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Politique Publié le mardi 31 octobre 2017 | L’intelligent d’Abidjan

La politique, Soro et les réseaux sociaux : Twitter, Facebook, Instagram

© L’intelligent d’Abidjan Par Marc Innoncent
SARA 2015: le Président Soro Guillaume visite le salon
Mercredi 8 Avril 2015. Abidjan. le sixième jour du salon de l`agriculture et des ressources animales a été marque par la présence de nombreuses personnalités dont le président de l’assemblée nationale Guillaume Kigbafori Soro accompagné d`une centaine de députés
De nos jours, les réseaux sociaux occupent une place de plus en plus grande dans le champ de la politique, jusqu’à devenir une arme essentielle. Ne dit-on pas de Trump et de Macron qu’ils ont été élus avec l’appui de leur présence sur Twitter ?
À l’évidence, le virtuel nous donne une image de plus en plus amplifiée de la réalité, quasi fantasmatique. Certains personnages publics sont suivis par des dizaines de milliers de « followers » (Messi, Neymar, Ronaldo, Alpha Blondy, Arafat, etc.) Ces « followers » peuvent devenir des « clients » qui achètent des produits. Le transfert de Neymar au PSG est amorti par la vente des maillots du joueur.
Mais, peut-on mesurer l’impact réel du virtuel sur la politique, et la vie quotidienne ? Les « followers » d’une femme ou d’un homme politique se transforment-ils forcément en électeurs ? Aujourd’hui, l’un des arguments de Guillaume Soro, pour parler de l’indice de confiance qui le concerne, réside dans le nombre de ses « followers » sur Twitter, Facebook et Instagram.
Guillaume Soro est, assurément, l’un des hommes politiques les plus présents, connus et les plus populaires sur les réseaux sociaux. De la même manière, George Weah est aimé au-delà du Libéria sur les réseaux sociaux. Sera-t-il pour autant élu Président de la République le 7 novembre 2017, lors du second tour de l’élection présidentielle ? Un parcours politique n’est pas un long fleuve tranquille. Une élection reste une élection, et il faut la gagner. La difficulté est de transformer l’ « ami virtuel » en électeur réel.
En Côte d’Ivoire, ou en Afrique, les politiques, même ceux qui restent attachés au contact réel à travers les meetings traditionnels ou les campagnes électorales sur le terrain, se sont mis sur les réseaux sociaux, avec plus ou moins de bonheur, plus ou moins d’efficacité. Guillaume Soro, qui a bien compris tout ce que l’on pouvait tirer de cette « réalité » virtuelle, n’oublie jamais le réel. Ses partisans tentent de s’organiser en mouvement politique, afin de rassembler concrètement les soutiens, au-delà des débats et échanges virtuels. Ceux qui gagneront les élections seront ceux qui sauront marier le réel et le virtuel. Guillaume Soro a investi beaucoup de moyens financiers pour être présent sur la toile et dans les réseaux sociaux, il a constitué des équipes. Il est clair qu’il a pris ce virage après la Primature, aidé à l’Assemblée nationale par un agenda moins stressant que celui de Premier ministre. Ceux qui le moquaient comme il le dit avec humour, n’avaient pas tout à fait tort, car lorsqu’on est Premier ministre, on a bien moins le temps de Twitter que lorsqu’on est PAN.
Il est évident aussi que la fréquence de la présence sur les réseaux sociaux se fait en fonction des ambitions, et des objectifs des uns et des autres. Celui qui est déjà Président de la République peut y voir moins d’intérêt que celui qui veut le devenir. En réalité, même un Président de la République doit être présent sur les réseaux sociaux. Les exemples de Trump et de Macron montrent qu’il existe des modes de communication plus directs que le traditionnel entretien dans un journal. D’ailleurs, les gens lisent de moins en moins les grands quotidiens. Macron, pendant plusieurs semaines, s’est tenu à l’écart des journalistes. Il a communiqué par tweets ou petites vidéos postées sur les réseaux sociaux.
