Abidjan, 21 nov 2017 (AFP) - "On était des esclaves. Pour les Arabes (geôliers libyens), l’homme de peau noire n’est rien, moins que des animaux. Les animaux on les traite mieux", affirme Moussa Sanogo, un migrant ivoirien rapatrié de Libye lundi à Abidjan, alors que l’émotion suscitée par les images de la vente de migrants africains comme esclaves continue de grandir.
Moussa, 22 ans, originaire de San Pedro (Sud-Ouest), fait partie d’un groupe d’environ 600 migrants qui ont été regroupés par les autorités ivoiriennes en Libye. Après un premier vol de 155 personnes lundi, le reste du contingent sera ramené dans la semaine.
Moussa, qui a passé un peu plus de quatre mois en Libye pour tenter de rallier l’Italie en bateau, raconte des scènes similaires à celles diffusées par la chaîne CNN dont le documentaire a médiatisé une situation déjà décriée par de nombreuses ONG et observateurs.
"A un moment, on a été pris par des gens qui se disaient de la police. Le policier m’a ensuite vendu pour 500 dinars (300 euros) à un homme qui m’a fait travailler dans un champ de tomate pendant un mois. Tu es obligé de travailler", explique Moussa.
Moussa décrit un pays en proie à l’anarchie et aux bandits, où les forces de l’ordre participent au trafic.
Fuyant des bandits après avoir traversé le désert en provenance du Niger, Moussa a été emprisonné une première fois avant de pouvoir fuir vers la Tunisie.
Un passeur l’a alors fait revenir en Libye en lui promettant un passage en Europe. "A un moment, on a été pris. On était enfermé dans une petite pièce avec 60 autres personnes" avec des "habits sales", sans "pouvoir se laver. Les Arabes quand ils entraient, ils mettaient des masques pour pouvoir supporter l’odeur", dit-il, soufflant régulièrement ou secouant la tête en évoquant ses souvenirs.
- ’Pas à vendre’ -
"On t’achète. Tu es là, tu es arrêté, tu vois ils sont en train de juger ton prix comme une marchandise. On t’achète, tu vas travailler comme un mouton, tu travailles comme esclave. On te frappe tout le temps. Surtout quand tu es grand comme moi... jusqu’à ce que le sang coule. Avec des bâtons, du fer, des crosses de kalach... Pour la nourriture, on te donne un bout de pain et un bout de fromage, c’est tout (...) Je suis content d’être revenu. A mon ennemi je ne souhaite pas cela", conclut-il.
"Il faut voir ce qu’on a vécu pour le croire. C’était pire que tout. Tu ne peux pas imaginer", ajoute Seydou Sanogo, un ami migrant originaire d’Abidjan.
Tous n’ont pas vécu l’enfer. Une femme avec son bébé de 18 mois témoigne sous couvert de l’anonymat. "Je ne voulais pas rentrer. On attendait le bateau. On y était presque...", dit-elle. Elle explique être partie avec son mari et son enfant de Daloa, ville du centre-ouest devenue une des capitales du départ.
Soutenues par l’Organisation internationale pour les migrations et l’Union européenne, les autorités ivoiriennes promettent un plan de réinsertion pour ce contingent de migrants. Environ 1500 ivoiriens ont déjà été rapatriés de Libye.
La situation des migrants devenus des esclaves a suscité un tollé médiatique relayé par des politiques mais aussi des artistes et des sportifs.
En Côte d’Ivoire, les chanteurs Alpha Blondy, Tiken Jah Fakoly et A’Salfo, leader de Magic System, mais aussi la star du foot Didier Drogba se sont insurgés.
"C’est une double indignation, un cri de coeur : je suis indigné de voir les enfants d’Afrique mourir (...) en essayant de trouver des lendemains meilleurs", a affirmé A’Salfo, y voyant "une humiliation pour l’Afrique".
Mais la mobilisation dépasse les frontières avec des manifestations en Europe ou des pétitions signées notamment par l’acteur Omar Sy, le chanteur Salif Keita ou l’ancien champion du monde de foot Liliam Thuram.
Les footballeurs ont largement pris position. Plusieurs joueurs dont la star de Manchester United Paul Pogba ont célébré des buts en faisant semblant d’avoir les mains attachées comme des esclaves, alors que le Français de Valence Geoffrey Kondogbia a arboré un maillot de corps "Hors football, je ne suis pas à vendre".
