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Société Publié le lundi 11 août 2025 | BBC

Le décès d'un nourrisson d'un mois victime de mutilation génitale féminine (MGF) ravive le débat sur l'excision en Gambie

Le décès d'un nourrisson d'un mois victime de mutilation génitale féminine (MGF) ravive le débat sur l'excision en Gambie
© BBC
Le décès d'un nourrisson d'un mois victime de mutilation génitale féminine (MGF) ravive le débat sur l'excision en Gambie
Les mutilations génitales féminines sont interdites en Gambie depuis 2015. La Women’s (Amendment) Act prévoit jusqu’à trois ans de prison et 50 000 dalasis d’amende, voire la perpétuité en cas de décès. Trois filles sur quatre en Gambie sont excisées avant l'âge de six ans, et environ 76 % des femmes de 15 à 49 ans ont subi cette pratique.

En Gambie, le décès d'une fillette âgée d'un mois, à la suite d'une mutilation génitale féminine (MGF), provoque un choc national et relance le débat sur cette pratique profondément ancrée dans les traditions.

La police de Wellingara a annoncé l'ouverture d'une enquête après la mort d'une petite fille d'un mois, des suites d'une excision.

Selon la police, l'enfant a été excisé dans le village de Wellingara avant de souffrir de graves hémorragies.

Transportée en urgence à l'hôpital maternel et infantile de Bundung, elle a été déclarée morte à son arrivée.

Une enquête interne de l'hôpital a confirmé qu'elle avait été mutilée. Une autopsie est en cours pour déterminer si l'intervention est la cause directe du décès.

Deux femmes ont depuis été arrêtées par la police pour leur implication présumée dans la mort du nourrisson.

Des organisations de défense des droits humains dénoncent un « crime » et réclament justice. L'ONG Women In Leadership and Liberation (WILL) accuse les autorités de ne pas protéger les enfants.

« La culture n'est pas une excuse, la tradition n'est pas un bouclier ; il s'agit de violence, pure et simple », écrit-elle dans un communiqué, appelant à une enquête approfondie et à la poursuite des responsables.

Sa fondatrice, Fatou Baldeh, affirme à la BBC que de plus en plus de nourrissons sont soumis à l'excision en Gambie :

« Les parents pensent que les bébés guérissent plus vite, et que pratiquer l'excision, très tôt, permet de la dissimuler, pour échapper à la loi. »

Le député Abdoulie Ceesay, élu de Kombo North — la circonscription où s'est produit le drame — appelle à transformer cette tragédie en moment de rupture :

« La perte de cet enfant ne doit pas être oubliée. Qu'elle soit un tournant pour réaffirmer notre engagement à protéger chaque enfant. »

Une pratique interdite mais persistante

En 2015, la Gambie a adopté une loi interdisant les mutilations génitales féminines (MGF) par le biais d'un amendement à la loi sur les femmes de 2010 (Women's Amendment Act) après des décennies d'efforts de plaidoyer et de sensibilisation menés par des organisations de la société civile et des groupes communautaires.

La Women's Amendment Act prévoit jusqu'à trois ans de prison et 50 000 dalasis (environ 700 $) d'amende, voire la perpétuité en cas de décès.

En outre, une amende de dix mille dalasis (environ 153 $) est prévue pour toute personne qui a connaissance de cette pratique et ne la signale pas sans motif valable.

Pourtant, l'application de la loi reste faible : seules deux poursuites et une condamnation ont été enregistrées depuis l'adoption du texte.

La Gambie a ratifié le protocole de Maputo sur les droits des femmes et des filles depuis 2005. En 2015, soit dix ans après, le pays a adopté le texte de loi sur l'interdiction des MGF sous la présidence de Yaya Jammeh estimant qu'elles étaient dépassées et ne constituaient pas une exigence de l'islam.

En mars 2024, un projet de loi visant à abroger cette interdiction a provoqué un tollé, avant d'être rejeté par le Parlement en juillet, sous la pression d'activistes et d'organisations internationales comme l'UNICEF, l'UNFPA et Human Rights Watch.

Tradition et pression sociale contre droits humains

Les MGF sont souvent perçues comme une condition de pureté, de respectabilité et de mariage.

Dans certaines communautés, elle est présentée comme une prescription religieuse, bien que de nombreux leaders islamiques s'y opposent.

Les praticiennes sont majoritairement des femmes âgées, détentrices d'un savoir ancestral et d'une influence sociale.

Pour beaucoup de familles, y renoncer revient à rompre avec un héritage culturel, au risque de subir l'ostracisme de la communauté.

Des figures comme Jaha Dukureh, fondatrice de Safe Hands for Girls, et Fatou Baldeh avec WILL, mènent un combat acharné contre l'excision, mêlant plaidoyer politique, campagnes de sensibilisation et mobilisation des jeunes.

Des données récentes suggèrent un recul progressif de la pratique chez les filles de moins de 15 ans, mais le changement reste lent.

L'ONU insiste sur la nécessité de renforcer l'application de la loi, d'impliquer les leaders religieux et traditionnels, et de soutenir les communautés dans l'abandon volontaire de la pratique.

La Gambie est signataire de plusieurs conventions internationales, dont la Convention relative aux droits de l'enfant et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Pourtant, sur le terrain, la MGF demeure une réalité quotidienne.

Pour les militants, l'affaire de Wellingara illustre tragiquement que les lois ne suffisent pas : seule une transformation profonde des mentalités, accompagnée d'une application rigoureuse, pourra mettre fin à cette pratique.

Selon l'UNICEF, trois filles sur quatre en Gambie sont excisées avant l'âge de six ans, et environ 76 % des femmes de 15 à 49 ans ont subi cette pratique. Elle est particulièrement répandue en milieu rural, avec des taux atteignant 95 % dans la région de Basse, contre moins de 50 % à Banjul, la capitale.

De nombreuses femmes interrogées par l'Unicef et l'OMS ont déclaré qu'il était tabou d'évoquer les MGF au sein de leur communauté, de peur d'attirer les critiques de personnes extérieures ou, dans les pays où les MGF sont illégales, de peur que des membres de la famille ou de la communauté ne soient poursuivis en justice.

Les chiffres sont donc basés sur des estimations.

La carte ci-dessus a été établie par The Woman Stats Project, qui a rassemblé des recherches sur la question, y compris des données des Nations unies et de l'Unicef.

Les Nations unies estiment que si les MGF sont concentrées dans 30 pays d'Afrique et du Moyen-Orient, elles sont également pratiquées dans certains pays d'Asie et d'Amérique latine. Et parmi les populations immigrées vivant en Europe occidentale, en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Depuis la mise en place du programme conjoint Unfpa-Unicef sur l'élimination des mutilations génitales féminines, 13 pays ont adopté une législation nationale interdisant les mutilations génitales féminines.

Le programme a également aidé plus de six millions de filles et de femmes à bénéficier de services de prévention, de protection et de traitement liés aux mutilations génitales féminines.

Quelque 45 millions de personnes dans les communautés de 15 pays ont désormais déclaré publiquement qu'elles abandonnaient cette pratique.

Les Nations unies estiment à plus de 200 millions de jeunes filles et de femmes, toujours en vie, le nombre de victimes de mutilations sexuelles provoquées dans 30 pays africains, du Moyen Orient et de l'Asie.

La pratique recouvre toutes les interventions incluant l'ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou toute autre lésion des organes génitaux féminins qui sont pratiquées pour des raisons non médicales selon l'organisation mondiale de la santé.

Le coût du traitement des complications découlant des mutilations génitales dans 27 pays à forte prévalence s'élève à 1,4 milliard de dollars par an.


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