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Politique Publié le mercredi 7 janvier 2009 | Le Nouveau Réveil

Le Premier ministre Charles Konan Banny : "Les Ivoiriens veulent les élections en 2009"

Premier ministre de la Côte d'Ivoire d'octobre 2005 à avril 2007, Charles Konan Banny, une des personnalités politiques ivoiriennes les plus avares en confidence aux médias s'est confié à "Le Nouveau Réveil" pour parler de l'actualité dominante. De la crise financière, au PPTE en passant par l'accord politique de Ouagadougou et sa formation politique le PDCI-RDA, Charles Konan Banny a croqué l'actualité socio-économique, politique. Interview.


M. le Premier ministre, la plupart des pays sont secoués par la crise financière mondiale. En Côte d'Ivoire, certains responsables estiment que cette crise ne va pas toucher les pays africains, notamment la Côte d'Ivoire. Quel est votre jugement par rapport à cette analyse ?

J'ai l'impression que ce débat est clos maintenant. Pour quelles raisons ? Pour des raisons simples. Vous l'avez dit, la crise est mondiale. La Côte d'Ivoire fait partie du monde. Donc, on ne peut pas dire que dans la crise mondiale, notre pays ne sera pas touché. La 2e des choses est qu'avant la guerre, la Côte d'Ivoire était un des pays africains les plus ouverts sur l'extérieur, donc plus exposé au choc. Pour ces deux raisons, notre pays ne peut pas échapper. Maintenant, c'est une crise spécifique dont les effets se sont étendus aux autres sphères de l'économie. Spécifiquement, c'est une crise financière. Une crise bancaire et financière. Parce qu'à ce niveau-là, selon le degré de pénétration du système financier de chacun des pays aux activités mondiales, on est plus ou moins touché. C'est une question de degré d'ouverture et d'exposition. Il se trouve effectivement que nos pays ne participent pas, du point de vue financier comme les autres pays, aux activités financières internationales. Et je ne connais aucune banque, malheureusement pour nous, qui ait une envergure internationale ou mondiale. Donc, de ce côté-là, à quelque chose malheur est bon, on n'est pas du tout exposé. Le débat est clos. En plus, il faut reconnaître que cette crise là, nous l'avons vécue, il y a 20 ans, au niveau de toute la Côte d'Ivoire, au niveau de toute l'Afrique de l'ouest et du centre. Et des mesures ont été prises. D'abord pour résoudre la question et pour l'endiguer et dire, plus jamais cela afin de mettre nos pays à l'abri de cette crise qu'elle soit endogène ou exogène. Et c'est comme cela que nous avons reconstruit notre système financier et bancaire. A l'époque, les problèmes de trésorerie étaient difficiles. Nous avons fait du court terme et des dispositions structurelles, institutionnelles de sorte que le système bancaire est maintenant protégé. La plus importante de ces mesures, c'est la mise en place d'une surveillance des institutions bancaires régionales que j'ai présidée pendant plus de 15 ans et qui fonctionne bien. C'est un domaine impitoyable ! La banque, c'est un métier. Il a ses règles. C'est à la fois facile et difficile d'être banquier. Facile si vous respectez les règles. Cette commission était là, pour emmener chacun à respecter les règles. Quand on respecte les règles, je crois qu'on est à l'abri de certaines mésaventures. On ne le dit pas assez, c'est un défaut de surveillance et de vigilance. Quelque part, des gens n'ont pas fait leur travail. Les risques n'ont pas été surveillés. Des mauvais risques ont été pris. Alors, où sont les organes de surveillance ? Comment peut-on penser qu'un seul individu puisse exposer autant de sommes ? Tout simplement parce qu'il n'y a pas de suivi. Rien. Je le sais. Chez nous, le système de surveillance est important. Parce que comme je dis, c'est un métier qui a des règles. C'est très difficile de s'en sortir quand on ne respecte pas les règles. Pourquoi ? Parce que le plus important pour la banque c'est de protéger le dépendant. Et ce sont toutes ces mesures-là que nous avons prises et qui font que notre système a été mis à l'abri. Donc, moins de degré de participation aux activités financières internationales. L'expérience vécue nous a permis de mettre en place un système. Cela dit, on ne peut pas avancer que cette crise ne nous frappe pas. Pour la simple raison que les effets ne sont pas que financiers ou bancaires. Les effets sont économiques. Donc la crise financière est aussi une crise économique, puisqu'on parle de récession.

A quoi peuvent s'attendre les pays Africains, tels que la Côte d'Ivoire et les pays de la sous-région qui partagent la même monnaie, le franc CFA ? Les gens parlent de dévaluation.
Je crois qu'il ne faut pas qu'on mélange les choses. Ce n'est pas une crise monétaire. C'est une crise financière avec des répercussions sur l'économie réelle. Donc cela n'a rien à voir avec la monnaie. Le Dollar n'a pas été menacé, l'Euro n'a pas été menacé. La crise n'est pas monétaire chez nous. Quand on parle de franc CFA, on parle de la monnaie. Cela n'a rien à avoir. Il faut que nos compatriotes le comprennent bien. Si on doit parler de la monnaie, cela se justifie avec l'économie. Mais c'est autre chose. Economiquement, qu'est-ce qui va se passer ? Je parlais de récession mondiale. Qu'est-ce que cela veut dire pour nous ? Cela veut dire que nous sommes exposés parce que nous participons au commerce international, l'extérieur va investir moins. Donc, il y aura moins d'aides extérieures. Donc il y aura des répercussions chez nous. Or, nos pays sont gros consommateurs d'aides publiques extérieures. Aides publiques bilatérales ou multilatérales. Que ce soit au niveau des institutions de Bretton Woods, là où les ressources sont mises à nos dispositions proviennent de l'épargne des autres. C'est-à-dire ce qu'ils n'ont pas dépensé. Ils mettent cela à notre disposition et cela leur rapporte des ressources. Voilà une conséquence financière. La conséquence économique, c'est sur le commerce. Chacun va essayer de se retrouver pour équilibrer ses comptes. Cela va avoir une répercussion sur nous. Je ne le souhaite pas. Déjà les planteurs d'hévéa se plaignent. Les planteurs de café et de cacao etc.


Du point de vue économique, quelle attitude pour nos Etats ? Pensez-vous qu'ils doivent aller en rangs dispersés pour la résolution de cette crise ?

J'ai toujours pensé qu'il ne le faut pas, pour le salut de nos pays. Dans la mesure où nous sommes dans l'économie mondiale et je le crois, compte tenu de la taille de nos économies, notre salut est dans le regroupement. Je suis un soldat de l'intégration économique. Toute ma carrière a été fondée là-dessus. Je suis un partisan de l'intégration économique. Je crois aux vertus des regroupements. La Côte d'Ivoire a intérêt à travailler pour cela. Elle y avait intérêt il y a 10-15 ans, parce que c'est elle, l'économie de l'union, de la sous-région. C'est elle qui avait besoin de marchés extérieurs. Malheureusement elle n'a pas tirer avantages de cela, à cause de la crise qu'elle vit depuis plus de 10 ans et que son économie s'est affaiblie. Je crois que, quel que soit le moment, crise ou pas, le salut de nos pays réside dans le regroupement. Heureusement que nous avons des structures communes telles que la Banque centrale des Etat de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) qui est une institution monétaire qui avait une situation financière très propre. On me dit que la dernière réunion, le conseil technique a décidé de prélever sur les ressources de la Banque centrale, pour financer les problèmes d'énergie. Heureusement que nous avons fait des économies et il faut dire merci à celui qui a géré tout cela (rires). Parce qu'à l'époque, beaucoup de gens m'en voulaient. Or, cela sert à quelque chose maintenant. Et je m'en réjouis. Quelle autre institution et quel autre Etat a une épargne ? Ce sont les efforts conjoints, palpables, communs qui nous permettront de faire face à cela. Du point de vue économique, je crois qu'il faut viser des marchés plus larges. Dix millions, treize millions de consommateurs, c'est bien. Mais c'est mieux d'avoir un marché de soixante millions de consommateurs. L'impact économique dans cet espace économique de soixante millions sera plus profitable aux uns et aux autres qu'aux marchés étroits. C'est pourquoi, je crois beaucoup à l'intégration économique. Chacun doit respecter les règles du jeu.


