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Politique Publié le samedi 31 janvier 2009 | Notre Voie

Dire bien - Quand ils prennent leurs argumentations pour vérités…

Une abondance de courrier sur la fraude à l'enrôlement ne m'a pas permis de vous parler à temps de deux malaises survenus dans le champ politique. Mais, comme on le dit si bien, il n'est jamais tard ni pour bien faire ni pour dire bien. Le pronom personnel «ils» qui régit le titre de cet article renvoie à tous ceux qui, en jurant, prennent leurs argumentations pour unique vérité, en dehors de laquelle il n'y a que diversion et mensonge. Prenant leurs paroles pour des paroles d'Evangile, donc incontestables, ils ne cherchent guère à établir la vérité selon les cas et à aucun moment ne s'interrogent ni sur le moment opportun (quand la vérité est-elle bonne à dire ?), ni sur la manière (comment dire la vérité). Ces gens verraient leurs prétentions intellectuelles ou politiques à la baisse s'ils avaient (bien) lu le sophiste sicilien Pirandello, père du slogan «A chacun sa vérité», une autre façon de dire que «la vérité cherche avant tout à se multiplier pour paraître unique à chaque mortel» (cf. Denis Slakta, «Les sophistes sont de saison», in Le Monde des livres du 9/10/1988).

Avec les deux malaises survenus que je ne vais pas tarder à nommer, l'on comprend que le champ politique est à la fois un champ de polémique (du grec «polemos» qui signifie «la guerre») et de provocation. Or, quand on polémique ou provoque ce n'est ni pour calmer le jeu ni pour apaiser. Allah yé tchan dêmê (Que Dieu aide la vérité !).


1/- De mal en pis…

Sous ce chapeau qui évoque détérioration et ruine, nous rangeons le premier malaise, celui que le Président du PDCI, Henri Konan Bédié, a eu le mercredi 14 janvier 2009 lors de son meeting à Tiapoum (Sud-Comoé). La triste information et sa frayeur ont été reprises par presque toute la presse écrite du jeudi 15 janvier 2009 (cf. par exemple la Une de Notre Voie n° 3181 : «Bédié tombe en plein meeting»). Devant une telle information à gérer avec pudeur et courage, il s'est trouvé des gens proches de Bédié pour soutenir le contraire avec des preuves dites oculaires à l'appui. Comme si les yeux disaient toujours la vérité. Ce n'est pas parce que quelqu'un a dit qu'il a vu qu'il dit forcément vrai… A méditer. Qu'un être humain (fût-il ex-Président de la République) chute ou tombe, quoi de plus normal et de plus naturel. Et cela peut arriver à n'importe qui, en tout lieu et en tout temps. Ce qui est à craindre dans la vie d'un être humain et n'est nullement souhaitable c'est la chute dont il ne peut se relever. Allah yé an tanga. Que Dieu nous en garde ! Amina.

Comme une trainée de poudre, la nouvelle de la chute de Bédié à Tiapoum gagna tout le pays. A Tengréla (Nord du pays) où j'étais en mission politique (du 17 au 22 janvier 2009), je fus interpellé par des camarades miens sur le sujet. Mieux ils me demandèrent mon linguistique avis sur ces deux phrases malinké qui, à première vue, paraissent synonymes. Ce sont d'une part «Bédié benna» et d'autre part «Bédié bôla ka ben» pour «Bédié est tombé», phrase du reste ambigüe en français.

