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Société Publié le mercredi 27 octobre 2021 | Le Nouveau Réveil

Tiéoulé Koné, président du Syndicat national des directeurs et moniteurs des auto-écoles de Côte d’Ivoire : « Nous nous apercevons qu’on met la charrue avant les bœufs au niveau de la réforme »

© Le Nouveau Réveil Par DR
Tiéoulé Koné, président du Syndicat national des directeurs et moniteurs des auto-écoles de Côte d’Ivoire

Le président du Syndicat national des directeurs et moniteurs des auto-écoles de Côte d’Ivoire (SYNADEMAE-CI) et président de la Mutuelle des auto-écoles d’Abobo, Tiéoulé Koné, dans cette interview, présente les difficultés actuelles du secteur des auto-écoles. Il estime que beaucoup reste à faire pour la mise en œuvre effective de la réforme initiée par le ministre des Transports. 

 

Comment se porte le secteur des auto-écoles depuis la suspension des inspecteurs civils qui ont été remplacés par des inspecteurs gendarmes ?

La suspension des inspecteurs civils a été une bonne chose pour enrayer la corruption. Les gendarmes ont apporté un plus au niveau des Examens de conduire mais là où il y a un hic, c’est que dans la faisabilité, les professionnels des auto-écoles n’ont pas été associés  à la manière dont nos candidats ont été évalués depuis un certain temps. Avec les gendarmes aujourd’hui, il y a une grande différence. Aujourd’hui, les candidats sont soumis à des QCM. Ce n’est pas une bonne chose. A la pratique, le créneau a complètement changé concernant la catégorie A et B. Comment voulez-vous, si l’enseignant, sur le terrain, est formé devant l’apprenant avant de l’évaluer? C’est clair qu’il va échouer. Si nous les moniteurs avions été professionnels, nous aurions dû dire au ministre des Transports : Vous suspendez vos inspecteurs mais comment va se faire le travail ? La période transitoire pour la mise en œuvre de cette réforme n’existe pas. Parce que les enseignants que nous avons n’ont pas été outillés pour préparer nos élèves à cette réforme. Comment voulez-vous laisser un alphabète devant un colonel ou un capitaine ?  Avec le stress, ça ne peut pas marcher. La manière de le questionner change. Concernant la pratique aussi, la manière de l’évaluer change. Au fur et à mesure que nous avançons dans la réforme, on a exigé que les auto-écoles présentent les véhicules sur lesquels on doit examiner les candidats au Permis de conduire. Le ministère sait que les auto-écoles ont droit aux matériels roulants et didactiques hors taxes. Ce qui n’a jamais été fait. Comment, à une semaine, on nous demande de venir avec un camion, moto, etc ? Nous pensons qu’à l’interne, certaines personnes veulent boycotter ce que fait le ministre.

 

Que voulez-vous dire par là ?

Nous nous retrouvons aujourd’hui avec 25 gendarmes qui doivent évaluer les candidats sur toute l’étendue du territoire ivoirien. Ce nombre est insuffisant. Dans des régions, depuis 4 à 5 mois, on n’a pas pu faire d’Examen de Permis de conduire. Au même moment, les forces de l’ordre leur demandent de présenter les permis. Le candidat est inscrit à l’auto-école. Il n’est pas examiné. Il n ‘a même pas de rendez-vous pour être examiné ? Comment voulez-vous qu’il présente son permis de conduire ? Les gendarmes sont donc insuffisants. Et le temps d’examen d’un candidat est tellement long que le nombre des candidats en attente d’être examinés ne fait que s’accroître. Dans le même temps, le ministre des Transports décide dans un mois le retrait du permis des gens. Comment cela peut-il se faire lorsque les candidats ne peuvent pas passer leur examen ? Au demeurant, nous sommes des entreprises, nous gérons du personnel, nous payons des magasins et nous payons nos impôts. Il est impératif et urgent que le ministre se penche sur cette question. Il faut voir soit comment augmenter le nombre des inspecteurs soit ramener ceux qui ont été formés et suspendus.