M. le Premier ministre, cette crise arrive aussi au mauvais moment pour la Côte d'Ivoire qui est frappée par une crise ?

Il faut que les Ivoiriens comprennent que l'essentiel est ailleurs. Qu'ils sortent de ce que j'appelle une turpitude politique politicienne qui n'apporte rien aux citoyens. Chacun pense pouvoir remporter les élections présidentielles. Mais est-ce que c'est cela l'essentiel ? L'essentiel aujourd'hui c'est de voir si nous sommes tous concernés, si, chacun de nous a peut-être raison de faire ce qu'il fait. Nous avons tous tort par rapport à la Côte d'Ivoire, donc sortons de cette situation. Comment allons-nous le faire ? Mais il faut avoir la volonté de s'en sortir. Quels que soient les accords, le meilleur accord c'est entre les Ivoiriens eux-mêmes.


Peut-on comprendre qu'un pays comme la Côte d'Ivoire qui est en crise, chaque année, son budget ne cesse de grimper ? Comment expliquez-vous cela ?

Le budget, c'est un acte de volonté d'un gouvernement. On se dit, à quel niveau je fixe mes dépenses ? Les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement. C'est donc un acte de volonté. Vous pouvez volontairement dire que vous allez investir 20 milliards dans votre famille. Est-ce que cela veut dire que c'est votre pays qui le soutient ? Ce n'est pas cela le plus important. Le plus important, c'est le financement du budget. Où trouver les ressources intérieures ou extérieures ? On ne fixe pas comme cela un budget sans une appréciation préalable. Donc on apprécie la situation donnée, on fait des hypothèses sur la situation, desquelles on délivre des états que l'on doit avoir et c'est cela qui va pouvoir faire les dépenses, lesquelles sont précises. Donc le budget affiché n'indique pas la capacité de le faire. C'est un acte de politique économique qui indique la volonté d'un gouvernement sur un certain nombre de choses disant qu'on peut le faire. Mais on ne peut le faire que si on a la volonté de le faire. Sinon, on demande des compléments à l'extérieur.


Monsieur le Premier ministre, quand vous étiez à la Primature, vous avez prôné la confiance. Vous avez voulu que les acteurs, les belligérants se parlent. Et quand ils ont commencé à se parler, vous avez quitté la scène. On a eu l'accord de Ouaga qui a suscité beaucoup d'espoir. De l'espoir, on est passé au doute, du doute aujourd'hui à la déception. Qu'est-ce qui explique cela ? Est-ce que la confiance a encore quitté la scène ?

Ecoutez, moi, je me pose la même question que vous parce que j'ai repris ma place de citoyen ordinaire comme disait un de vos confrères. Et j'observe. J'observe avec vous effectivement et j'ai failli dire que ce que j'ai fait n'a servi à rien. J'ai dit que je ne serais pas un obstacle à la paix. Donc le plus petit espoir, il faut lui donner la chance. Je ne voulais pas être celui qui pourrait faire obstacle et retarder ce qui apparaissait aux uns et aux autres comme lueur d'espoir. Et pourquoi c'était une lueur d'espoir. Et là aussi, il faut qu'on reprenne un peu l'histoire. C'est moi qui ai favorisé ce dialogue. D'abord entre 4 (quatre) à Yamoussoukro. Et ceux qui sont honnêtes, il y en a beaucoup, reconnaîtront que même le dialogue à deux, entre les deux belligérants, j'ai été quand même l'un de ceux qui l’ont prôné. Voyez-vous ! C'était simple. Comment voulez-vous que la crise s'arrête si les deux belligérants ne s'entendent pas, ne se parlent pas ? Le premier pas a constitué quand même à favoriser cela. On ne peut pas arriver à un accord si on n'a pas confiance, si on ne peut pas avoir confiance aux uns, aux autres, si on s'ignore. Je suis heureux de voir que les deux belligérants ne s'ignorent plus. Mieux, ils parlent ensemble. Mieux encore, ils ont la responsabilité directe de nous sortir de la crise. Maintenant il faut les mettre devant cette responsabilité. Les autres ont quoi à voir là-dedans ? Le Président a dit un jour qu'un certain nombre de partis, ce n'est pas mon point de vue, n'ont pas d'armée, ils n'ont pas de territoire. Mais je considère qu'il y a une seule armée, il y a un seul territoire, qui est le territoire de la Côte d'Ivoire. C'est malheureux qu'il ait connu cette scission. Donc il faut y mettre fin le plus rapidement possible. Et le plus rapidement possible, c'est que les deux acceptent ce qu'ils ont fait à Ouaga. Maintenant, il faut qu'on arrive au bout.


Les élections sont à nouveau reportées. Et le processus électoral piétine. Que faut-il faire pour avancer ?

Moi, je crois qu'il n'y a pas à débattre, il n'y a qu'à avancer. Je ne vois pas ce qui fait qu'on n'y arrive pas. J'avoue que je ne comprends pas. Est-ce que la volonté n'y est pas ? Je n'ose croire, je n'ose pas croire qu'il y ait un seul Ivoirien qui ne veut pas que son pays soit réunifié. Je ne veux pas croire qu'il y ait un seul Ivoirien qui ne veut pas que la paix revienne dans ce pays. Je ne veux pas croire qu'il y ait un seul Ivoirien qui ne veut pas que les milices disparaissent. Donc ce ne sont pas les arguments techniques qui vont me convaincre. Il faut de la vo-lon-té.


Il y a quand même le processus qui bute sur les questions financières. Il y a le président de la CEI qui se plaint du manque de ressources pour accélérer l'identification. Le chef de l'Etat exige une date pour aller aux élections. Tout cela fait désordre ?

Ecoutez, le président de la CEI est bien placé pour savoir si le système est suffisamment financé ou pas. Mais c'est possible que ce soit financé à temps réel, comme il le dit lui-même. Mais il ne faudrait pas qu'il ignore qu'on est dans un contexte où nous avions besoin de parler, un contexte financier difficile. C'est là la petite culture de la Côte d'Ivoire, on doit faire beaucoup avec le peu qu'on a. Je n'ai pas les chiffres exacts, je ne peux pas me prononcer là-dessus. Mais s'il le dit, c'est que le financement du processus n'est pas suffisamment assez pour lui permettre d'aller peut-être plus vite. Ça, c'est une raison qu'on peut retenir au plan technique. Mais avouons que ça n'a pas été toujours le cas quand même. Quoiqu'il en soit, cela ne devrait pas nous empêcher si nous avons la volonté d'aller plus loin. Donc il y a une question de volonté politique aussi quelque part. Enfin, le dernier commentaire que je veux me permettre c'est que pour moi, la CEI est un organe. Même si la CEI est un organe qui a été mis en place par les accords, la CEI n'est pas le gouvernement de Côte d'Ivoire. Elle a été mise en place par le processus de réconciliation nationale, justement parce que les uns et les autres ne se faisaient pas confiance. C'est l'organe en qui tout le monde doit avoir confiance pour conduire le processus électoral à son terme. Donc la CEI est un organe mis à la disposition du gouvernement de Côte d'Ivoire qui en est responsable à mon sens, de fixer à tout le moins la date des élections. C'est une décision gouvernementale, un acte de gouvernement, un acte de souveraineté, ce ne doit être fixé ni par la CEI, parce que ce n'est pas que technique, c'est politique, ni par qui que ce soit à l'extérieur, parce que c'est un acte de souveraineté. Dans ce contexte, ramenons ce processus entre nous. Bon, on s'approche. Avant, c'était la communauté internationale, ensuite la communauté régionale, maintenant c'est notre voisin, le président Blaise Compaoré que je remercie au passage pour tous les efforts qu'il fait. Peut-être qu'un jour, il faut que les Ivoiriens s'asseyent à nouveau autour d'une même table pour ce qui se passe. Pourquoi personne ne propose cela ?


