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Économie Publié le jeudi 29 janvier 2009 | Le Nouveau Réveil

Plainte des ex-dirigeants de la filière café-cacao - Me. Aka Narcisse (avocat à la Cour)

“Nous voulons un procès équitable”

Me. Aka Narcisse, (avocat à la Cour), a porté, depuis quelque jours, deux (2) plaintes contre l'Etat. La première auprès de la cour de justice de la CEDEAO où il défend des dirigeants de la filière café-cacao incarcérés il y a de cela un peu plus de sept (7) mois. Et la seconde devant le tribunal de première instance du plateau pour le compte des délégués départementaux dudit secteur. Me. Aka Narcisse, dans cette interview, a donné les raisons de son engagement à défendre les intérêts des ex-dirigeants de cette filière. Il déplore leur détention préventive et se bat aussi pour leur mise en liberté provisoire et pour l'annulation de l'ordonnance créant le comité de gestion.


Vous avez déposé, au nom de certains dirigeants de la filière café-cacao incarcérés, une plainte pour violation des droits humains, et violation de leur droit de la défense. Les Ivoiriens s'interrogent : jusqu'où peut aller cette requête, et pouvez-vous nous raconter la petite histoire de cette procédure unique en Côte d'Ivoire ?

Effectivement, c'est une plainte qui nous a semblé nécessaire, face aux multiples obstacles que nous rencontrons au plan national. Vous avez pu noter que, bien que nos clients présentent toutes les garanties de représentation dans le cadre de ce dossier, le juge d'instruction a décidé de les garder en détention préventive et de les y maintenir. Aujourd'hui, cela fait plus de sept (07) mois que nos clients sont en détention préventive. Nous avons estimé qu'il y avait des atteintes graves à certains principes importants, tels que la détention préventive. Conformément au droit, la détention préventive est une mesure exceptionnelle. Et on ne peut y recourir que dans des cas exceptionnels. Dans le cas qui nous concerne, tous les inculpés ont été placés systématiquement en détention préventive. Ils y sont depuis plus de sept (07) mois. Par rapport à toutes les conventions internationales, la Déclaration universelle des droits de l'homme, les dispositions africaines en matière de droits de l'homme et même la Constitution ivoirienne le proclament. Il nous a semblé que nous ne pouvions pas rester silencieux face à de telles violations. Au plan régional, nous avons une institution importante qui est la Cour de justice de la CEDEAO. C'est vrai, elle n'est pas bien connue et malheureusement l'opinion ne s'intéresse pas beaucoup à ce qui se fait au niveau de ces Institutions, comment faire pour saisir cette Institution afin qu'elle puisse trancher ce dossier. Et nous l'avons fait parce que cette cour vient de trancher un litige opposant l'Etat du Niger à une femme qui se plaignait d'esclavage et dans ce dossier, cette femme a gagné le procès, et l'Etat du Niger a été condamné. Il nous a semblé que dans le cas qui nous concerne, l'Etat de Côte d'Ivoire s'étant rendu compte des violations que nous avons relevées, nous estimons que l'Etat devrait être condamné devant cette cour. Mais bien entendu, le dernier mot revient à cette cour. Nous attendons avec beaucoup d'impatience que ce procès ait lieu pour que nous ayons l'occasion d'argumenter afin de faire prévaloir des droits fondamentaux de décisions qui, nous estimons à ce jour, sont sévèrement bafoués.


Vous avez une institution judiciaire en Côte d'Ivoire. Pourquoi l'avez-vous enjambée, presque, pour aller porter plainte dans une institution communautaire ? Est-ce parce que vous ne faites pas confiance à la justice ivoirienne ?

Nous ne l'avons pas enjambée. La preuve, nous sommes en procédure devant le juge d'instruction. Il faut dire que cette cour communautaire est également notre cour. Ce n'est pas une cour qui est étrangère à la Côte d'Ivoire. C'est la cour de toute la communauté des 16 Etats CEDEAO. Donc, c'est également notre cour. C'est une cour qui fait partie de l'ordonnancement juridique ivoirien. C'est pour cette raison qu'il nous a semblé qu'il fallait absolument saisir cette cour. D'autant que dans les textes qui régissent cette cour, on n'a pas forcément besoin d'épuiser toutes les voies de recours en interne pour pouvoir saisir cette juridiction.


