Nous sommes dans la période de la fête des indépendances et hier lundi 7 août, notre pays la Côte d’Ivoire a fêté 57 ans. A cet effet, je vous propose la chronique littéraire d’un livre d’actualité qui épouse le contexte politique et social du moment. Pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de Franklin Boukaka, je vous invite à le découvrir dans ce livre écrit par 14 auteurs de plusieurs pays d’Afrique, symbole fort de l’unité Africaine. Cette force numérique exprime le grand l’intérêt qu’ils ont pour cet artiste en qui ils se reconnaissent. L’histoire et ces auteurs nous apprennent qu’il était un artiste chanteur, guitariste engagé assassiné en 1972 lors d’un coup d’Etat. Un panafricaniste originaire du Congo Brazzaville, son genre musical était la rumba et le soukouss par lequel il véhiculait des messages politiquement engagés. Plusieurs Africains comme les auteurs de « Franklin l’insoumis » pensent qu’il est un héros qui a connu le même destin que Malcom X, Martin Luther King, Patrice Lumumba, Thomas Sankara etc. C’est en cela qu’il était important, nécessaire et utile d’exhumer ses actes et ses messages de la sépulture du passé et de l’oubli, de les porter haut pour qu’ils continuent d’enseigner, guider et inspirer les peuples, surtout, pour que soit immortalisé Franklin. Le journaliste écrivain Clément OSSINONDE dit ceci dans la préface : « Cher Franklin, en ce cinquantenaire des indépendances de l’Afrique, l’on ne peut pas ne pas avoir une pensée pour toi. Toi que les siens ont définitivement enterré et longtemps tenu écarté de l’histoire du Congo et de l’Afrique. Difficile cher Franklin, d’oublier ton courage par la création en 1962 de l’UJC (Union de la jeunesse communiste congolaise), laquelle ont intégré en 1964 toutes les organisations de jeunesse de l’époque pour donner naissance à la JMNR (Jeunesse du Mouvement National de la Révolution). Ne pas se souvenir de ton engagement dans la lutte pour l’indépendance du Congo et des pays africains, de même que tes prises de position pour la défense des luttes de libération à travers le monde, est tout bonnement impossible. Toi qui croyais que le contexte socio–politique de l’Afrique d’alors, exigeait de l’intellectuel au sens large et de l’artiste plus particulièrement, un engagement ferme à l’égard des principes fondamentaux et des aspirations libératrices de l’homme africain, pour que le front de la culture succède au front de la résistance. Ta chanson « Le bûcheron » en est un exemple éloquent. »
Ces auteurs sont : Ramsès Bongolo, Amzat Boukari, Dibakana Mankessi, Myril Nadia Eteno, Aurore Foukissa, Obambé Gakosso, N’Dèye Fatou Kane, Patrick Kouh, Glad, Amog Lemra, Aset Malanda, Anthony Mouyougui, Marien Fauney Ngombé, Grâce Youlou Nkouelolo, Arian Samba. L’originalité de ce livre réside dans cet exercice de s’inspirer des chants de Franklin, notamment ceux de son album « bûcheron » pour créer des nouvelles dans lesquelles les messages de Franklin sont mis en exergue, puis, interprétés, simplifiés, expliqués… C’est ainsi que chaque auteur a choisi selon sa sensibilité une chanson de Franklin sur laquelle il a proposé un texte en faisant fortement ressortir les valeurs mises en avant par l’artiste. En somme, il s’agit de l’unité Africaine, la réunification des deux Congos, la dénonciation de l’impérialisme, les méfaits de la colonisation, les illusions et désillusions des indépendances, l’enchantement et le désenchantement des indépendances, l’expropriation pratiquée par les colons et les inhérentes conséquences plus ou moins indélébiles, l’exploitation imposée aux Africains, le déracinement, les conséquences de la dépigmentation etc.
