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Art et Culture Publié le jeudi 22 mars 2018 | APA

Musique : Ziglibity, Polihet, Goli, Lékiné, ces rythmes ivoiriens disparus avec leurs maîtres

© APA Par DR
Hommage à Ernesto Djédjé, roi du «ziglibity»
Abidjan (Côte d’Ivoire) Par Honoré SEPE - Ernesto Djédjé, Gnahoré Djimy, Hyacinthe N’goran Jimmy et Guéhi Victor, des artistes de grande renommée par la modernisation de rythmes du patrimoine culturel ivoirien, trop tôt disparus qui sont partis avec respectivement, le Ziglibity, le Polihet, le Goli et le Lékiné, dont ils étaient les précurseurs, laissant un vide, difficilement, comblé.

Ernest Djédjé Blé Loué à l’état civil, Ernesto Djédjé, serait, aujourd’hui, peut-être le plus grand artiste musicien de l’histoire musicale de la Côte d’Ivoire, si la traîtresse mort ne l’avait pas fauché le 9 juin 1983. Il n’avait que 36 ans dont 26 consacrés à la musique.

Le ‘’Gnoantré national’’, ‘’l’Épervier’’ ou encore ‘’le Roi du Ziglibithy’’, les superlatifs ne manquaient pas pour désigner Ernesto Djédjé, chanteur, poète-fabuliste, danseur, arrangeur et guitariste. Véritable icône en Côte d’Ivoire, il était aussi renommé pour ses performances scéniques, ses déhanchés en particulier.

Le Roi du Ziglibithy, rythme du terroir bété (peuple du centre-ouest, sa région natale) qu’il a su révolutionner à partir des chants lyriques de la danse ‘’Tohourou’’ (autre rythme bété auquel il a été initié dès l’âge de 10 ans) mêlée au disco-dance et à la percussion traditionnelle.

Avec cette rythmique nouvelle (le Ziglibity), Ernesto Djédjé récolte un succès phénoménal aussi bien qu’en Côte d’Ivoire qu’en Afrique pour en être le Seigneur.

A son décès, Luckson Padaud et feu Johnny Lafleur se disputent l’héritage culturel du maître. Si le premier a la faveur des textes et du timbre vocal hors du commun, le second excelle dans sa présence scénique qui rappelle Ernesto Djédjé qu’il savait, merveilleusement, imiter.

Mais ni l’un ni l’autre n’a pu perpétuer l’œuvre du Roi Djédjé. Luckson Padaud ayant choisi de se faire un trou dans le ‘’Laba Laba’’ (danse du canard). Johnny Lafleur avait du mal à décoller dans la voie tracée par ‘’le Gnoantré national’’. Le costume était trop grand pour l’enfiler et le Ziglibithy rendit l’âme au grand désarroi des fans de cette musique.

Lorsqu’Antoine Gnahoré Lago dit Gnahoré Djimi décédait le 19 août 1996, à l’âge de 38 ans, l’animateur-producteur radio, Martin Fallet Lago, ne croyait pas si bien dire en confiant à un confrère ‘’ pour moi, le Polihet est mort ce 19 août 1996. Parce qu’après Gnahoré Djimi, on ne voit plus personne s’intéresser vraiment à ce rythme. On ne voit pas celui qui peut véritablement remplacer l’artiste ou faire comme lui’’.

Les faits donnent raison à ce féru de la musique tradi-moderne qui a repéré Gnahoré Djimi, alors chansonnier dans son village dans le département d’Issia (centre-ouest) pour en faire une célébrité musicale, le maître incontesté des nuits chaudes de Yopougon (ouest d’Abidjan), précisément au Bar Etoile, devenu le ‘’temple du Polihet’’.

Pourtant du vivant du Maître, beaucoup d’artistes de cette contrée ouest-ivoirienne, dans son écurie, se bousculaient pour détrôner le roi. De feu Dickaël Liadé qui créa plus tard le ‘’Vava’’ à Paulin Nahounou en passant par bien d’autres, tous se sont essayés sans jamais égaler le Polihet de Gnahoré.

‘’Il avait mis la barre haute’’, commente, aujourd’hui, amer, Simplice Guédé, un fan du rythme Polihet, toujours dans l’attente, selon lui, d’un ‘’vrai et digne successeur de Djimi pour faire renaître ce rythme même s’il n’atteind pas le niveau’’ du défunt artiste.

A l’instar d’Ernesto Djédjé et Gnahoré Djimi, N’goran Jimmy Hyacinthe décédé le 19 mars 1991 à l’âge de 40 ans, doit se retourner dans sa tombe. Lui, la virtuose de la guitare qui a valorisé le ‘’Goli’’, rythme dérivé du nom d’un sous-groupe et d’un masque baoulé (de la tribu Kodê) au centre du pays, pour en faire un label musical en Côte d’Ivoire.

Le présumé successeur John Jongoss, comme un éclair dans le ciel, a juste fait quelques apparitions sur la scène avant de s’éclipser pour aller fouetter d’autres chats en Hexagone.

Que dire alors du Lékiné sorti de l’extrême ouest par Victor Guéi (décédé en juin 2006) pour l’imposer de 1975 à 1990 comme l’une des musiques endiablées des bar-dancings Yaosséhi, Baron-bar à Yopougon.

Depuis la mort du Roi de Lékiné, Victor Guéi, les Blé Marius et autre Romi n’ont su relever le Lékiné relégué, désormais aux oubliettes dans la conscience collective, se contentant de prestations sporadiques lors des manifestations de réjouissances et funèbres.

Pour Noël Dourey, Président du Conseil de gestion du Palais de culture d’Abidjan, ‘’le déclin de ces rythmes avec le décès de leur créateur est un manque de créativité de ceux qui devraient pérenniser leurs œuvres’’.

‘’C’est qu’ on ne peut pas remplacer un homme comme Ernesto Djédjé ou Jimmy Hyacinthe comme si on déplaçait des meubles dans un salon. Ils sentaient leur chose. Et il y avait des gens pour leur offrir les moyens de leurs créativités. Ce qui n’est pas le cas pour les prétendus héritiers’’, se désole-t-il.

HS/ls/APA
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