L'Accord politique signé à Ouaga a connu quatre accords complémentaires. Comment expliquez-vous qu'avec tant de rallonges, on soit encore à ce stade ?

Je ne me l'explique pas. Je ne comprends pas. C'est pourquoi, je dis qu'il faut parler de volonté quelque part.


Quelles volontés ?

Les protagonistes, les signataires


Est-ce qu'on peut parler de contrat de dupes ?

Si les Ivoiriens le pensent peut-être. Mais moi, je ne peux pas faire ce jugement de valeur parce que ce qui m'intéresse franchement, c'est qu'on sorte de cette situation.


On vient de signer un accord complémentaire qui règle un peu les questions militaires. Est-ce que cette fois-ci, vous pensez qu'on va avancer?

Enfin, j'espère. Moi, comme je ne suis pas spécialiste de ces questions politiques et militaires, j'avais un point de vue simple que j'ai souvent exposé d'ailleurs. On ne peut sortir d'une crise de cette nature, militaro-politique sans en payer un peu le prix. D'ailleurs le prix que nous avions payé est déjà trop lourd. Le prix est multiforme. Je ne veux pas revenir sur un passé douloureux. Perte de vies humaines…, des spectacles honteux et insupportables des années 2002 et autres. Nous avons dépassé tout cela. A partir du moment où les protagonistes, où l'ensemble de la classe politique s'est mis autour d'une table pour dire voici les accords, il aurait fallu les appliquer. A partir du moment où au bout du compte, les deux belligérants se sont assis en dehors des autres, parce que ça on l'oublie souvent, les accords ont été signés et on a appelé les autres pour leur dire, est-ce que vous êtes d'accord ? Dans un souci louable de faire en sorte que nous sortions enfin, les uns et les autres, même s'ils n'ont pas été impliqués dès le départ, ont quand même adoubé cet accord. Même moi, je me suis interdit (c'est la première fois que j'en parle) de faire un commentaire quelconque sur l'accord. J'ai souhaité que cet accord aboutisse parce qu'il se rapprochait du modèle qui me convient le mieux, le dialogue des deux belligérants. Donc j'ai donné toutes les chances en ne disant rien qui puisse gêner qui que ce soit. Maintenant je suis comme les Ivoiriens, nous sommes fatigués de cette crise. Il faut qu'elle prenne fin pour que nous puissions ensemble reconstruire notre pays. Je dis bien ensemble.


M. le Premier ministre, dans votre message de fin d'année, vous avez été formel. La situation est difficile pour les Ivoiriens. Et vous êtes rejoint par le numéro 2 du régime, Mamadou Koulibaly aussi qui s'étonne que les Ivoiriens ne soient pas descendus dans la rue pour manifester. Pensez-vous que les Ivoiriens pourront tenir pendant longtemps dans cette situation ?
Ecoutez, ce que je pourrais dire, c'est que Mamadou et moi ne nous sommes pas concertés (rires). Donc, tenez-vous responsables de ces propos. Moi, j'ai dit ce que je pensais. Ce que tout le monde vit, ce que les Ivoiriens vivent. Ils n'ont pas la chance d'avoir la parole, de l'exprimer. C'est normal, politiquement, économiquement, financièrement, le pays n'est pas bien. Je n'ai pas lu les propos de Mamadou Koulibaly. Mais, j'imagine qu'il dit la même chose. Bon, lui, il dit qu'il s'étonne que les ivoiriens ne se soient pas soulevés. Je souhaite qu'il aurait été plus crédible s'il nous disait : qu'au cours des réunions de son parti, qu'il ait posé cette question et qu'il y ait un débat. Et c'est important, si on sent qu'ici et là, ouvertement nous avons les mêmes préoccupations. Au fait, on pourra s'entendre. Mais, il dit cela au cours d'une émission que les Ivoiriens ne se sont pas manifestés. Mais contre qui ? Contre lui, contre le régime ? Alors tout cela me paraît important, c'est trop important. Moi, je ne suis pas à ce niveau-là. Je considère que ce n'est pas une fatalité. Et j'en appelle à la conscience des uns et des autres pour qu'il y ait ce sursaut.


Est-ce que le Premier ministre Charles Konan Banny continue de parler, de discuter avec la classe politique ivoirienne, avec les acteurs du processus de sortie de crise ?

Ce que je fais c'est ce que je suis en train de faire. Ce qui est sûr, je ne chôme pas, c'est clair. J'informe, je réconforte les uns, les autres. Je reçois beaucoup. Je ne reçois pas peut-être ceux que vous appelez les acteurs. Mais chaque fois que j'ai l'occasion, je discute avec les uns et les autres. Je suis un homme d'ouverture.


Les élections prévues en novembre ont été à nouveau reportées. Si la présidentielle n'est pas organisée en 2009. Que va faire votre parti, le PDCI ?

D'abord, je me refuse à penser que les élections n'auront pas lieu en 2009. Ça, c'est une hypothèse que je n'envisage pas.


On s'est référé à 2008 et il n'y a pas eu d'élection

Mais, on a au moins le bénéfice de l'expérience de 2008, n'est-ce pas ? (rires). Donc, je me refuse. Parce que si on fait ces hypothèses-là, pourquoi 2009 ne serait pas 2015 ? Non, il faut s'arrêter. Les Ivoiriens veulent les élections en 2009. Il ne faut pas que 2009 s'achève, sans qu'on ne leur donne pas la possibilité de choisir leurs dirigeants. Parce qu'ils ont besoin de reconstruire leur pays. Ce n'est plus négociable. Je pense que les acteurs du processus en sont conscients. En tout cas, je le souhaite. Et c'est une hypothèse que je n'envisage pas du tout. Maintenant, sauf catastrophe. Mais qui va prévoir la catastrophe ? Moi je ne prévois pas la catastrophe. Voyez-vous. C'est pourquoi, il est difficile de répondre à cette question.


Monsieur le Premier ministre, vous avez été un acteur important dans la résolution de cette crise. Vous connaissez les acteurs mieux que quiconque. Est-ce que pendant le temps de votre mission, des gens vous ont gêné ? Certains comportements vous ont-ils gêné. Aviez-vous été déçu dans votre tâche ?

Vous savez, quand vous êtes à la tâche, vous n'avez pas le temps de penser à tout cela. C'est à vous de gérer toutes ces contradictions. Ce qui m'importait était d'avancer. Alors, chacun avait son point de vue, des contradictions. Il y a des contradictions dans une crise, dans une crise de la sorte. Et c'est quand même, une crise qu'au début j'ai cru, était une crise mineure. Mais, au fil du temps, elle est devenue une crise majeure. Donc, je n'ai pas eu le temps de voir qui faisait quoi, moi j'avançais. Bon, cela fait deux ans presque que je suis parti. Maintenant, je réfléchis. J'ai dit à un de vos confrères que j'ai la nette impression que la classe politique ne m'a pas suffisamment soutenu.


Comment ?