Ces auteurs nous rappellent de manière unanime qu’il y a toujours de la place dans la mémoire collective de l’Afrique pour ces héros assassinés qui ont opposé au narcissisme et à la méchanceté de nos dirigeants, la force et la fermeté de leur engagement. Contrairement aux textes laudatifs et dithyrambiques composés et chantés par une pléthore d’artistes pour hypocritement louer, vanter les inexistantes réalisations des chefs d’Etats Africains pour faire le culte de leur personnalité inculte, des artistes comme Franklin ont mis au service du peuple toute leur énergie et leur art pour faire des compositions qui défendent des valeurs nobles. C’est en cela que l’adjectif qualificatif « insoumis » prend sons sens pour définir la force de l’engagement de Franklin : un anti conformiste, incorruptible… La force du sacerdoce de Franklin que décrivent ces auteurs me rappelle ce que disait Léopold Sédar Senghor :
« Notre noblesse nouvelle est non de dominer notre peuple
Mais d’être son rythme et son cœur
Non de paître les terres, mais comme le grain de millet de
Pourrir dans la terre
Non d’être la tête du peuple mais bien sa bouche et sa trompette »
L’analogie entre la citation de Senghor et les textes de « Franklin l’insoumis » est qu’en immortalisant Franklin, ces auteurs montrent que la nouvelle mission de l’écrivain négro-africain est de se noyer dans le peuple pour contribuer à son réveil, aussi, d’’houspiller les consciences africaines avachies dans un profond « sommeil des indépendances ». Plusieurs auteurs de références comme Cheick Anta Diop, Joseph Ki Zerbo, Jean Marie Adiaffi, Frantz Fanon, Birabo Diop… ont rappelé l’importance de mener un tel combat en se situant dans une continuité historique. A cet effet, Cheick Anta Diop disait ceci : « Aujourd’hui, mes frères, seule une véritable connaissance du passé peut nous donner la conscience, le sentiment d’une continuité historique, indispensable à la consolidation de nos peuples. Un peuple doit se livrer à une telle investigation, à une pareille reconnaissance de soi, car se faisant, il identifie et valorise ce qu’il y a de solide, fondateur de ses propres structures culturelles et sociales. Il peut aussi en rejeter les faiblesses. Il découvre l’ampleur réelle des emprunts faits à l’extérieur, il peut maintenant se définir de façon positive à partir des critères non imagés mais réels. Il a une conscience nouvelle de ses valeurs et peut alors fixer sa mission, non d’une manière affective et passionnée, mais d’une façon objective car il sait désormais quelles sont ses valeurs culturelles qu’il est plus apte à développer pour le bien de son propre peuple et celui des autres. »
Ces auteurs ont compris le message de leurs prédécesseurs. Ces auteurs ont compris l’importance d’avoir des repères, des modèles sur qui s’inspirer. Ces héros et modèles, l’écrivain Ivoirien le Pr Séry Bailly les a appelé « les porteurs d’espoirs ». Pour cet éminent écrivain, les « porteurs d’espoir » ne sont pas ces héros épiques qui déracinent des baobabs mais ceux qui désherbent les cœurs. Ce ne sont pas des personnes extraordinaires qui accomplissent des actes extraordinaires dans des situations extraordinaires ; mais plutôt des personnes ordinaires qui accomplissent des actes extraordinaires dans des situations difficiles et éprouvantes. Ce sont des personnes qui en plus des connaissances (comme le talent musical chez Franklin) ont des valeurs qu’ils partagent avec les autres et qui les inspirent dans leur lutte quotidienne de la vie, dans leur résistances face à l’épreuve.
Notre histoire Africaine tissée de violence donne à certaines personnes de s’autoproclamer leaders, modèles pour qui se créent souvent des fans clubs, des associations de soutiens etc. Ils tiennent leurs suiveurs ou peuples par la terreur et l’argent ; et ceux-ci sont contraints à les diviniser, à les encenser… Malheur aux navigateurs pour qui ils sont une boussole et des étoiles parce qu’ils n’éviteront d’apocalypses naufrages. La démarche de ces auteurs est contraire et anticonformiste. Avec une conscience forgée qui identifie son propre modèle, ils démontrent les valeurs de ce modèle et le partagent avec les autres.
L’exercice d’écrire des textes en s’inspirant des chansons de Franklin semble ne pas avoir été facile. Si certains auteurs l’ont brillamment réussi, l’on a senti chez d’autres un essoufflement, un manque d’inspiration et une difficulté à établir une harmonie parfaite entre les chants de Franklin et les textes des auteurs. Par moment, les références aux chants de Franklin et leur insertion dans les textes étaient un peu brutales, sans transition...
