Centre artisanal de la ville d’Abidjan (Cava). Nous découvrons le joyau pour la première fois, le 17 juillet dernier. A la faveur de la visite du ministre de la Promotion des Petites et moyennes entreprises, de l’artisanat et de la transformation du secteur informel, Anoblé Félix. Ce jour-là, les commerçants ont fait cas de certaines difficultés. Le 13 juillet 2021, nous sommes à nouveau sur les lieux. Pour faire le constat. Il est 9 heures et un peu plus. A l’entrée, un homme nous invite à venir voir ses articles. C’est la course aux clients. Il se nomme Sidimé Mamady, sculpteur. Notre rencontre remonte au 17 juillet 2021 à l’occasion de la visite du ministre Anoblé Félix. Le 13 juillet, nous sommes encore ensemble. Cette fois-ci, nous déclinons notre identité, notre profession et l’objet de notre présence au Cava. Il travaille depuis 1992 et totalise 31 ans de présence dans le Centre ouvert en 1990. Notre préoccupation l’intéresse parce qu’il en a souffert.
LA RARETE DES CLIENTS
A notre arrivée au Cava, ce qui nous frappe, c’est l’absence de clients. Les commerçants eux sont présents comme d’habitude devant leurs magasins ou ateliers. Certains font le ménage, d’autres se tournent les pouces. Sidimé Mamady nous parle de la situation que les artisans vivent depuis près d’un an. « Ça ne marche pas comme avant à cause de la pandémie du Covid-19. Mais aujourd’hui, quelques clients arrivent », confie-t-il. Pendant nos échanges, un homme fait son entrée dans le Centre. A ses côtés, une autre personne de race blanche. Sidimé Mamady nous dit qu’il s’agit d’un guide touristique. Un homme bien connu au Cava. Nous faisons sa connaissance. En fait, il s’agit d’un agent de tourisme. « Le Covid-19 a tué le tourisme », déplore-t-il au cours de notre brève conversation. L’homme est plutôt préoccupé à s’occuper de son client. Pas grave. Nous continuons notre promenade à travers le Cava. C’est Mohamed Bayou qui nous reçoit. Devant son atelier, il prépare son thé le temps que Dieu lui envoie un client. « Ça ne va pas. Les clients ne viennent plus au Cava à cause de la crise du COVID-19. On a traversé des moments difficiles. Nous sommes restés pendant trois (03) mois à la maison. C’était difficile », fait-il savoir. Nous continuons notre balade dans le Centre. Il est 11 heures environ. Ce n’est toujours pas l’affluence. Les clients se comptent du bout des doigts. Mais M’baye Kane ne désespère pas. Pour lui, le plus dur est passé. Mais ça ne marche pas toujours comme on le souhaite à cause du Covid-19 », accuse-t-il. A quelques mètres de lui, un commerçant plus chanceux reçoit un client de race blanche. Le propriétaire lui propose des statuettes, des assiettes faites en terre cuite et un jeu d’awalé. Le client a l’embarras du choix. Son guide l’aide. Le commerçant lui propose l’awalé. Mais le client ne semble pas être intéressé. Il ne connait pas ce jeu qui vient du plus profond pays baoulé. Le vendeur nous sollicite pour lui apprendre à jouer. Malgré tout, il est hésitant. Nous les quittons pour un autre atelier. Là-bas, deux (02) touristes viennent d’acheter une statuette d’éléphant peint en blanc. Le vendeur est content. C’est certainement un miracle. Que la chance lui sourit. Après l’achat, le client quitte le centre. Il est content. Les deux sont contents. Le vendeur ne boude pas son plaisir. « Je pourrai rentrer à la maison avec quelque chose. Ça n’arrive pas tous les jours », se réjouit-il. Nous continuons notre promenade dans le Centre. Le refrain est le même. « Ça ne marche pas. Les Blancs viennent de moins en moins », se lamente El Hadj Faye également. Celui-ci pointe également un doigt accusateur sur le covid-19. A côté de cette pandémie, il dénonce une autre difficulté qui plombe leurs activités. Des procédures administratives qui compliquent la situation et " chassent" le peu de clients selon lui.
TRACASSERIES A L’AEROPORT
« Des Blancs viennent ici. Ils viennent pour acheter des objets d’art. Mais ils ne viennent plus. Le problème, c’est qu’à l’aéroport, on leur demande des documents du musée de civilisation avant de partir avec les objets achetés. Quand ils n’ont pas ce document, on leur arrache tout ce qu’ils ont acheté comme souvenir de la Côte d’Ivoire. A cause de ces tracasseries, les Blancs et tous ceux qui arrivent en Côte d’Ivoire pour des séminaires tournent maintenant le dos au Centre de peur qu’on leur arrache leurs biens. Que le gouvernement nous aide », plaide-t-il. A côté de certains vendeurs qui soutiennent que le Cava est vidé de ses clients, d’autres gardent espoir. C’est le cas de Sidimé Mamady et plusieurs autres vendeurs. « On a espoir, ça va aller », croit-il dur comme fer. En réalité, cet espoir, il le fonde sur la présence d’une autre catégorie de clients qui commencent à fréquenter le Centre.
