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Économie Publié le lundi 29 novembre 2021 | Abidjan.net

La diversification de l’offre de transport, la solution à la question de la mobilité urbaine en Côte d’Ivoire (Libre opinion)

© Abidjan.net Par DR
Automobile en circulation

Depuis 2011, la Côte d’Ivoire enregistre une croissance économique qui laisse présager d’un futur reluisant. Une des certitudes est que le pays sera urbain. Déjà plus de la moitié de sa population vit en ville et cette proportion devrait atteindre deux tiers en 2050, notamment avec l’expansion d’Abidjan qui abritera plus de 10 millions d’habitants. Nos villes sont aujourd’hui confrontées à une explosion des besoins en déplacements. Selon l’Autorité de la Mobilité Urbaine du Grand Abidjan, cette agglomération constitue plus de 40% de la population urbaine de la Côte d’Ivoire et devrait atteindre plus de 10 millions d’habitants à l’horizon 2050 soit plus de 8 fois celle de Bouaké, la deuxième ville la plus peuplée du pays. 


Améliorer la mobilité urbaine devient donc un impératif économique et social, non seulement pour Abidjan mais pour l’ensemble de la Côte d’Ivoire. Le gouvernement ivoirien travaillerait actuellement sur la réglementation de la sphère des taxis. La présente réflexion a pour objectif d’attirer l’attention des décideurs sur la nécessité d’aborder avec intelligence la question de la mobilité urbaine en Côte d’Ivoire. Cette réflexion arrive à la conclusion que les nouveaux modes de transport à Abidjan sont complémentaires des anciens. La cohabitation des taxis et VTC reste une bonne idée pour faciliter la mobilité urbaine. Nous commençons d’abord par exposer de façon panoramique, les problèmes de mobilité urbaine en Côte d’Ivoire. Par la suite, nous revenons sur le Projet de Mobilité Urbaine d’Abidjan (PMUA), qui reste une bonne idée mais insuffisante. Enfin, nous terminons cette réflexion en instant sur la complémentarité entre les modes de transport traditionnels et les VTC, comme la meilleure des solutions.


La mobilité urbaine, une plaie de l’économie ivoirienne 


Parmi les tracas quotidiens de la vie urbaine se trouvent le coût et le temps perdu dans les transports. Difficile d’imaginer une ville productive et efficiente quand les déplacements sont lents et onéreux. Aujourd’hui, à Abidjan, les ménages les plus pauvres, quand ils ne renoncent pas à se déplacer, dépensent en moyenne 20 à 30 % de leur revenu dans les transports et passent 200 minutes par jour à les utiliser ou les attendre. À ces coûts s’ajoutent les pertes de compétitivité pour les entreprises ainsi que l’insécurité et la pollution. Au bout du compte, le manque de mobilité au sein de l’agglomération d’Abidjan fait perdre jusqu’à 4-5 % de son revenu national à la Côte d’Ivoire. Selon le rapport du groupe La Banque mondiale, publié en janvier 2019, chaque jour ouvrable, un ménage de la ville d’Abidjan effectue en moyenne 6,09 déplacements, chacun d’entre eux ayant une durée d’environ 33 minutes (en comptant le temps d’attente). 


Il dépense quotidiennement 1.075 FCFA. Ainsi, si on considère qu’il y a environ 1.167.000 ménages dans l’agglomération d’Abidjan, alors le coût monétaire direct est donc de 1,26 milliards de FCFA par jour, soit l’équivalent de 376 milliards par an. La lourdeur des coûts de transports engendre au moins trois problèmes. En premier lieu, elle réduit les effets d’agglomération et augmente les inégalités car elle pénalise davantage les ménages pauvres. En effet, elle rend difficile l’accès aux emplois, qui ne se trouvent pas toujours proches des lieux d’habitations. 


En second lieu, le manque de mobilité urbaine pénalise donc directement les ménages, qui doivent consacrer une part importante de leur budget et de leur temps aux transports, et indirectement en les empêchant de tirer parti des avantages potentiels d’une ville, à savoir les opportunités de trouver un emploi ou d’accéder à une meilleure éducation et à des soins de santé. En troisième lieu, la qualité de la vie est affectée négativement en raison de l’insécurité routière et l’accroissement de la pollution. Le nombre de décès sur les routes est plus élevé en Côte d’Ivoire (16,9 pour 100,000 habitants) qu’au Nigeria (9,7) et au Ghana (12,9). Les personnes à risques ne sont pas les conducteurs mais les piétons, en particulier les enfants.