J’ai aimé tous les textes mais il y a certains qui m’ont beaucoup accroché comme « le bûcheron » de Maurien Fauré M’gombé. J’ai beaucoup aimé sa technique d’écriture. N’dèye Fatou Kane m’a impressionné avec son texte « Likambo oyo-neti na film » : l’harmonie entre la chanson de Franklin et son texte a été réussi dans un texte fort intéressant qui a fait passé sans obstacle le message. Le texte de Ramsès Bongolo inspiré par le chant « Bomoto » m’a fasciné. Je l’ai relu à plusieurs reprises et je l’ai sincèrement aimé. Il y a une grande imagination et il y a de l’originalité dans son histoire. Mon coup de cœur est le texte intitulé « la rumeur » de Grâce Youlou Nkouelolo inspiré de la chanson « Ota ozali » de Franklin. Son texte est structuré en deux parties. La première raconte l’histoire lyrique de l’amour interdit de Louzolo qui tombe amoureuse d’un colon et qui souhaite l’épouser ; pourtant son père s’oppose à cette union qu’il juge contra nature. La deuxième partie est une prose satirique. Ce texte est vivant, poétique, il y a de la créativité dans la construction des phrases et il y a une forte émotion qu’elle m’a fait vivre : de la pitié, de la compassion, un déchirement du cœur devant les positions extrêmes, une sorte de spleen et l’idéal... En le lisant, je vivais une comédie musicale avec les différentes scènes qui défilaient dans ma perception imaginaire. J’ai aimé la satire de Grâce sous forme de prose qui constitue la deuxième partie de son texte consacrée au développement de ses réflexions sur les conséquences de la colonisation. Elle fait revivre au lecteur dans une complainte sur une tonalité révoltante à la fois lyrique les regrets et le méa culpa des chefs Africains après la suicidaire signature des accords avec ces colons.
L’initiative de la publication de cet ouvrage est à saluer. Ces quatorze auteurs peuvent être rassurés de la satisfaction, de la reconnaissance et la bénédiction certaine de Franklin. Il se réjouit certainement de la poursuite de sa mission par ceux qui ont hérité ses valeurs.
Yahn AKA
Ecrivain-éditeur
Ces auteurs sont : Ramsès Bongolo, Amzat Boukari, Dibakana Mankessi, Myril Nadia Eteno, Aurore Foukissa, Obambé Gakosso, N’Dèye Fatou Kane, Patrick Kouh, Glad, Amog Lemra, Aset Malanda, Anthony Mouyougui, Marien Fauney Ngombé, Grâce Youlou Nkouelolo, Arian Samba. L’originalité de ce livre réside dans cet exercice de s’inspirer des chants de Franklin, notamment ceux de son album « bûcheron » pour créer des nouvelles dans lesquelles les messages de Franklin sont mis en exergue, puis, interprétés, simplifiés, expliqués… C’est ainsi que chaque auteur a choisi selon sa sensibilité une chanson de Franklin sur laquelle il a proposé un texte en faisant fortement ressortir les valeurs mises en avant par l’artiste. En somme, il s’agit de l’unité Africaine, la réunification des deux Congos, la dénonciation de l’impérialisme, les méfaits de la colonisation, les illusions et désillusions des indépendances, l’enchantement et le désenchantement des indépendances, l’expropriation pratiquée par les colons et les inhérentes conséquences plus ou moins indélébiles, l’exploitation imposée aux Africains, le déracinement, les conséquences de la dépigmentation etc.
Ces auteurs nous rappellent de manière unanime qu’il y a toujours de la place dans la mémoire collective de l’Afrique pour ces héros assassinés qui ont opposé au narcissisme et à la méchanceté de nos dirigeants, la force et la fermeté de leur engagement. Contrairement aux textes laudatifs et dithyrambiques composés et chantés par une pléthore d’artistes pour hypocritement louer, vanter les inexistantes réalisations des chefs d’Etats Africains pour faire le culte de leur personnalité inculte, des artistes comme Franklin ont mis au service du peuple toute leur énergie et leur art pour faire des compositions qui défendent des valeurs nobles. C’est en cela que l’adjectif qualificatif « insoumis » prend sons sens pour définir la force de l’engagement de Franklin : un anti conformiste, incorruptible… La force du sacerdoce de Franklin que décrivent ces auteurs me rappelle ce que disait Léopold Sédar Senghor :
« Notre noblesse nouvelle est non de dominer notre peuple
Mais d’être son rythme et son cœur
Non de paître les terres, mais comme le grain de millet de
Pourrir dans la terre
Non d’être la tête du peuple mais bien sa bouche et sa trompette »
