En exclusivité, Eugène Marie-Diomandé, président du Séwé Sports, revient sur les sujets brûlants du sport ivoirien et assène ses vérités. De président d’honneur de la Jeunesse sportive club de Cocody, vous êtes devenu président central du Sewé sports de San-Pedro. Comment s’est opéré ce changement?
Lorsque la Jsc Cocody a connu des fortunes diverses, j’ai décidé de prendre un club à un niveau plus élevé, mais pas un club d’Abidjan. J’ai pensé à l’intérieur du pays parce que j’ai toujours eu une vision du football décentralisé en Côte d’Ivoire. D’ailleurs, dans mon programme d’élection à la présidence de la Fif, je suis le premier à avoir suggéré que le cacao ivoirien associe son image au football. Le président Tapé Doh en est témoin. C’est une bonne chose que cette idée ait pu être profitable au football ivoirien, même si par la suite, il y a eu des problèmes au niveau de son application. Dans mon idée de choisir un club de l’intérieur, j’ai pensé à Bouaké, du fait de sa position centrale. N’eût été la guerre, j’aurais choisi ce terroir qui a fourni beaucoup de joueurs au football ivoirien. J’ai pensé par la suite à Korhogo mais compte tenu de la même situation, j’ai finalement jeté mon dévolu sur San-Pedro. Une ville que j’aimais déjà pour ses potentialités économiques. C’est une ville où la population a une certaine ferveur pour le football. C’est ainsi que j’ai pris contact avec M. Yebarth Justin, une figure emblématique du Sewé. Il s’est montré enthousiaste et m’a mis en contact avec les différentes autorités, notamment le président du Conseil général, Kla Sylvanus et le maire Nabo Clément.
Tout est donc parti de là…
Quand je suis revenu de la France où j’ai séjourné pendant quelques années, j’ai rencontré les autorités et en accord avec les responsables de l’ancienne équipe dirigeante, nous avons pu procéder à une élection à l’issue de laquelle j’ai été porté à la tête du Sewé…
Sur cette lancée, vous vous êtes présenté à l’élection à la présidence de la Fif en 2002…
Beaucoup de choses ont été dites sur ma modeste personne. Entre autres, on disait que j’avais un casier judiciaire sale et que j’allais être arrêté dès mon retour en Côte d’Ivoire. Et que pour toutes ces raisons, je ne pouvais pas être candidat. Ce sont des choses qui n’existaient pas en réalité ; c’est tout cela qui m’a poussé à revenir pour démontrer tout à fait le contraire. Puisque mon casier judiciaire est propre et vierge. Et je n’ai eu finalement aucun problème.
C’était en quelque sorte, une façon de rétablir la vérité et démontrer en réalité que je n’avais pas peur. C’était également pour prendre date avec l’histoire. C’était une candidature de principe, même si elle m’a coûté beaucoup d’argent.
Quel était le montant?
C’était un budget de 60 millions de francs CFA qui a été, en quelque sorte, dilapidé dans cette élection. Mais, j’ai voulu aller jusqu’au bout de mes idées. Par contre, aujourd’hui où j’ai plus de possibilités, je ne suis pas du tout sûr d’être candidat.
Pourquoi?
Il y a plusieurs aspects. Il faut changer l’état d’esprit des présidents de club. Je n’ai pas de crainte à être ou ne pas être candidat. Mais, j’avoue que l’état d’esprit de beaucoup de responsables de club n’est pas bon. Ils considèrent les élections comme un peu leur traite. Souvent ils n’agissent pas par conviction. Quand ces présidents pensent que vous êtes candidat, ils vous imposent une persécution morale, psychologique et financière qui est difficilement supportable. C’est-à-dire que si vous devez aller aux élections, vous devez prendre en charge tout le monde. Entre autres, les présidents de club, la plupart des journalistes et même la plupart des structures de supporters qui vous font comprendre clairement que si vous voulez être candidat, il faut commencer à les entretenir deux ans à l’avance. C’est pourquoi je n’ai aucune pression psychologique et morale pour être président de la Fédération.
Et si vous devriez revenir sur votre raison …
Si vraiment l’ensemble des acteurs sportifs de Côte d’Ivoire estime que je peux être un bon candidat et qu’ils viennent à moi, je ne refuserais pas; mais, honnêtement, ce n’est pas une obsession. Et je ne souhaite pas être candidat à n’importe quel prix. M. le président, vous venez de marquer un grand coup en recrutant pratiquement tous les meilleurs joueurs de la place. Que recherchez-vous au juste?
C’est une question pertinente. Mon souci, ce n’est pas d’être forcément champion de Côte d’Ivoire, même si je revendique, aujourd’hui, le poste de favori de la saison 2009, si je m’en tiens aux différents effectifs actuels. Par rapport aux autres clubs, le Sewé est favori. Nous sommes en train de mettre en place une grande équipe africaine. Notre objectif, c’est d’être parmi les trois premiers pour disputer une coupe d’Afrique. Et nous devons être capables de rivaliser avec les grands, en accédant en demi-finales ou en finale d’une coupe africaine. Ces équipes n’existent pas en Côte d’Ivoire. Ce que je reproche à l’Asec et à l’Africa, c’est d’avoir beaucoup de supporters sans avoir une grande équipe. Président, ouvrons la page des Eléphanteaux qui se sont fourvoyés à la Can Juniors au Rwanda. Comment expliquez-vous cette débâcle?