De nombreux hommes politiques et chef d’Etat ont aussi fait part de leur indignation et le sujet sera à l’ordre du jour du sommet Union Africaine-Union Européenne les 29 et 30 novembre à Abidjan. Lundi soir, le président nigérien a appelé la Cour pénale internationale à "se saisir du dossier": "L’esclavage est un crime contre l’humanité", a-t-il rappelé.
pgf/de/stb
Moussa, 22 ans, originaire de San Pedro (Sud-Ouest), fait partie d’un groupe d’environ 600 migrants qui ont été regroupés par les autorités ivoiriennes en Libye. Après un premier vol de 155 personnes lundi, le reste du contingent sera ramené dans la semaine.
Moussa, qui a passé un peu plus de quatre mois en Libye pour tenter de rallier l’Italie en bateau, raconte des scènes similaires à celles diffusées par la chaîne CNN dont le documentaire a médiatisé une situation déjà décriée par de nombreuses ONG et observateurs.
"A un moment, on a été pris par des gens qui se disaient de la police. Le policier m’a ensuite vendu pour 500 dinars (300 euros) à un homme qui m’a fait travailler dans un champ de tomate pendant un mois. Tu es obligé de travailler", explique Moussa.
Moussa décrit un pays en proie à l’anarchie et aux bandits, où les forces de l’ordre participent au trafic.
Fuyant des bandits après avoir traversé le désert en provenance du Niger, Moussa a été emprisonné une première fois avant de pouvoir fuir vers la Tunisie.
Un passeur l’a alors fait revenir en Libye en lui promettant un passage en Europe. "A un moment, on a été pris. On était enfermé dans une petite pièce avec 60 autres personnes" avec des "habits sales", sans "pouvoir se laver. Les Arabes quand ils entraient, ils mettaient des masques pour pouvoir supporter l’odeur", dit-il, soufflant régulièrement ou secouant la tête en évoquant ses souvenirs.
- ’Pas à vendre’ -
"On t’achète. Tu es là, tu es arrêté, tu vois ils sont en train de juger ton prix comme une marchandise. On t’achète, tu vas travailler comme un mouton, tu travailles comme esclave. On te frappe tout le temps. Surtout quand tu es grand comme moi... jusqu’à ce que le sang coule. Avec des bâtons, du fer, des crosses de kalach... Pour la nourriture, on te donne un bout de pain et un bout de fromage, c’est tout (...) Je suis content d’être revenu. A mon ennemi je ne souhaite pas cela", conclut-il.
"Il faut voir ce qu’on a vécu pour le croire. C’était pire que tout. Tu ne peux pas imaginer", ajoute Seydou Sanogo, un ami migrant originaire d’Abidjan.
Tous n’ont pas vécu l’enfer. Une femme avec son bébé de 18 mois témoigne sous couvert de l’anonymat. "Je ne voulais pas rentrer. On attendait le bateau. On y était presque...", dit-elle. Elle explique être partie avec son mari et son enfant de Daloa, ville du centre-ouest devenue une des capitales du départ.
Soutenues par l’Organisation internationale pour les migrations et l’Union européenne, les autorités ivoiriennes promettent un plan de réinsertion pour ce contingent de migrants. Environ 1500 ivoiriens ont déjà été rapatriés de Libye.
La situation des migrants devenus des esclaves a suscité un tollé médiatique relayé par des politiques mais aussi des artistes et des sportifs.
En Côte d’Ivoire, les chanteurs Alpha Blondy, Tiken Jah Fakoly et A’Salfo, leader de Magic System, mais aussi la star du foot Didier Drogba se sont insurgés.
"C’est une double indignation, un cri de coeur : je suis indigné de voir les enfants d’Afrique mourir (...) en essayant de trouver des lendemains meilleurs", a affirmé A’Salfo, y voyant "une humiliation pour l’Afrique".
Mais la mobilisation dépasse les frontières avec des manifestations en Europe ou des pétitions signées notamment par l’acteur Omar Sy, le chanteur Salif Keita ou l’ancien champion du monde de foot Liliam Thuram.
Les footballeurs ont largement pris position. Plusieurs joueurs dont la star de Manchester United Paul Pogba ont célébré des buts en faisant semblant d’avoir les mains attachées comme des esclaves, alors que le Français de Valence Geoffrey Kondogbia a arboré un maillot de corps "Hors football, je ne suis pas à vendre".
De nombreux hommes politiques et chef d’Etat ont aussi fait part de leur indignation et le sujet sera à l’ordre du jour du sommet Union Africaine-Union Européenne les 29 et 30 novembre à Abidjan. Lundi soir, le président nigérien a appelé la Cour pénale internationale à "se saisir du dossier": "L’esclavage est un crime contre l’humanité", a-t-il rappelé.
pgf/de/stb