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Politique Publié le lundi 19 septembre 2016 | L’intelligent d’Abidjan

Des années de crise à l’Appel de Daoukro : chronique d’un long chemin parcouru

© L’intelligent d’Abidjan Par CK
RHDP: les militants de la coalition célèbrent le deuxième anniversaire de l`appel de Daoukro
Samedi 17 septembre 2016. Daoukro. Le président du PDCI-RDA, président du présidium du RHDP, Henri Konan Bédié a pris part à la célébration du deuxième de l`appel de Daoukro. Cette cérémonie a été rehaussée par la présence du premier ministre Daniel Kabalan Duncan, du co-parrain de la cérémonie , le ministre d`Etat, Secrétaire Général de la présidence de la république Amadou Gon Coulibaly et du ministre Niamien N`Goran, Président du comité d`organisation.
Les années 1999-2010 resteront, dans l’histoire de la Côte d’Ivoire comme des années de crise. En 1995, Henri Konan Bédié, qui vient d’effectuer un intérim de 2 ans, après la mort d’Houphouët-Boigny, est élu, dès le premier tour, Président de la République, avec 96,44 % des voix. Sous les apparences d’une victoire électorale incontestable, se cachent en réalité tous les germes d’une grave crise politique et économique. Crise politique : lors de l’élection présidentielle de 1995, tous les candidats, excepté le représentant du Parti Ivoirien des Travailleurs, Francis Wodié, ont boycotté l’élection, afin de dénoncer le code électoral. Au sein du PDCI, se prépare la scission qui aboutira, à la création du RDR. Crise économique : les « Vingt Glorieuses » (1960-1980) ont laissé la place à une politique d’ajustements structurels, imposée par les partenaires extérieurs (FMI, Banque mondiale), qui, depuis les années 1980, aggrave la récession économique. Le Président Bédié hérite d’une situation difficile qui débouchera sur le coup de force militaire de décembre 1999.
Après ce coup d’État du 24 septembre 1999, Henri Konan Bédié, exilé en France, rentre en Côte d’Ivoire en 2001. En 2006, il est investi par le PDCI-RDA pour être candidat à l’élection présidentielle qui, finalement, aura lieu le 31 octobre 2010. Au premier tour, Bédié arrive en troisième position avec 25,2 % des voix, Gbagbo ayant obtenu 38,04 % et Ouattara, 32,07 %. Bédié, qui constate que les années de crise ont provoqué une très grande instabilité politique, fait le choix de se désister en faveur d’Alassane Ouattara, conformément aux accords entre les leaders du Rhdp. Le choix que fait Bédié n’est pas celui d’un simple calcul politicien.
D’abord, il est évident que Bédié, qui est un fin stratège politique, comprend qu’il n’existe pas d’autre solution, pour le PDCI, longtemps écarté du pouvoir, que de participer à une vaste coalition destinée à gouverner le pays. Si Bédié veut que le PDCI continue d’exister, il souhaite aussi que son parti participe à la reconstruction du pays. Le choix n’est pas seulement politicien, c’est aussi celui d’un homme d’État qui comprend que le monde a changé, que la Côte d’Ivoire est en train d’écrire une autre page de son histoire et que les Ivoiriens attendent une offre politique nouvelle qui permettra de sortir du piège mortifère que représente le retour des affrontements partisans.
Dans l’esprit de Bédié, la rupture avec le RDR appartient au passé et il ne s’agit pas, pour les adhérents du RDR de rentrer au bercail comme des moutons, ni pour le PDCI de se soumettre à une domination du RDR, le parti présidentiel d’Alassane Ouattara. Le Président Bédié voit plus loin que le périmètre étroit de l’histoire contingente.
Il comprend que la véritable mission pour un homme d’État n’est pas d’arracher le pouvoir à un ennemi, un adversaire, mais plutôt de sauver la démocratie, de sauver la République, de consolider l’unité nationale et de créer les conditions d’une paix durable.