L’analogie entre la citation de Senghor et les textes de « Franklin l’insoumis » est qu’en immortalisant Franklin, ces auteurs montrent que la nouvelle mission de l’écrivain négro-africain est de se noyer dans le peuple pour contribuer à son réveil, aussi, d’’houspiller les consciences africaines avachies dans un profond « sommeil des indépendances ». Plusieurs auteurs de références comme Cheick Anta Diop, Joseph Ki Zerbo, Jean Marie Adiaffi, Frantz Fanon, Birabo Diop… ont rappelé l’importance de mener un tel combat en se situant dans une continuité historique. A cet effet, Cheick Anta Diop disait ceci : « Aujourd’hui, mes frères, seule une véritable connaissance du passé peut nous donner la conscience, le sentiment d’une continuité historique, indispensable à la consolidation de nos peuples. Un peuple doit se livrer à une telle investigation, à une pareille reconnaissance de soi, car se faisant, il identifie et valorise ce qu’il y a de solide, fondateur de ses propres structures culturelles et sociales. Il peut aussi en rejeter les faiblesses. Il découvre l’ampleur réelle des emprunts faits à l’extérieur, il peut maintenant se définir de façon positive à partir des critères non imagés mais réels. Il a une conscience nouvelle de ses valeurs et peut alors fixer sa mission, non d’une manière affective et passionnée, mais d’une façon objective car il sait désormais quelles sont ses valeurs culturelles qu’il est plus apte à développer pour le bien de son propre peuple et celui des autres. »
Ces auteurs ont compris le message de leurs prédécesseurs. Ces auteurs ont compris l’importance d’avoir des repères, des modèles sur qui s’inspirer. Ces héros et modèles, l’écrivain Ivoirien le Pr Séry Bailly les a appelé « les porteurs d’espoirs ». Pour cet éminent écrivain, les « porteurs d’espoir » ne sont pas ces héros épiques qui déracinent des baobabs mais ceux qui désherbent les cœurs. Ce ne sont pas des personnes extraordinaires qui accomplissent des actes extraordinaires dans des situations extraordinaires ; mais plutôt des personnes ordinaires qui accomplissent des actes extraordinaires dans des situations difficiles et éprouvantes. Ce sont des personnes qui en plus des connaissances (comme le talent musical chez Franklin) ont des valeurs qu’ils partagent avec les autres et qui les inspirent dans leur lutte quotidienne de la vie, dans leur résistances face à l’épreuve.
Notre histoire Africaine tissée de violence donne à certaines personnes de s’autoproclamer leaders, modèles pour qui se créent souvent des fans clubs, des associations de soutiens etc. Ils tiennent leurs suiveurs ou peuples par la terreur et l’argent ; et ceux-ci sont contraints à les diviniser, à les encenser… Malheur aux navigateurs pour qui ils sont une boussole et des étoiles parce qu’ils n’éviteront d’apocalypses naufrages. La démarche de ces auteurs est contraire et anticonformiste. Avec une conscience forgée qui identifie son propre modèle, ils démontrent les valeurs de ce modèle et le partagent avec les autres.
L’exercice d’écrire des textes en s’inspirant des chansons de Franklin semble ne pas avoir été facile. Si certains auteurs l’ont brillamment réussi, l’on a senti chez d’autres un essoufflement, un manque d’inspiration et une difficulté à établir une harmonie parfaite entre les chants de Franklin et les textes des auteurs. Par moment, les références aux chants de Franklin et leur insertion dans les textes étaient un peu brutales, sans transition...
J’ai aimé tous les textes mais il y a certains qui m’ont beaucoup accroché comme « le bûcheron » de Maurien Fauré M’gombé. J’ai beaucoup aimé sa technique d’écriture. N’dèye Fatou Kane m’a impressionné avec son texte « Likambo oyo-neti na film » : l’harmonie entre la chanson de Franklin et son texte a été réussi dans un texte fort intéressant qui a fait passé sans obstacle le message. Le texte de Ramsès Bongolo inspiré par le chant « Bomoto » m’a fasciné. Je l’ai relu à plusieurs reprises et je l’ai sincèrement aimé. Il y a une grande imagination et il y a de l’originalité dans son histoire. Mon coup de cœur est le texte intitulé « la rumeur » de Grâce Youlou Nkouelolo inspiré de la chanson « Ota ozali » de Franklin. Son texte est structuré en deux parties. La première raconte l’histoire lyrique de l’amour interdit de Louzolo qui tombe amoureuse d’un colon et qui souhaite l’épouser ; pourtant son père s’oppose à cette union qu’il juge contra nature. La deuxième partie est une prose satirique. Ce texte est vivant, poétique, il y a de la créativité dans la construction des phrases et il y a une forte émotion qu’elle m’a fait vivre : de la pitié, de la compassion, un déchirement du cœur devant les positions extrêmes, une sorte de spleen et l’idéal... En le lisant, je vivais une comédie musicale avec les différentes scènes qui défilaient dans ma perception imaginaire. J’ai aimé la satire de Grâce sous forme de prose qui constitue la deuxième partie de son texte consacrée au développement de ses réflexions sur les conséquences de la colonisation. Elle fait revivre au lecteur dans une complainte sur une tonalité révoltante à la fois lyrique les regrets et le méa culpa des chefs Africains après la suicidaire signature des accords avec ces colons.
L’initiative de la publication de cet ouvrage est à saluer. Ces quatorze auteurs peuvent être rassurés de la satisfaction, de la reconnaissance et la bénédiction certaine de Franklin. Il se réjouit certainement de la poursuite de sa mission par ceux qui ont hérité ses valeurs.
Yahn AKA
Ecrivain-éditeur