Abidjan - Le directeur général de l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), Shenggen Fan, a annoncé à Dakar que des solutions sont élaborées en vue d’aider les producteurs locaux à profiter de leurs productions et de l’urbanisation.
A la faveur de la présentation à Dakar (Sénégal) du rapport 2017 de l’IFPRI, M. Shenggen, s’est montré particulièrement préoccupé par le sort des producteurs ruraux d’Afrique qui ne profitent pas assez de leur production, du fait de la préférence des citadins pour les produits importés vendus dans les supermarchés.
A l’en croire, le continent africain dépense ainsi entre 35 et 40 milliards de dollars par an, soit plus de 17 milliards F CFA pour importer des aliments. En ce qui concerne le riz par exemple, il relève que 50% du riz consommé au Sénégal est importé. Au même moment, le rapport indique que 60% du riz consommé en zone urbaine au Nigeria viennent de l'extérieur.
Selon M. Shenggen, dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas toujours faute d’une production locale suffisante. Il se trouve que "les aliments vendus sur les marchés informels sont souvent perçus comme sales", explique-t-il. Et pourtant, "les marchés informels et les vendeurs de rues en Afrique jouent un rôle très important parce qu’ils proposent des aliments sûrs et sains, à la différence des produits importés qui sont généralement de moins bonne qualité".
Le directeur général de l’IFPRI pense néanmoins que le problème peut être résolu à travers l'éducation et le renforcement de la chaîne des valeurs alimentaires. "Il faut réformer toute la chaîne des valeurs par exemple en uniformisant et en harmonisant les semences ou en conditionnant et en vendant les aliments de la même façon pour que tout le monde en profite", dit-il.
Une solution qui n’est cependant pas partagée dans son intégralité par les autres acteurs qui interviennent dans les questions de sécurité alimentaire sur le continent.
C’est le cas de Aifa Fatimata Ndoye Niane, agroéconomiste principale à la représentation de la Banque mondiale à Dakar.
Cette dernière explique. « En Afrique, les écosystèmes sont très variés. Donc, une variété adaptée à une zone peut ne pas l’être dans une autre zone. Ce qui fait qu’il est important d’avoir une diversité de variétés adaptées aux différentes zones agroécologiques, en fonction de leurs rendements, de leur adaptation aux conditions pédologiques et climatiques. Ce qui fait qu’il serait difficile de recommander une uniformisation des variétés ».
Traçabilité
En revanche, l’intéressée propose "qu’on travaille davantage pour la traçabilité des produits et pour une meilleure labellisation des différentes variétés pour que le consommateur qui achète sache à quelle variété il a affaire. A mon avis, c’est ce qu’il va falloir faire pour créer aussi une meilleure stratification du marché".
De son côté, Mame Birame Ndiaye, point focal de l’antenne Sénégal de Veco West Africa (une ONG qui soutient les petits exploitants dans la réduction de la pauvreté en milieu rural), estime que la solution à ce problème réside dans la formation des producteurs.
"Dans nos Etats, nous avons une politique de formation d’ingénieurs agronomes, mais, il n’y a pas de centres où l’on forme de petits agriculteurs. Nous devons aujourd’hui penser à introduire cela dans le système éducatif ou à mettre en place des centres communautaires où l’on forme les petits agriculteurs", affirme-il.
Selon son analyse, une telle approche aura l’avantage d’aider en même temps à parer au problème du vieillissement des producteurs. "Ce qu’il se passe dans nos villages, c’est que le papa est agriculteur, et automatiquement, l’on devient aussi agriculteur, sans aucune formation. Juste un encadrement avec la famille où l’on reçoit quelques rudiments de connaissances et l’on s’active à l’ agriculture. Sauf que dans ces conditions, le niveau de revenu n’est pas intéressant , raison pour laquelle on quitte le village pour la ville".
Coordination des politiques
"Or, comme on est en ville sans formation, il ne reste plus qu’à investir le secteur informel. Pendant ce temps, les villages sont abandonnés aux vieillards qui ne peuvent plus exploiter la terre. C'est une réflexion que tous les acteurs doivent mener pour voir comment capaciter ces jeunes pour mieux les intéresser à une agriculture plus attractive", conclu-t-il.
En tout état de cause, le rapport 2017 de l'IFPRI examine en profondeur la manière dont l’urbanisation influe sur la sécurité alimentaire, la santé et la nutrition.
Et outre le renforcement de la chaîne des valeurs, ses auteurs recommandent entre autres "de mettre à contribution les villes de petite et de moyenne tailles" et "d’améliorer la coordination des politiques alimentaires parmi les différentes administrations".
A ce propos, Ousmane Badiane, le directeur de l’IFPRI pour l’Afrique, constate que "nous avons une situation où les ministères préfèrent souvent recourir à un consultant comme l’IFPRI ou la FAO ou à un « think tank » privé plutôt qu'aux universités qui, elles-mêmes, pensent davantage à la prochaine conférence ou à la prochaine publication dans un journal plutôt qu'à un partage de connaissances avec les administrations".
"La culture actuelle ne permet pas d’établir le pont qu’il faudrait entre l’expertise nationale et la décision locale". Il est désormais temps "de créer cette synergie", conclu-t-il.