Pourquoi avoir porté spécialement votre choix sur cette cour?

C'est la cour qui est la plus proche de nous et que c'est la cour qui nous offre les meilleures garanties possibles. C'est la preuve de son indépendance et de son impartialité dans un certain nombre de procédures concernant les citoyens face à la toute puissance d'un Etat.


Vous avez placé le mot, vous avez dit, indépendance. Pensez-vous que la justice ivoirienne, dans une telle affaire, ne peut pas faire prévaloir cette indépendance comme vous le souhaitez ?

Nous l'espérons. Mais le moment viendra où nous aurons l'occasion de nous interroger sur l'indépendance de cette justice. Pour l'instant, nous croyons qu'il y a une grande injustice. Nous continuons de nous battre, en espérant que le droit finira par triompher devant les juridictions nationales que communautaires.


Me Aka Narcisse, aujourd'hui, dans une telle dénonciation, auprès de cette cour, est-ce que l'Etat ivoirien, dans sa toute puissance, est contraint de se faire représenter et de se défendre ?

Forcément, puisque l'Etat ivoirien est un bon élève de la CEDEAO. Le président de la République de Côte d'Ivoire vient de participer à un sommet des chefs d'Etat qui s'est tenu à Abuja et qui a procédé à l'exclusion temporaire de la Guinée Conakry. La Côte d'Ivoire est l'un des pays les plus forts de l'espace CEDEAO après le Nigeria. Donc, je vois mal pourquoi, comment, dans quelles conditions, la Côte d'Ivoire refuserait de participer aux procédures conduites par cette cour, alors qu'elle a accepté d'y désigner un représentant. Il y a un juge ivoirien qui vient d'être désigné auprès de cette cour et qui va prendre fonction incessamment. L'Etat de Côte d'Ivoire a l'obligation aussi bien juridique que constitutionnelle parce que le préambule de notre Constitution nous engage à promouvoir les Institutions régionales, et à participer aux procédures conduites par cette Haute juridiction communautaire.


Dans le dossier des ex-dirigeants incarcérés, à quoi êtes-vous confronté exactement ? Les Ivoiriens voudraient comprendre ce silence du tribunal. Dans un premier temps, la procédure est allée très vite. Le juge d'instruction a procédé très rapidement aux arrestations et après, les Ivoiriens ont été laissés sur leur faim. Et on se demande quelle sera la suite.
Vous savez la procédure d'instruction, elle est secrète, étant donné que nous avons l'obligation de respecter le secret de l'instruction. Je ne pourrai malheureusement pas vous donner les détails de ce dossier d'instruction. La seule chose que je puis vous dire, c'est que pour l'instant, étant donné que nos clients bénéficient de la présomption d'innocence, il nous a semblé qu'ils devraient pouvoir être mis en liberté provisoire. Une mise en liberté provisoire, ça ne veut pas dire que les poursuites sont terminées. Aujourd'hui, on a mis en place un comité de gestion, ça veut dire que nos clients n'ont plus accès à la gestion de la filière. Tous leurs biens ont été mis sous administration provisoire puisqu'il y a quelqu'un qui a été désigné pour geler leurs biens. Ils n'ont plus accès libre à leurs comptes. Il y a une ordonnance de non sortie de territoire qui a été prise en ce qui les concerne et il nous semble que toutes ces mesures sont relativement suffisantes d'autant que toutes ces personnalités présentent des garanties de représentation et qu'elles se sont toujours présentées aux convocations aussi bien de la police que de la justice. Donc nous demandons à quels impératifs obéissent ces détentions préventives. Pourquoi on les garde en prévention pendant toutes ces périodes ? L'autre élément que je souhaiterais relever parce que nous avons également noté qu'une atteinte à droit à un procès équitable, c'est que dans cette affaire, certains ministres ont été interrogés. Il se pourrait qu'il y ait des éléments laissant penser à une participation éventuelle aux infractions qui sont relevées. Aujourd'hui, il y a une impossibilité juridique d'instruire les dossiers en ce qui concerne les ministères. Parce que tout simplement la Haute cour de justice qui est l'institution habilitée à juger les ministres, n'a pas encore été mise en œuvre. Nous nous posons la question de savoir, comment, on veut avoir un procès équitable si on ne se donne pas tous les moyens juridiques de conduire une instruction tout à fait sereine. C'est pour ça que nous disons que nous sommes d'accord avec le chef de l'Etat quand il dit que nous devons aller jusqu'au bout de ce dossier. Et nous, nous voulons aller jusqu'au bout dans le respect des droits humains et dans le respect des règles d'un procès équitable. Et donc aujourd'hui, nous nous demandons que très rapidement, la Haute cour de justice soit mise en place afin que si éventuellement il devrait avoir des responsabilités ministérielles, qu'il n'y ait pas de blocage juridique à ce niveau. Vous comprenez un peu le sens de notre inquiétude. Donc voilà un peu ce qui justifie le sens de notre combat.