Ces besoins en transports sont sans nul doute la cause de l’apparition des sociétés dites « de transport de personnes avec chauffeurs », encore appelées « VTC » qui se donnent pour objectif de faciliter le déplacement des ivoiriens par leurs services. Cependant, les autorités ivoiriennes s’activent pour trouver des solutions à la mobilité des populations, surtout dans les grandes villes. 



Le Projet de Mobilité Urbaine d’Abidjan (PMUA), une bonne idée mais insuffisante


A Abidjan, les populations se déplacent à pied, en taxi individuel ou collectif, en bus, ou en voiture, créant des embouteillages monstres et de multiples nuisances. A cela s’ajoute tous les déplacements commerciaux car Abidjan est le poumon économique de la Côte d’Ivoire, avec son port, son aéroport et ses zones industrielles et commerciales. Dans ces conditions, le transport influe fortement sur la vie des ménages, affectant leur bien-être, et sur la rentabilité des entreprises. Un ménage abidjanais dépense en moyenne, directement en frais de transport et indirectement en temps perdu, plus de 30% de son budget pour les plus pauvres. Afin de gérer le système des transports urbains à Abidjan et sa banlieue et d’y faciliter la mobilité des populations, une autorité administrative dénommée Autorité de la Mobilité Urbaine dans le Grand Abidjan (AMUGA) a été créée. Le Gouvernement Ivoirien, avec l’appui technique et financier de la Banque mondiale et de l’Agence Française de Développement (AFD) a entrepris la mise en œuvre du Projet de Mobilité Urbaine d’Abidjan (PMUA), d’un montant de 530 millions de dollars dont l’objectif de développement est d’améliorer la mobilité urbaine à Abidjan grâce :


À la mise en place d’un système de transport collectif de masse (BRT) sur le corridor Yopougon-Bingerville à travers un partenariat public-privé (PPP) ;


Au renforcement des capacités de la SOTRA et la réorganisation de ses lignes en rabattement sur les axes de transport de masse ;


À la modernisation et la professionnalisation du transport artisanal sur le corridor concerné par le projet, y compris par l’appui au renouvellement de la flotte.


En 2022, le Projet de mobilité urbaine d’Abidjan (Pmua) consistera essentiellement en l’achèvement des dernières études techniques, au recrutement de l’opérateur qui va exploiter le futur BRT (Bus-Transit-Rapid Ndlr) - ce système de transport collectif de masse se situant au cœur du projet - et au démarrage effectif des travaux pour un budget annuel de 13,5 milliards de FCFA. C’est en substance ce qu’il faut retenir de la réunion du Comité de suivi et de pilotage du projet qui s’est tenue le 17 novembre au Plateau. Le PMUA qui a démarré effectivement en février 2020, a pour objectif le développement et l’amélioration de la mobilité urbaine à Abidjan, grâce à la mise en place d’un système de transport collectif de masse (le BRT) sur le corridor Yopougon-Bingerville à travers un partenariat public-privé.


Notons également que l’adoption du plan d’aménagement du Grand Abidjan en 2016 a été une avancée notoire car il propose une vision cohérente sur la manière dont la ville devrait se développer au cours des prochaines décennies. Mais cette vision a encore besoin d’être accompagnée par un cadre institutionnel fort car les responsabilités sont aujourd’hui éparpillées entre diverses institutions gouvernementales. Il est bon que la sphère du covoiturage en Côte d'Ivoire se développe par le biais d’un dialogue entre toutes les parties prenantes : Etat, les chauffeurs (traditionnels et travaillant avec des services en ligne), les parcs de taxis, les services en ligne ainsi que les clients.


La complémentarité entre les modes de transport traditionnels et les VTC, la meilleure des solutions 


Dans de nombreuses villes, à travers les pays où sont présents, les nouveaux modes de transport, le combat fait rage entre les taxis et les VTC. Partout le reproche est le même : concurrence déloyale. 


Et partout, les raisons profondes de la contestation sont à chercher dans les revenus faibles des taxis, les coûts de licence élevés, et la situation monopolistique des compagnies de taxis qui pratiquent des commissionnements abusifs. Chaque pays élabore donc une réglementation pour encadrer les activités des taxis traditionnels et les VTC. La règlementation varie donc fortement d’une ville à l’autre, d’un comté à l’autre. Dans certaines villes comme Liverpool, le nombre de taxis est contingenté comme l’il l’est, de fait dans les villes en France. 