(AIP)
amak/kam
A la faveur de la présentation à Dakar (Sénégal) du rapport 2017 de l’IFPRI, M. Shenggen, s’est montré particulièrement préoccupé par le sort des producteurs ruraux d’Afrique qui ne profitent pas assez de leur production, du fait de la préférence des citadins pour les produits importés vendus dans les supermarchés.
A l’en croire, le continent africain dépense ainsi entre 35 et 40 milliards de dollars par an, soit plus de 17 milliards F CFA pour importer des aliments. En ce qui concerne le riz par exemple, il relève que 50% du riz consommé au Sénégal est importé. Au même moment, le rapport indique que 60% du riz consommé en zone urbaine au Nigeria viennent de l'extérieur.
Selon M. Shenggen, dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas toujours faute d’une production locale suffisante. Il se trouve que "les aliments vendus sur les marchés informels sont souvent perçus comme sales", explique-t-il. Et pourtant, "les marchés informels et les vendeurs de rues en Afrique jouent un rôle très important parce qu’ils proposent des aliments sûrs et sains, à la différence des produits importés qui sont généralement de moins bonne qualité".
Le directeur général de l’IFPRI pense néanmoins que le problème peut être résolu à travers l'éducation et le renforcement de la chaîne des valeurs alimentaires. "Il faut réformer toute la chaîne des valeurs par exemple en uniformisant et en harmonisant les semences ou en conditionnant et en vendant les aliments de la même façon pour que tout le monde en profite", dit-il.
Une solution qui n’est cependant pas partagée dans son intégralité par les autres acteurs qui interviennent dans les questions de sécurité alimentaire sur le continent.
C’est le cas de Aifa Fatimata Ndoye Niane, agroéconomiste principale à la représentation de la Banque mondiale à Dakar.
Cette dernière explique. « En Afrique, les écosystèmes sont très variés. Donc, une variété adaptée à une zone peut ne pas l’être dans une autre zone. Ce qui fait qu’il est important d’avoir une diversité de variétés adaptées aux différentes zones agroécologiques, en fonction de leurs rendements, de leur adaptation aux conditions pédologiques et climatiques. Ce qui fait qu’il serait difficile de recommander une uniformisation des variétés ».
Traçabilité
En revanche, l’intéressée propose "qu’on travaille davantage pour la traçabilité des produits et pour une meilleure labellisation des différentes variétés pour que le consommateur qui achète sache à quelle variété il a affaire. A mon avis, c’est ce qu’il va falloir faire pour créer aussi une meilleure stratification du marché".
De son côté, Mame Birame Ndiaye, point focal de l’antenne Sénégal de Veco West Africa (une ONG qui soutient les petits exploitants dans la réduction de la pauvreté en milieu rural), estime que la solution à ce problème réside dans la formation des producteurs.
"Dans nos Etats, nous avons une politique de formation d’ingénieurs agronomes, mais, il n’y a pas de centres où l’on forme de petits agriculteurs. Nous devons aujourd’hui penser à introduire cela dans le système éducatif ou à mettre en place des centres communautaires où l’on forme les petits agriculteurs", affirme-il.
Selon son analyse, une telle approche aura l’avantage d’aider en même temps à parer au problème du vieillissement des producteurs. "Ce qu’il se passe dans nos villages, c’est que le papa est agriculteur, et automatiquement, l’on devient aussi agriculteur, sans aucune formation. Juste un encadrement avec la famille où l’on reçoit quelques rudiments de connaissances et l’on s’active à l’ agriculture. Sauf que dans ces conditions, le niveau de revenu n’est pas intéressant , raison pour laquelle on quitte le village pour la ville".
Coordination des politiques
"Or, comme on est en ville sans formation, il ne reste plus qu’à investir le secteur informel. Pendant ce temps, les villages sont abandonnés aux vieillards qui ne peuvent plus exploiter la terre. C'est une réflexion que tous les acteurs doivent mener pour voir comment capaciter ces jeunes pour mieux les intéresser à une agriculture plus attractive", conclu-t-il.
En tout état de cause, le rapport 2017 de l'IFPRI examine en profondeur la manière dont l’urbanisation influe sur la sécurité alimentaire, la santé et la nutrition.
Et outre le renforcement de la chaîne des valeurs, ses auteurs recommandent entre autres "de mettre à contribution les villes de petite et de moyenne tailles" et "d’améliorer la coordination des politiques alimentaires parmi les différentes administrations".
A ce propos, Ousmane Badiane, le directeur de l’IFPRI pour l’Afrique, constate que "nous avons une situation où les ministères préfèrent souvent recourir à un consultant comme l’IFPRI ou la FAO ou à un « think tank » privé plutôt qu'aux universités qui, elles-mêmes, pensent davantage à la prochaine conférence ou à la prochaine publication dans un journal plutôt qu'à un partage de connaissances avec les administrations".
"La culture actuelle ne permet pas d’établir le pont qu’il faudrait entre l’expertise nationale et la décision locale". Il est désormais temps "de créer cette synergie", conclu-t-il.
(AIP)
amak/kam