Le chef de l'Etat a déclaré qu'il allait aller jusqu'au bout dans cette affaire. Est-ce que vos clients sont aussi prêts à aller jusqu'au bout ? Est-ce qu'il ne va pas avoir dans cette procédure une sorte d'arrangement pour essayer d'étouffer quelque chose. Est-ce que la vérité va sortir de ce dossier de la filière café-cacao ?

C'est le procès que nos clients attendent depuis le début. La seule chose que nos clients déplorent pour l'instant, c'est cette détention préventive que nous considérons comme étant une mesure arbitraire, totalement injustifiée. Donc nos clients n'ont pas peur du procès. Ils sont impatients que ce procès arrive afin que la vérité soit sue des Ivoiriens. Nos clients sont prêts à dire la vérité, à dire toute la vérité au peuple ivoirien sur ce dossier mais bien entendu à condition que ce procès ait lieu, dans les meilleures conditions possibles avec une instruction qui respecte tous les droits fondamentaux des uns et des autres. Une instruction qui prenne en compte tous les aspects du dossier, toutes les complicités éventuelles. Il ne faut pas qu'il y ait des obstacles. Même s'il doit avoir des complicités ministérielles, il faut que l'instruction se donne les moyens d'aller jusqu'au bout. Encore faudrait-il que le cadre juridique mis en place, la Haute cour de justice et autres le permettent. Nos clients sont prêts, nos clients n'ont pas peur de procès, ils sont tout à fait sereins mais ils estiment qu'on n'a pas le droit de les condamner avant le procès. Donc aujourd'hui, ça fait bientôt 8 mois de détention injustifiée puisqu'ils n'ont pas encore été jugés. Et si demain, on note qu'ils ne sont pas coupables, ces 08 mois de détention est-ce qu'on pourra réparer tout le préjudice que nos clients auront subi ? Vous avez vu, on a vu dans le cas du procès des déchets toxiques toutes ces personnes qui étaient en détention préventive. M. Tibet Bi Ballo, toutes ces personnalités qu'on avait condamnées avant le procès. Quand on a ouvert le procès, qu'est-ce qui en est ressorti ? On a constaté qu'il n'y avait rien dans le dossier en ce qui concerne toutes ces personnes qui avaient été arbitrairement privées de liberté. Donc c'est pour cela que pour nous, on n’a pas le droit de jouer avec les détentions préventives. On n'a pas le droit de jouer avec la liberté de nos clients.


C'est l'impression que vous avez ?

Oui, c'est l'impression que nous avons. Nous avons l'impression qu'on joue avec les libertés de nos clients. Il n'est pas acceptable que de telles personnalités soient mises en détention préventive alors qu'elles présentent toutes les garanties de représentation. Il n'est pas acceptable du tout. Nos clients sont prêts à aller en prison s'ils sont demain jugés, et qu'ils sont déclarés coupables. Mais nous ne voulons pas de cette détention avant jugement.