Ecoutez, on ne parle pas de corps dans la maison d'un membre du défunt. Vous connaissez cette expression (rires). Vous savez, j'ai tellement le temps que maintenant, je lis tous les journaux de l'époque (rires). Vous avez tout compris. C'est à oublier, ce n'est pas important. Parce qu'à certains moments, je suis allé jusqu'à m'interroger. Je ne peux pas vous le cacher, même les gens de ma propre famille politique me critiquaient. J'ai entendu ici et là, les gens dire que le Premier ministre qui, quand même, est issu du PDCI, on attendait de lui qu'il mette le processus au profit d'un parti, de son parti. Quand même, ce n'est pas honnête et intellectuellement pas honnête. Ce n'était politiquement pas possible. La seule voie qui m'était laissée c'est de ramener les uns et les autres à la confiance suffisante pour qu'on sorte du processus. Pour que chacun, en fonction de ses moyens, aille à la conquête du pouvoir. C'est chaque parti qui doit aller à la conquête du pouvoir. Par endroits, certains ont souhaité que le Premier ministre soit celui-là qui aille conquérir le pouvoir. Mais je n'étais pas venu pour conquérir le pouvoir. J'étais venu pour créer les conditions pour que les partis aillent à l'élection. Donc, il y a eu ce faux problème qui a empoisonné l'atmosphère, et les gens qui sont honnêtes le regrettent.


Monsieur le Premier ministre, c'est sous votre mandat que le scandale des déchets toxiques a éclaté. Vous avez pris une mesure inédite en Côte d'Ivoire : dissoudre le gouvernement, démissionner vous-même. Et par la suite, il y a eu un procès très long. Au finish, des sanctions qui n'ont pas été à la mesure des attentes.
Vous voulez parler de mesure judiciaire.


Oui
Ecoutez, je suis très républicain. Parce que j'étais chef du gouvernement en ce moment-là, et cela me rappelle une tragédie. Parce que pour moi, c'est une tragédie qui s'est produite avec des conséquences sur la vie des citoyens. Pour moi, la première des choses à faire, c'était d'agir à l'intelligence et la deuxième des choses, c'était de tirer les conséquences. Les conséquences d'ordre administratif. Je l'ai fait à deux niveaux.

1/ J'ai donné d'abord l'ordre et le signal en demandant que le gouvernement soit demis de ses fonctions. C'est un signal très fort.

2/ J'ai demandé que des mesures conservatoires puissent être prises à l'égard des responsables administratifs. Ça a été fait. Suspension pour permettre au moins à la République, aux citoyens de savoir ce qui s'est passé. Et ça peut se faire que personne n'était responsable. Donc l'irresponsabilité n'existe pas. Quelque part quelqu'un est responsable et même quand on ne sait pas, on l'assume. Et puis, l'enquête a été diligentée dont les résultats ont été portés à la connaissance du monde entier en direct à la télévision. Mais, il y a un rapport qui a également été fait dans l'histoire de la Côte d'Ivoire dans la transparence totale sur cette question. Les responsabilités ont été dégagées. Soit par omission, soit autrement. Je n'en sais rien. Mais, on assume. Maintenant, le volet judiciaire qui appartient aux tribunaux n'était pas sous ma couverture. J'espère que la justice ivoirienne a tranché en son âme et conscience.


Votre opinion

Non, on ne juge pas une chose juste. Il y a l'autorité, la chose jugée, le respect de la justice. C'est pourquoi, je dis que je suis très républicain. Je ne suis pas magistrat. Je ne sais pas quels sont les tenants et les aboutissants. Donc, je fais confiance à la justice de mon pays. Je dis simplement que j'espère que la justice a tranché en son âme et conscience. Je voudrais vous dire pour terminer que j'ai utilisé le mot "tragédie", mais les effets continuent. Vous le savez. Donc, ce n'est pas un mot exagéré. Il y a des gens qui en meurent. Il y a des nouvelles naissances, des malformations. Moi, j'ai des collaborateurs et même des parents qui ont été contaminés. Donc, ce n'était pas une petite affaire. C'est pourquoi au niveau du gouvernement, je n'ai jamais vu des ministres aussi dévoués pour prendre des mesures à court terme et même à long terme.


Sur le plan administratif, on estime que malgré les sanctions que vous avez prises, les responsables de la douane et autres ont été réintégrés dans leurs fonctions alors que l'enquête même n'avait pas encore abouti, que les responsabilités n'avaient pas été situées.
Vous ne vous souvenez pas du comportement que j'ai eu en ce moment-là ? Le président n'en a pas voulu mais j'ai dit et je lui ai redit de ne pas prendre cette décision. Je l'ai prié de ne pas le faire. Parce qu'on avait le temps de réintégrer les gens. J'ai dit mon opinion là-dessus. Cela a d'ailleurs été une pomme de discorde. Les gens ont pensé que je ne l'avais pas dit.


M. le Premier ministre, le Président Bédié, à partir de la semaine prochaine, entame une tournée dans le Sud-Comoé, serez-vous de ce voyage?

Tout dépend de mon calendrier. Mais, je fais remarquer que depuis que le mois de février que j'ai accepté de reprendre mes activités ouvertement au sein du PDCI-RDA, j'ai toujours accompagné le Président. J'étais à Soubré, j'étais à Yopougon, j'étais dans la région des Lacs, j'étais un peu partout. Tout le temps, je l'ai fait. Je suis même allé loin : il m'a envoyé à Paris, à Londres, il n'y a pas de problèmes. Mais tout dépend de la disponibilité, du temps. Malheureusement ou heureusement, il y a des moments où le temps matériel le permet. Tous les dirigeants du PDCI-RDA n'étaient pas à Yamoussoukro. Que je sois avec Bédié ou pas dans le Sanwi, il faut que les militants du PDCI-RDA se mobilisent massivement à ces tournées car les élections à venir sont très importantes pour l'avenir de notre nation. J'invite les militants à se mobiliser à chaque étape de cette tournée pour entendre l'important message du président Bédié.


M. le Premier ministre, vous n'avez pas l'impression que tout cela est une perte de temps comme le disent certains. La date des élections n'a pas encore été fixée, elle est reportée sans cesse. Et votre parti tourne, n'y a-t-il pas perte d'énergies, perte d'argent… ?

J'ai entendu cela, mais à vrai dire, je n'ai pas de point de vue. Mais je crois qu'un parti doit être toujours en mouvement. Il faut être sur le terrain pour que les militants sachent que le parti est en mouvement. Là-dessus, je ne fais pas de commentaire, cela fait partie des stratégies. Quand je vais dans des régions, il y a une volonté des militants de voir le président. J'ai senti cela quand je suis allé à San Pedro. J'ai été prié par les militants de dire au président que les militants de San Pedro veulent le voir. Maintenant entre ce que disent les militants et ce qu'on fait, c'est là qu'il faut que les stratégies interviennent. L'opportunité du moment, l'opportunité de la forme etc. Mais quand j'ai entendu ce que les uns et les autres disent, peut-être qu'on devrait donner plus de moyens aux délégués départementaux qui sont en contact permanent avec les militants. Selon des périodes. Tout cela fait partie des choses sur lesquelles on doit réfléchir. Mais en tout état de cause, le président en a le droit. On peut ne pas partager cette façon de faire. Il y a beaucoup de gens qui s'interrogent et je pense que vous avez raison, le parti n'est pas immensément riche. Je pense qu'il faut une gestion assez efficiente des ressources.


Charles Konan Banny, vous êtes un gros calibre. Quel rôle entendez-vous jouer sur la scène politique demain ?