Sauver la démocratie,
sauver la République,
consolider l’unité nationale : tout cela passe par une offre politique nouvelle dont l’Appel de Daoukro est le symbole
évident et le point de départ
Face à l’histoire, le grand mérite du Président Bédié aura été de préserver à deux reprises la stabilité et la démocratie : d’abord, le 7 novembre 2010, en appelant à voter Ouattara au deuxième tour de l’élection présidentielle ; ensuite, le 17 septembre 2014, en lançant l’Appel de Daoukro.
Au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle de 2010, les spéculations vont bon train. Quelle va être l’attitude de Bédié, alors que, unis depuis 2006 au sein du RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix), Bédié et Ouattara ont signé un accord de désistement mutuel? Le RHDP n’est-il qu’une alliance de circonstances entre deux « vieux ennemis » ? Bédié fait le choix de la raison d’État et il apporte un soutien actif à Ouattara. Il dessine ainsi les premiers traits d’un paysage politique nouveau en Côte d’Ivoire, refusant d’ajouter de la contestation aux contestations qui provoqueront la crise post-électorale de 2010 et un début de guerre civile. En agissant ainsi, Bédié sauve une première fois la démocratie et la République dans une élection qui est la première élection présidentielle libre depuis l’indépendance. S’agit-il d’un hasard ? Non, car Bédié a compris quel est le sens de l’histoire. Le choix qu’il fait en 2010 sera confirmé quatre ans plus tard, le 17 septembre 2014, avec l’Appel de Daoukro.
La logique politicienne est celle des affrontements partisans entre des partis politiques qui n’ont qu’un seul objectif, soit « arracher » le pouvoir à un adversaire, soit le conserver. Les « noyaux durs » du PDCI veulent arracher le pouvoir au RDR ; les « noyaux durs » du RDR, estimant qu’ils ne doivent rien au PDCI, veulent le conserver. Mais, Ouattara et Bédié sont déjà ailleurs, dans la construction d’un paysage politique nouveau, dont le parti unifié est l’une des composantes essentielles.
En véritable homme d’État, Bédié sauve une nouvelle fois la démocratie et la République en lançant l’Appel de Daoukro, le 17 septembre 2014. Cet Appel en faveur d’une candidature unique, celle d’Alassane Ouattara en 2015, n’est pas compris par les « irréductibles » du PDCI. Bédié s’en est longuement expliqué : « C’est un appel de raison. Depuis 2000, les élections en Côte d’Ivoire se sont toujours soldées par de graves troubles et des milliers de morts. Il fallait éviter cela cette fois-ci, d’autant plus que la plupart des acteurs politiques présents lors de ces troubles sont encore actifs sur la scène politique. » Il ajoute : « C’est aussi un appel à la continuité. […] [Ouattara] a ensuite débuté des travaux qui sont désormais visibles de tous et qui valent bien de lui accorder un second mandat. J’ai donc préconisé que tout le monde se rassemble encore une fois autour de lui afin de conforter à la fois la stabilité politique de notre pays et la sécurité des Ivoiriens. » (1)

L’Appel de Daoukro : le choix
de la République ivoirienne, une et indivisible, contre la dérive communautaire et les fractures géographiques ?
L’esprit de l’Houphouëtisme est celui du principe de la citoyenneté et de l’égalité des membres de la République. En ce sens, faire de chaque parti politique le creuset d’un repliement identitaire est contraire à cet esprit. Les valeurs universalistes qui président à la naissance du PDCI-RDA viennent légitimer l’Appel de Daoukro. Ce qui se joue, c’est donc quelque chose de plus important que la politique politicienne, c’est-à-dire l’appropriation du pouvoir par un clan, une ethnie, une zone géographique, c’est la réconciliation nationale. Bédié et Ouattara le savent, eux qui ont traversé les heures les plus sombres de l’histoire récente de la Côte d’Ivoire, soit en occupant les plus hautes responsabilités, soit en étant écartés du pouvoir.
Ne minimisons pas ce deuxième anniversaire de l’Appel de Daoukro, si nous voulons en comprendre tout le sens et la portée. L’Appel de Daoukro dit autre chose que ce simple constat : il faut laisser le pouvoir à celui qui construit des ponts et des routes, réhabilite les universités et les hôpitaux. Il s’agit de retrouver l’esprit de l’Houphouétisme en discréditant les stratégies électoralistes qui oublient l’intérêt supérieur de la nation dans le seul but de satisfaire les ambitions personnelles. L’esprit de l’houphouétisme, c’est la légitimité de l’administration contre les fractures identitaires et géographiques. C’est aussi l’esprit de l’Appel de Daoukro lancé par un Bédié qui a toujours été un pacifiste, comme Houphouët-Boigny.
Cela dit, le RHDP ne peut pas être un instrument d’appropriation du pouvoir par deux « vieux ennemis » aujourd’hui réconciliés. L’opposition doit vivre et exister à travers un programme républicain qu’elle proposera. Le RHDP doit créer les conditions d’une succession apaisée en 2020, même si les pièges de la vieille politique politicienne sont toujours là ; se réclamant même souvent de l’Houphouétisme pour mieux en trahir l’esprit.

(1)Interview accordée à Jeune Afrique, 23 octobre 2015.

Wakili Alafé
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