La Côte d’Ivoire, le Ghana, le Sénégal, le Mali, la Guinée et le Bénin sont tous confrontés à la problématique de l’équilibre financier du secteur électricité, face à des besoins croissants de consommation de leurs populations respectives. Tous ces Etats font face à un déficit structurel à commencer par la Côte d’Ivoire, pourtant considérée comme un modèle dans la sous-région alors qu’elle sort de plus d’une décennie de crise socio-politique.
Une situation, déjà préoccupante pour les acteurs en charge de la gestion du secteur de l’électricité, aussi bien dans les segments de la production, du transport, de la distribution que de la commercialisation, qui doivent encore faire face aux exigences d’efficacité énergétique, de qualité de service, aux exigences du politique et à celles du consommateur.
Or, selon des experts, rencontrés par l’AIP dans ces 6 pays, l’électricité est un secteur "très capitalistique" qui nécessite des investissements très couteux dans les 4 segments cités plus haut. D’où le recours à des investisseurs privés (les IPP) pour la construction de centrales hydrauliques thermiques.
Dans tous ces pays, y compris la Côte d’Ivoire, l’Etat consacre des sommes importantes au secteur de l’électricité, notamment dans l’achat de combustibles. "L'énergie coûte cher à l'Etat et non pas pour le moment au consommateur", explique le président de l'Autorité de régulation de l'électricité du Bénin (ARE), Claude Gbaguidi, dont le pays importe 90% de sa consommation en énergie.
Les sources d’approvisionnement
L'énergie produite dans ces pays est à forte dominante thermique sauf le Ghana dont la source principale est hydraulique. Même là encore, le Ghana avec ses 1580 mégawatts (MW) de puissance installée en production hydroélectrique, en raison des effets du changement climatique, a recours à un navire générateur de 250 MW et d'une importation de 100 MW de la Côte d'Ivoire pour couvrir sa demande nationale estimée 1200 MW avec un pic de consommation de 2000 MW.
En Côte d’Ivoire, l’électricité produite provient à près de 85% du thermique et à 15% d'hydroélectricité. Idem pour le Sénégal qui est à 90% de thermique et à 10% d'hydroélectricité contrairement au Bénin qui importe 90% de sa consommation du Nigéria (90%), du Ghana et de la Côte d'Ivoire. Le Mali, en 2014, était à 40,17% d'hydroélectricité, 50% de thermique et 9,83% d'importation de la Côte d'Ivoire. Il en est de même pour la Guinée qui est en pleine restructuration de son secteur électrique, avec une dominante thermique constituée de six centrales thermiques et deux centrales hydrauliques.
La production thermique implique l'achat de combustibles soumis aux aléas du cours du baril du pétrole, ce qui a indubitablement une incidence sur le coût de revient et le tarif servi au consommateur. Selon le président de l'Autorité de régulation du Bénin, l'énergie produit à l'intérieur est plus cher que l'énergie importée. Le tarif de l'électricité différencie, en effet, en fonction de la source d’énergie qui peut être hydraulique ou thermique (gaz naturel, gasoil ou HVO).
En 2015, l’Etat de Côte d’Ivoire a dépensé 2 milliards de FCFA dans l’achat de gasoil destiné à alimenter les 55 centrales isolées dans les localités non encore raccordées au réseau électrique, selon le rapport d’activité de l’ANARE CI, l’Autorité de régulation du secteur de l’électricité.
L’épineux problème de la tarification
"Le prix du kilowattheure est lié à l'équilibre du secteur", explique le président de l'Autorité de régulation de l’électricité (ARE) du Bénin, qui précise que les coûts actuels dans ce pays ne permettent pas l'équilibre du secteur. Ils varient de 78F/KWh à 115 F/KWh. Un plan de redressement du secteur de l’électricité est en cours d'élaboration avec pour point central la question des tarifs, assure le ministre béninois de l'Energie, de l'Eau et des Mines, Dona Jean-Claude Houssou.
Plusieurs pays de la sous-région ont leur tarif d'électricité géré autrement, qui bénéficie d'une subvention de l'Etat notamment au Sénégal, au Mali, au Ghana, en Guinée, y compris la Côte d’Ivoire. Cependant au Sénégal où le coût de l'électricité est considéré comme l'un des plus chers au monde, selon la Commission de régulation du secteur de l'électricité du Sénégal (CRSE), le tarif moyen est de 117 francs le kilowattheure (F/kWh) et se situe entre 95,47F/kWh et 191,82F/kWh.