Je vais être très court sur ce sujet parce que je réserve mes observations pour les autorités ivoiriennes. Je dois discuter avec le ministre Dagobert Banzio qui cherche à comprendre ce qui s’est passé puisqu’en tant qu’Etat, il est celui qui donne les moyens souvent avec la FIF. Banzio a du mal à accepter cette débâcle des Juniors à Kigali. Nous allons faire certaines observations à Alain Gouaméné, l’entraîneur de cette sélection. Nous n’allons pas le lapider dans la presse. Cependant, je voudrais indiquer que mon souhait est qu’il réussisse dans sa reconversion ; lui qui fut un excellent gardien de but. Toutefois, il ne peut réussir s’il se laisse dominer par des pesanteurs autour de lui. Moi, ça ne me dérange pas qu’il y ait plus de dix joueurs dans la sélection, mais il faut qu’ils méritent cette sélection. Il y a certaines personnes qui racontent que l’Asec est le seul club qui a les structures pour former. Ce n’est pas vrai et ce n’est pas comme ça qu’on sélectionne des joueurs. Ce n’est pas non plus parce qu’un club a des structures pour former qu’il doit avoir tous ses joueurs en sélection. Je veux bien que des joueurs comme Gohi Bi Cyriac et NGossan Antoine (qui n’ont pas été convaincants d’ailleurs à Kigali) soient sélectionnés. Mais que vont faire des joueurs issus de la catégorie cadette dans une compétition d’un tel niveau où l’on a affaire au Nigeria, à l’Egypte et à l’Afrique du Sud dont la qualité athlétique est au -dessus de la moyenne ? Ils ont emmené des jeunes comme Topio, Zagbayou Yves, Koné Adama (qui ne sont même pas titulaires à l’Asec) à l’abattoir. Ils n’ont pas la qualité athlétique nécessaire. On ne peut pas aller disputer une coupe d’Afrique avec de bons petits joueurs de maracana. Là où les autres viennent avec de véritables athlètes, c’est difficile de présenter des joueurs encore très tendres. Ce sont des choses qu’on voyait venir depuis longtemps. Ce n’est pas inhérent à la sélection Juniors. Le football aujourd’hui, c’est un sport qui allie la technique, l’engagement physique et la qualité athlétique.
Cela a fait défaut aux Eléphanteaux…
Il y a un déficit athlétique qui est patent. Et la Direction technique nationale doit s’en rendre compte aujourd’hui. C’est pourquoi, au Séwé, nous avons décidé de recruter des joueurs athlétiques tels que Adou, Guéhi Kouko et Dago Blaise (plus de 1,80 m). On voulait aussi enrôler Olié Koffi Kan. Aujourd’hui, on a essayé d’avoir un ensemble homogène. La moitié de l’effectif a plus de 1, 80 m. Il y a d’autres qui ont 1,70 m. On essaie de faire de telle sorte que l’effectif soit équilibré et qu’il y ait des joueurs athlétiques qui puissent encadrer les bons joueurs de ballon.
Ces petites remarques ne doivent donc pas nous échapper. Cela fait dix ans que la Côte d’Ivoire est régulièrement éliminée des compétitions de jeunes. Et l’on voit chaque fois qu’il y a un déficit athlétique ; mais on ne fait rien pour changer. C’est anormal. Par rapport à tout cela, n’avez-vous pas d’appréhensions pour la sélection nationale Seniors locale qui disputera bientôt la 1ère édition du Championnat d’Afrique des nations (Chan)?
Comme tous les Ivoiriens, on devait s’en inquiéter. Mais, il me semble que l’entraîneur Kouadio Georges a une approche un peu plus réaliste que notre jeune frère Alain Gouaméné.
Kouadio a gagné à deux reprises la Coupe de l’Uemoa et d’autres compétitions africaines. Il a déjà mieux ingéré le problème de déficit athlétique des joueurs. Il essaie d’équilibrer son équipe.
Maintenant, on peut ne pas forcément déboucher sur un bon résultat ; toutefois, j’ai confiance que son groupe (ce n’est pas parce que le Séwé y compte six internationaux) regorge de bons joueurs. Par ailleurs, j’ai une préoccupation. Est-il normal qu’un club refuse de donner ses joueurs à la sélection nationale quelles qu’en soient les raisons ? Et que la Fédération ne réagisse pas, que personne ne s’en inquiète en Côte d’Ivoire. Là encore, c’est anormal. Le jour où nous autres déciderons d’adopter la même position, qu’est-ce qui va arriver?
Il existe de grands clubs en Europe (Milan AC, Barcelone, Real Madrid, Liverpool, Manchester, Bayern, etc.); mais aucun d’entre eux n’ose refuser ses joueurs à la sélection quelles qu’en soient les conditions. Je ne me plains pas parce que j’en veux à un dirigeant de club. Moi, j’apprécie par exemple, le travail qui se fait au niveau de l’Asec ( structuration du club, équipements, etc.), mais ce n’est pas suffisant. Si l’Asec n’a pas remporté autant de coupes d’Afrique ou si ses supporters ne vont plus au stade, c’est parce qu’il y a des améliorations à apporter. Il faut que les gens aient le courage de dire la vérité aux dirigeants. C’est anormal qu’un club refuse ses joueurs à la sélection et que ce même club impose d’autres joueurs à la sélection des jeunes. L’Asec s’appuie sur les textes de la FIFA qui stipulent que les clubs doivent mettre leurs joueurs à la disposition de la sélection deux semaines avant…
Je suis à la fois surpris et déçu que l’Asec se retranche derrière cet argumentaire. L’Asec est un grand club qui gagnerait à faire preuve d’humilité et de considération pour les instances fédérales et la direction de l’équipe nationale. Parce que l’Asec a à sa tête deux éminents juristes. .Ils savent la lettre d’une loi et des règlements et l’esprit. Ce texte a été mis en place par la FIFA pour protéger les intérêts des clubs professionnels par rapport à leurs joueurs professionnels qui sont appelés en équipe nationale à des milliers de km ; eu égard aux intérêts en jeu ça n’a vraiment rien à voir. Le besoin qu’a exprimé la direction technique nationale, c’est d’avoir ces joueurs à sa disposition pour pouvoir constituer un groupe homogène en très peu de temps. Cependant, cela nécessite un travail collectif et des automatismes. On ne peut pas dire qu’on se rétracte derrière des textes de loi pour donner des joueurs 14 jours avant une compétition. Parce que la FIFA le stipule. Cela n’a vraiment pas de sens et ce n’est vraiment pas se conformer à l’esprit dans lequel la FIFA a émis ces textes. Elle l’a fait pour réglementer la gestion dans l’espace et dans le temps des joueurs professionnels qui sont à des milliers de km de leurs équipes nationales respectives.