L’erreur est de croire que cette communication virtuelle ne sert à rien et qu’elle n’a pas d’impact sur les électeurs. Mais, l’erreur est aussi de croire que tout est dans le virtuel. Il y’a une interaction dont il faut pouvoir saisir la dialectique, avec des données précises. Nous devons éviter la tentation de l’angélisme au sujet de ce qui peut préoccuper les uns et les autres sur les réseaux sociaux. Les acteurs des réseaux sociaux ne sont pas uniquement les jeunes de 18 ans à 20, même si on peut avoir le sentiment qu’ils sont majoritaires. Les jeunes, s’ils votent moins, s’ils sont moins intéressés par la chose publique, vont, à un moment donné, vouloir aller voter. Il faut leur inculquer des valeurs nobles, des ambitions saines, afin de bâtir le projet d’une destinée commune. Certains sont des révoltés, d’autres des délinquants comme les « microbes ». Mais, tous appartiennent à une société qui ne peut pas laisser se développer des comportements transgressifs ou ultra violents comme ceux qui s’expriment sur les réseaux sociaux.
La difficulté, pour une famille, est de bien éduquer ses enfants. La difficulté pour la politique est d’intéresser les jeunes. Pour cela, et les familles et les politiques, doivent être exemplaires.
Est-ce le cas aujourd’hui quand on voit ce qui s’écrit sur les réseaux sociaux ? Aujourd’hui, ce n’est pas les hommes politiques qui intéressent les jeunes, mais plutôt les stars du football, du sport, de la musique. Les jeunes vivent dans le présent, la politique leur parle du futur à coup de promesses rarement tenues. Ce n’est que plus tard, à trente ans, lorsqu’ils deviennent pères de famille, que les hommes comprennent l’importance de posséder une vaste culture générale, comme ils comprennent l’importance de la philosophie, de la littérature, de l’histoire, c’est-à-dire tout ce qui nous permet de sortir de la dictature de l’urgence. Les réseaux sociaux nous imposent cette dictature de l’urgence. Le football est devenu une religion qui a ses totems (Ronaldo, Messi, Neymar..) et ses excès, mais c’est aussi un sport universel qui rapproche les peuples. La danse est d’abord festive, on aime le Coupé-décalé, le Zouglou, mais ces danses que popularisent internet et les réseaux sociaux, puisent leurs racines dans l’histoire de la musique ivoirienne. Peut-on aimer la politique, vouloir prendre un bulletin pour voter sans être amené à connaître son pays, l’histoire du pays , chanter l’hymne national , et savoir au nom de quoi on chante l’Abidjanaise? Il y’a une éducation à la citoyenneté qu’il ne faut pas banaliser !
Le droit de vote est aussi une exigence de citoyenneté et de culture civique à inculquer ! On ne peut pas vouloir construire une force avec des jeunes sans leur apprendre le devoir de mémoire. Les hommes politiques ne peuvent pas être des « héros virtuels » qui n’existeraient que sur les réseaux sociaux. Ils ont fait l’histoire récente de notre pays, ils feront l’histoire des 10 ou 20 prochaines années ? L’enjeu est de dire aux jeunes que les femmes et les hommes politiques font partie de notre histoire, de leur histoire. Yasmina Ouégnin s’est construite en se nourrissant de l’expérience de son père, de son rayonnement, des services qu’il a rendus à la Côte d’Ivoire. Yasmina Ouégnin, si elle est un modèle, c’est parce qu’elle n’a pas tourné le dos à sa famille, à Houphouët, à l’histoire et au passé. Elle a endossé le présent tout en assumant son héritage. Beaucoup de jeunes qui ont voté Yasmina l’ont fait pour ce qu’elle représente, influencés pour certains par leurs parents, qui ont voulu leur inculquer ainsi des valeurs de fidélité. Les réseaux sociaux ne mesurent jamais l’épaisseur des convictions, la force d’un engagement.
La politique aujourd’hui est omniprésente sur les réseaux sociaux. Dans ce monde virtuel, soumis à la dictature de l’urgence et aux contraintes du paraître, elle y perd beaucoup de dignité. Comment parvenir en politique à cet équilibre entre le réel et le virtuel ? Tout ceci mérite des études, des réflexions bien approfondies, auxquelles nous invitons les uns et les autres.

Wakili Alafé
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