Le Ghana, en revanche, procède à une combinaison de toutes les formes d'énergies pour parvenir à un prix pondéré alors que les ménages qui sont les plus gros consommateurs ne paient que 60% du coût du service. Un prix estimatif est donc appliqué aux consommateurs ayant pour conséquence de créer un déficit en raison de la fraude.
En Guinée, au Mali et au Sénégal, l'électrification en milieu rural est libéralisée. Chaque opérateur au Sénégal fixe son prix en fonction des investissements réalisés. Pour la Guinée par contre, le prix en milieu rural est fixé sur la base du prix de la bougie utilisée dans les ménages pour l'éclairage. Il se fait au cas par cas et après une "enquête sur la volonté et la capacité des ménages à payer".
Certains opérateurs, par ailleurs, acceptent des paiements en nature (mil, miel, etc.), selon l'agence guinéenne de l'électrification rurale (AGER). Au Mali, cependant, le prix en milieu rural peut atteindre 200F/kWh (le prix du combustible représentant 80% des charges), au-delà de la bourse des ménages, poussant l'Etat à mener une étude pour la mise en place d'une péréquation, afin de faire baisser les prix. En zone urbaine, la société Energie du Mali (EDM SA) vend l'énergie à 98F/kWh contre un prix d'équilibre estimé à 127F/kWh, fait savoir le directeur de la production à EDM, Ladjio Sogoba.
"Les tarifs sont gelés pour des besoins qui augmentent", relève-t-il. "L'électricité est une denrée et elle a un coût", renchérit le président de l'autorité guinéenne de régulation de l'électricité.
Le compteur pré-payé imposé aux services étatiques
Plusieurs Experts affirment que le secteur de l'électricité doit pouvoir s'autofinancer. "Si on n'a pas un tarif approprié qui permet d'équilibrer les comptes, on n'aura du mal à financer le secteur" soutient Raoufou Moutaïrou Badarou, conseiller du ministre béninois de l’Energie, qui travaille au redressement du secteur énergie du Bénin.
Les compagnies nationales d'électricité du Bénin et du Togo doivent 60 milliards de francs CFA à la communauté électrique du Bénin (CEB), société bi-étatique appartenant au Togo et au Bénin. La CEB doit l'équivalent de cette somme au Nigéria, son principal fournisseur, qui a dû réduire sa fourniture d'électricité. Tout cela pour la seule raison que le juste prix n'est pas appliqué, explique-t-on.
Par ailleurs, la SBEE, la Société nationale d'électricité du Bénin, l’équivalent de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) en Côte d’Ivoire, cumule des impayés de factures de 150 milliards sur près de cinq ans. "A cause de la pression des populations, les pouvoirs publics ont du mal à toucher les tarifs, ce qui fait que cette absence de politique efficace de tarification a fragilisé durablement le secteur de l'électricité", regrette Raoufou Moutaïrou Badarou.
"La démarche est que tôt ou tard, et c'est incontournable, la vérité des prix va s'imposer", ajoute de son côté le ministre béninois de l'Energie, l'Eau et les Mines, Dona Jean-Claude Houssou.
Au Ghana, la société étatique, Northern electricity distribution compagny (NEDco), en charge de l'électrification dans le Nord du pays, croule sous le poids d'un déficit depuis sa création en 2013. Pour l'un des responsables, aucun tarif proposé ne peut régler le problème du déficit, or selon les projections de NEDco, le déficit devrait être rattrapé en 2019 avec un investissement de 300 millions de dollars.
Il y a un besoin d'investissement continu dans le secteur, afin de mettre à niveau ce secteur, assure-t-on. Face au déficit, le Ghana a pris une loi qui fait que depuis 2015, des compteurs prépayés sont installés dans tous les services de l'Etat en dehors de l'éducation, de la santé et de la sécurité. Cette loi institue aussi un prélèvement qui couvre l'éclairage public. Le Ghana espère ainsi régler toute la dette cumulée avec les recettes et faire des réserves pour assurer la qualité du service.