 

Mais il y a de nouveaux inspecteurs qui viennent d’être formés à cet effet à l’OSER non ?

Oui. Il y a de nouveaux inspecteurs qui ont été formés mais on ne leur a pas encore permis de travailler. C’est leur problème interne. Seul le ministre sait pourquoi on ne leur a pas encore permis de travailler. En même temps qu’on ne leur permet pas de travailler, selon l’arrêté 001, nous avons 15 candidats au code, 15 candidats à la conduite. Mais aujourd’hui à Abidjan, nous avons 4 candidats au code, 4 candidats à la conduite par semaine et par auto-école. A l’intérieur, on est autour de 10 candidats si je ne me trompe. Au regard du nombre de candidats par auto-école, je voudrais dire au ministre des Transports que les auto-écoles ne travaillent pas. C’est par respect pour sa personne et pour le Gouvernement que nous regardons impuissant les choses se faire. Or, à cette allure, les auto-écoles vont fermer. On ne peut pas gérer 4 candidats par auto-école dans la semaine à Abidjan et avoir un magasin de 200 mille francs à payer. Ce n’est pas possible. Nous ne demandons pas de faveur à un inspecteur pour nous aider. Nous demandons qu’on mette tous les inspecteurs sortis récemment en route avec les gendarmes, pour qu’ensemble, nous essayions d’évacuer plus de 60 mille candidats en attente de l’obtention de leur permis de conduire.

 

Vous parlez de faveur. Mais certaines personnes accusent les responsables d’auto-écoles d’être à la base de la corruption ; étant entendu qu’il n’y a pas de corrompus sans corrupteurs ?

Quand il y a la vérité, il ne faut pas se voiler la face. C’est l’Etat de Côte d’Ivoire qui nous a conduits dans ce sens. Vous ne pouvez pas envoyer un jeune fonctionnaire en mission de 3 jours avec sa voiture jusqu’à Odienné par exemple, pour aller examiner des candidats sans frais de mission. Il y arrive, il doit dormir dans un hôtel d’au moins de 20 000 FCFA. Son carburant en aller et retour c’est 100 à 120 000. Où voulez-vous que ce fonctionnaire trouve de l’argent pour entretenir son matériel, se loger, manger et examiner les candidats ? Et si un directeur d’auto-école le reçoit et qu’il le loge, il va de soi qu’il ne fera pas échouer ses candidats. Tout cela dure depuis le temps d’Houphouët-Boigny où on avait demandé que les inspecteurs aient les moyens nécessaires pour faire aisément leur travail. Ce qui n’a pas été fait. On ne peut donc pas accuser ceux qui étaient là pour dire qu’ils ont été mauvais. Je dis non et non. Certes certains d’entre eux ont débordé. Aller par exemple faire 200 permis un 25 décembre, alors même qu’on ne travaille pas. C’est ceux qui sont dans ce cas de figure qu’on a pris la main dans le sac qu’on doit enlever du circuit. Au demeurant de ceux qui travaillent honnêtement (ce n’est pas pour leur faire une part belle), ils méritaient quand même, à un moment donné, qu’on leur donne de l’eau à boire, qu’on leur paye quelque chose à manger. C’était de leur droit de le faire. Cette corruption a été mise en place jusqu’au Cabinet du ministre des Transports. C’est pour cela que lorsque le ministre dit aujourd’hui qu’il ne se reconnaît pas dans cette situation, et qu’il arrête tout, je lui dis bravo ! Mais que le ministre comprenne que les auto-écoles ne travaillent pas. On lui fait croire que nous travaillons, ce n’est pas vrai. Qu’il prenne sa voiture et rende visite à au moins 10 auto-écoles, il s’en rendra compte.

 

La dématérialisation effective du système pourrait être une solution pour régler pas mal de problèmes dans le secteur, y compris la corruption dont vous en parlez. Où en sommes-nous aujourd’hui avec cette réforme sur le terrain ? Est-ce qu’elle se déploie conformément aux prévisions initiales ?

