de la maturité démocratique.
Enfin, au vu de l’effervescence des candidatures dans les quartiers généraux des groupements et partis politiques (1651 candidats déclarés à ce pour 255 sièges de Députés), si le jeu démocratique est respecté, la future Assemblée Nationale pourrait être multicolore et participerait de la dynamique de débats contradictoires plus favorables au renforcement de la démocratie en Côte d’Ivoire.
Si le projet n’est pas présenté à temps, quel sera votre position ?
La mission de Civis-CI est de renforcer les citoyens dans leur capacité de compréhension, d’analyse et d’action en vue de la construction d’une société plus juste, solidaire et respectueuse des droits humains. Notre position consistera donc à éduquer, informer et sensibiliser les citoyens afin qu’ils comprennent le projet de Constitution et que leur vote référendaire soit éclairé.
Les textes ne sont pas encore rendus publics, mais l’opposition et le camp de l’exécutif appellent déjà à voter Oui ou Non…
Cette attitude de précampagne sur un texte méconnu est de nature à compromettre la paix sociale déjà fragile. Mais au-delà de la polémique suscitée, il existe des dispositions juridiques claires dans notre code électoral (Section 3 Article 28 à 32) ainsi que dans la loi organique portant référendum (Section II Article 09 à 13) qui énoncent clairement les débuts de campagnes ainsi que les sanctions encourues pour le non respect de ces dispositions. Les infractions à ces dispositions sont punies conformément aux articles 41 et 42 de la loi n° 2000-514 du 1er août 2000 portant Code électoral, telle que modifiée par les lois n° 2012-1130 du 13 décembre 2012, n° 2012-1193 du 27 décembre 2012 et n° 2015-216 du 02 avril 2015.
Les avez-vous une fois interpelés dans vos actions ?
Nous sommes à la troisième interview avec la presse où nous dénonçons ces attitudes. Aussi, le fait que l’exécutif gère de manière confidentielle le processus nourrit la rumeur.
Le Président de la République a décidé d’aller porter lui-même le projet de loi sur la nouvelle Constitution à la connaissance des députés. Quel commentaire ?
C’est une bonne idée pour sa part. Il en est l’instigateur, c’est donc fort logique qu’il le défend lui-même. Et vu la pertinence du sujet, il a jugé bon d’être le défenseur du projet. Il est l’initiateur, c’est normal qu’il aille exposer les motifs du projet référendaire devant les députés. Le projet est important. Et celui qui peut mieux le défendre n’est autre que lui. La première chose est qu’il est l’initiateur, la deuxième découle de l’importance du sujet à défendre.
Vous avez récemment constitué un Groupe de Plaidoyer, quel est son objectif ?
Ce groupe a pour objet de faire un plaidoyer en faveur d’un processus transparent, inclusif et apaisé. A cet effet, ces actions de plaidoyer ont été orientées vers toutes les parties prenantes (Gouvernement, partis et groupements politiques, centrales syndicales, organisations de la société civile).
Nous invitons les Ivoiriens à se mobiliser massivement pour s’approprier le projet de loi portant réforme constitutionnelle et à faire prévaloir leurs droits civiques.
Réalisée par HG, Coll. : TZ
Quel regard portez-vous sur le référendum constitutionnel ?
La question du référendum constitutionnel annoncé par le Président Ouattara, est en principe, une bonne chose. Dans la généralité, un référendum permet de passer d’une étape à une autre de la vie d’une nation en améliorant la Constitution existante. Parce que réviser, réformer signifie la remise en question de l’existant et partant son amélioration.
Pour vous, l’initiative actuelle de réforme constitutionnelle est une révision de la Constitution et non l’élaboration d’une nouvelle Constitution comme le soutient le Comité d’Experts ; aussi, soutenez-vous qu’il ne saurait y avoir de « nouvelle Constitution ». Expliquez-nous cette position ?
Cela ne relève pas d’une position particulière, mais ressort simplement de constat de plusieurs faits. Pour votre gouverne, la Constitution de 2000 n’a pas consacré la deuxième République.
En effet, en Droit constitutionnel pour consacrer une nouvelle République, il faut abolir l’ancienne, la remettre en question, or, l’ordonnance n° 01/99 PR du 27 décembre 1999 relative à la Constitution de 1960, portait simplement sur la suspension de celle-ci et non son abrogation.
De plus, l’ordonnance n° 01/99 PR du 27 décembre 1999 n’a pas remis en question la Constitution de 1960.
Pour ce qui est de l’appellation ‘’nouvelle Constitution’’, les juristes puristes disent que la Constitution étant l’ADN d’un peuple, même si on en fait une pour la deuxième République ou la troisième République, elle reste toujours l’ADN.
Donc, le terme ‘’nouvelle Constitution’’ n’est pas consacré juridiquement. On devrait dire plutôt la Constitution de 2000, la Constitution de 2016.
Le comité d’experts mis en place par le Président de la République, a-t-il fait du faux ?