Me Aka, est-ce que ce n'est pas l'ampleur des dégâts causés par vos clients dans ce scandale de détournement qui a conduit le juge d'instruction à prendre de telles mesures ?

Vous voyez que vous tombez déjà dans le piège. Nous, on parle de présomption d'innocence. Vous êtes déjà dans les présomptions de culpabilité puisque vous parlez d'ampleur des détournements causés par nos clients alors que rien n'est encore établi pour l'instant, il n'y a que des soupçons de détournements.


Le procureur de la République a parlé de détournements colossaux, d'abus de biens sociaux.
C'est pour cela que nous nous plaignons parce qu'avant même le jugement, nos clients sont déjà considérés comme des détourneurs, comme des bandits, comme des voleurs et tout. Nous n'acceptons pas cela. Parce que la loi dit c'est la présomption d'innocence. Pour l'instant, il y a des suspicions, des soupçons, il faut attendre le jour de jugement. Quand le tribunal aura dit "nous déclarons les prévenus coupables" à partir de cet instant, on pourra parler de la culpabilité. Pour l'instant, nous n'acceptons pas que nos clients soient traités ainsi, qu'on puisse porter atteinte à leur honneur alors que le tribunal ne s'est pas encore prononcé sur ces questions. Aujourd'hui, qui pense à l'honneur de M. Tibé Bi Ballo, qui pense à l'honneur du commandant Bomo.

Me. Aka, on peut vous rétorquer que lorsque le juge d'instruction décide de placer quelqu'un sous mandat de dépôt, c'est parce qu'il estime qu'il y a des soupçons assez sérieux qui pèsent sur lui.
Non pas du tout. Justement, c'est le piège. La détention préventive n'a rien à voir avec la culpabilité. La détention préventive peut-être justifiée par des nécessités d'enquête parce qu'on estime peut-être que les personnes détenues peuvent faire pression sur les témoins, peuvent faire disparaître des preuves et autres. Je vous ai démontré tout à l'heure que dans l'enquête qui nous concerne, tout ce qui peut avoir comme possibilité d'influent ce sur le dossier, tous les obstacles ont été levés.


Est-ce que vous pensez que cette affaire a des relents politiques ?

Pour l'instant, je suis juriste, je suis avocat, je ne rentre pas dans ces considérations. Je défends un dossier conformément au droit. J'estime que les droits élémentaires de mes clients ont été bafoués. Pour moi, il est absolument important qu'on puisse rectifier le tir en ce qui concerne cette affaire.


Me. Aka, parallèlement à la procédure d'Abuja pour le compte des dirigeants incarcérés, vous avez introduit, récemment, une procédure auprès de la chambre administrative de la Cour suprême au nom des producteurs. De quoi s'agit-il exactement ?

Pour l'instant, le dossier n'est pas encore au niveau de la Chambre administrative. La chambre administrative pourra être saisie ultérieurement. Pour l'instant, nous avons introduit un recours préalable qu'on appelle un recours gracieux devant le chef de l'Etat lui demandant de bien vouloir retirer cette ordonnance. Et c'est certainement en cas de réponse négative du chef de l'Etat que nous serons obligé de saisir la chambre administrative de la Cour suprême. En fait, ce sont les impératifs de la procédure. C'est ce qu'on appelle le recours pour excès de pouvoir. Donc, c'est un recours qui tend à demander le retrait d'un acte administratif parce qu'on estime que cet acte fait grief à une partie. Nous, nous estimons, nous en tant que producteurs, que cette ordonnance qui crée le comité de gestion, c'est une ordonnance qui nous fait grief et à partir de cet instant, cette ordonnance doit être retirée de l'ordonnancement juridique de la Côte d'Ivoire. Donc la procédure nous impose de nous soumettre d'abord au recours gracieux préalable et c'est ce que nous avons introduit auprès du chef de l'Etat.


Ça va durer combien de temps?

Nous attendons. Théoriquement le chef de l'Etat a un délai de 2 mois pour nous répondre.


Au nom de quels producteurs vous agissez ?