Des subventions à l'investissement sont accordées au Mali et au Sénégal par l'Etat. "La subvention ne couvre pas le déficit", souligne le directeur de la production à EDM, M. Sogoba, affirmant que l'opérateur est toujours en train "de courir après le déficit", étant donné que la demande croît de 10% par an. Pour lui, l'Etat doit faire des investissements structurants (Barrages, centrales, lignes de transport, transformateurs).
Chez le voisin ivoirien, c'est plus de 308 milliards de francs CFA que l'Etat consacre à l'achat de gaz naturel et de combustibles, représentant plus de 55% des charges de l'Etat, qui est l'acheteur unique pour des prix variant entre 36F/kWh et 105F/kWh loin du prix d'équilibre. Le pays a enregistré en juillet 2016 des impayés de factures de 88 milliards de FCFA et une dette envers les fournisseurs de 91 milliards. Le déficit cumulé se chiffrait à 200 milliards FCFA en 2015.
Pour certains experts, la bonne performance du secteur, notamment la réduction des taux de pertes techniques et commerciales pourrait agir sur le prix de l'électricité. Dans l'ensemble des pays de l'UEMOA, la tendance est aux compteurs à prépaiement. Au Sénégal, l'introduction de ces compteurs avait suscité des remous sociaux à cause d'un déficit de communication, mais les choses ont commencé à rentrer dans l'ordre car cela a été corrigé, rapporte la Commission de régulation sénégalaise.
"Tout le développement d'une nation repose sur l'énergie. Si le secteur de l'énergie est fragilisé, on ne peut pas entreprendre le développement. Acceptons de payer pour lancer et assurer le développement de nos pays", lance M. Badarou, qui souhaite que les Etats ne se tournent pas vers l'extérieur pour combler leur déficit. "Les Etats doivent donc diversifier leurs sources d'énergie afin d'agir sur les coûts de production", insiste-t-il.
La course aux énergies alternatives ou la question du mix énergétique
Aujourd’hui, les initiatives se multiplient dans ces pays sur fond de privatisation de tout l’écosystème, de la production à la commercialisation, en passant par l’exploitation. Pour un territoire aussi vaste que le Mali, l'Etat a ouvert depuis 2000, l'électrification rurale à la concurrence à travers des partenariats public/privé (PPP) avec 63 opérateurs privés dans les périmètres non concédés.
Pour ces zones éloignées, l'Agence malienne d'électrification rurale (AMADER) a décidé de migrer vers des systèmes hybrides (solaire/groupe électrogène), afin de réduire la consommation du gasoil et de réduire les tarifs. Le Mali a également, en vue, quatre projets de biocarburant, sept projets de petites unités d'hydroélectricité à la frontière avec la Guinée.
Avec un taux de couverture actuel de 88%, le Sénégal qui vise l'électrification universelle (100%) en 2017, s'est fixé 20% d'énergies renouvelables (solaire et éolien) à cette échéance. Le pays compte ouvrir une centrale à charbon cette année et dispose d'un projet solaire de 150 MW.
"Le mix énergétique va permettre de baisser les coûts de production", explique le directeur de l'énergie du Sénégal, Ibrahima Niane.
Le Bénin dispose de 45 MW en photovoltaïque et a en projet la construction de 20 à 25 MW de photovoltaïque. Il est prévu en plus de ces projets, la construction d’une centrale photovoltaïque isolée en zone urbaine notamment pour l'éclairage public.
Le pays comptait sortir du délestage à la fin décembre 2016. Dans trois ans, la Guinée devrait passer à une puissance installée de 1580 MW grâce à la mise en service du barrage de Souapiti (500 MW), un champ éolien en projet de 200 MW, la signature de 48 protocoles d'accord dont 35 sur l'énergie solaire et 24 barrages fluviaux.
Le Ghana dispose d'un mix énergétique important, à savoir l'hydroélectricité (1580MW), le thermique (environ 1000MW) et le solaire (22,50 MW) avec un taux de couverture de 82% (nombre de localités électrifiées sur le nombre total de localités). Le pays compte porter sa capacité installée à 3500 MW en 2017.
La Côte d'Ivoire, avec un taux de couverture de 42%, entend pour sa part, faire passer la part des énergies renouvelable notamment l'hydraulique de 37 à 44%. La Côte d'Ivoire prévoit également une centrale à charbon.
