J’ai passé de nombreuses années à rendre visite au sage, humaniste, religieux et traditionaliste, Ahmadou Hampaté Bâ. Ami intime et confident de Félix Houphouët-Boigny. J’ai beaucoup appris. Je sais maintenant qu’on ne dit pas tout, encore moins écrire certaines choses. A chaque fois que je me plaignais que son ami n’écrivait pas pour témoigner de sa riche vie, il prenait de longs moments pour m’expliquer les raisons. A commencer par des descendants qui seront blessés par certaines phrases sur leur grand-père ou même leur père. Des ethnies se sentiront accusées. A l’époque, très féru de littérature et d’écrit, je ne pouvais pas accepter de remarquer qu’un homme politique n’écrive pas sur sa vie et même sur son enfance. Car tout se décide avant huit ans. Avec le dégât causé par la sortie du livre de François Hollande, je donne entièrement raison au sage africain. Sans ce livre, François Hollande serait encore candidat à la prochaine présidentielle en France et peut-être même la gagner. Un programme politique commence à réussir qu’à la fin du premier mandat. Comme par une intuition le livre a été intitulé : « Un président ne devrait pas dire cela. » Un livre d’entretien avec deux journalistes. Ce fut, à mon avis, la première erreur. Il aurait dû le confier à un écrivain, à un universitaire. Un journaliste de l’Occident vise, avant tout, ce qui peut choquer et faire sensation. François Hollande s’est fait piéger en disant certaines choses. On sait que c’est un homme qui aime l’humour et plaisanter. D’ailleurs, ces deux traits furent que personne ne le voyait devenir un grand homme politique, encore moins un président de la République. N’a-t-il pas pris certains de ses propos sous cet angle même s’il a certainement revu le texte ou la copie des deux journalistes que sont Gerard Djavet et Fabrice L’homme. Pour cette chronique, je vais m’étaler sur ses critiques relatives aux footballeurs professionnels. « Ils n’ont pas fait d’études et gagnent trop d’argent. » Incroyable mais vrai. Les études n’ont rien à avoir avec posséder beaucoup d’argent. De nombreux Africains, sans avoir fréquenté, un seul jour une salle de classe, emploient et donnent un salaire à des docteurs d’Etat ou à des agrégés. François Hollande plaisantait par des écrits ? On comprend pourquoi dans les traditions africaines, les chefs ont des porte-parole. Des propos encore plus graves comme s’il faisait de l’humour. Lisez attentivement. « Ils sont passés de gosses mal éduqués à des richissimes. » Comment dire cela ? L’éducation, aujourd’hui, est donnée par la télévision. Les enfants sont-ils responsables de leur éducation ? Ils sont les élèves de leurs parents. C’est ce qu’on leur montre qu’ils imitent. Si on ne leur montrait pas comme valeur de la société des voitures, des fringues, des filles, des hôtels de luxe, seront-ils des gosses mal éduqués ? Les temps changent. Le football, aujourd’hui, rapporte beaucoup d’argent, à cause de la publicité qu’il attire. C’est cet argent qui donne beaucoup d’argent à ces « gosses mal éduqués. » Demain, un autre métier ou une autre profession peut attirer des milliards et des milliards de publicités. François Hollande plaisantait-il en disant : « je conseille à certains footballeurs une musculation de leur cerveau. » Qui a défini les critères pour avoir un cerveau bien entraîné. Comment savoir le degré de culture d’un homme qui marche dans la rue ? Est-il heureux ? Je suis persuadé que ces propos de François Hollande ont étés faits sous l’effet de l’humour et de la plaisanterie. Un ami, assez proche, ne démord pas. Il soutient sans réserve les propos de François Hollande sur les footballeurs professionnels. « Il a quoi dans la tête un jeune, de 19 ans, qui achète, tous les six mois des voitures de milliards ? » Je rétorque en disant quel mal il y a à cela ? Il s’étonne que je puisse soutenir des incultes. Là, nous sommes dans la jalousie et l’envie. Ce que beaucoup ne savent pas c’est qu’ils sont nombreux ces footballeurs milliardaires qui ont des fondations et qui viennent au secours de malades, de pauvres, de vieux ou de vieilles et même de leur pays. On oublie trop souvent qu’une carrière de haut niveau en football ne dure pas plus de dix ans et doit vivre plus de soixante-dix ans avec ce qu’il aurait gagné. Même investir n’est pas toujours une solution. Dans les affaires, on peut gagner ou perdre et même tomber en faillite. Fuyons la jalousie et l’envie. Dieu donne à chacun sa part qu’il doit avoir sur cette terre. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Editorial Publié le samedi 28 janvier 2017 | L’intelligent d’Abidjan