En fait la langue (malinké), comme toute langue, nous offre là deux possibilités (cf. le cas des voix active et passive en français) pour dire presque la même chose. Ainsi la phrase «Bédié bôla ka ben» a un seul sens (ou monosémie) et elle renvoie à la chute physique. On le dit pour quelqu'un qui (debout) finit sa course au sol ou par terre après avoir trébuché, glissé… ou eu un malaise (terrassant). Par contre la phrase «Bédié benna» est polysémique car elle peut évoquer la chute physique comme elle peut évoquer la ruine, la déchéance, la perte du pouvoir ou de la fortune, la faillite, le naufrage… Quand les deux phrases se mettent côte à côte, elles évoquent un double malheur. Imaginez la chute physique de quelqu'un qui a perdu le pouvoir ou fait faillite… Allah yé an soutara ! Que Dieu nous garde d'une telle humiliation et du mal en pis ! Amina.
Ceux qui lisent dans les cauris et les bâtonnets plantés dans le sable fin ont toujours dit et je l'ai souvent repris dans ces colonnes vôtres que Bédié a déjà été et qu'il ne s'asseyera plus jamais dans le fauteuil présidentiel. Pour eux, ce qui s'est passé à Tiapoum est le signe que pour la cohésion du PDCI, le pire reste à venir. Ainsi à la veille de l'élection présidentielle des voix fortes et dissidentes s'élèveront intra-muros pour demander ici et maintenant un changement de candidat du PDCI, l'actuel (Bédié) ayant démontré publiquement qu'il n'est pas de jeune jeunesse pour cette rude compétition qui exige avant tout «fraîcheur, bonne santé». Pour cette substitution de dernière heure, le nom d'un plus jeune et dispo, à savoir l'ex-Premier ministre CK-Banny, l'adepte du tandem, est avancé avec insistance par les mêmes devins. Dans l'attente du jour de son jour il fait le mort et mieux il assiste à tous les grands meetings de Bédié. Sous ce dernier angle on notera que si un «KB» peut (comme les trains) en cacher un autre, le malheur de l'un ne fait pas forcément le malheur de l'autre. Au contraire et au détriment du PDCI qui forcément ira de mal… en pis et se brisera. A bon entendeur mon linguistique salut !


2/ - L'Accord politique de Ouaga et l'adjectif «complémentaire».

Nous rangeons sous ce titre le deuxième malaise qui nous vient, hélas, d'un grand juriste, président d'un parti politique qui s'éprit de la Conférence nationale comme Narcisse, ce personnage de la mythologie qui s'éprit de lui-même en se regardant dans l'eau d'une fontaine et finit par s'y noyer.

Pour ce juriste-constitutionnaliste, l'Accord Politique de Ouaga a bel et bien échoué, la preuve étant dans l'existence des «accords complémentaires». A ce jour, notons que l'APO est à son quatrième accord complémentaire. L'argumentation du juriste a séduit plus d'un. Mais à la regarder de près, c'est de la fausse monnaie. Comme quoi toute argumentation qui brille n'est pas forcément de l'or linguistique ou vérité. De quoi avoir pitié d'un tel intellectuel qui apprend à ses dépend que les marques juridiques n'ont rien à voir avec les marques politique. Quelle histoire !
Pour nous qui avons des rapports précis avec les mots l'adjectif complémentaire (et non «supplémentaire») nous vient du nom «complément» qui, en latin se dit «complementum» de complere qui signifie «remplir». D'où le sens de «ce qui s'ajoute à une chose pour qu'elle soit complète». Comme toute œuvre humaine qui ne peut être ni complète ni parfaite, l'APO a besoin de compléments qui le renforcent. Pourquoi le juriste utilise ici la langue de bois, lui qui sait qu'une clause ou article complémentaire d'un contrat ne signifie pas que le contrat a été qualifié de mort ou inopérant. Avec les enseignements tirés de l'épreuve du terrain l'APO est tout comme une bouteille à moitié pleine (l'autre moitié restant à remplir) et non comme le dit avec conviction le grand juriste une bouteille à moitié vide (qui était pleine et qui ne l'est plus).

Preuve une fois encore que nos crises majeures et autres absurdes conflits relèvent de nos crises de représentations. Ainsi là où nous voyons l'APO comme une bouteille à moitié pleine, d'autres qui ne l'ont pas signé le voient comme une bouteille à moitié vide. C'est, il me semble, une telle façon de voir qui explique la partition du pays entre «indécrottables optimistes et irréductibles déprimés» pour parler un peu comme Gérard Oberlé (cf. son ouvrage «Itinéraires spiritueux», Ed. Grasset, Paris, 2008). Louons le courage des signataires de cet accord historique et levons nos verres pour que les déprimés gagnent en bonne santé, laquelle devra se traduire en «optimisme et sincérité». Bonne dégustation et bon week-end !


Koné Dramane direbien@live.fr
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