Avec autant de potentiels de ressources énergétiques au niveau de chaque pays, seule la coopération sous-régionale pourra permettre aux Etats ouest africains de combler leurs défaillances individuelles, s’accordent les experts des pays visités.
La coopération énergétique comme une solution
Selon le président de la Commission de régulation de l‘électricité et de l’eau (CREE) du Mali, Moctar Touré, la coopération énergétique est l'un des axes stratégiques de développement du secteur électrique dans la sous-région. "L'interconnexion permet de faciliter l'exploitation rationnelle des ressources énergétiques", commente M. Touré Moctar qui cite l'exemple entre le Mali, la Mauritanie et le Sénégal qui exploitent ensemble un site de production hydraulique.
En Afrique de l'Ouest, un projet de pool énergétique dénommé programme WAPP (west african power pool) est un projet d'interconnexion entre les capitales de la sous-région permettant d'apporter de l'énergie dans n'importe quel pays.
L'un des gros projets actuellement en cours concerne la construction de la ligne CLSG (Côte d'Ivoire-Libéria-Serra Leone-Guinée) qui part de la ville de Man. Etant entendu que la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Bénin et le Togo sont déjà connectés tout comme la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso et le Mali. Ce projet devrait pallier les insuffisances de production et surtout rendre disponible l'énergie créant ainsi un vaste marché sous-régional de l'énergie.
Pour le directeur de production à EDM, Ladjio Sogoba, la coopération énergétique sous-régionale peut aider à résorber le déficit.
"Tous les pays peuvent disposer de potentiels, mais il a été clairement établi que la mise en commun des ressources et des efforts est nécessaire pour le développement rapide des infrastructures énergétiques dans l'espace économique de la CEDEAO. Ainsi, tous les pays pourront tirer le meilleur profit de façon rationnelle de ce potentiel énergétique diversement reparti dans l'espace", soutient le président de la CREE. Ce dernier se dit convaincu que seule l'interconnexion permettra d'asseoir une offre durable et moins coûteuse en matière d'énergie.
Pour l'ensemble des pays de la sous-région, la ressource énergétique est disponible. Tous les Etats sont farouchement engagés dans la lutte contre la pénurie d'énergie. Il ne reste plus aux Etats qu’à réaliser les investissements structurants pour rendre l'électricité accessible et au tarif d’équilibre et de bonne qualité pour l'ensemble de la population afin de rendre le secteur viable.
kkf/tm
Une situation, déjà préoccupante pour les acteurs en charge de la gestion du secteur de l’électricité, aussi bien dans les segments de la production, du transport, de la distribution que de la commercialisation, qui doivent encore faire face aux exigences d’efficacité énergétique, de qualité de service, aux exigences du politique et à celles du consommateur.
Or, selon des experts, rencontrés par l’AIP dans ces 6 pays, l’électricité est un secteur "très capitalistique" qui nécessite des investissements très couteux dans les 4 segments cités plus haut. D’où le recours à des investisseurs privés (les IPP) pour la construction de centrales hydrauliques thermiques.
Dans tous ces pays, y compris la Côte d’Ivoire, l’Etat consacre des sommes importantes au secteur de l’électricité, notamment dans l’achat de combustibles. "L'énergie coûte cher à l'Etat et non pas pour le moment au consommateur", explique le président de l'Autorité de régulation de l'électricité du Bénin (ARE), Claude Gbaguidi, dont le pays importe 90% de sa consommation en énergie.
Les sources d’approvisionnement
L'énergie produite dans ces pays est à forte dominante thermique sauf le Ghana dont la source principale est hydraulique. Même là encore, le Ghana avec ses 1580 mégawatts (MW) de puissance installée en production hydroélectrique, en raison des effets du changement climatique, a recours à un navire générateur de 250 MW et d'une importation de 100 MW de la Côte d'Ivoire pour couvrir sa demande nationale estimée 1200 MW avec un pic de consommation de 2000 MW.
En Côte d’Ivoire, l’électricité produite provient à près de 85% du thermique et à 15% d'hydroélectricité. Idem pour le Sénégal qui est à 90% de thermique et à 10% d'hydroélectricité contrairement au Bénin qui importe 90% de sa consommation du Nigéria (90%), du Ghana et de la Côte d'Ivoire. Le Mali, en 2014, était à 40,17% d'hydroélectricité, 50% de thermique et 9,83% d'importation de la Côte d'Ivoire. Il en est de même pour la Guinée qui est en pleine restructuration de son secteur électrique, avec une dominante thermique constituée de six centrales thermiques et deux centrales hydrauliques.