Nous agissons au nom et pour le compte de la coordination nationale des délégués départementaux. La coordination nationale des délégués départementaux, c'est une structure officielle qui a été mise en place par le gouvernement et avec le soutien du gouvernement. Ce sont des élus du secteur. Les élections ont été entérinées par l'Etat de Côte d'Ivoire à travers un arrêté du ministre de l'Agriculture du 02 janvier 2001. Donc, c'est un arrêté officiel du ministre de l'Agriculture qui a entériné l'élection de ces délégués. Donc ce sont des représentants des producteurs à la base. Donc, ce sont des personnes qui ont une légitimité totale dans ce secteur. Pour tout dire, c'est au nom de cette coordination que nous agissons. Bien entendu, il peut arriver que certains producteurs désapprouvent notre action mais, pour l'instant, je n'ai pas besoin de l'unanimité des producteurs pour mener une telle action.


Sur le plan juridique, un arrêté ministériel devant une ordonnance du chef de l'Etat, qu'est-ce que ça vaut ?

Je ne suis pas en train de comparer l'arrêté à l'ordonnance du chef de l'Etat. J'étais en train de parler de la représentativité des délégués. Ce sont des représentants tout à fait légitimes des producteurs qui nous ont saisi et que cette légitimité a été d'ailleurs constatée par l'Etat à travers un arrêté.


Et votre requête a été accueillie favorablement auprès du tribunal ?

C'est une procédure qui va prendre du temps. Au niveau des producteurs, il y a plusieurs actions que nous avons décidé de mener. Il y a d'abord une première action en reddition des comptes et là, nous souhaitons qu'un point détaillé de la gestion de la filière nous soit fait par l'Etat en ce qui concerne un certain nombre de rubriques qui relevait de la gestion exclusive de l'Etat. Vous avez les rubriques telles que le FDPCC investissement, vous avez les rubriques telles que le fonds pour la relève des prudences, le fonds d'investissement en milieu rural et tous les investissements qui étaient faits sur ces fonds. Tous ces investissements étaient des investissements validés par le ministère de l'Economie et des finances et par le ministère de l'Agriculture. En outre, l'Etat agissait également à travers une société d'Etat qui est l'AMCC. Donc, nous les producteurs aujourd'hui, nous demandons à l'Etat de nous faire le point de la gestion de ces fonds qui constituent l'épargne privée des producteurs. Ce sont des sommes qui n'ont rien à voir. Vous vous souvenez qu'au cours d'une interview accordée en 2006 ou en 2007 à la télévision ivoirienne, le Président Gbagbo déclarait à votre confrère Lanciné Fofana qu'il n'est intéressé que par le DUS et que le reste, c'est l'affaire privée des planteurs. Aujourd'hui, il s'agit de cette épargne privée des planteurs qui a été gérée à un certain moment directement ou indirectement par des structures étatiques, des sociétés d'Etat. D'où aujourd'hui, les planteurs dans une action en reddition des comptes demandent un point détaillé de cette gestion sur cette période, depuis la libéralisation jusqu'au 31 décembre 2008. Donc, il y a cette première action qui est engagée par les producteurs. Ensuite, nous avons l'action qui tente à obtenir le retrait de l'ordonnance créant le comité de gestion et c'est pour cette action que nous avons saisi le chef de l'Etat, d'un recours administratif préalable afin de lui demander de bien vouloir retirer cette ordonnance. Puisque nous désapprouvons en tant que producteurs, cette ordonnance qui retire la gestion de la filière aux producteurs. Et puis la troisième action, c'est celle que nous avons introduite devant la cour de justice de la CEDEAO au nom des producteurs compte tenu du fait que, nous les producteurs, nous estimons qu'il y a une fiscalité excessive sur le cacao et que nous estimons qu'il y a une entorse au principe d'égalité de tous les planteurs devant la loi.

