Etes-vous d'accord avec ceux qui disent que la justice ivoirienne n'existe plus ?
La justice juste n'existe pas. Mais si vous allez au Plateau, vous allez voir le palais de justice. La justice juste en tant que praticienne de droit n'existe pas. La preuve, les avocats ont récemment levé le ton pour se faire entendre. Si dans un pays l'on accorde plus de considération aux avocats c'est dire que la justice n'existe pas.
Il y a de cela 6 mois que les ex-dirigeants de la filière café-cacao sont à la MACA. Alors 6 mois après sans jugement quel est le sort qui leur reservé ?
En ma qualité d'avocat, j'ai demandé deux fois la mise en liberté de mon client qui est parmi eux et deux fois, j'ai été refusé. Je m'apprêtais ce matin encore à faire une autre demande. Je ne sais pas jusqu'à aujourd'hui ce qu'on reproche à mon client au vu du dossier que je suis. Combien a-t-il détourné pour qu'il se retrouve en prison ? Permettez-moi de taire son nom. Mais depuis le 28 juin il est en prison. Quand je lis et relis le dossier je ne sais pas si c'est un centime ou des milliards qu'il a détourné. On a commis des experts et trois mois après aucun rapport n'a été produit. On vient de m'annoncer qu'on a commis des douaniers experts, mais toujours rien. Et on maintient toujours les gens en détention. C'est une atteinte grave aux droits de l'homme. Si nous sommes dans un Etat de droit, on doit se dire qu'on s'est leurré et laisser ces personnes-là sortir. Le jour où il y aura les résultats de leurs investigations, celui qui sera impliqué ira en prison. Parce que ce sont des gens qui ont des représentations et des domiciles qu'on peut retrouver très facilement. Mais rien de tout cela. Il y a des pères de famille, des innocents et des coupables qu'on mélange et qu'on met en prison, ce n'est pas juste. Surtout lorsqu'on sait qu'à l'extérieur, il y a des coupables mais parce qu'ils ont des relations avec Pierre ou Paul sont en liberté. Où on va avec ça ? Je le dis aussi durement parce que j'ai un client parmi eux. Quand je vais voir le monsieur maintenant, il me dit que c'est une affaire politique. Mais quelle politique ? Y'a-t-il de la politique dans la filière ?
Mais après combien de temps sans jugement peut-on être libéré automatiquement ?
Ça dépend. Si on vous met en prison en sachant que les faits qu'on vous reproche peuvent vous coûter peu d'argent on ne vous met pas en détention. Mais au-delà, on vous met en détention et après 4 mois, 6 mois, c'est prorogé. Le problème qui nous concerne, c'est qu'on ne sait même pas ce qu'ils ont détourné pour voir si c'est au delà ou non de la limite pour la détention. Depuis 6 mois on est incapable de savoir ce que chacun a détourné. Aujourd'hui aucune de ces personnes ne devrait se trouver en prison. Mais qui va décider de leur liberté ? Personne, si ce n'est le juge. Donc tout est entre les mains de Dieu.
Ça veut dire que le droit a foutu le camp en Côte d'Ivoire ?
Mon souhait est que nous redevenions un Etat de droit. Il faudrait que nous ayons une justice "juste".
Cette justice dont vous parlez peut repousser les investisseurs étrangers. On aime bien investir quand on sait qu'il y a un environnement juridique de sécurité.
C'est logique. Quel intérêt vous avez à investir dans un pays où il n'y a pas de justice ? Vous voulez investir pour gagner de l'argent et non pour en perdre. Si en cas de difficultés, il est impossible de rendre justice pour qu'on vous retourne votre argent, vous n'avez aucun intérêt à venir investir en Côte d'Ivoire. Heureusement que nous avons un bâtonnier qui nous conduit et qui nous permet de nous exprimer. Les ivoiriens doivent savoir que c'est pour eux que les avocats se battent, c'est pour apporter une pierre à la construction de la justice ivoirienne.
