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Société Publié le jeudi 8 janvier 2009 | Nord-Sud

Centre des grands brûlés d`Abidjan : Le drame de la petite Kakla Ata

Les accidentés du feu sont parfois abandonnés par leurs proches au centre des grands brûlés, à Cocody. Parmi ces victimes, une fillette de 5 ans hospitalisée depuis deux mois.

Dans le couloir qui conduit à la salle des urgences du Centre des grands brûlés (Cgb) situé dans l'enceinte du Chu de Cocody, une dame vêtue d'une blouse blanche pousse une civière sur laquelle se trouvent des matières plastiques. L'équipe médicale vient de terminer une intervention chirurgicale ce mardi. Le patient, un adolescent, a été sévèrement brûlé par un feu de gaz domestique. Les flammes ont quasiment enlevé toute la peau de son abdomen. A l'opposé de la porte des urgences, une fillette, assise sur un banc, le corps encore recouvert de plaies, reçoit des pansements. Ses pleurs et surtout ses cris montrent sa douleur. « Reste tranquille pour que je te soigne », répète le médecin, dans sa combinaison bleue avec un cache-nez. «Ça me fait mal ! Ça me fait mal ! Ça me fait mal !», ne cesse de répéter la gamine. Une dizaine de minutes plus tard, le pansement est terminé. Kakla Ata, c'est le nom de la fillette, semble avoir oublié la souffrance de ses soins. Elle porte un t-shirt blanc sur le bandage de ses blessures et sort de la salle. Le bras gauche bandé, la petite patiente se met à jouer devant l'entrée principale du centre. Elle fait bouger une petite balançoire en plastique. C'est l'un des cadeaux que lui ont offert des âmes généreuses, à l'occasion de la Noël. Les visiteurs et le personnel du Cgb sont devenus ses nouveaux parents depuis qu'elle a été abandonnée par ceux qui l'ont transportée dans l'établissement le 6 novembre.


Elle a frôlé la mort

Deux jours plus tôt, dans la nuit, de l'eau bouillante lui a arraché de la chair sur plusieurs parties de son corps dont le cou, le thorax et surtout le bras gauche. C'était à Abobo-Doumé, dans la commune d'Attécoubé. La scène a été si douloureuse que, malgré son âge, elle s'en souvient comme si c'était hier. «Ma grand-mère m'avait demandé de surveiller une marmite d'eau déposée sur un feu de bois. Epuisée par les travaux domestiques de la journée, je me suis mise à somnoler devant le feu. L'eau a commencé à bouillir sans que je ne le sache. Dandinant sur mon tabouret, j'ai fini par tomber sur la marmite bouillante et le feu », raconte Kakla. A en croire la môme, à la place de sa grand-mère, ce sont des voisins qui sont venus la secourir. Elle est d'abord amenée dans une clinique où elle reçoit les premiers soins. Devant la gravité de son état, les soignants conseillent de la conduire au Cgb de Cocody. «Nous l'avons admise aux urgences. Après les premiers soins, nous avons cherché à connaître ceux qui l'accompagnaient et les raisons de l'accident. Elle a subi une intervention chirurgicale. Le thorax a été profondément brûlé. On a donc fait une greffe à cet endroit. On lui a placé des solutés (perfusion) pour compenser la perte d'eau. Nous lui avons ensuite administré d'autres médicaments pour atténuer la douleur», explique Dr. Vilasco Brigitte, directrice du centre. Dans cette structure qui est un démembrement du Service d'aide médicale d'urgence (Samu), lorsqu'un patient arrive dans un état critique, les soins sont immédiatement organisés et pris en charge. C'est plus tard que la facture est présentée aux parents du malade. Les voisins qui ont transporté la fillette vont régler les factures des deux premiers jours d'hospitalisation, avant de disparaître. «Nous nous sommes retrouvés seuls avec la malade », regrette la directrice. Kakla est devenue alors un cas social. «Nous avons fourni les médicaments au niveau de la pharmacie. Ces médicaments sont offerts par les clubs services comme le «Lion's club» d'Abidjan. Il y a aussi le personnel de l'hôpital qui a soutenu financièrement cette malade. Ce soutien s'étend aux autres malades. Certains ont offert des vêtements, de la nourriture», se réjouit Dr. Vilasco. Deux mois après, la malade se porte mieux. Ses plaies se cicatrisent progressivement. Elle est devenue l'amie de tous. «C'est notre star ici. Au début, le voisinage était difficile à cause de ses cris incessants provoqués par ses douleurs et le dépaysement». Au fil du temps, Kakla a fini par se familiariser avec son entourage et vice-versa. Après ses pansements, elle passe le clair de son temps à s'amuser dans la cour de l'hôpital. C'est une fillette gaie et très généreuse», témoigne l'un de ses voisins de chambre. Le nouvel environnement de la petite lui devient familier. «Je me sens bien ici. J'ai passé de bons moments en compagnie du personnel lors des fêtes de fin d'année, notamment à Noël. On m'a offert des présents et j'étais comblée de joie. Cela m'a fait énormément de bien», affirme-t-elle. Avant son accident, l'infortunée vivait déjà un drame social. Elle perd son père pendant qu'elle est dans le berceau et sa mère est atteinte d'une dépression mentale quelques mois moment plus tard. Très éveillée, la gamine parle éloquemment des conséquences de la disparition de ses parents.


Orpheline depuis le berceau

«A la mort de mon père, nous sommes allées vivre sous le toit de notre grand-mère paternelle en compagnie de notre mère. J'ignore les conditions dans lesquelles ma mère a été atteinte d'une maladie mentale. Finalement, c'est ma mémé qui s'occupait de moi. Je n'ai pas connu la tendresse de l'enfance comme tous les enfants de mon âge. Je devais faire la vaisselle, le nettoyage et aller vendre de l'eau glacée. Imaginez ce que cela représente pour une fillette», se lamente-t-elle. Fait majeur, ni la grand-mère ni un autre parent proche ne vient à sa rescousse. Comme elle, plusieurs malades sont abandonnés dans ce centre. Les victimes appartiennent généralement à des familles démunies. Une chaine de solidarité du personnel est organisée pour les aider. Quant à la petite Kakla, en plus de la prise en charge de ses soins par des organisations de bienfaisance, elle pourra aller à l'école grâce au Bureau international catholique de l'enfance (Bice) qui a décidé de la scolariser. Selon les statistiques données par la directrice du Cgb, sur une population moyenne de 500 malades par an, 7% à 8% des accidentés succombent des suites de leurs brûlures. Ce qui représente 35 à 40 cas de décès par an. Les malades internés, c'est-à-dire ceux qui arrivent avec des cas graves comme celui de Kakla Ata, sont au nombre de 100. Leur taux de décès avoisine 30%, soit 30 cas par an. « Cette situation est déplorable. Nous faisons des efforts mais nous sommes confrontés à l'épineuse question de la fourniture de la pharmacie en médicaments. Nous avons besoin en général d'anticoagulants, de solutés pour remplacer les pertes d'eau des brûlés, et d'antibiotiques. Nous en appelons à l'aide des âmes généreuses», conclut-elle.

OM
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