Il y a aussi que dans cette affaire, l'Etat à travers la poursuite des dirigeants veut voir clair dans la gestion. Les producteurs également veulent voir clair dans la gestion que l'Etat a fait de leur ressource directement. Chacun demande des comptes à chacun. Ça promet donc.
Bien entendu et nous attendons que la justice nous départage. Pour nous, il y a des hauts responsables des structures qui sont poursuivis pour un certain nombre de faits qu'on leur reproche. Nous attendons que l'instruction à ce niveau se termine. Le moment du procès viendra et nous espérons que la vérité éclatera. Mais à côté de cela, nous les producteurs, à la limite, on ne veut pas se laisser émouvoir par l'incarcération des dirigeants. C'est un autre point. Nous les producteurs, nous ne voulons mener aucune action qui puisse interférer dans l'action qui est conduite par le juge d'instruction en ce qui concerne ce dossier. Nous attendons en ce qui concerne ce dossier. Mais parallèlement, nous disons aussi à l'Etat : vous avez géré une partie de notre épargne privée, il est temps que vous nous fassiez le point de notre situation parce que c'est notre argent. Nous avons besoin de voir clair et de comprendre ce qui se passe.


Vous êtes certes l'avocat, mais je vais vous demander de prendre du recul et de regarder l'ensemble de ces procédures et de nous donner votre sentiment général sur cette affaire. Est-ce qu'avec toutes ces procédures, vous n'avez pas la pression de l'Etat, la pression de certaines personnes ?

Non. Pour l'instant, je fais mon travail tranquillement. Je crois que le Président de la République lui-même ne manque pas l'occasion de le dire qu'il croit à l'Etat de droit et qu'il croit à une justice indépendante. Donc je ne vois pas pour quelle raison je recevrais des pressions. En tout cas pour l'instant, je n'en ai pas encore reçu et je me réjouis de cette volonté du chef de l'Etat de laisser la justice faire son travail sereinement. C'est pour cela d'ailleurs que nous acceptons d'engager ces procédures parce que si nous avions un quelconque soupçon sur l'indépendance de la justice, il est clair que nous ne prendrions pas le risque d'engager ces procédures. Donc pour l'instant, nous restons totalement serein. Et la position que je peux avoir, cette position ne peut pas être personnelle. Je ne peux avoir que la position de l'avocat qui défend ses clients. Et les clients en ce qui concerne les hauts responsables, en attendant que le procès ait lieu, nous nous disons qu'on n'a pas le droit de continuer à maintenir nos clients en détention. Cette détention nous paraît relever de plus en plus de l'arbitraire. Parce que nos clients présentent toutes les garanties de représentation. L'enquête peut suivre son cours sereinement même s'ils sont en liberté. Vous avez de grands exemples célèbres de personnes qui sont poursuivies et qui demeurent en liberté. En France, on a M. Dominique De Vilpin, Charles Pasqua. Un certain nombre de hautes personnalités qui sont poursuivies mais qui restent en liberté parce que justement la liberté est de droit. La détention doit rester l'exception. On a le cas des Etats-Unis avec le célèbre Bernard Madoff. Ici on parle de milliards de CFA, là-bas on parle de milliards de dollars. Mais cette personne n'est pas en détention justement parce que la liberté, elle est sacrée. On n'a pas le droit de jouer avec cette liberté. Donc, pour les hauts responsables, nous demandons la liberté provisoire. Nous continuons de faire des demandes au juge d'instruction, c'est pour ces raisons que nous sommes encore à Abuja. En ce qui concerne les producteurs, nous attendons un certain nombre de clarifications de l'Etat sur la gestion de l'épargne privée des producteurs et une plus grande justice sur la fiscalité qui est appliquée dans le secteur agricole de manière à ce qu'on ne soit pas plus imposé parce qu'on est producteur de cacao que producteur d'hévéa ou d'ananas. Je voudrais ajouter quelque chose parce qu'il y a beaucoup de monde qui pense qu'on attaque Gbagbo. Il faut que les choses soient claires. Les actions que nous engageons, sont des actions qui sont engagées contre l'Etat. Ce n'est pas la personne de Gbagbo qui est le plus important. Si demain le Président Gbagbo n'est plus au pouvoir, ça ne change rien à notre action. C'est l'action contre l'Etat.

Interview réalisée par Akwaba Saint-Clair et Djè KM
Col : Serge Amani
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