L'Assemblée législative de transition du Burkina Faso a voté ce 1ᵉʳ septembre 2025 à l'unanimité, un amendement au Code des personnes et de la famille, instaurant une peine de 2 à 5 ans de prison pour les "auteurs de pratiques homosexuelles".
La peine prévue par la nouvelle loi est plus sévère encore pour les étrangers, qui risquent l'expulsion du pays.
La pénalisation de l'homosexualité s'inscrit dans une loi plus large réformant le Code des personnes et des familles.
Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux Edasso Rodrigue Bayala, qui a qualifié ces actes de « comportement bizarre », a salué « une réforme historique ».
Ce durcissement reflète l'idéologie de la junte menée par le capitaine Ibrahim Traoré, au pouvoir depuis le coup d'État de septembre 2022, qui prône une gouvernance souverainiste, critique des influences occidentales.
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Une loi justifiée par la "défense des valeurs"
Le nouveau Code adopté plus de trente ans après l'ancien texte, comprend 1113 articles répartis en 17 titres et 56 chapitres.
Ce texte qui doit être promulgué par le capitaine Traoré, modifie également les conditions d'octroi de la nationalité burkinabè via le mariage, imposant désormais aux étrangers un délai de cinq à sept ans avant de pouvoir l'obtenir.
Les autorités défendent ces mesures comme la préservation des valeurs traditionnelles et familiales, considérant l'homosexualité comme une importation étrangère indésirable.
"Ces comportements bizarres n'ont pas leur place dans nos familles. Il était nécessaire de protéger nos valeurs." a déclaré le ministre de la Justice, Edasso Rodrigue Bayala, qui a défendu ce durcissement.
Les étrangers reconnus coupables d'homosexualité pourront en outre être expulsés du territoire burkinabè.
Quelles sont les autres réformes du Code ?
La réforme ne se limite pas à la question de l'homosexualité. Elle prévoit également un délai de cinq à sept ans avant l'acquisition de la nationalité burkinabè par mariage, la reconnaissance légale des mariages religieux et coutumiers, et l'abaissement de l'âge légal du mariage à 18 ans (avec des exceptions possibles dès 16 ans).
- Nationalité par mariage : les étrangers mariés à des Burkinabè doivent attendre 5 à 7 ans avant d'obtenir la nationalité, abandonnant l'acquisition immédiate d'antan.
- Reconnaissance des mariages religieux et coutumiers : désormais, ces unions peuvent être transcrites dans l'état civil et ont les mêmes effets juridiques que le mariage civil.
- Âge du mariage : la majorité est abaissée de 20 à 18 ans ; des exceptions dès 16 ans sont possibles avec l'autorisation d'un juge.
- Déchéance de la nationalité : une personne peut perdre sa nationalité pour avoir agi contre les intérêts du pays — un outil jugé politique par certains observateurs, même si les droits des enfants ou conjoints ne seraient pas concernés .
Critiques internationales et réalités sociales
Depuis le coup d'État de septembre 2022, le pouvoir de transition a multiplié les réformes jugées "souverainistes". Le Burkina Faso, à la différence de nombreux pays de la région, ne pénalisait pas jusqu'ici les relations homosexuelles entre adultes consentants.
Dans un contexte où la junte au pouvoir revendique une rupture avec l'influence occidentale, la décision est accueillie de manière très différente selon les sensibilités.
De nombreuses réactions et critiques ont été exprimées à l'encontre des pays qui ont durci leur position anti-gay ces dernières années.
La mesure suscite des critiques sur la régression des droits humains, notamment des droits LGBT, dans un pays où jusque-là les actes homosexuels n'étaient pas criminalisés.
Certains analystes dénoncent une instrumentalisation politique de la loi notamment via la déchéance de nationalité afin de réprimer les voix dissidentes, en interne comme à l'extérieur.
A l'échelle régionale, l'homosexualité est souvent rejetée comme déviante ou étrangère, renforcée par des convictions religieuses ou culturelles.
L'homosexualité est réprimée par la loi dans 64 pays du monde, selon les données 2025 de l'Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes (Ilga World).
La loi y prévoit des sanctions ou les juges y prononcent des peines à l'encontre des gays, lesbiennes, bisexuels, trans et intersexes.
Ces dernières années, de nombreux États africains ont adopté des législations plus strictes à l'égard de la communauté LGBTQ. Une trentaine d'Etats sur 54 ont des des lois qui interdisent et répriment l'homosexualité.
Le Mali avait adopté une loi pénalisant l'homosexualité en novembre 2024.
Le Ghana, le Nigéria et l'Ouganda comptent parmi les pays du continent à avoir promulgué des lois interdisant l'homosexualité, l'Ouganda ayant adopté les dispositions les plus strictes, érigeant en infraction capitale l'« homosexualité aggravée » et imposant des peines de prison à vie pour les relations homosexuelles consenties.
Au Sénégal, les groupes de pression et une bonne frange de l'opinion exigent la criminalisation explicite de l'homosexualité. Le gouvernement par la voie du ministre porte-parole du gouvernement, Amadou Moustapha Ndiekk Sarré, a récemment déclaré que " le processus législatif était déjà en cours."
En Tanzanie, en Zambie, en Sierra Leone et en Gambie, les relations entre personnes du même sexe sont punies d'une peine de prison pouvant aller jusqu'à la perpétuité.
Au Nigeria, au Kenya et au Malawi, les peines de prison peuvent atteindre jusqu'à 14 ans.
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