La Secrétaire d’Etat adjointe aux Affaires africaines des Etats-Unis d’Amérique, Mme Molly Phee a séjourné à Abidjan du 28 au 3à septembre dans le cadre d’une visite de travail. Au terme de sa visite, elle a bien voulu nous accorder cet entretien dans lequel elle parle de cette mission et de ses contours politico-diplomatiques.
Quel est l'objectif de votre visite en Côte d'Ivoire ?
Le but principal de ma visite est d’écouter et d'apprendre. Les États-Unis partagent de nombreux intérêts avec la Côte d’Ivoire. Il s’agit notamment de travailler ensemble pour faire face aux défis tels que la lutte contre le changement climatique, la prévention des menaces sanitaires mondiales et la lutte contre l'extrémisme violent. Nous partageons également l'objectif d’accroître le commerce, l’investissement et de faire avancer notre volonté commune de stabilité régionale. La croissance et les progrès de la Côte d'Ivoire au cours de la dernière décennie ont été impressionnants. Je veux apprendre de nos partenaires ivoiriens comment nous pouvons renforcer les initiatives locales existantes qui font avancer le développement du pays. Nous voulons que la Côte d'Ivoire réussisse sur le plan économique et social et consolide son leadership en contribuant à la paix et à la prospérité de la région.
Dans le cadre du partenariat entre les États-Unis et la Côte d'Ivoire, sur quels projets travaillez-vous ensemble ?
Nous avons d'excellents partenariats avec la Côte d'Ivoire dans plusieurs domaines. Par exemple, notre commerce bilatéral a atteint 1,5 milliard de dollars en 2021. Nous aimerions beaucoup augmenter ce chiffre, et c'est en partie la raison de ma visite. Nous collaborons aussi beaucoup dans le secteur de la santé. Les États-Unis sont depuis plusieurs années le plus important donateur bilatéral dans le domaine de la santé en Côte d'Ivoire. De plus, le Millennium Challenge Corporation (MCC) et la Côte d'Ivoire ont signé un Compact de 536,7 millions de dollars sur six ans pour réduire la pauvreté par la croissance économique. Un autre domaine de partenariat concerne la lutte contre l'extrémisme violent et l'instabilité. J'ai partagé les détails de la nouvelle la stratégie des États-Unis pour la prévention des conflits et la promotion de la Stabilité lors de mes discussions avec les responsables du gouvernement ivoirien cette semaine. Le Président Biden a lancé cette stratégie en avril dans le cadre d'un partenariat décennal avec la Côte d'Ivoire et quatre autres pays de la région - la Guinée, le Ghana, le Togo et le Bénin. Dans le cadre du Plan National de Développement de la Côte d’Ivoire, nous avons lancé des projets dirigés localement pour renforcer la résilience dans les zones frontalières du nord, tels que le renforcement du dialogue intercommunautaire, l'amélioration des relations entre les forces de sécurité et les populations et l'augmentation des messages radio dans les langues locales.
Le gouvernement américain a beaucoup contribué à la lutte contre la pandémie de COVID-19 en Côte d'Ivoire. Pouvez-vous nous parler de la nature et du niveau de soutien de votre gouvernement dans le secteur de la santé ?
Nous sommes fiers du soutien que nous avons apporté à la Côte d'Ivoire ainsi que d’autres pays pour endiguer la pandémie de COVID-19. Au cours des deux dernières semaines, les États-Unis, par le biais de COVAX, ont fait don d'un autre million de doses de vaccin à la Côte d'Ivoire. Le don total des États-Unis à la Côte d'Ivoire de doses de vaccin contre la COVID-19 a maintenant dépassé les 10 millions. À ce jour, 54 % de la population ivoirienne éligible a reçu au moins une dose. Une nouvelle campagne de vaccination commence la semaine prochaine, nous encourageons donc tous ceux qui ne sont pas complètement vaccinés à profiter de cette opportunité pour se protéger, protéger leurs familles ainsi que leurs communautés. Mais notre aide ne s'arrête pas là. Nous soutenons également les efforts d'éducation et de sensibilisation pour soutenir l'objectif ivoirien de vacciner 70% de sa population éligible. En matière de VIH/SIDA, nous sommes le premier partenaire de la Côte d'Ivoire depuis 18 ans. Depuis 2004, le Plan d'urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le Sida (PEPFAR) a investi plus de 1,7 milliard de dollars en Côte d'Ivoire, dont 111 millions de dollars cette année, pour soutenir l'ensemble du continuum de prévention et de traitement du VIH. En fait, le succès que la Côte d'Ivoire a réalisé dans la prévention de la COVID-19 était certainement due en partie aux connaissances et à l'expertise technique acquises au fil des années grâce au partenariat avec le PEPFAR. De plus, nous avons plusieurs autres programmes d'assistance médicale. Par exemple, dans le cadre de l'Initiative présidentielle américaine contre le paludisme, nous avons fourni 125 millions de dollars d'aide depuis 2017.