Rien que pour les professionnels…
C’est l’esprit de cette réglementation. Ce n’est pas fait pour les équipes nationales locales dans le cadre d’une coupe d’Afrique locale. Même si c’était le cas, à partir du moment où la fédération et la direction technique nationale ont exprimé le besoin d’avoir ces joueurs dans le temps pour créer une osmose, un club ne peut donc pas refuser en disant qu’il fait sa propre préparation (qui est sans doute supérieure et meilleure que celle de la sélection) et que ses joueurs seront en jambe pour participer à la compétition. Je pense qu’il appartient à la FIf de savoir s’imposer et de ne pas subir le dictat d’un club. Il appartient également à la DTN de se faire respecter et de ne pas accepter des joueurs qu’on met à sa disposition une ou deux semaines avant la compétition. Alors que les autres clubs ont cédé leurs joueurs deux mois avant. C’est un problème d’autorité et d’équité vis-à-vis de tous les clubs. Si l’Asec se retranche derrière les textes, il faut ignorer ses joueurs qui ne sont pas, non plus, meilleurs que les autres.
Voudriez-vous aller plus loin?
Je dis aussi qu’il est anormal qu’en pleine saison un club, en l’occurrence l’Africa, impose à la fédération de suspendre le championnat pour qu’il aille participer à un tournoi en Europe. C’est inadmissible. Les mêmes clubs, quand il y a des matches de coupe d’Afrique juniors, obligent la Fif à suspendre le championnat senior. Il faut que l’année prochaine on n’assiste plus à ces suspensions intempestives des compétitions. On a même subi cela en seconde division. Quand l’Asec disputait la Ligue des champions, on suspendait, sans aucune raison, le championnat de D2. Quelle est cette logique ? Tout cela participe à l’enlisement du football local. Qui regorge pourtant de la bonne graine contrairement à ce que certains racontent. Parlons des professionnels ivoiriens. N’avez-vous pas d’appréhensions pour l’avenir de Didier Drogba qui traverse une situation difficile en ce moment ?
Ce sont des choses qui arrivent. Didier Drogba est un joueur qui tire la quintessence de ses qualités de sa puissance physique et athlétique. Il sait jouer au football mais il n’a pas les mêmes caractéristiques que Samuel Eto’o par exemple. C’est-à-dire l’agilité, la technique, la vitesse etc. Quand Drogba est à 100% de ses moyens physiques, il réussit à faire la différence. Et il devient plus spectaculaire qu’Eto’o. Mais quand il est victime d’une blessure, il a du mal à récupérer. Du fait de sa morphologie et de son style de jeu, c’est plus difficile qu’il revienne à la surface ; d’autant qu’il a moins de facilité pour faire la différence sur le plan technique.
Pensez-vous que ce soit un problème d’âge… ?
C’est vrai que Drogba est âgé de 30 ans. Mais, ce n’est pas un âge canonique. Je pense que le problème se situe au niveau mental. Drogba lui-même a dit qu’il n’a plus sa tête au football. Je ne sais pas ce que cela signifie au juste. Mais si un joueur n’a plus d’enthousiasme, de feu sacré, c’est difficile. Est-ce parce qu’il est trop riche ? Je n’en sais rien. N’est-il plus assez motivé par l’environnement de son club ? Peut-être qu’il s’agit de cela aussi. Il aurait fallu qu’il change d’environnement. Mais à ce niveau, il faut faire très attention. Parce que quand j’ai vu qu’à un moment donné Drogba avait tenté d’aller à Barcelone, j’ai dit, il ne fallait pas que son manager (que je connais bien) commît cette erreur. Il ne faudrait pas que Drogba se trompe de club.
Pourquoi ?
Drogba est un grand joueur du football moderne. Il a ses qualités qui lui sont propres.
Je prends un cas parallèle avec un joueur local. Il s’agit d’Olié Koffi Kan (NDLR : il vient de signer au Zamalek d’Egypte). Quand il partait aux Emirats, mon entraîneur Didier Otokoré (qui a été joueur aussi aux Emirats) avait prédit l’échec de Koffi Kan, parce que, pour lui, le joueur n’a pas les qualités pour jouer attaquant là-bas. Il appartenait à son Conseil de savoir que ce n’était pas un pays fait pour lui. Par contre, si vous amenez Koffi Kan en D2 allemande ou portugaise, avec ses qualités physiques et athlétiques, il peut bien s’exprimer.
Où verriez-vous bien alors Drogba ?
Je verrais bien Drogba au Bayern de Munich par exemple. C’est un club qui est puissant financièrement, possède de bons joueurs et qui a un grand public. Le Bayern a un besoin de joueur de la trempe de Drogba. Il y a certes Lucatoni mais, pour moi, Drogba est supérieur à cet attaquant. On nous parle du Milan Ac, du Réal Madrid etc. A mon sens, ce ne sont pas ces clubs qu’il faut à Drogba. Il y a aussi la sélection nationale qui dispute en mars, le dernier tour des éliminatoires combinées Can/ Mondial 2010. Drogba qui personnifie l’attaque de cette équipe traverse un passage à vide. N’est-ce pas inquiétant ?