La production thermique implique l'achat de combustibles soumis aux aléas du cours du baril du pétrole, ce qui a indubitablement une incidence sur le coût de revient et le tarif servi au consommateur. Selon le président de l'Autorité de régulation du Bénin, l'énergie produit à l'intérieur est plus cher que l'énergie importée. Le tarif de l'électricité différencie, en effet, en fonction de la source d’énergie qui peut être hydraulique ou thermique (gaz naturel, gasoil ou HVO).
En 2015, l’Etat de Côte d’Ivoire a dépensé 2 milliards de FCFA dans l’achat de gasoil destiné à alimenter les 55 centrales isolées dans les localités non encore raccordées au réseau électrique, selon le rapport d’activité de l’ANARE CI, l’Autorité de régulation du secteur de l’électricité.
L’épineux problème de la tarification
"Le prix du kilowattheure est lié à l'équilibre du secteur", explique le président de l'Autorité de régulation de l’électricité (ARE) du Bénin, qui précise que les coûts actuels dans ce pays ne permettent pas l'équilibre du secteur. Ils varient de 78F/KWh à 115 F/KWh. Un plan de redressement du secteur de l’électricité est en cours d'élaboration avec pour point central la question des tarifs, assure le ministre béninois de l'Energie, de l'Eau et des Mines, Dona Jean-Claude Houssou.
Plusieurs pays de la sous-région ont leur tarif d'électricité géré autrement, qui bénéficie d'une subvention de l'Etat notamment au Sénégal, au Mali, au Ghana, en Guinée, y compris la Côte d’Ivoire. Cependant au Sénégal où le coût de l'électricité est considéré comme l'un des plus chers au monde, selon la Commission de régulation du secteur de l'électricité du Sénégal (CRSE), le tarif moyen est de 117 francs le kilowattheure (F/kWh) et se situe entre 95,47F/kWh et 191,82F/kWh.
Le Ghana, en revanche, procède à une combinaison de toutes les formes d'énergies pour parvenir à un prix pondéré alors que les ménages qui sont les plus gros consommateurs ne paient que 60% du coût du service. Un prix estimatif est donc appliqué aux consommateurs ayant pour conséquence de créer un déficit en raison de la fraude.
En Guinée, au Mali et au Sénégal, l'électrification en milieu rural est libéralisée. Chaque opérateur au Sénégal fixe son prix en fonction des investissements réalisés. Pour la Guinée par contre, le prix en milieu rural est fixé sur la base du prix de la bougie utilisée dans les ménages pour l'éclairage. Il se fait au cas par cas et après une "enquête sur la volonté et la capacité des ménages à payer".
Certains opérateurs, par ailleurs, acceptent des paiements en nature (mil, miel, etc.), selon l'agence guinéenne de l'électrification rurale (AGER). Au Mali, cependant, le prix en milieu rural peut atteindre 200F/kWh (le prix du combustible représentant 80% des charges), au-delà de la bourse des ménages, poussant l'Etat à mener une étude pour la mise en place d'une péréquation, afin de faire baisser les prix. En zone urbaine, la société Energie du Mali (EDM SA) vend l'énergie à 98F/kWh contre un prix d'équilibre estimé à 127F/kWh, fait savoir le directeur de la production à EDM, Ladjio Sogoba.
"Les tarifs sont gelés pour des besoins qui augmentent", relève-t-il. "L'électricité est une denrée et elle a un coût", renchérit le président de l'autorité guinéenne de régulation de l'électricité.
Le compteur pré-payé imposé aux services étatiques
Plusieurs Experts affirment que le secteur de l'électricité doit pouvoir s'autofinancer. "Si on n'a pas un tarif approprié qui permet d'équilibrer les comptes, on n'aura du mal à financer le secteur" soutient Raoufou Moutaïrou Badarou, conseiller du ministre béninois de l’Energie, qui travaille au redressement du secteur énergie du Bénin.