Le respect des droits de l'homme et de la démocratie est une priorité absolue pour les États-Unis. Quelle lecture faites-vous de la situation en Côte d'Ivoire ?
Nous considérons la Côte d'Ivoire comme un partenaire dans la région pour faire progresser les Droits de l'homme et la démocratie. En juillet, nous avons entamé des négociations avec le gouvernement ivoirien sur un éventuel Compact de Protection de l'Enfance, qui pourrait inclure une assistance aux organisations de la société civile pour lutter contre la traite des enfants. Nous avons également une vaste programmation à l'appui des efforts ivoiriens pour former ses forces de sécurité au respect des droits de l'homme. Par exemple, les programmes de police communautaire financés par les États-Unis à Man, Bouaké et Abidjan pour soutenir la création de relations et de confiance entre les populations et les forces de l'ordre, permettant ainsi de réduire les abus le moins possible. A travers la Stratégie des États-Unis pour la Prévention des Conflits et la Promotion de la Stabilité, nous explorons les possibilités d'améliorer l'accès à la justice et l'état de droit. Sur le front de la démocratie, on observe des tendances encourageantes en Côte d'Ivoire. Je félicite le Président Ouattara et les dirigeants de l'opposition pour leurs efforts de réconciliation par le dialogue. Les élections législatives pacifiques de 2021 ont été les élections les plus inclusives de la Côte d'Ivoire depuis de nombreuses années ; cet exploit mérite reconnaissance et félicitations.
La menace terroriste est réelle dans la sous-région. Quel type de soutien les États-Unis apportent-ils aux pays d'Afrique de l'Ouest, en particulier à la Côte d'Ivoire ?
Nous croyons que la plupart des solutions à l'extrémisme violent ne sont pas uniquement militaires. Et après mes discussions de cette semaine, je suis convaincu que les autorités ivoiriennes partagent la même appréciation. La solution à long terme réside dans un meilleur accès aux services gouvernementaux, à l'éducation et aux opportunités économiques. Nous soutenons ces efforts. Dans le nord de la Côte d'Ivoire, l'USAID finance la « Résilience pour la Paix », une initiative quinquennale de 19,5 millions de dollars afin de renforcer la résilience, l'apprentissage et l'autonomisation économique des communautés. Bien sûr, le maintien de troupes bien entraînées et professionnelles pour lutter contre l'extrémisme violent reste essentiel. En février 2022, la Côte d'Ivoire s'est associée à nous pour accueillir l'exercice d'entraînement régional des forces d'opérations spéciales FLINTLOCK à l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme à Jacqueville. L'événement a rassemblé des centaines de soldats régionaux pour s'entraîner sur le terrain et dans les salles de classe. En outre, début septembre, nous avons conclu une formation conjointe d'échanges combinés, qui a amené une équipe de soldats américains en Côte d'Ivoire pour s'entraîner aux côtés de leurs homologues ivoiriens pendant sept semaines. Au cours de ma rencontre avec le Ministre de la Défense, Téné Birahima Ouattara, nous avons convenu que nous avons un intérêt commun à avoir une sous-région stable.
En juin dernier, le Secrétaire Adjoint au Commerce, Don Graves, a profité de l'Africa CEO Forum à Abidjan pour discuter avec les autorités ivoiriennes d'éventuelles opportunités de partenariats économiques, notamment entre des entreprises américaines et ivoiriennes. Quels sont les différents secteurs de ces partenariats ?
La Côte d'Ivoire abrite déjà des dizaines d’entreprises américaines et une chambre de commerce américaine dynamique et en pleine croissance. Nos commerces bilatéraux sont à un niveau sain. Pourtant, il y a encore beaucoup d’opportunités à développer. Ce n'est pas seulement le Secrétaire Adjoint Graves qui a rencontré les dirigeants du gouvernement et des entreprises de Côte d'Ivoire en marge de l'Africa CEO Forum. Plusieurs entreprises américaines - dans la gestion des données, l'énergie, les infrastructures et bien plus encore - ont également exploré le marché économique ivoirien. La clé pour attirer les investissements du secteur privé, qu'ils viennent des États-Unis ou d'ailleurs, réside dans la capacité de la Côte d’ivoire à rester politiquement stable sur le long terme. J'ai clairement entendu ce message lors de ma rencontre avec des entreprises américaines cette semaine. Et l'investissement du secteur privé, facteur crucial inscrit dans le Plan National de Développement 2021-2025 de la Côte d'Ivoire, est une pierre angulaire de la croissance économique. Dans les démocraties stables, les partis politiques respectent les règles, qu'ils soient au pouvoir ou non. Pour que la Côte d'Ivoire maintienne sa trajectoire de croissance, elle doit faire de même. Je suis optimiste.
Propos recueillis par O CHERIF