La Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de noix de cajou, a lancé officiellement vendredi la campagne de commercialisation de la noix de cajou pour l'année 2022, visant 1,04 million de tonnes contre 968.676 tonnes enregistrées en 2021. Bêh Soro, en sa double qualité de président de l'OIA Anacarde et de la Centrale de Cajou, s'engage à contribuer à la réalisation de cet objectif. Dans cet interview, il se prononce sur l'avenir de la filière.
► Vous venez d’être investi président de l’Oia Anacarde, pouvez-vous nous présenter cette organisation ?
L’OIA Anacarde c’est l’interprofession agricole dédiée à la filière Anacarde de Côte d'Ivoire. Les différentes missions de cette organisation sont multiples mais on retient quelques-unes essentiellement, la cohésion entre les acteurs du secteur, l’assainissement sur la chaîne de commercialisation depuis le producteur jusqu’au transformateur, l’augmentation des capacités d’exploitation de tous les acteurs et surtout les nationaux de sorte à leur permettre une pérennité de leurs activités.
► Quelle est votre première bataille pour redorer cette faîtière naissante ?
Pour moi, c’est de valoriser la chaîne de valeur à chaque niveau. Mettre en place un système visant à améliorer les conditions de vie des producteurs, à une observation des bonnes pratiques agricoles, proposer des produits de qualité aux acheteurs et aux exportateurs pour développer leur activité, en préservant ou améliorer le label Ivoire existant.
► Pouvez-vous nous parler de la position de la Côte d'Ivoire en matière de production de noix de cajou ?
La filière anacarde compte plus de 450 mille producteurs avec une production de plus de 1 million de tonnes en 2021. Ce qui maintient la Côte d’Ivoire au rang de 1er producteur mondial. Cette année 2022, les données vont plus grimper.
► A combien est fixé le prix bord-champ du kilogramme par l’Etat cette année ?
L’Etat a reconduit le prix à 305 F F Cfa qui est relatif au prix de la campagne 2021. Je profite pour remercier le président de la République de Côte d’Ivoire, SEM Alassane Ouattara, dans sa volonté de soutenir le secteur agricole notamment, celui de l’anacarde. Nous avons participé auprès du régulateur, le conseil coton-anacarde (CCA), à la détermination du prix qui passe par un système de matrice appelé barème. Selon cette matrice, le prix résiduel qui devrait revenir au producteur était 293 F Cfa. Mais, l’Etat a regardé les difficultés des acteurs en reconduisant le prix à 305 F Cfa malgré la hausse des charges portuaires sur les exportations due à la situation du Covid-19.
► Dans votre domaine, il y a-t-il des sanctions appliquées aux acheteurs qui ne se conforment pas à 305 F Cfa, le prix du fixé pour la campagne 2022 ?
Il y a toujours des sanctions prévues par le régulateur car il peut exister naturellement des pisteurs qui ne se conforment pas aux règles sur le terrain. Le CCA contrôle la situation en jouant pleinement son rôle à travers les comités de veille départementaux. Mais jusqu’ici, il faut qu'il n'y ait pas de fraudes graves.
► Vous qui êtes le premier responsable de cette nouvelle faîtière, pouvez-vous égrainer quelques difficultés que rencontrent les producteurs ?
Les producteurs sont confrontés à plusieurs difficultés. Il y a le problème de productivité qui se pose, le problème de qualité liée au climat variant par région. La Côte d’Ivoire en effet, compte 19 régions productrices mais le rendement varie d’un verger à un autre. Un verger est un espace de terrain dévolu à la culture d'arbres fruitiers.
C’est le tout-venant que les personnes utilisent pour faire leur verger. Pour cela, il ne fait pas partie de la même sélection en termes de plantes. Il faut noter que le rendement moyen en Côte d’ivoire est de 500 kilos l'hectare contrairement à l’Inde qui fait 10 fois ce rendement (5 tonnes à l’hectare). Il faut donc chercher une variété ou des variétés qui résolvent plusieurs problèmes, s’adaptant à chaque région de sorte à avoir une qualité universelle pour sauvegarder le label ivoire. Cette sélection de variété devrait être aussi accessible à d’autres cultures intercalaires (les cultures vivrières entre autres, le riz, le maïs etc.).
► Comparativement à 2020, quelle est la capacité de transformation locale de noix de cajou en 2021 ?
L’année qui vient de s'achever, nous sommes à 14 % de transformation nationale. C’est un pourcentage qui reste loin de l’objectif de l’Etat ivoirien qui est de transformer localement 50 % de la production. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est dotée de plusieurs usines de transformation de noix brute de cajou. L’initiative vient consolider la chaîne des valeurs de l’anacarde.
► Quels sont ces enjeux ?
Le gouvernement de Patrick Achi ambitionne de transformer toute sa production pour booster le revenu des producteurs. Je souhaiterais que cette transformation qui s’inscrit dans le projet de l’Etat soit une chaîne de valeurs pour que les acteurs majeurs que sont les producteurs soient les premiers bénéficiaires.
Pour que cette vision de l'Etat ait un impact direct sur le revenu du producteur, nous invitons le gouvernement ivoirien via le régulateur à progressivement multiplier ses initiatives en déployant des moyens pour permettre aux producteurs d’être entrepreneurs, par la mise en place des unités de proximité, unités semi-motorisées.
Ces usines de décorticage mécaniques, artisanales vont favoriser la semi-transformation par ces derniers. Les produits de cette semi-transformation appelés Amandes Non Depelliculees (AND) seront transférés dans les unités modernes implantées dans chaque région par les autorités compétentes via le CCA.
Déjà sur la chaîne de transformation, la valeur ajoutée qui est dégagée est plus ou moins partagée entre le transformateur fini et le semi-transformateur, le producteur. Quand on implante ces différentes usines dans les localités de production, cela crée la compétitivité dans lesdites localités à travers la valorisation de la noix brute.
Nos parents n’auront plus intérêt à aller dans les pays voisins pour écouler leurs productions. Par ailleurs, c’est une source d’employabilité dans les localités de production. A titre d’exemple, une unité moderne emploie moins que la semi-motorisée. Donc, la mise en œuvre de cette initiative lutte contre le chômage en milieu rural en stimulant le revenu direct du producteur.
► La consommation de l'anacarde est-elle prisée par la population ivoirienne?
Tout est lié à une culture ou à des attitudes alimentaires. Cela veut dire qu’il faut montrer de l’intérêt à consommer localement nos amandes et autres dérivés de l'anacarde. La population doit s’imprégner des vertus de l’anacarde.L’Europe et l’Amérique sont les premiers continents où les habitants consomment plus les dérivés de ce produit. Si la demande est forte dans les pays occidentaux, c’est évidemment parce qu’il n’a aucun impact négatif sur l’organisme de l’Homme. En qualité de 1er producteur mondial, il est important d'encourager la consommation locale des produits finis de l'anacarde. C’est de cette manière que l’anacarde sera valorisé.
DA