La réforme en tant que telle est bienvenue. Mais elle a du chemin à faire. Nous nous apercevons aujourd’hui’ qu’on met la charrue avant les bœufs. Si les auto-écoles ont du matériel roulant et didactique hors taxe et que les ministères du Commerce, de l’Economie et des finances, et celui des Transports, étant tous présents, on doit pouvoir dire, en moins de 24 heures, voici le coût minimum du permis. Et après un échec, voici ce que doit payer le candidat. En progressant on comprendra qu’il y a des candidats pour lesquels, nous auto-école, accordions la catégorie C D E parce que tout simplement nous nous sommes dit qu’il n’y avait pas d’examen approprié pour ladite catégorie. Au moment où le Gouvernement se rend compte qu’on doit le faire, c’est tous ensemble qu’on doit travailler pour y arriver. On ne peut pas nous surprendre pour dire que désormais nous devrons avoir tel genre de matériel. Ça devrait se faire de façon progressive. De la même manière les pharmaciens ont travaillé pour homologuer les prix, les auto-écoles doivent pouvoir s’en inspirer. Aujourd’hui, il y a un laisser-aller dans notre secteur d’activité. Les gens qui ne vont pas à l’auto-école payent moins cher le permis de conduire que ceux qui y vont.

 

Comment cela s’explique ?

Il y en a qui ne se déplacent pas. Ils passent par un agent de la CGI pour l’obtention de leur Permis de conduire. Cela fait un manque à gagner à l’auto-école.

 

Avez-vous les preuves de ce que vous avancez ?

Quand on est président de syndicat, je ne me mettrais pas à le dire si je n’ai pas les preuves. Comme nous sommes dans un pays libéral, je suis obligé de me retenir pour dire ceci. Quand le ministre suspend les inspecteurs, c’est beau, mais qu’il retienne que les ingénieurs des ponts et chaussées sont faits pour aller construire les routes qu’Alassane Ouattara engage. Ce n’est pas les inspecteurs de ponts et chaussées qui doivent examiner les candidats au Permis de conduire. Ce sont des moniteurs ou directeurs d’auto-écoles. Jusqu’à preuve du contraire, le ministère des Transports ne veut jamais sortir le profil de carrière des moniteurs d’auto-écoles que nous sommes. Si on libéralise notre secteur d’activité, on verra si le taux d’accidents ne va pas réduire de manière drastique.

 

Est-ce que les conditions sont réunies pour qu’on aille à la dématérialisation du Permis de conduire ?

Non ! Les conditions ne sont pas réunies. Parce que l’auto-école, en tant que telle, n’a pas d’ordinateurs pour former les candidats. Si l’apprenant ne sait même pas comment on allume un ordinateur ou on attrape une souris, comment pourra-t-on l’évaluer ? On nous dit que l’examen va se faire en 3 ou 4 langues. Le malinké d’Abidjan et celui d’Odienné ne sont pas les mêmes. Le Bété de Soubré et celui de Gagnoa ne se comprennent pas forcement. Il y a donc des choses à revoir. C’est bon mais il y a du travail à faire.

 

Est-ce que ces applications sont effectives dans les auto-écoles ?

Ces applications ne sont pas effectives. Il va avoir une période transitoire. Nous avons fini la formation. Il nous faut maintenant le matériel dans les auto-écoles. Puisque l’inspecteur disparait dans l’évaluation au code à un moment donné. Et quand on va plus loin, l’inspecteur disparaitra dans la conduite au profit des caméras dans les véhicules. Le candidat ira seul tourner. S’il n’a pas pu démarrer ça veut dire qu’il est inapte. L’Etat est outillé pour cela. Les auto-écoles ont des personnes ressources pour gérer cela. Mais il ne pourrait pas se limiter à Abidjan, peut-être à Bouaké et Daloa. Il faut que le ministre des Transports revoie sa feuille de route. Nous ne sommes pas opposés à sa réforme mais nous estimons que cette évaluation de qualité a un coût. Il faut que le ministre soit capable de nous dire combien va coûter ce permis de conduire aux Ivoiriens. Parce que lorsqu’ils échouent ils doivent payer encore pour reprendre.

Interview réalisée par



FRANÇOIS BECANTHY

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