C’est inquiétant, mais il appartient, à l’encadrement et à la Fédération de savoir faire la part des choses. Au Sewé par exemple, avec les joueurs que nous venons de recruter, si l’entraîneur Otokoré réussit à faire prendre la mayonnaise rapidement, que nous dominions le championnat ivoirien et que nos internationaux brillent au Chan, pensez-vous qu’on pourra garder ces joueurs pendant un an ? Au Sewé, nous avons mis en place une cellule qui va suivre des joueurs que nous allons recruter la saison prochaine pour remplacer les éventuels départs. Il appartient, aujourd’hui, à la Fédération nationale de savoir qu’il y a des signaux inquiétants qui s’allument. Il n’y a pas que Drogba qui ait des pépins moraux et physiques. Il y a également Aruna Dindané qui a du mal à se retrouver depuis la Can 2008 et qui, malheureusement, est blessé (nous lui souhaitons au passage un prompt rétablissement). Il y a Koné Baky qui, après un très bon début de saison, piétine à cause de ses problèmes physiques. Sans oublier Koné Arouna (FC Séville) qui relève d’une grave blessure. Il lui faut du temps pour revenir dans le jeu ; et Kader Kéita qui a du mal à s’adapter à Lyon. Il y a donc toute une génération de joueurs qui sont nos stars, nos étoiles et qui ont du mal, soit physiquement, soit tactiquement, à s’exprimer. Si vous étiez le sélectionneur national, quelles solutions préconiseriez-vous ?
Dès maintenant il faut penser à un plan B avec les joueurs les plus en forme du moment tels que Gervinho (Lemans) et Koffi Romaric (FC Séville). D’autres Ivoiriens, en Europe, qui brillent. Il faut aussi faire confiance à certains joueurs locaux. Ils sont bons. La Côte d’Ivoire regorge de beaucoup de bons joueurs. Je ne suis pas inquiet à ce niveau. Pensez-vous qu’avec ce plan B la Côte d’Ivoire peut se qualifier pour les phases finales de la Can et du Mondial 2010 ?
Tout à fait. Je répète qu’en Côte d’Ivoire, le problème de l’équipe nationale est d’ordre environnemental. Il peut être résolu rapidement si l’on dépouille la sélection nationale de ces « pesanteurs ». Ces pesanteurs favorisent la complaisance dans certains choix et bien d’autres. Une fois que tout cela aura été balayé, je pense qu’il n’y aura pas de problème. C’est la complaisance qui a fait fuir d’autres talents ivoiriens. Un garçon comme Stéphane Sessègnon qu’on surnomme le Maradona du Bénin, en est la parfaite illustration.
Vous en avez gros sur le cœur ?
Il y a de quoi. Je voudrais, par ailleurs, indiquer que le football n’est pas seulement les structures et les infrastructures. Il y a aussi l’organisation interne. C’est le cas au Sewé. On vient d’imposer aux joueurs d’avoir tous un compte bancaire. Ils vont tous avoir une assurance maladie qui est coupée à la source de leurs salaires. Qui sont relativement conséquents. Au Sewé, les primes de match sont payées dans les 72 h. Elles permettent aux joueurs d’économiser leurs salaires et de pouvoir gérer le quotidien. Dans leur tête, ils sont tranquilles. Pourquoi ne faites-vous pas de la politique ?
D’une manière générale, la politique ne m’emballe pas. C’est le domaine où il existe l’égoïsme, l’esprit de domination et de spoliation des autres. C’est-à-dire que les bons principes sont dans les pieux. Or moi, j’essaie de vivre avec de bons principes. J’essaie de les appliquer. C’est pourquoi je ne veux pas faire de la politique. Et encore moins en Afrique où, pour moi, pour le moment, l’environnement n’est pas propice pour une politique démocratique, objective. Parce que simplement, il y a trop de contraintes liées à l’environnement. La politique, telle qu’elle est pratiquée en Afrique, ne me convient pas. En Europe ou ailleurs, elle ne m’intéresse pas non plus.
Peut-être si un jour je venais à faire de la politique, c’est que j’aurais eu la sensation de pouvoir aider mon pays ou bien servir d’autres personnes, mais pas en faveur d’un parti. C’est pourquoi, il n’est pas impossible que je puisse servir mon pays à la requête ou à la réquisition de l’autorité d’Etat. Je peux le faire mais dans un but purement social. Avez-vous des amis qui font de la politique...
J’en ai plein…
Le Président Gbagbo fait-il partie de ceux-là ?
J’apprécie beaucoup le Chef de l’Etat Laurent Gbagbo au plan strictement humain. Il est clair que je ne suis pas un membre ni de loin ou de près du Front populaire ivoirien (Fpi). Le Président Gbagbo a en lui, de la générosité. Il y a d’autres aspects que j’apprécie moins en lui (je préfère ne pas en parler). Pour répondre concrètement à votre question, je ne peux pas dire que je suis son ami parce que je ne le vois pas assez souvent. J’ai eu l’insigne honneur de pouvoir le rencontrer mais très peu souvent et de manière très brève. On ne se connaît pas suffisamment.
Et les présidents du Pdci et du Rdr, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara...
Celui que je connais le moins, c’est le président Bédié. Je n’ai jamais eu l’occasion de le rencontrer. Mais j’ai eu à échanger avec son épouse Henriette Bédié. Par contre, j’ai rencontré M. et Mme Ouattara. Ce sont des personnes que j’apprécie également. Il y a une certaine amitié entre nous. Je les connais bien.
Et Mme Simone Ehivet Gbagbo ?
Nous sommes parents, je la connais mieux. C’est une Dame de cœur et de conviction. Je ne dis pas cela par clientélisme. C’est parce que je me dis que ce sont des personnalités remarquables. Ce n’est pas de l’équilibrisme que je fais. Je me dis que tout ce qu’on reproche ou prête à ces personnalités là, serait négatif (je n’ai pas vérifié). Ces reproches sont peut-être dictés par leur (personnalités) engagement politique.