Dans d’autres, le nombre de licences de véhicules n’est pas contingenté, mais l’accès à la profession de chauffeur est soumis à des exigences d’aptitude plus ou moins faciles à satisfaire, le plus difficile étant celle de Londres. En revanche, le nombre des voitures de remise appelées Private Hire Vehicules ou PHVs, n’est jamais contingenté. Il y a en Angleterre deux fois plus de PHVs que de taxis. En matière de réglementation, celle relative aux voitures de remise à Londres est probablement la plus élaborée à tel point qu’elle est considérée comme un modèle pour le reste du pays. En Côte d’Ivoire, le gouvernement doit privilégier la cohabitation entre taxis et VTC. En Californie, la libéralisation totale du marché des VTC.  


A Londres comme à New York, taxis et VTC parviennent à coexister. Et les deux offres se complètent : d'un côté, les "blackcabs" et les "yellowcabs" pour les premiers et de l'autre, les "minicabs" pour les seconds. Une sorte de charte déontologique s’est mise en place entre les deux acteurs du marché, et chacun veille au respect de ses prérogatives. 


Les taxis sont libres de marauder, c'est-à-dire de tourner dans les rues pour trouver des clients, tandis que les VTC doivent être précommandés. Le tarif de course est déterminé par le compteur kilométrique pour les premiers. Les VTC, eux, établissent un forfait. Selon des sources bien introduites, le gouvernement travaille actuellement sur la réglementation de la sphère des taxis. Il est bon que les travaux sur cette réglementation se déroulent sans exclure les nouveaux modes de transport à Abidjan même dans tout le pays. En effet, l'avenir de la mobilité urbaine ne sera peut-être pas une voiture volante, ni une navette autonome, ni un train ultrarapide mais sans doute un nouveau mode de consommation des transports. Aujourd’hui, tous les spécialistes s’accordent sur une idée, celle de « mobility as a service » (MaaS).  


Ce concept consiste à rassembler tous les moyens de transport à disposition des citadins dans une seule offre illimitée, avec la garantie d'avoir le meilleur moyen d'aller partout, à n'importe quel moment. Une panoplie complète associant métro, bus, taxi, mais aussi vélo ou voiture en libre-service, VTC, scooter électrique, et même voiture de location classique pour s'évader le week-end ou pendant les vacances. Avec un objectif clairement affiché : une telle offre est le seul moyen de pousser les citadins, et en particulier les familles, à abandonner leur voiture personnelle. 


Il serait judicieux que le gouvernement aborde la question de la mobilité dans le district d’Abidjan sous un angle plus inclusif. Le gouvernement mise sur un système de transport multimodal, incluant aussi bien les transports publics de masse que les autres modes de transport. La multimodalité doit être un élément central de la mobilité urbaine, et chaque déplacement d’un point A à un point B ne doit plus être considéré comme unique, mais doit prendre en compte tous les modes de déplacement utilisés.


En définitive, il existe une énorme demande pour une option de transport quotidien sûre, abordable et confortable pour les populations ivoiriennes. En Côte d’Ivoire, près de 80 % des déplacements urbains se font encore à pied et dans des transports non conventionnés (taxis collectifs et minibus), il faudra donc inclure les nouveaux modes de transport, dans les stratégies de l’Etat, en matière de mobilité urbaine. Les structures comme Yango, TaxiJet et Uber peuvent aider les Ivoiriens à réduire leur dépense en matière de transport. Au niveau de l’économie toute entière, il est admis que l'abaissement des coûts de transport a entraîné une accélération de l'urbanisation au 19e siècle. En effet, les coûts et temps de transport sont prohibitifs : ils grèvent les prix de vente et limitent considérablement les échanges commerciaux. 


Le coût du temps nécessaire pour transporter les biens devient une composante essentielle des coûts de transfert. Dans un monde où la concurrence se mondialise, les temps de livraison constituent en effet une variable stratégique pour les entreprises opérant sur les mêmes marchés. Bien plus, le potentiel d'urbanisation peut être amélioré avec la mise en œuvre de politiques visant à réduire les effets de congestion et à mieux valoriser les économies d'agglomération. Il est certain que l'amélioration de la réglementation de la sphère des taxis, en incluant les Véhicules de Tourisme ou de Transport avec chauffeur (VTC), est de nature à permettre une croissance urbaine plus efficace. 



Par Pr. PRAO YAO SERAPHIN, Maitre de Conférences agrégé en économie

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