Non, nous ne mettons pas en cause leurs expertises, mais nous disons que l’expertise juridique devrait intervenir après la réflexion sociologique des différentes forces vives de la nation (c’est-à-dire la consultation du corps social) et transformer cette réflexion sociologique en normes juridiques.
Oui mais plusieurs personnes parlent de 3ème République; les présidents Bédié et Ouattara parlent de la 3ème République. Vous dites le contraire, sont-ils dans le faux ?
Nous tenons à inviter chacun à se rappeler l’ordonnance n° 01/99 PR du 27 décembre 1999 portant suspension de la Constitution et organisation des pouvoirs publics, prise par feu le Général Robert Guéi.
Revenons aux experts, ce comité est-il crédible et représentatif ?
Sur la question, nous voudrions vous rappeler qu’il s’agit d’un Comité d’experts. A ce titre, c’est leur compétence avérée en la matière qui fait d’eux des experts.
Quelles sont vos observations sur le processus d’élaboration de la Constitution ?
Nos principales observations portent sur la conduite du processus d’élaboration de la Constitution. En dehors des consultations du Président de la République avec quelques représentants du corps social, il n’y a pas eu de véritable communication de l’Exécutif et un débat national sur la question.
Par ailleurs, vous constatez en même temps que nous une absence criante de chronogramme écrit, rendu public et le processus est conduit selon une méthodologie indéterminée, gérée de façon confidentielle.
En tant qu’observateur de la vie politique et institutionnelle depuis plusieurs années, nous pouvons dire que les enjeux des futures législatives sont énormes, par le simple fait qu’elles participeront de la fin d’un cycle d’élections post-crise. Dans ce cas, si le référendum se tient après les législatives, cela pourrait participer de la légitimation de la Constitution de 2016.
Aussi, ces législatives pourraient-elles nous donner un élément d’appréciation de la maturité démocratique.
Enfin, au vu de l’effervescence des candidatures dans les quartiers généraux des groupements et partis politiques (1651 candidats déclarés à ce pour 255 sièges de Députés), si le jeu démocratique est respecté, la future Assemblée Nationale pourrait être multicolore et participerait de la dynamique de débats contradictoires plus favorables au renforcement de la démocratie en Côte d’Ivoire.
Si le projet n’est pas présenté à temps, quel sera votre position ?
La mission de Civis-CI est de renforcer les citoyens dans leur capacité de compréhension, d’analyse et d’action en vue de la construction d’une société plus juste, solidaire et respectueuse des droits humains. Notre position consistera donc à éduquer, informer et sensibiliser les citoyens afin qu’ils comprennent le projet de Constitution et que leur vote référendaire soit éclairé.
Les textes ne sont pas encore rendus publics, mais l’opposition et le camp de l’exécutif appellent déjà à voter Oui ou Non…
Cette attitude de précampagne sur un texte méconnu est de nature à compromettre la paix sociale déjà fragile. Mais au-delà de la polémique suscitée, il existe des dispositions juridiques claires dans notre code électoral (Section 3 Article 28 à 32) ainsi que dans la loi organique portant référendum (Section II Article 09 à 13) qui énoncent clairement les débuts de campagnes ainsi que les sanctions encourues pour le non respect de ces dispositions. Les infractions à ces dispositions sont punies conformément aux articles 41 et 42 de la loi n° 2000-514 du 1er août 2000 portant Code électoral, telle que modifiée par les lois n° 2012-1130 du 13 décembre 2012, n° 2012-1193 du 27 décembre 2012 et n° 2015-216 du 02 avril 2015.
Les avez-vous une fois interpelés dans vos actions ?
Nous sommes à la troisième interview avec la presse où nous dénonçons ces attitudes. Aussi, le fait que l’exécutif gère de manière confidentielle le processus nourrit la rumeur.
Le Président de la République a décidé d’aller porter lui-même le projet de loi sur la nouvelle Constitution à la connaissance des députés. Quel commentaire ?
C’est une bonne idée pour sa part. Il en est l’instigateur, c’est donc fort logique qu’il le défend lui-même. Et vu la pertinence du sujet, il a jugé bon d’être le défenseur du projet. Il est l’initiateur, c’est normal qu’il aille exposer les motifs du projet référendaire devant les députés. Le projet est important. Et celui qui peut mieux le défendre n’est autre que lui. La première chose est qu’il est l’initiateur, la deuxième découle de l’importance du sujet à défendre.
Vous avez récemment constitué un Groupe de Plaidoyer, quel est son objectif ?
Ce groupe a pour objet de faire un plaidoyer en faveur d’un processus transparent, inclusif et apaisé. A cet effet, ces actions de plaidoyer ont été orientées vers toutes les parties prenantes (Gouvernement, partis et groupements politiques, centrales syndicales, organisations de la société civile).
Nous invitons les Ivoiriens à se mobiliser massivement pour s’approprier le projet de loi portant réforme constitutionnelle et à faire prévaloir leurs droits civiques.
Réalisée par HG, Coll. : TZ