Interview réalisée par Jean-Baptiste Béhi
Lorsque la Jsc Cocody a connu des fortunes diverses, j’ai décidé de prendre un club à un niveau plus élevé, mais pas un club d’Abidjan. J’ai pensé à l’intérieur du pays parce que j’ai toujours eu une vision du football décentralisé en Côte d’Ivoire. D’ailleurs, dans mon programme d’élection à la présidence de la Fif, je suis le premier à avoir suggéré que le cacao ivoirien associe son image au football. Le président Tapé Doh en est témoin. C’est une bonne chose que cette idée ait pu être profitable au football ivoirien, même si par la suite, il y a eu des problèmes au niveau de son application. Dans mon idée de choisir un club de l’intérieur, j’ai pensé à Bouaké, du fait de sa position centrale. N’eût été la guerre, j’aurais choisi ce terroir qui a fourni beaucoup de joueurs au football ivoirien. J’ai pensé par la suite à Korhogo mais compte tenu de la même situation, j’ai finalement jeté mon dévolu sur San-Pedro. Une ville que j’aimais déjà pour ses potentialités économiques. C’est une ville où la population a une certaine ferveur pour le football. C’est ainsi que j’ai pris contact avec M. Yebarth Justin, une figure emblématique du Sewé. Il s’est montré enthousiaste et m’a mis en contact avec les différentes autorités, notamment le président du Conseil général, Kla Sylvanus et le maire Nabo Clément.
Tout est donc parti de là…
Quand je suis revenu de la France où j’ai séjourné pendant quelques années, j’ai rencontré les autorités et en accord avec les responsables de l’ancienne équipe dirigeante, nous avons pu procéder à une élection à l’issue de laquelle j’ai été porté à la tête du Sewé…
Sur cette lancée, vous vous êtes présenté à l’élection à la présidence de la Fif en 2002…
Beaucoup de choses ont été dites sur ma modeste personne. Entre autres, on disait que j’avais un casier judiciaire sale et que j’allais être arrêté dès mon retour en Côte d’Ivoire. Et que pour toutes ces raisons, je ne pouvais pas être candidat. Ce sont des choses qui n’existaient pas en réalité ; c’est tout cela qui m’a poussé à revenir pour démontrer tout à fait le contraire. Puisque mon casier judiciaire est propre et vierge. Et je n’ai eu finalement aucun problème.
C’était en quelque sorte, une façon de rétablir la vérité et démontrer en réalité que je n’avais pas peur. C’était également pour prendre date avec l’histoire. C’était une candidature de principe, même si elle m’a coûté beaucoup d’argent.
Quel était le montant?
C’était un budget de 60 millions de francs CFA qui a été, en quelque sorte, dilapidé dans cette élection. Mais, j’ai voulu aller jusqu’au bout de mes idées. Par contre, aujourd’hui où j’ai plus de possibilités, je ne suis pas du tout sûr d’être candidat.
Pourquoi?
Il y a plusieurs aspects. Il faut changer l’état d’esprit des présidents de club. Je n’ai pas de crainte à être ou ne pas être candidat. Mais, j’avoue que l’état d’esprit de beaucoup de responsables de club n’est pas bon. Ils considèrent les élections comme un peu leur traite. Souvent ils n’agissent pas par conviction. Quand ces présidents pensent que vous êtes candidat, ils vous imposent une persécution morale, psychologique et financière qui est difficilement supportable. C’est-à-dire que si vous devez aller aux élections, vous devez prendre en charge tout le monde. Entre autres, les présidents de club, la plupart des journalistes et même la plupart des structures de supporters qui vous font comprendre clairement que si vous voulez être candidat, il faut commencer à les entretenir deux ans à l’avance. C’est pourquoi je n’ai aucune pression psychologique et morale pour être président de la Fédération.
Et si vous devriez revenir sur votre raison …
Si vraiment l’ensemble des acteurs sportifs de Côte d’Ivoire estime que je peux être un bon candidat et qu’ils viennent à moi, je ne refuserais pas; mais, honnêtement, ce n’est pas une obsession. Et je ne souhaite pas être candidat à n’importe quel prix. M. le président, vous venez de marquer un grand coup en recrutant pratiquement tous les meilleurs joueurs de la place. Que recherchez-vous au juste?
C’est une question pertinente. Mon souci, ce n’est pas d’être forcément champion de Côte d’Ivoire, même si je revendique, aujourd’hui, le poste de favori de la saison 2009, si je m’en tiens aux différents effectifs actuels. Par rapport aux autres clubs, le Sewé est favori. Nous sommes en train de mettre en place une grande équipe africaine. Notre objectif, c’est d’être parmi les trois premiers pour disputer une coupe d’Afrique. Et nous devons être capables de rivaliser avec les grands, en accédant en demi-finales ou en finale d’une coupe africaine. Ces équipes n’existent pas en Côte d’Ivoire. Ce que je reproche à l’Asec et à l’Africa, c’est d’avoir beaucoup de supporters sans avoir une grande équipe. Président, ouvrons la page des Eléphanteaux qui se sont fourvoyés à la Can Juniors au Rwanda. Comment expliquez-vous cette débâcle?