Interview réalisée par Parfait Tadjau et Morgan Ekra
Coll : François Becanty et Founséké Coulibaly
La justice juste n'existe pas. Mais si vous allez au Plateau, vous allez voir le palais de justice. La justice juste en tant que praticienne de droit n'existe pas. La preuve, les avocats ont récemment levé le ton pour se faire entendre. Si dans un pays l'on accorde plus de considération aux avocats c'est dire que la justice n'existe pas.
Il y a de cela 6 mois que les ex-dirigeants de la filière café-cacao sont à la MACA. Alors 6 mois après sans jugement quel est le sort qui leur reservé ?
En ma qualité d'avocat, j'ai demandé deux fois la mise en liberté de mon client qui est parmi eux et deux fois, j'ai été refusé. Je m'apprêtais ce matin encore à faire une autre demande. Je ne sais pas jusqu'à aujourd'hui ce qu'on reproche à mon client au vu du dossier que je suis. Combien a-t-il détourné pour qu'il se retrouve en prison ? Permettez-moi de taire son nom. Mais depuis le 28 juin il est en prison. Quand je lis et relis le dossier je ne sais pas si c'est un centime ou des milliards qu'il a détourné. On a commis des experts et trois mois après aucun rapport n'a été produit. On vient de m'annoncer qu'on a commis des douaniers experts, mais toujours rien. Et on maintient toujours les gens en détention. C'est une atteinte grave aux droits de l'homme. Si nous sommes dans un Etat de droit, on doit se dire qu'on s'est leurré et laisser ces personnes-là sortir. Le jour où il y aura les résultats de leurs investigations, celui qui sera impliqué ira en prison. Parce que ce sont des gens qui ont des représentations et des domiciles qu'on peut retrouver très facilement. Mais rien de tout cela. Il y a des pères de famille, des innocents et des coupables qu'on mélange et qu'on met en prison, ce n'est pas juste. Surtout lorsqu'on sait qu'à l'extérieur, il y a des coupables mais parce qu'ils ont des relations avec Pierre ou Paul sont en liberté. Où on va avec ça ? Je le dis aussi durement parce que j'ai un client parmi eux. Quand je vais voir le monsieur maintenant, il me dit que c'est une affaire politique. Mais quelle politique ? Y'a-t-il de la politique dans la filière ?
Mais après combien de temps sans jugement peut-on être libéré automatiquement ?
Ça dépend. Si on vous met en prison en sachant que les faits qu'on vous reproche peuvent vous coûter peu d'argent on ne vous met pas en détention. Mais au-delà, on vous met en détention et après 4 mois, 6 mois, c'est prorogé. Le problème qui nous concerne, c'est qu'on ne sait même pas ce qu'ils ont détourné pour voir si c'est au delà ou non de la limite pour la détention. Depuis 6 mois on est incapable de savoir ce que chacun a détourné. Aujourd'hui aucune de ces personnes ne devrait se trouver en prison. Mais qui va décider de leur liberté ? Personne, si ce n'est le juge. Donc tout est entre les mains de Dieu.
Ça veut dire que le droit a foutu le camp en Côte d'Ivoire ?
Mon souhait est que nous redevenions un Etat de droit. Il faudrait que nous ayons une justice "juste".
Cette justice dont vous parlez peut repousser les investisseurs étrangers. On aime bien investir quand on sait qu'il y a un environnement juridique de sécurité.
C'est logique. Quel intérêt vous avez à investir dans un pays où il n'y a pas de justice ? Vous voulez investir pour gagner de l'argent et non pour en perdre. Si en cas de difficultés, il est impossible de rendre justice pour qu'on vous retourne votre argent, vous n'avez aucun intérêt à venir investir en Côte d'Ivoire. Heureusement que nous avons un bâtonnier qui nous conduit et qui nous permet de nous exprimer. Les ivoiriens doivent savoir que c'est pour eux que les avocats se battent, c'est pour apporter une pierre à la construction de la justice ivoirienne.
Interview réalisée par Parfait Tadjau et Morgan Ekra
Coll : François Becanty et Founséké Coulibaly