Ce qui est sûr, c'est que je suis en politique. Je ne suis pas en politique pour être, je suis en politique pour faire, pour servir. Franchement, si en quittant la Banque centrale, mon pays était comme je l'ai connu il y a 15 ans, franchement je saurais faire autre chose. Assuré que la Côte d'Ivoire continuait son chemin. Je voulais travailler pour les flux de générations qui viennent. Quand j'ai le temps, je le fais de sorte qu'eux aussi, viennent à la barre. Je ne l'aurais pas fait ouvertement. Mais, ce n'est pas le cas. Même si je le voulais, je ne suis pas à l'aise, je ne me sens pas bien. Je pense que nous devons continuer à nous battre encore pour que le pays reprenne son rang. Je tiens beaucoup au rôle de la Côte d'Ivoire dans la sous-région. Parce que j'ai passé ma vie à cela, à comparer des données. Et je trouve qu'il y a un gâchis énorme qui est en train de se produire ici dans ce pays par la faute de ses propres enfants. Avec ce que j'ai vu, dois-je assister les bras croisés à ce que je vois ? Donc, c'est tout cela que je veux combattre. Je ne suis pas en politique pour être, mais pour faire. Donc, quand il y aura du travail à faire, je serai là. La question est de savoir à quel niveau je suis républicain, je suis démocrate. C'est le peuple de Côte d'Ivoire qui décidera. C'est pour cela que j'ai admiré ce qui vient de se passer dans un pays voisin qui est le Ghana qui est le pays jumeau de la Côte d'Ivoire. Avec quelque chose en plus, l'Anglais. 50, 23%, et il n'y a pas eu de contestation à ces élections. Parce que ce qui a été fait avant a été plus ou moins à la satisfaction de tout le monde. Et le jour des élections, les choses se sont passées de manière incontestable. Pour les gens de ma génération, quelques années avant les indépendances, le président Nkruma a fait un pari avec le président Houphouët. Ce n'est pas au départ qu'on juge, mais à l'arrivée. Mais l'impression que j'ai, c'est que je pense que le Ghana est en train de nous battre aujourd'hui.


La Côte d'Ivoire est en train de se battre pour être éligible au PPTE. Pensez-vous que ce soit la bonne voie pour notre pays ?

Le problème est que nous n'avons plus le choix. Le problème est que c'est par notre propre faute que nous en sommes arrivés là. Nous avons eu des dettes, nous avons investi. Mais, notre économie ne pouvait pas générer suffisamment de ressources pour nous permettre de rembourser la dette. Mais il s'agit bien de la Côte d'Ivoire. Nous n'avons pas été toujours pareil, membre de pays pauvres endettés. Nous étions membre des pays à revenus intermédiaires. Nous étions en phase de décollage. J'ai passé 30 ans dans ce domaine-là et je considère comme une sorte d'insulte qu'on nous mette dans cette catégorie-là. Des pays pauvres très endettés, des pays qui vont bénéficier des ressources concessionnelles. Parce que nous étions membre du club des pays qui pouvaient emprunter soit au guichet de la Manque mondiale, soit pour le marché. La communauté internationale nous jugeait digne et au fur et à mesure, cette capacité s'est effritée. Et donc on n'a plus le choix que d'être membre du PPTE. Donc on ne peut faire autre chose que de tout faire pour que ce mécanisme joue en notre faveur. Parce que autrement ça sera très grave. C'est une question de réduction de la dette. Si vous devez un milliard de dette, la personne vous dit, je suis prête à réduire votre dette pour qu'elle devienne 100 millions, c'est considérable. C'est autant de ressources que vous devez dégager. Je vais vous dire une chose. S'il y a quelqu'un qui a beaucoup travaillé pour la Côte d'Ivoire, c'est Alassane Ouattara. Quand le PPTE a été mis en place gouvernement. On se dit, à quel niveau je fixe mes dépenses ? Les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement. C'est donc un acte de volonté. Vous pouvez volontairement dire que vous allez investir 20 milliards dans votre famille. Est-ce que cela veut dire que c'est votre pays qui le soutient ? Ce n'est pas cela le plus important. Le plus important, c'est le financement du budget. Où trouver les ressources intérieures ou extérieures ? On ne fixe pas comme cela un budget sans une appréciation préalable. Donc on apprécie la situation donnée, on fait des hypothèses sur la situation, desquelles on délivre des états que l'on doit avoir et c'est cela qui va pouvoir faire les dépenses, lesquelles sont précises. Donc le budget affiché n'indique pas la capacité de le faire. C'est un acte de politique économique qui indique la volonté d'un gouvernement sur un certain nombre de choses disant qu'on peut le faire. Mais on ne peut le faire que si on a la volonté de le faire. Sinon, on demande des compléments à l'extérieur.


Monsieur le Premier ministre, quand vous étiez à la Primature, vous avez prôné la confiance. Vous avez voulu que les acteurs, les belligérants se parlent. Et quand ils ont commencé à se parler, vous avez quitté la scène. On a eu l'accord de Ouaga qui a suscité beaucoup d'espoir. De l'espoir, on est passé au doute, du doute aujourd'hui à la déception. Qu'est-ce qui explique cela ? Est-ce que la confiance a encore quitté la scène ?

Ecoutez, moi, je me pose la même question que vous parce que j'ai repris ma place de citoyen ordinaire comme disait un de vos confrères. Et j'observe. J'observe avec vous effectivement et j'ai failli dire que ce que j'ai fait n'a servi à rien. J'ai dit que je ne serais pas un obstacle à la paix. Donc le plus petit espoir, il faut lui donner la chance. Je ne voulais pas être celui qui pourrait faire obstacle et retarder ce qui apparaissait aux uns et aux autres comme lueur d'espoir. Et pourquoi c'était une lueur d'espoir. Et là aussi, il faut qu'on reprenne un peu l'histoire. C'est moi qui ai favorisé ce dialogue. D'abord entre 4 (quatre) à Yamoussoukro. Et ceux qui sont honnêtes, il y en a beaucoup, reconnaîtront que même le dialogue à deux, entre les deux belligérants, j'ai été quand même l'un de ceux qui l’ont prôné. Voyez-vous ! C'était simple. Comment voulez-vous que la crise s'arrête si les deux belligérants ne s'entendent pas, ne se parlent pas ? Le premier pas a constitué quand même à favoriser cela. On ne peut pas arriver à un accord si on n'a pas confiance, si on ne peut pas avoir confiance aux uns, aux autres, si on s'ignore. Je suis heureux de voir que les deux belligérants ne s'ignorent plus. Mieux, ils parlent ensemble. Mieux encore, ils ont la responsabilité directe de nous sortir de la crise. Maintenant il faut les mettre devant cette responsabilité. Les autres ont quoi à voir là-dedans ? Le Président a dit un jour qu'un certain nombre de partis, ce n'est pas mon point de vue, n'ont pas d'armée, ils n'ont pas de territoire. Mais je considère qu'il y a une seule armée, il y a un seul territoire, qui est le territoire de la Côte d'Ivoire. C'est malheureux qu'il ait connu cette scission. Donc il faut y mettre fin le plus rapidement possible. Et le plus rapidement possible, c'est que les deux acceptent ce qu'ils ont fait à Ouaga. Maintenant, il faut qu'on arrive au bout.


Les élections sont à nouveau reportées. Et le processus électoral piétine. Que faut-il faire pour avancer ?

Moi, je crois qu'il n'y a pas à débattre, il n'y a qu'à avancer. Je ne vois pas ce qui fait qu'on n'y arrive pas. J'avoue que je ne comprends pas. Est-ce que la volonté n'y est pas ? Je n'ose croire, je n'ose pas croire qu'il y ait un seul Ivoirien qui ne veut pas que son pays soit réunifié. Je ne veux pas croire qu'il y ait un seul Ivoirien qui ne veut pas que la paix revienne dans ce pays. Je ne veux pas croire qu'il y ait un seul Ivoirien qui ne veut pas que les milices disparaissent. Donc ce ne sont pas les arguments techniques qui vont me convaincre. Il faut de la vo-lon-té.


Il y a quand même le processus qui bute sur les questions financières. Il y a le président de la CEI qui se plaint du manque de ressources pour accélérer l'identification. Le chef de l'Etat exige une date pour aller aux élections. Tout cela fait désordre ?