Je vais être très court sur ce sujet parce que je réserve mes observations pour les autorités ivoiriennes. Je dois discuter avec le ministre Dagobert Banzio qui cherche à comprendre ce qui s’est passé puisqu’en tant qu’Etat, il est celui qui donne les moyens souvent avec la FIF. Banzio a du mal à accepter cette débâcle des Juniors à Kigali. Nous allons faire certaines observations à Alain Gouaméné, l’entraîneur de cette sélection. Nous n’allons pas le lapider dans la presse. Cependant, je voudrais indiquer que mon souhait est qu’il réussisse dans sa reconversion ; lui qui fut un excellent gardien de but. Toutefois, il ne peut réussir s’il se laisse dominer par des pesanteurs autour de lui. Moi, ça ne me dérange pas qu’il y ait plus de dix joueurs dans la sélection, mais il faut qu’ils méritent cette sélection. Il y a certaines personnes qui racontent que l’Asec est le seul club qui a les structures pour former. Ce n’est pas vrai et ce n’est pas comme ça qu’on sélectionne des joueurs. Ce n’est pas non plus parce qu’un club a des structures pour former qu’il doit avoir tous ses joueurs en sélection. Je veux bien que des joueurs comme Gohi Bi Cyriac et NGossan Antoine (qui n’ont pas été convaincants d’ailleurs à Kigali) soient sélectionnés. Mais que vont faire des joueurs issus de la catégorie cadette dans une compétition d’un tel niveau où l’on a affaire au Nigeria, à l’Egypte et à l’Afrique du Sud dont la qualité athlétique est au -dessus de la moyenne ? Ils ont emmené des jeunes comme Topio, Zagbayou Yves, Koné Adama (qui ne sont même pas titulaires à l’Asec) à l’abattoir. Ils n’ont pas la qualité athlétique nécessaire. On ne peut pas aller disputer une coupe d’Afrique avec de bons petits joueurs de maracana. Là où les autres viennent avec de véritables athlètes, c’est difficile de présenter des joueurs encore très tendres. Ce sont des choses qu’on voyait venir depuis longtemps. Ce n’est pas inhérent à la sélection Juniors. Le football aujourd’hui, c’est un sport qui allie la technique, l’engagement physique et la qualité athlétique.
Cela a fait défaut aux Eléphanteaux…
Il y a un déficit athlétique qui est patent. Et la Direction technique nationale doit s’en rendre compte aujourd’hui. C’est pourquoi, au Séwé, nous avons décidé de recruter des joueurs athlétiques tels que Adou, Guéhi Kouko et Dago Blaise (plus de 1,80 m). On voulait aussi enrôler Olié Koffi Kan. Aujourd’hui, on a essayé d’avoir un ensemble homogène. La moitié de l’effectif a plus de 1, 80 m. Il y a d’autres qui ont 1,70 m. On essaie de faire de telle sorte que l’effectif soit équilibré et qu’il y ait des joueurs athlétiques qui puissent encadrer les bons joueurs de ballon.
Ces petites remarques ne doivent donc pas nous échapper. Cela fait dix ans que la Côte d’Ivoire est régulièrement éliminée des compétitions de jeunes. Et l’on voit chaque fois qu’il y a un déficit athlétique ; mais on ne fait rien pour changer. C’est anormal. Par rapport à tout cela, n’avez-vous pas d’appréhensions pour la sélection nationale Seniors locale qui disputera bientôt la 1ère édition du Championnat d’Afrique des nations (Chan)?
Comme tous les Ivoiriens, on devait s’en inquiéter. Mais, il me semble que l’entraîneur Kouadio Georges a une approche un peu plus réaliste que notre jeune frère Alain Gouaméné.
Kouadio a gagné à deux reprises la Coupe de l’Uemoa et d’autres compétitions africaines. Il a déjà mieux ingéré le problème de déficit athlétique des joueurs. Il essaie d’équilibrer son équipe.
Maintenant, on peut ne pas forcément déboucher sur un bon résultat ; toutefois, j’ai confiance que son groupe (ce n’est pas parce que le Séwé y compte six internationaux) regorge de bons joueurs. Par ailleurs, j’ai une préoccupation. Est-il normal qu’un club refuse de donner ses joueurs à la sélection nationale quelles qu’en soient les raisons ? Et que la Fédération ne réagisse pas, que personne ne s’en inquiète en Côte d’Ivoire. Là encore, c’est anormal. Le jour où nous autres déciderons d’adopter la même position, qu’est-ce qui va arriver?
Il existe de grands clubs en Europe (Milan AC, Barcelone, Real Madrid, Liverpool, Manchester, Bayern, etc.); mais aucun d’entre eux n’ose refuser ses joueurs à la sélection quelles qu’en soient les conditions. Je ne me plains pas parce que j’en veux à un dirigeant de club. Moi, j’apprécie par exemple, le travail qui se fait au niveau de l’Asec ( structuration du club, équipements, etc.), mais ce n’est pas suffisant. Si l’Asec n’a pas remporté autant de coupes d’Afrique ou si ses supporters ne vont plus au stade, c’est parce qu’il y a des améliorations à apporter. Il faut que les gens aient le courage de dire la vérité aux dirigeants. C’est anormal qu’un club refuse ses joueurs à la sélection et que ce même club impose d’autres joueurs à la sélection des jeunes. L’Asec s’appuie sur les textes de la FIFA qui stipulent que les clubs doivent mettre leurs joueurs à la disposition de la sélection deux semaines avant…
Je suis à la fois surpris et déçu que l’Asec se retranche derrière cet argumentaire. L’Asec est un grand club qui gagnerait à faire preuve d’humilité et de considération pour les instances fédérales et la direction de l’équipe nationale. Parce que l’Asec a à sa tête deux éminents juristes. .Ils savent la lettre d’une loi et des règlements et l’esprit. Ce texte a été mis en place par la FIFA pour protéger les intérêts des clubs professionnels par rapport à leurs joueurs professionnels qui sont appelés en équipe nationale à des milliers de km ; eu égard aux intérêts en jeu ça n’a vraiment rien à voir. Le besoin qu’a exprimé la direction technique nationale, c’est d’avoir ces joueurs à sa disposition pour pouvoir constituer un groupe homogène en très peu de temps. Cependant, cela nécessite un travail collectif et des automatismes. On ne peut pas dire qu’on se rétracte derrière des textes de loi pour donner des joueurs 14 jours avant une compétition. Parce que la FIFA le stipule. Cela n’a vraiment pas de sens et ce n’est vraiment pas se conformer à l’esprit dans lequel la FIFA a émis ces textes. Elle l’a fait pour réglementer la gestion dans l’espace et dans le temps des joueurs professionnels qui sont à des milliers de km de leurs équipes nationales respectives.