DES AFRICAINS
Au Centre artisanal de la ville d’Abidjan, les visiteurs de race blanche sont les plus nombreux. Ce sont les principaux clients. Mais il y a aussi des clients de race noire. Des nouveaux clients. C’est le cas d’une religieuse. Accompagnée d’une jeune fille, elle est venue faire des emplettes. "La sœur" est vêtue d’une robe blanche avec à la hanche, un pagne à l’effigie de la vierge Marie. Elle sillonne les rayons du Cava. Sidimé Mamady, notre premier interlocuteur, nous fait signe de la présence de la religieuse. « De plus en plus des Africains viennent ici. Ils font partie désormais de nos clients. Nos gros clients, ce sont ceux qui ont des maisons à Assinie. Parmi eux, de nombreux Ivoiriens. Ils achètent nos articles pour décorer leurs maisons », se console-t-il. Au moment où nous apprécions cette présence des Africains à la Cava, d’autres visiteurs de race noire font leur entrée sur le site. « Nos frères africains commencent à nous soutenir. Ils consomment de plus en plus ce qui vient de chez nous. C’est un début qui est encourageant », se réjouit-il. Des difficultés cependant demeurent.
LE CAVA MALGRE TOUT MECONNU
Le Cava n’est pas connu de beaucoup de personnes alors que le Centre existe depuis 1990. « Des Blancs qui vivent autour du Centre sont par hasard arrivés ici (Ndlr au Centre). Ils nous ont signifié leur surprise de savoir qu’à cet endroit à Treichville où on fabrique et on vend des objets d’art. Nous étions malheureux de les entendre parler ainsi. On a eu honte », explique Sidimé Mamady. Comme ces voisins Européens, nombreux sont également ceux qui ignorent l’existence d’un tel joyau en plein cœur d’Abidjan. Même nous journaliste, nous confessons, n’avons jamais eu connaissance d’un tel Centre à Abidjan. On a toujours cherché loin ce qu’on a juste à côté de nous. Sidimé Mamady notre ami du Centre continue ses révélations. Cette fois-ci, sur la Première Dame. « Elle est venue ici (Ndlr au Centre) avec ses filles et ses petits-enfants. Elle a été émerveillée par ce que nous faisons. Mme Dominique Ouattara a immédiatement appelé le gouverneur du District, Robert Mambé, qui l’a rejoint dans les moments qui ont suivi. Les deux (02) illustres visiteurs ont parlé. Mais je crois qu’elle lui a dit de nous aider à développer le Cava qu’elle venait de découvrir. Elle était contente de voir nos objets. Nous aussi en étions fiers. Depuis ce jour, quand elle a le temps, elle vient au Centre pour faire ses achats. C’est vous dire que le Centre, jusque-là, n’est pas encore bien connu du public comme celui de Bassam. On a trop duré dans l’obscurité », dénonce notre "tuteur", Sidimé Mamady. Nous le quittons momentanément le temps de revenir lui dire merci pour sa disponibilité à nous recevoir et à répondre à nos préoccupations. Un autre fait attire notre regard.
LE CAVA OU L’AFRIQUE EN MINIATURE
Au Centre artisanal de la ville d’Abidjan, on y trouve toutes les nationalités. Mieux des objets d’art venant de tout le continent africain. Cheick Thouine est Sénégalais. Son accent nous en donne la certitude. Ses objets aussi puisqu’ils sont typiquement sénégalais. Ouédraogo Inoussa, Bronzier de son état, est du pays frère du Burkina Faso. « Moi je suis du Burkina Faso voisin. Il y a toutes les nationalités ici (Ndlr au Cava). C’est l’Afrique qui est réunie », nous dit-il avec une grande fierté. M’baye Kane aussi vient du Sénégal et se sent bien au Cava, tout comme El Hadj Faye. Ouattara Abou, producteur, revendeur et sculpteur est Ivoirien, son accent également ne nous trahit pas. Nous cherchons à voir le président de la Société coopérative du Centre artisanal de la ville d’Abidjan (Sococava). Il est 11 heures et il n’est pas encore à son lieu de travail. Nous patientons le temps qu’il arrive. Quelques minutes après, on nous le présente. Il a à ses côtés des ferrailleurs sollicités pour renforcer la clôture du Centre. Coulibaly Adama (Ivoirien) ne fait pas de difficultés à nous recevoir. Il confirme lui également que le Centre regorge des artisans de toutes les nationalités. « C’est un atout. C’est la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui est au Centre artisanal de la ville d’Abidjan. On n’a aucun problème pour ça. On s’entend bien », se réjouit-il. 14 heures 30 minutes, nous quittons le Cava laissant les artisans à la recherche de solutions aux problèmes de clients et de promotion du Centre.
DJE KM