Ecoutez, le président de la CEI est bien placé pour savoir si le système est suffisamment financé ou pas. Mais c'est possible que ce soit financé à temps réel, comme il le dit lui-même. Mais il ne faudrait pas qu'il ignore qu'on est dans un contexte où nous avions besoin de parler, un contexte financier difficile. C'est là la petite culture de la Côte d'Ivoire, on doit faire beaucoup avec le peu qu'on a. Je n'ai pas les chiffres exacts, je ne peux pas me prononcer là-dessus. Mais s'il le dit, c'est que le financement du processus n'est pas suffisamment assez pour lui permettre d'aller peut-être plus vite. Ça, c'est une raison qu'on peut retenir au plan technique. Mais avouons que ça n'a pas été toujours le cas quand même. Quoiqu'il en soit, cela ne devrait pas nous empêcher si nous avons la volonté d'aller plus loin. Donc il y a une question de volonté politique aussi quelque part. Enfin, le dernier commentaire que je veux me permettre c'est que pour moi, la CEI est un organe. Même si la CEI est un organe qui a été mis en place par les accords, la CEI n'est pas le gouvernement de Côte d'Ivoire. Elle a été mise en place par le processus de réconciliation nationale, justement parce que les uns et les autres ne se faisaient pas confiance. C'est l'organe en qui tout le monde doit avoir confiance pour conduire le processus électoral à son terme. Donc la CEI est un organe mis à la disposition du gouvernement de Côte d'Ivoire qui en est responsable à mon sens, de fixer à tout le moins la date des élections. C'est une décision gouvernementale, un acte de gouvernement, un acte de souveraineté, ce ne doit être fixé ni par la CEI, parce que ce n'est pas que technique, c'est politique, ni par qui que ce soit à l'extérieur, parce que c'est un acte de souveraineté. Dans ce contexte, ramenons ce processus entre nous. Bon, on s'approche. Avant, c'était la communauté internationale, ensuite la communauté régionale, maintenant c'est notre voisin, le président Blaise Compaoré que je remercie au passage pour tous les efforts qu'il fait. Peut-être qu'un jour, il faut que les Ivoiriens s'asseyent à nouveau autour d'une même table pour ce qui se passe. Pourquoi personne ne propose cela ?


L'Accord politique signé à Ouaga a connu quatre accords complémentaires. Comment expliquez-vous qu'avec tant de rallonges, on soit encore à ce stade ?

Je ne me l'explique pas. Je ne comprends pas. C'est pourquoi, je dis qu'il faut parler de volonté quelque part.


Quelles volontés ?

Les protagonistes, les signataires


Est-ce qu'on peut parler de contrat de dupes ?

Si les Ivoiriens le pensent peut-être. Mais moi, je ne peux pas faire ce jugement de valeur parce que ce qui m'intéresse franchement, c'est qu'on sorte de cette situation.


On vient de signer un accord complémentaire qui règle un peu les questions militaires. Est-ce que cette fois-ci, vous pensez qu'on va avancer?

Enfin, j'espère. Moi, comme je ne suis pas spécialiste de ces questions politiques et militaires, j'avais un point de vue simple que j'ai souvent exposé d'ailleurs. On ne peut sortir d'une crise de cette nature, militaro-politique sans en payer un peu le prix. D'ailleurs le prix que nous avions payé est déjà trop lourd. Le prix est multiforme. Je ne veux pas revenir sur un passé douloureux. Perte de vies humaines…, des spectacles honteux et insupportables des années 2002 et autres. Nous avons dépassé tout cela. A partir du moment où les protagonistes, où l'ensemble de la classe politique s'est mis autour d'une table pour dire voici les accords, il aurait fallu les appliquer. A partir du moment où au bout du compte, les deux belligérants se sont assis en dehors des autres, parce que ça on l'oublie souvent, les accords ont été signés et on a appelé les autres pour leur dire, est-ce que vous êtes d'accord ? Dans un souci louable de faire en sorte que nous sortions enfin, les uns et les autres, même s'ils n'ont pas été impliqués dès le départ, ont quand même adoubé cet accord. Même moi, je me suis interdit (c'est la première fois que j'en parle) de faire un commentaire quelconque sur l'accord. J'ai souhaité que cet accord aboutisse parce qu'il se rapprochait du modèle qui me convient le mieux, le dialogue des deux belligérants. Donc j'ai donné toutes les chances en ne disant rien qui puisse gêner qui que ce soit. Maintenant je suis comme les Ivoiriens, nous sommes fatigués de cette crise. Il faut qu'elle prenne fin pour que nous puissions ensemble reconstruire notre pays. Je dis bien ensemble.


M. le Premier ministre, dans votre message de fin d'année, vous avez été formel. La situation est difficile pour les Ivoiriens. Et vous êtes rejoint par le numéro 2 du régime, Mamadou Koulibaly aussi qui s'étonne que les Ivoiriens ne soient pas descendus dans la rue pour manifester. Pensez-vous que les Ivoiriens pourront tenir pendant longtemps dans cette situation ?

Ecoutez, ce que je pourrais dire, c'est que Mamadou et moi ne nous sommes pas concertés (rires). Donc, tenez-vous responsables de ces propos. Moi, j'ai dit ce que je pensais. Ce que tout le monde vit, ce que les Ivoiriens vivent. Ils n'ont pas la chance d'avoir la parole, de l'exprimer. C'est normal, politiquement, économiquement, financièrement, le pays n'est pas bien. Je n'ai pas lu les propos de Mamadou Koulibaly. Mais, j'imagine qu'il dit la même chose. Bon, lui, il dit qu'il s'étonne que les ivoiriens ne se soient pas soulevés. Je souhaite qu'il aurait été plus crédible s'il nous disait : qu'au cours des réunions de son parti, qu'il ait posé cette question et qu'il y ait un débat. Et c'est important, si on sent qu'ici et là, ouvertement nous avons les mêmes préoccupations. Au fait, on pourra s'entendre. Mais, il dit cela au cours d'une émission que les Ivoiriens ne se sont pas manifestés. Mais contre qui ? Contre lui, contre le régime ? Alors tout cela me paraît important, c'est trop important. Moi, je ne suis pas à ce niveau-là. Je considère que ce n'est pas une fatalité. Et j'en appelle à la conscience des uns et des autres pour qu'il y ait ce sursaut.


Est-ce que le Premier ministre Charles Konan Banny continue de parler, de discuter avec la classe politique ivoirienne, avec les acteurs du processus de sortie de crise ?

Ce que je fais c'est ce que je suis en train de faire. Ce qui est sûr, je ne chôme pas, c'est clair. J'informe, je réconforte les uns, les autres. Je reçois beaucoup. Je ne reçois pas peut-être ceux que vous appelez les acteurs. Mais chaque fois que j'ai l'occasion, je discute avec les uns et les autres. Je suis un homme d'ouverture.


Les élections prévues en novembre ont été à nouveau reportées. Si la présidentielle n'est pas organisée en 2009. Que va faire votre parti, le PDCI ?

D'abord, je me refuse à penser que les élections n'auront pas lieu en 2009. Ça, c'est une hypothèse que je n'envisage pas.


On s'est référé à 2008 et il n'y a pas eu d'élection
Mais, on a au moins le bénéfice de l'expérience de 2008, n'est-ce pas ? (rires). Donc, je me refuse. Parce que si on fait ces hypothèses-là, pourquoi 2009 ne serait pas 2015 ? Non, il faut s'arrêter. Les Ivoiriens veulent les élections en 2009. Il ne faut pas que 2009 s'achève, sans qu'on ne leur donne pas la possibilité de choisir leurs dirigeants. Parce qu'ils ont besoin de reconstruire leur pays. Ce n'est plus négociable. Je pense que les acteurs du processus en sont conscients. En tout cas, je le souhaite. Et c'est une hypothèse que je n'envisage pas du tout. Maintenant, sauf catastrophe. Mais qui va prévoir la catastrophe ? Moi je ne prévois pas la catastrophe. Voyez-vous. C'est pourquoi, il est difficile de répondre à cette question.