Les compagnies nationales d'électricité du Bénin et du Togo doivent 60 milliards de francs CFA à la communauté électrique du Bénin (CEB), société bi-étatique appartenant au Togo et au Bénin. La CEB doit l'équivalent de cette somme au Nigéria, son principal fournisseur, qui a dû réduire sa fourniture d'électricité. Tout cela pour la seule raison que le juste prix n'est pas appliqué, explique-t-on.
Par ailleurs, la SBEE, la Société nationale d'électricité du Bénin, l’équivalent de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) en Côte d’Ivoire, cumule des impayés de factures de 150 milliards sur près de cinq ans. "A cause de la pression des populations, les pouvoirs publics ont du mal à toucher les tarifs, ce qui fait que cette absence de politique efficace de tarification a fragilisé durablement le secteur de l'électricité", regrette Raoufou Moutaïrou Badarou.
"La démarche est que tôt ou tard, et c'est incontournable, la vérité des prix va s'imposer", ajoute de son côté le ministre béninois de l'Energie, l'Eau et les Mines, Dona Jean-Claude Houssou.
Au Ghana, la société étatique, Northern electricity distribution compagny (NEDco), en charge de l'électrification dans le Nord du pays, croule sous le poids d'un déficit depuis sa création en 2013. Pour l'un des responsables, aucun tarif proposé ne peut régler le problème du déficit, or selon les projections de NEDco, le déficit devrait être rattrapé en 2019 avec un investissement de 300 millions de dollars.
Il y a un besoin d'investissement continu dans le secteur, afin de mettre à niveau ce secteur, assure-t-on. Face au déficit, le Ghana a pris une loi qui fait que depuis 2015, des compteurs prépayés sont installés dans tous les services de l'Etat en dehors de l'éducation, de la santé et de la sécurité. Cette loi institue aussi un prélèvement qui couvre l'éclairage public. Le Ghana espère ainsi régler toute la dette cumulée avec les recettes et faire des réserves pour assurer la qualité du service.
Des subventions à l'investissement sont accordées au Mali et au Sénégal par l'Etat. "La subvention ne couvre pas le déficit", souligne le directeur de la production à EDM, M. Sogoba, affirmant que l'opérateur est toujours en train "de courir après le déficit", étant donné que la demande croît de 10% par an. Pour lui, l'Etat doit faire des investissements structurants (Barrages, centrales, lignes de transport, transformateurs).
Chez le voisin ivoirien, c'est plus de 308 milliards de francs CFA que l'Etat consacre à l'achat de gaz naturel et de combustibles, représentant plus de 55% des charges de l'Etat, qui est l'acheteur unique pour des prix variant entre 36F/kWh et 105F/kWh loin du prix d'équilibre. Le pays a enregistré en juillet 2016 des impayés de factures de 88 milliards de FCFA et une dette envers les fournisseurs de 91 milliards. Le déficit cumulé se chiffrait à 200 milliards FCFA en 2015.
Pour certains experts, la bonne performance du secteur, notamment la réduction des taux de pertes techniques et commerciales pourrait agir sur le prix de l'électricité. Dans l'ensemble des pays de l'UEMOA, la tendance est aux compteurs à prépaiement. Au Sénégal, l'introduction de ces compteurs avait suscité des remous sociaux à cause d'un déficit de communication, mais les choses ont commencé à rentrer dans l'ordre car cela a été corrigé, rapporte la Commission de régulation sénégalaise.
"Tout le développement d'une nation repose sur l'énergie. Si le secteur de l'énergie est fragilisé, on ne peut pas entreprendre le développement. Acceptons de payer pour lancer et assurer le développement de nos pays", lance M. Badarou, qui souhaite que les Etats ne se tournent pas vers l'extérieur pour combler leur déficit. "Les Etats doivent donc diversifier leurs sources d'énergie afin d'agir sur les coûts de production", insiste-t-il.
La course aux énergies alternatives ou la question du mix énergétique
Aujourd’hui, les initiatives se multiplient dans ces pays sur fond de privatisation de tout l’écosystème, de la production à la commercialisation, en passant par l’exploitation. Pour un territoire aussi vaste que le Mali, l'Etat a ouvert depuis 2000, l'électrification rurale à la concurrence à travers des partenariats public/privé (PPP) avec 63 opérateurs privés dans les périmètres non concédés.