Rien que pour les professionnels…
C’est l’esprit de cette réglementation. Ce n’est pas fait pour les équipes nationales locales dans le cadre d’une coupe d’Afrique locale. Même si c’était le cas, à partir du moment où la fédération et la direction technique nationale ont exprimé le besoin d’avoir ces joueurs dans le temps pour créer une osmose, un club ne peut donc pas refuser en disant qu’il fait sa propre préparation (qui est sans doute supérieure et meilleure que celle de la sélection) et que ses joueurs seront en jambe pour participer à la compétition. Je pense qu’il appartient à la FIf de savoir s’imposer et de ne pas subir le dictat d’un club. Il appartient également à la DTN de se faire respecter et de ne pas accepter des joueurs qu’on met à sa disposition une ou deux semaines avant la compétition. Alors que les autres clubs ont cédé leurs joueurs deux mois avant. C’est un problème d’autorité et d’équité vis-à-vis de tous les clubs. Si l’Asec se retranche derrière les textes, il faut ignorer ses joueurs qui ne sont pas, non plus, meilleurs que les autres.
Voudriez-vous aller plus loin?
Je dis aussi qu’il est anormal qu’en pleine saison un club, en l’occurrence l’Africa, impose à la fédération de suspendre le championnat pour qu’il aille participer à un tournoi en Europe. C’est inadmissible. Les mêmes clubs, quand il y a des matches de coupe d’Afrique juniors, obligent la Fif à suspendre le championnat senior. Il faut que l’année prochaine on n’assiste plus à ces suspensions intempestives des compétitions. On a même subi cela en seconde division. Quand l’Asec disputait la Ligue des champions, on suspendait, sans aucune raison, le championnat de D2. Quelle est cette logique ? Tout cela participe à l’enlisement du football local. Qui regorge pourtant de la bonne graine contrairement à ce que certains racontent. Parlons des professionnels ivoiriens. N’avez-vous pas d’appréhensions pour l’avenir de Didier Drogba qui traverse une situation difficile en ce moment ?
Ce sont des choses qui arrivent. Didier Drogba est un joueur qui tire la quintessence de ses qualités de sa puissance physique et athlétique. Il sait jouer au football mais il n’a pas les mêmes caractéristiques que Samuel Eto’o par exemple. C’est-à-dire l’agilité, la technique, la vitesse etc. Quand Drogba est à 100% de ses moyens physiques, il réussit à faire la différence. Et il devient plus spectaculaire qu’Eto’o. Mais quand il est victime d’une blessure, il a du mal à récupérer. Du fait de sa morphologie et de son style de jeu, c’est plus difficile qu’il revienne à la surface ; d’autant qu’il a moins de facilité pour faire la différence sur le plan technique.
Pensez-vous que ce soit un problème d’âge… ?
C’est vrai que Drogba est âgé de 30 ans. Mais, ce n’est pas un âge canonique. Je pense que le problème se situe au niveau mental. Drogba lui-même a dit qu’il n’a plus sa tête au football. Je ne sais pas ce que cela signifie au juste. Mais si un joueur n’a plus d’enthousiasme, de feu sacré, c’est difficile. Est-ce parce qu’il est trop riche ? Je n’en sais rien. N’est-il plus assez motivé par l’environnement de son club ? Peut-être qu’il s’agit de cela aussi. Il aurait fallu qu’il change d’environnement. Mais à ce niveau, il faut faire très attention. Parce que quand j’ai vu qu’à un moment donné Drogba avait tenté d’aller à Barcelone, j’ai dit, il ne fallait pas que son manager (que je connais bien) commît cette erreur. Il ne faudrait pas que Drogba se trompe de club.
Pourquoi ?
Drogba est un grand joueur du football moderne. Il a ses qualités qui lui sont propres.
Je prends un cas parallèle avec un joueur local. Il s’agit d’Olié Koffi Kan (NDLR : il vient de signer au Zamalek d’Egypte). Quand il partait aux Emirats, mon entraîneur Didier Otokoré (qui a été joueur aussi aux Emirats) avait prédit l’échec de Koffi Kan, parce que, pour lui, le joueur n’a pas les qualités pour jouer attaquant là-bas. Il appartenait à son Conseil de savoir que ce n’était pas un pays fait pour lui. Par contre, si vous amenez Koffi Kan en D2 allemande ou portugaise, avec ses qualités physiques et athlétiques, il peut bien s’exprimer.
Où verriez-vous bien alors Drogba ?
Je verrais bien Drogba au Bayern de Munich par exemple. C’est un club qui est puissant financièrement, possède de bons joueurs et qui a un grand public. Le Bayern a un besoin de joueur de la trempe de Drogba. Il y a certes Lucatoni mais, pour moi, Drogba est supérieur à cet attaquant. On nous parle du Milan Ac, du Réal Madrid etc. A mon sens, ce ne sont pas ces clubs qu’il faut à Drogba. Il y a aussi la sélection nationale qui dispute en mars, le dernier tour des éliminatoires combinées Can/ Mondial 2010. Drogba qui personnifie l’attaque de cette équipe traverse un passage à vide. N’est-ce pas inquiétant ?