Monsieur le Premier ministre, vous avez été un acteur important dans la résolution de cette crise. Vous connaissez les acteurs mieux que quiconque. Est-ce que pendant le temps de votre mission, des gens vous ont gêné ? Certains comportements vous ont-ils gêné. Aviez-vous été déçu dans votre tâche ?

Vous savez, quand vous êtes à la tâche, vous n'avez pas le temps de penser à tout cela. C'est à vous de gérer toutes ces contradictions. Ce qui m'importait était d'avancer. Alors, chacun avait son point de vue, des contradictions. Il y a des contradictions dans une crise, dans une crise de la sorte. Et c'est quand même, e crise qu'au début j'ai cru, était une crise mineure. Mais, au fil du temps, elle est devenue une crise majeure. Donc, je n'ai pas eu le temps de voir qui faisait quoi, moi j'avançais. Bon, cela fait deux ans presque que je suis parti. Maintenant, je réfléchis. J'ai dit à un de vos confrères que j'ai la nette impression que la classe politique ne m'a pas suffisamment soutenu.


Comment ?

Ecoutez, on ne parle pas de corps dans la maison d'un membre du défunt. Vous connaissez cette expression (rires). Vous savez, j'ai tellement le temps que maintenant, je lis tous les journaux de l'époque (rires). Vous avez tout compris. C'est à oublier, ce n'est pas important. Parce qu'à certains moments, je suis allé jusqu'à m'interroger. Je ne peux pas vous le cacher, même les gens de ma propre famille politique me critiquaient. J'ai entendu ici et là, les gens dire que le Premier ministre qui, quand même, est issu du PDCI, on attendait de lui qu'il mette le processus au profit d'un parti, de son parti. Quand même, ce n'est pas honnête et intellectuellement pas honnête. Ce n'était politiquement pas possible. La seule voie qui m'était laissée c'est de ramener les uns et les autres à la confiance suffisante pour qu'on sorte du processus. Pour que chacun, en fonction de ses moyens, aille à la conquête du pouvoir. C'est chaque parti qui doit aller à la conquête du pouvoir. Par endroits, certains ont souhaité que le Premier ministre soit celui-là qui aille conquérir le pouvoir. Mais je n'étais pas venu pour conquérir le pouvoir. J'étais venu pour créer les conditions pour que les partis aillent à l'élection. Donc, il y a eu ce faux problème qui a empoisonné l'atmosphère, et les gens qui sont honnêtes le regrettent.


Monsieur le Premier ministre, c'est sous votre mandat que le scandale des déchets toxiques a éclaté. Vous avez pris une mesure inédite en Côte d'Ivoire : dissoudre le gouvernement, démissionner vous-même. Et par la suite, il y a eu un procès très long. Au finish, des sanctions qui n'ont pas été à la mesure des attentes.
Vous voulez parler de mesure judiciaire.


Oui

Ecoutez, je suis très républicain. Parce que j'étais chef du gouvernement en ce moment-là, et cela me rappelle une tragédie. Parce que pour moi, c'est une tragédie qui s'est produite avec des conséquences sur la vie des citoyens. Pour moi, la première des choses à faire, c'était d'agir à l'intelligence et la deuxième des choses, c'était de tirer les conséquences. Les conséquences d'ordre administratif. Je l'ai fait à deux niveaux.

1/ J'ai donné d'abord l'ordre et le signal en demandant que le gouvernement soit demis de ses fonctions. C'est un signal très fort.

2/ J'ai demandé que des mesures conservatoires puissent être prises à l'égard des responsables administratifs. Ça a été fait. Suspension pour permettre au moins à la République, aux citoyens de savoir ce qui s'est passé. Et ça peut se faire que personne n'était responsable. Donc l'irresponsabilité n'existe pas. Quelque part quelqu'un est responsable et même quand on ne sait pas, on l'assume. Et puis, l'enquête a été diligentée dont les résultats ont été portés à la connaissance du monde entier en direct à la télévision. Mais, il y a un rapport qui a également été fait dans l'histoire de la Côte d'Ivoire dans la transparence totale sur cette question. Les responsabilités ont été dégagées. Soit par omission, soit autrement. Je n'en sais rien. Mais, on assume. Maintenant, le volet judiciaire qui appartient aux tribunaux n'était pas sous ma couverture. J'espère que la justice ivoirienne a tranché en son âme et conscience.


Votre opinion

Non, on ne juge pas une chose juste. Il y a l'autorité, la chose jugée, le respect de la justice. C'est pourquoi, je dis que je suis très républicain. Je ne suis pas magistrat. Je ne sais pas quels sont les tenants et les aboutissants. Donc, je fais confiance à la justice de mon pays. Je dis simplement que j'espère que la justice a tranché en son âme et conscience. Je voudrais vous dire pour terminer que j'ai utilisé le mot "tragédie", mais les effets continuent. Vous le savez. Donc, ce n'est pas un mot exagéré. Il y a des gens qui en meurent. Il y a des nouvelles naissances, des malformations. Moi, j'ai des collaborateurs et même des parents qui ont été contaminés. Donc, ce n'était pas une petite affaire. C'est pourquoi au niveau du gouvernement, je n'ai jamais vu des ministres aussi dévoués pour prendre des mesures à court terme et même à long terme.


Sur le plan administratif, on estime que malgré les sanctions que vous avez prises, les responsables de la douane et autres ont été réintégrés dans leurs fonctions alors que l'enquête même n'avait pas encore abouti, que les responsabilités n'avaient pas été situées.
Vous ne vous souvenez pas du comportement que j'ai eu en ce moment-là ? Le président n'en a pas voulu mais j'ai dit et je lui ai redit de ne pas prendre cette décision. Je l'ai prié de ne pas le faire. Parce qu'on avait le temps de réintégrer les gens. J'ai dit mon opinion là-dessus. Cela a d'ailleurs été une pomme de discorde. Les gens ont pensé que je ne l'avais pas dit.


M. le Premier ministre, le Président Bédié, à partir de la semaine prochaine, entame une tournée dans le Sud-Comoé, serez-vous de ce voyage?

Tout dépend de mon calendrier. Mais, je fais remarquer que depuis que le mois de février que j'ai accepté de reprendre mes activités ouvertement au sein du PDCI-RDA, j'ai toujours accompagné le Président. J'étais à Soubré, j'étais à Yopougon, j'étais dans la région des Lacs, j'étais un peu partout. Tout le temps, je l'ai fait. Je suis même allé loin : il m'a envoyé à Paris, à Londres, il n'y a pas de problèmes. Mais tout dépend de la disponibilité, du temps. Malheureusement ou heureusement, il y a des moments où le temps matériel le permet. Tous les dirigeants du PDCI-RDA n'étaient pas à Yamoussoukro. Que je sois avec Bédié ou pas dans le Sanwi, il faut que les militants du PDCI-RDA se mobilisent massivement à ces tournées car les élections à venir sont très importantes pour l'avenir de notre nation. J'invite les militants à se mobiliser à chaque étape de cette tournée pour entendre l'important message du président Bédié.