Pour ces zones éloignées, l'Agence malienne d'électrification rurale (AMADER) a décidé de migrer vers des systèmes hybrides (solaire/groupe électrogène), afin de réduire la consommation du gasoil et de réduire les tarifs. Le Mali a également, en vue, quatre projets de biocarburant, sept projets de petites unités d'hydroélectricité à la frontière avec la Guinée.
Avec un taux de couverture actuel de 88%, le Sénégal qui vise l'électrification universelle (100%) en 2017, s'est fixé 20% d'énergies renouvelables (solaire et éolien) à cette échéance. Le pays compte ouvrir une centrale à charbon cette année et dispose d'un projet solaire de 150 MW.
"Le mix énergétique va permettre de baisser les coûts de production", explique le directeur de l'énergie du Sénégal, Ibrahima Niane.
Le Bénin dispose de 45 MW en photovoltaïque et a en projet la construction de 20 à 25 MW de photovoltaïque. Il est prévu en plus de ces projets, la construction d’une centrale photovoltaïque isolée en zone urbaine notamment pour l'éclairage public.
Le pays comptait sortir du délestage à la fin décembre 2016. Dans trois ans, la Guinée devrait passer à une puissance installée de 1580 MW grâce à la mise en service du barrage de Souapiti (500 MW), un champ éolien en projet de 200 MW, la signature de 48 protocoles d'accord dont 35 sur l'énergie solaire et 24 barrages fluviaux.
Le Ghana dispose d'un mix énergétique important, à savoir l'hydroélectricité (1580MW), le thermique (environ 1000MW) et le solaire (22,50 MW) avec un taux de couverture de 82% (nombre de localités électrifiées sur le nombre total de localités). Le pays compte porter sa capacité installée à 3500 MW en 2017.
La Côte d'Ivoire, avec un taux de couverture de 42%, entend pour sa part, faire passer la part des énergies renouvelable notamment l'hydraulique de 37 à 44%. La Côte d'Ivoire prévoit également une centrale à charbon.
Avec autant de potentiels de ressources énergétiques au niveau de chaque pays, seule la coopération sous-régionale pourra permettre aux Etats ouest africains de combler leurs défaillances individuelles, s’accordent les experts des pays visités.
La coopération énergétique comme une solution
Selon le président de la Commission de régulation de l‘électricité et de l’eau (CREE) du Mali, Moctar Touré, la coopération énergétique est l'un des axes stratégiques de développement du secteur électrique dans la sous-région. "L'interconnexion permet de faciliter l'exploitation rationnelle des ressources énergétiques", commente M. Touré Moctar qui cite l'exemple entre le Mali, la Mauritanie et le Sénégal qui exploitent ensemble un site de production hydraulique.
En Afrique de l'Ouest, un projet de pool énergétique dénommé programme WAPP (west african power pool) est un projet d'interconnexion entre les capitales de la sous-région permettant d'apporter de l'énergie dans n'importe quel pays.
L'un des gros projets actuellement en cours concerne la construction de la ligne CLSG (Côte d'Ivoire-Libéria-Serra Leone-Guinée) qui part de la ville de Man. Etant entendu que la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Bénin et le Togo sont déjà connectés tout comme la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso et le Mali. Ce projet devrait pallier les insuffisances de production et surtout rendre disponible l'énergie créant ainsi un vaste marché sous-régional de l'énergie.
Pour le directeur de production à EDM, Ladjio Sogoba, la coopération énergétique sous-régionale peut aider à résorber le déficit.
"Tous les pays peuvent disposer de potentiels, mais il a été clairement établi que la mise en commun des ressources et des efforts est nécessaire pour le développement rapide des infrastructures énergétiques dans l'espace économique de la CEDEAO. Ainsi, tous les pays pourront tirer le meilleur profit de façon rationnelle de ce potentiel énergétique diversement reparti dans l'espace", soutient le président de la CREE. Ce dernier se dit convaincu que seule l'interconnexion permettra d'asseoir une offre durable et moins coûteuse en matière d'énergie.
Pour l'ensemble des pays de la sous-région, la ressource énergétique est disponible. Tous les Etats sont farouchement engagés dans la lutte contre la pénurie d'énergie. Il ne reste plus aux Etats qu’à réaliser les investissements structurants pour rendre l'électricité accessible et au tarif d’équilibre et de bonne qualité pour l'ensemble de la population afin de rendre le secteur viable.
kkf/tm