C’est inquiétant, mais il appartient, à l’encadrement et à la Fédération de savoir faire la part des choses. Au Sewé par exemple, avec les joueurs que nous venons de recruter, si l’entraîneur Otokoré réussit à faire prendre la mayonnaise rapidement, que nous dominions le championnat ivoirien et que nos internationaux brillent au Chan, pensez-vous qu’on pourra garder ces joueurs pendant un an ? Au Sewé, nous avons mis en place une cellule qui va suivre des joueurs que nous allons recruter la saison prochaine pour remplacer les éventuels départs. Il appartient, aujourd’hui, à la Fédération nationale de savoir qu’il y a des signaux inquiétants qui s’allument. Il n’y a pas que Drogba qui ait des pépins moraux et physiques. Il y a également Aruna Dindané qui a du mal à se retrouver depuis la Can 2008 et qui, malheureusement, est blessé (nous lui souhaitons au passage un prompt rétablissement). Il y a Koné Baky qui, après un très bon début de saison, piétine à cause de ses problèmes physiques. Sans oublier Koné Arouna (FC Séville) qui relève d’une grave blessure. Il lui faut du temps pour revenir dans le jeu ; et Kader Kéita qui a du mal à s’adapter à Lyon. Il y a donc toute une génération de joueurs qui sont nos stars, nos étoiles et qui ont du mal, soit physiquement, soit tactiquement, à s’exprimer. Si vous étiez le sélectionneur national, quelles solutions préconiseriez-vous ?
Dès maintenant il faut penser à un plan B avec les joueurs les plus en forme du moment tels que Gervinho (Lemans) et Koffi Romaric (FC Séville). D’autres Ivoiriens, en Europe, qui brillent. Il faut aussi faire confiance à certains joueurs locaux. Ils sont bons. La Côte d’Ivoire regorge de beaucoup de bons joueurs. Je ne suis pas inquiet à ce niveau. Pensez-vous qu’avec ce plan B la Côte d’Ivoire peut se qualifier pour les phases finales de la Can et du Mondial 2010 ?
Tout à fait. Je répète qu’en Côte d’Ivoire, le problème de l’équipe nationale est d’ordre environnemental. Il peut être résolu rapidement si l’on dépouille la sélection nationale de ces « pesanteurs ». Ces pesanteurs favorisent la complaisance dans certains choix et bien d’autres. Une fois que tout cela aura été balayé, je pense qu’il n’y aura pas de problème. C’est la complaisance qui a fait fuir d’autres talents ivoiriens. Un garçon comme Stéphane Sessègnon qu’on surnomme le Maradona du Bénin, en est la parfaite illustration.
Vous en avez gros sur le cœur ?
Il y a de quoi. Je voudrais, par ailleurs, indiquer que le football n’est pas seulement les structures et les infrastructures. Il y a aussi l’organisation interne. C’est le cas au Sewé. On vient d’imposer aux joueurs d’avoir tous un compte bancaire. Ils vont tous avoir une assurance maladie qui est coupée à la source de leurs salaires. Qui sont relativement conséquents. Au Sewé, les primes de match sont payées dans les 72 h. Elles permettent aux joueurs d’économiser leurs salaires et de pouvoir gérer le quotidien. Dans leur tête, ils sont tranquilles. Pourquoi ne faites-vous pas de la politique ?
D’une manière générale, la politique ne m’emballe pas. C’est le domaine où il existe l’égoïsme, l’esprit de domination et de spoliation des autres. C’est-à-dire que les bons principes sont dans les pieux. Or moi, j’essaie de vivre avec de bons principes. J’essaie de les appliquer. C’est pourquoi je ne veux pas faire de la politique. Et encore moins en Afrique où, pour moi, pour le moment, l’environnement n’est pas propice pour une politique démocratique, objective. Parce que simplement, il y a trop de contraintes liées à l’environnement. La politique, telle qu’elle est pratiquée en Afrique, ne me convient pas. En Europe ou ailleurs, elle ne m’intéresse pas non plus.
Peut-être si un jour je venais à faire de la politique, c’est que j’aurais eu la sensation de pouvoir aider mon pays ou bien servir d’autres personnes, mais pas en faveur d’un parti. C’est pourquoi, il n’est pas impossible que je puisse servir mon pays à la requête ou à la réquisition de l’autorité d’Etat. Je peux le faire mais dans un but purement social. Avez-vous des amis qui font de la politique...
J’en ai plein…
Le Président Gbagbo fait-il partie de ceux-là ?
J’apprécie beaucoup le Chef de l’Etat Laurent Gbagbo au plan strictement humain. Il est clair que je ne suis pas un membre ni de loin ou de près du Front populaire ivoirien (Fpi). Le Président Gbagbo a en lui, de la générosité. Il y a d’autres aspects que j’apprécie moins en lui (je préfère ne pas en parler). Pour répondre concrètement à votre question, je ne peux pas dire que je suis son ami parce que je ne le vois pas assez souvent. J’ai eu l’insigne honneur de pouvoir le rencontrer mais très peu souvent et de manière très brève. On ne se connaît pas suffisamment.
Et les présidents du Pdci et du Rdr, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara...
Celui que je connais le moins, c’est le président Bédié. Je n’ai jamais eu l’occasion de le rencontrer. Mais j’ai eu à échanger avec son épouse Henriette Bédié. Par contre, j’ai rencontré M. et Mme Ouattara. Ce sont des personnes que j’apprécie également. Il y a une certaine amitié entre nous. Je les connais bien.
Et Mme Simone Ehivet Gbagbo ?
Nous sommes parents, je la connais mieux. C’est une Dame de cœur et de conviction. Je ne dis pas cela par clientélisme. C’est parce que je me dis que ce sont des personnalités remarquables. Ce n’est pas de l’équilibrisme que je fais. Je me dis que tout ce qu’on reproche ou prête à ces personnalités là, serait négatif (je n’ai pas vérifié). Ces reproches sont peut-être dictés par leur (personnalités) engagement politique.
Interview réalisée par Jean-Baptiste Béhi