Campagne café cacao : La loi du plus…escroc !

Période rêvée par tous les malhonnêtes pour gruger les autres, la traite du café cacao est devenue une source de misère pour les paysans à Soubré. Roublardise, mauvaise foi, détournement de fonds, escroquerie, vol de récolte et autres constituent le quotidien des acteurs de la filière café cacao à Soubré. Les producteurs sont déroutés et de plus en plus appauvris par ces différents maux qui minent la campagne. «Aujourd'hui, la filière café-cacao est plus qu'une mafia. Chacun des acteurs en a conscience», constate Oupoh Koré, délégué Anaproci. Tout commence en réalité avant le début de la traite. Chaque acteur s'évertue à supporter la période de soudure. Le recours à l'emprunt est généralisé. «Avant l'ouverture de la campagne, les paysans s'endettent auprès du pisteur ou de l'acheteur. Ils accumulent les dettes en attendant le début de la commercialisation », explique Isaac Kouamé, un opérateur du secteur. Le coup de départ de la campagne est alors synonyme de régularisation forcée et, malheureusement, de malhonnêteté. «Chacun est contraint de tricher. Le paysan, pour contourner les retenues des pisteurs et des acheteurs, triche à son tour en vendant son produit ailleurs. De fil en aiguille, la situation se complique pour tous», poursuit-il. «En début de traite par exemple, lorsque le pisteur reçoit son mandat, il paie d'abord ses dettes de loyer, règle les autres problèmes financiers en ville avant de repartir dans la brousse à la recherche du cacao avec le tiers de son fonds. Dans ces conditions, il ne peut que faire un gros déficit qui va rejaillir sur l'exploitant», démontre Oupoh Koré. «Tout le monde s'enrichit aujourd'hui au détriment des vrais producteurs. Acheteurs, pisteurs et forces de l'ordre. Les prix fixés ne sont jamais appliqués. Compte tenu de notre extrême pauvreté, nous bradons toujours nos produits. De sorte qu'à la fin de la campagne, le planteur est toujours à la case départ», dénonce pour sa part Louis Amani, producteur à Yaokoffikro. Dans ce chassé-croisé pour les fèves, tous les coups sont permis. Le délégué Anaproci révèle que certaines personnes n'hésitent plus à voler tout simplement le produit tant recherché. «Du bord champ au magasin de livraison, de nombreux sacs disparaissent car ayant été subtilement retirés et vendus en cours de route par le chauffeur en complicité avec le convoyeur. Les remorques en provenance de Daloa et Soubré, à destination du port de San Pedro, n'échappent pas à ces vols», révèle Oupoh Koré. Selon Sékou Diomandé, producteur à Okrouyo, la période de la campagne est le moment rêvé pour se faire des sous. «Tout y passe. Certains pisteurs, lorsqu'ils prennent le mandat de l'acheteur, n'hésitent pas à organiser leur propre agression. Et comme Soubré est réputée être une zone d'insécurité, le tour est joué », explique le producteur. Un responsable local des forces de défense et de sécurité ajoute que la filière grouille d'individus véreux. «Au niveau des coopératives, les directeurs cachent leurs malversations sous le couvert des frais de route. Comment une coopérative peut-elle déclarer 130 millions de Fcfa de frais de route dans son bilan comptable ? C'est impossible dans la réalité. Mais, comme on ne peut pas exiger de reçus, alors c'est devenu une porte de sortie pour cacher la mauvaise gestion», accuse l'officier. Le directeur départemental de l'agriculture abonde dans le même sens. « Avec le système de dépôt-vente, certains présidents et directeurs de coopérative encaissent les chèques des paysans pour régler leurs propres problèmes tout en faisant croire que le chèque n'est pas encore payé. Quand d'autres se comportent au sein de la coopérative comme des pisteurs. Ils prennent l'argent de la coopérative pour acheter du cacao au comptant et en leur propre nom», constate Gaston Assi Kouao. La filière comprend aussi son lot d'usuriers. « Ici, avant l'ouverture de la campagne, ils prêtent de fortes sommes aux producteurs, ou alors des sacs de riz, de maïs et bien d'autres articles, sans oublier les fournitures scolaires. Et lorsque la traite commence, ils deviennent les propriétaires du cacao. Ils en fixent même le prix pour le grand malheur du paysan », s'indigne Abdoul Karim, planteur à Ipou Ndrikro. Pour Adama Cissé, résident d'Oupoyo, la filière cacaoyère est une véritable jungle interdite aux âmes sensibles et aux personnes honnêtes. « Pour y réussir, il faut absolument tricher sinon, bonjour la prison ou l'exil ! C'est un secteur où les plus rusés s'enrichissent au détriment des plus naïfs », note M. Cissé. En plus des pisteurs, des chauffeurs et des paysans, il y a aussi, et surtout, ceux qui font la pesée qui sévissent dans la filière. «A la pesée, il y a toujours la tricherie. Celui qui est à la bascule s'arrange toujours pour donner de faux poids pour récupérer après le surplus, en complicité avec le comptable. Les plus malhonnêtes truquent la bascule tout simplement. Ils sont les moins nombreux, mais les plus riches», se désole Diarra Adama. Contrairement aux apparences, la traite cacaoyère fait beaucoup rêver mais, elle donne aussi lieu aux pratiques les plus détestables. KN Nadège, correspondant Régional à Soubré