M. le Premier ministre, vous n'avez pas l'impression que tout cela est une perte de temps comme le disent certains. La date des élections n'a pas encore été fixée, elle est reportée sans cesse. Et votre parti tourne, n'y a-t-il pas perte d'énergies, perte d'argent… ?
J'ai entendu cela, mais à vrai dire, je n'ai pas de point de vue. Mais je crois qu'un parti doit être toujours en mouvement. Il faut être sur le terrain pour que les militants sachent que le parti est en mouvement. Là-dessus, je ne fais pas de commentaire, cela fait partie des stratégies. Quand je vais dans des régions, il y a une volonté des militants de voir le président. J'ai senti cela quand je suis allé à San Pedro. J'ai été prié par les militants de dire au président que les militants de San Pedro veulent le voir. Maintenant entre ce que disent les militants et ce qu'on fait, c'est là qu'il faut que les stratégies interviennent. L'opportunité du moment, l'opportunité de la forme etc. Mais quand j'ai entendu ce que les uns et les autres disent, peut-être qu'on devrait donner plus de moyens aux délégués départementaux qui sont en contact permanent avec les militants. Selon des périodes. Tout cela fait partie des choses sur lesquelles on doit réfléchir. Mais en tout état de cause, le président en a le droit. On peut ne pas partager cette façon de faire. Il y a beaucoup de gens qui s'interrogent et je pense que vous avez raison, le parti n'est pas immensément riche. Je pense qu'il faut une gestion assez efficiente des ressources.

Charles Konan Banny, vous êtes un gros calibre. Quel rôle entendez-vous jouer sur la scène politique demain ?
Ce qui est sûr, c'est que je suis en politique. Je ne suis pas en politique pour être, je suis en politique pour faire, pour servir. Franchement, si en quittant la Banque centrale, mon pays était comme je l'ai connu il y a 15 ans, franchement je saurais faire autre chose. Assuré que la Côte d'Ivoire continuait son chemin. Je voulais travailler pour les flux de générations qui viennent. Quand j'ai le temps, je le fais de sorte qu'eux aussi, viennent à la barre. Je ne l'aurais pas fait ouvertement. Mais, ce n'est pas le cas. Même si je le voulais, je ne suis pas à l'aise, je ne me sens pas bien. Je pense que nous devons continuer à nous battre encore pour que le pays reprenne son rang. Je tiens beaucoup au rôle de la Côte d'Ivoire dans la sous-région. Parce que j'ai passé ma vie à cela, à comparer des données. Et je trouve qu'il y a un gâchis énorme qui est en train de se produire ici dans ce pays par la faute de ses propres enfants. Avec ce que j'ai vu, dois-je assister les bras croisés à ce que je vois ? Donc, c'est tout cela que je veux combattre. Je ne suis pas en politique pour être, mais pour faire. Donc, quand il y aura du travail à faire, je serai là. La question est de savoir à quel niveau je suis républicain, je suis démocrate. C'est le peuple de Côte d'Ivoire qui décidera. C'est pour cela que j'ai admiré ce qui vient de se passer dans un pays voisin qui est le Ghana qui est le pays jumeau de la Côte d'Ivoire. Avec quelque chose en plus, l'Anglais. 50, 23%, et il n'y a pas eu de contestation à ces élections. Parce que ce qui a été fait avant a été plus ou moins à la satisfaction de tout le monde. Et le jour des élections, les choses se sont passées de manière incontestable. Pour les gens de ma génération, quelques années avant les indépendances, le président Nkruma a fait un pari avec le président Houphouët. Ce n'est pas au départ qu'on juge, mais à l'arrivée. Mais l'impression que j'ai, c'est que je pense que le Ghana est en train de nous battre aujourd'hui.


La Côte d'Ivoire est en train de se battre pour être éligible au PPTE. Pensez-vous que ce soit la bonne voie pour notre pays ?

Le problème est que nous n'avons plus le choix. Le problème est que c'est par notre propre faute que nous en sommes arrivés là. Nous avons eu des dettes, nous avons investi. Mais, notre économie ne pouvait pas générer suffisamment de ressources pour nous permettre de rembourser la dette. Mais il s'agit bien de la Côte d'Ivoire. Nous n'avons pas été toujours pareil, membre de pays pauvres endettés. Nous étions membre des pays à revenus intermédiaires. Nous étions en phase de décollage. J'ai passé 30 ans dans ce domaine-là et je considère comme une sorte d'insulte qu'on nous mette dans cette catégorie-là. Des pays pauvres très endettés, des pays qui vont bénéficier des ressources concessionnelles. Parce que nous étions membre du club des pays qui pouvaient emprunter soit au guichet de la Manque mondiale, soit pour le marché. La communauté internationale nous jugeait digne et au fur et à mesure, cette capacité s'est effritée. Et donc on n'a plus le choix que d'être membre du PPTE. Donc on ne peut faire autre chose que de tout faire pour que ce mécanisme joue en notre faveur. Parce que autrement ça sera très grave. C'est une question de réduction de la dette. Si vous devez un milliard de dette, la personne vous dit, je suis prête à réduire votre dette pour qu'elle devienne 100 millions, c'est considérable. C'est autant de ressources que vous devez dégager. Je vais vous dire une chose. S'il y a quelqu'un qui a beaucoup travaillé pour la Côte d'Ivoire, c'est Alassane Ouattara. Quand le PPTE a été mis en place, quel était le pays qui devait en bénéficier ? Nos amis ont demandé que ce soit la Côte d'Ivoire parce que c'est un pays exemplaire. Il y a au moins 15 ans. La capacité de générer des ressources s'était améliorée. Donc, nous n'avons d'autre choix.


A Yamoussoukro, il y a quelque temps, vous avez interpellé le gouverneur N'Dri Apollinaire de revenir à sa famille politique. Est-ce que vous avez le sentiment d'avoir été entendu?

Oh, il m'entendra. Je crois qu'Apollinaire est un congénère. Il n'y a pas de problèmes entre nous, il m'entendra. Vous savez, il y a eu beaucoup de malentendus qui se sont développés autour de cette question-là. Apollinaire est un enfant du PDCI. Historiquement comme aujourd'hui. Apollinaire a été nommé par le Président Gbagbo comme gouverneur, ils se sont arrêtés là. C'est un acte de nomination. C'est normal qu'à quelqu'un qui vous nomme, il faut quand même lui renvoyer l'ascenseur. Mais pour moi, ce n'est pas très difficile de lui renvoyer l'ascenseur. Mais c'est nous tous qui avons élu Gbagbo. Donc, il est le Président de tous les Ivoiriens. Etre avec Gbagbo ne me gêne pas, mais il ne faut pas pourtant se renier et oublier sa maison et sa famille. Apollinaire est un enfant authentique de Yamoussoukro. Si on doit compter ceux qui doivent être considérés comme héritiers, au sens profond du terme, ceux que Houphouët nous a laissés, Apollinaire fait partie de ceux-là. D'ailleurs, vous comprenez, Apollinaire, il le dit c'est parce que le Président Gbagbo est dans la droite ligne d'Houphouët, donc il n'a pas de ressort. Mais ce n'est pas pourtant qu'il doit quitter la maison. Voyez ce que je veux dire. Il faut que nous créions les conditions psychologiques autour de lui pour que cela n'arrive pas. En fait, on est à Yamoussoukro, terre de rassemblement. A Yamoussoukro, on s'assemble, on se rassemble, on ne se dispute pas. A Yamoussoukro, on fait tout pour être d'accord sur l'essentiel. L'essentiel c'est quoi ? C'est tout faire pour que le pays qu'a construit Félix Houphouët-Boigny, fils de Yamoussoukro, les valeurs qu'Houphouët a prônées, ces valeurs demeurent parce que ce sont des valeurs fondamentales, des valeurs d'union, de rassemblement, de fraternité etc. par le dialogue. Ça, tous les enfants de Yamoussoukro doivent se sentir dans cette vague. Héritiers d'Houphouët, nous sommes obligés de tout faire pour que ces valeurs triomphent pour le bonheur de la Côte d'Ivoire.

Interview réalisée par PATRICE YAO et AKWABA SAINT CLAIR
Coll : JEAN PRISCA, DE BOUAFFO, AMANI SERGE, MORGAN
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