La Côte d'Ivoire fait un bond de 29 rangs au classement de Reporters sans frontières (RSF), passant de la 66e place en 2021 à la 37e place sur 180 pays en 2022, selon un rapport de l'organisation.
Ce classement montre une évolution en matière de sécurité et de liberté de la presse en Côte d'Ivoire, où les journalistes et les acteurs des médias ont fait une marche mardi à Abidjan, à l'occasion de la 29e Journée mondiale de la liberté de la presse.
Chaque 3 mai, a lieu la Journée mondiale de la liberté de la presse, un événement décrété par l'ONU sous l'impulsion de l'Unesco. Cette année, le thème retenu est "Le journalisme sous l'emprise du numérique".
Ce thème choisi par l'Unesco pour la commémoration de la liberté de la presse vise à réfléchir sur l'impact de l'ère du numérique, sur la liberté d'expression ainsi que la sécurité des journalistes et l'accès à l'information et à la vie privée.
M. Jean-Claude Coulibaly, président de l'Union nationale des journalistes de Côte d'Ivoire (Unjci), la faîtière des organisations de la presse ivoirienne, a déclaré à APA que "la mutation numérique s'impose à tous les médias".
Dans un discours sur le terrain de football de la RTI, la télévision nationale, il a soutenu qu'il faut "saisir l’opportunité de l’avènement de l’Internet et nous y adapter (parce que) le métier d’informer, lui, ne changeant pas".
Seule, dira-t-il, ont évolué l’habitude de consommation de l’information et surtout la vitesse à laquelle le consommateur entend désormais qu’il soit servi, alors donnons de la vitesse à la circulation de l’information que nous donnons à lire ou à écouter.
Il a fait observer que de grands médias tentent, aujourd'hui, tant bien que mal de se mettre au diapason de ce monde numérique qui frétille. En Côte d'Ivoire, la plus part des journaux ont une version en ligne, mais "cet effort certes méritoire, n’est apparemment pas suffisant".
Le président de l'UNJCI a ajouté qu'"il faut donc réinventer l’écriture journalistique pour l’adapter à la consommation rapide des internautes qui sont assaillis d’informations venant de tous horizons, en particulier des réseaux sociaux", sans violer les règles journalistiques.
En outre, "il nous faudra repenser le modèle économique et le mode de fonctionnement de nos entreprises de presse" via le télétravail accéléré par la crise sanitaire de Covid-19 à l’ère du "numérique triomphant (...) en réduisant au maximum le travail en présentiel et les charges locatives de bureaux qui grèvent l’équilibre budgétaires de nos entreprises de presse".
M. Jean-Martial Adou, directeur de Cabinet, représentant le ministre de la Communication et de l'économie numérique, a annoncé un vaste programme de développement des nouveaux médias dont un volet est consacré à la formation des publics cibles à l'utilisation responsable des médias sociaux.
"Ce programme vise à développer les connaissances et les compétences des citoyens, surtout les adolescents et notre jeunesse afin de leur permettre d'utiliser avec discernement les médias sociaux de manière critique et créative", a-t-il expliqué.
"Notre paysage médiatique a évolué avec l'essor de l'ensemble des outils numériques, mais il a également un revers de la médaille que nous observons à savoir le foisonnement de non professionnels en quête de notoriété et de buzz", a-t-il poursuivi, en allusion aux influenceurs.
"On parle d'influenceurs, mais quelle influence, il nous faut agir tous pour protéger les professionnels que vous êtes, il nous faut protéger les journalistes et les acteurs professionnels hors ligne et en ligne des arnaqueurs qui veulent s'imposer à la société", a-t-il martelé.
L'ambassadeur des États-Unis en Côte d'Ivoire, Richard Bell, a souligné que la liberté de la presse est fondamentale dans un environnement politique sain, car les journalistes aident les peuples et les gouvernants à mieux comprendre ce qui se passe et les enjeux.
"Quand des journalistes responsables peuvent faire leur travail en toute confiance, ils contribuent à la transparence, ils éclairent des aspects de la réalité, ils combattent contre la corruption et défendent les droits humains", a déclaré le diplomate américain.
La présidente du Conseil national des droits de l'Homme de Côte d'Ivoire (CNDH) Mme Namizata Sangaré, a salué l’initiative de cette célébration et surtout l’actualité du thème qui met en lumière l’influence de l'ère numérique sur la liberté d'expression, la sécurité des journalistes, l'accès à l'information et à la vie privée.
"Comme l’année dernière, vous ouvrez à nouveau une lucarne sur les changements profonds intervenus dans le milieu de la presse et des médias ces dernières années, mais surtout comment les protéger des agressions des fakenews, des « rats », des attaques contre les journalistes ; et enfin comment rendre la presse meilleure et viable", a-t-elle mentionné.
Le nouveau chef de bureau de l'Unesco en Côte d'Ivoire, M. Omar Diop, a appelé à la sécurité des journalistes afin qu'ils travaillent en toute indépendance, exhortant l'Etat à soutenir la construction d'un nouveau modèle économique et à favoriser l'éducation aux médias.
La porte-parole des organisations professionnelles des médias, Evelyne Deba, a dénoncé que "la suppression de la peine privative de liberté acquise de haute lutte est gravement remise en cause".
Elle a fait observer que la plupart des quotidiens paraissent deux ou trois fois par semaine, des patrons de presse ont tout simplement rangé le journal papier pour le paraître en version numérique et les tirages ont drastiquement baissé.
Les professionnels du secteur des médias restent aussi en attente de la prise du décret transformant le Fonds de soutien et de développement de la presse en un fonds de soutien aux médias qui rendrait le sous-secteur du numérique et de l'audiovisuel éligible.
Les organisations des médias appellent à "l'octroi d'une subvention de 0,01% du budget de l'Etat (ivoirien) à tout le secteur de la presse, un soutien complémentaire qui permettra la viabilité des entreprises de presse et leur meilleur fonctionnement", a-t-elle lancé.
AP/ls/APA