Dans cette interview exclusive qu’il nous a accordée, M. Charles Yaovi Djrèkpo présente le National democratic institute (NDI)et ses objectifs. Le Directeur-résident du NDI en Côte d’Ivoire parle également du processus de démocratie en Afrique ainsi que du cas spécifique ivoirien. Il évoque la détermination de son organisation à organiser un débat contradictoire entre les principaux candidats à l’élection présidentielle à venir.
Notre Voie : Qu’est-ce que le NDI et quelle est son histoire ?
Charles Yaovi Djrèkpo : Le National Democratic Institute for International Affairs (NDI) est une ONG créée aux Etats-Unis en 1983.Elle a rayonné au point de déborder les limites des Etats-Unis très rapidement. C’est une ONG qui travaille dans les pays de démocratie émergente. Elle cherche à promouvoir l’avènement et l’enracinement de la démocratie à travers le monde. Dans les pays émergents, bien entendu. Mais aussi dans certaines grandes démocraties. Parce que la démocratie qui est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, constitue une quête permanente. On ne réalise pas la démocratie de façon définitive, c’est un processus qui doit se parfaire progressivement. Le NDI est présent en Côte d’Ivoire depuis plusieurs années mais travaille effectivement de façon continue sur le terrain depuis 2005.
N.V. : Est-ce vrai que le NDI est adossé au parti démocrate américain et que son premier responsable se nomme Madeleine Albright, l’ex- Secrétaire d’Etat américaine sous l’administration du Président Bill Clinton ?
C.Y.D. : C’est vrai que la présidente de notre conseil d’administration aux Etats-Unis est Mme Madeleine Albright qui a été effectivement Secrétaire d’Etat du gouvernement démocrate américain conduit par le Président Clinton. Mais le NDI n’est pas pour autant inféodé à un parti politique. Il y a des démocrates mais aussi des républicains dans notre conseil d’administration.
N.V. : Vous n’êtes donc pas adossés au parti démocrate ?
C.Y.D. : Non, nous ne sommes pas une structure bretelle du parti démocrate. Il faut distinguer l’esprit d’ouverture que les gens ont dans certains pays comme les Etats-Unis de l’approche très sectaire de l’action politique que l’on constate dans d’autres nations. Dans un pays comme la République fédérale, la coopération au développement avec nos pays passe surtout par des Fondations. Ainsi entend-on parler des fondations telles que Friedrich Ebert, Konrad Adenauer,Friedrich Neumann et autres. Aux Etats-Unis, c’est pareil.
Au lieu que le Département d’Etat (ministère des Affaires étrangères) accapare tout et veuille le gérer seul, il développe une coopération avec les pays du monde à travers des structures non gouvernementales à but non lucratif comme le NDI, IFES, etc. ou à travers des structures purement privées à caractère lucratif avec lesquelles il passe des contrats. C’est ainsi que notre ONG est financée par le Département d’Etat américain et d’autres structures. Nous travaillons sur la base des fonds du contribuable américain. Mais aussi des contribuables d’autres pays. Par exemple, on peut travailler sur la base des fonds de l’Union Européenne ou du financement des organisations internationales comme le PNUD, etc.
N.V. : Cela paraît paradoxal. Une organisation non gouvernementale (ONG) qui est financée par des fonds publics. Pourquoi cette option ?
C.Y.D. : Nous sommes aussi financés par des fonds privés. Le NDI n’est pas lié à un gouvernement donné. Nous sommes liés à toutes les structures qui travaillent pour la promotion de la démocratie à travers le monde. Notre financement ne vient pas d’un parti politique américain. Il provient du Département d’Etat. Le gouvernement américain peut être républicain ou démocrate, cela ne nous empêche pas de travailler. Par exemple, nous avons continué à travailler sous le mandat du président républicain, Georges W. Bush. Certes, le Département d’Etat constitue notre gros bailleur de fonds mais nous travaillons sur la base d’autres financements. Par exemple, la Grande Bretagne va bientôt nous financer pour une activité en Côte d’Ivoire.
N.V. : De quelle activité s’agit-il ?
C.Y.D. : Nous nous préparons pour la formation des partis politiques, des magistrats et des avocats à la gestion du contentieux électoral. Parce que quand on aura fini l’enrôlement, il va s’agir de régler le problème du contentieux électoral. Et cela nécessite que des formations soient données afin que les personnes concernées sachent comment procéder, quelle est la règle du jeu ?
N.V. : Le slogan du NDI est : “Travailler au renforcement et à l’expansion de la démocratie à travers le monde”. Que répondez-vous à ceux qui soutiennent que votre mission, en réalité, est de promouvoir la vision américaine de la démocratie ?
C.Y.D. : Je répondrai qu’ils ont une vision de personnes ayant des œillères sur les yeux. Elles ne devraient pas dire ça. Objectivité oblige. Une petite enquête auprès des partis politiques ivoiriens de droite ou de gauche avec qui nous travaillons permettra de confondre ceux qui soutiennent cela. Nous ne soutenons aucune idéologie. Nous sommes au service de la démocratie. C’est-à-dire de la libre expression de la volonté du peuple, du libre choix par lui de ses dirigeants et de la promotion d’une gestion participative des biens publics.
N.V. : Sur l’échelle de l’appréciation de 0 à 10 du bilan du NDI depuis sa création, à quel niveau se situe votre organisation en matière de lutte pour l’expansion de la démocratie dans le monde ? Est-ce au niveau 1, 2, 3, 4, 5… ?
C.Y.D. : Nous nous interdisons de porter un jugement d’auto-satisfaction sur notre action et nous laissons le soin à ceux qui nous observent de dire si nos activités sont bonnes ou mauvaises.
N.V. : Vous avez tout de même un bilan à dresser…
C.Y.D. : Nous ne nous satisfaisons jamais de notre propre appréciation de nos efforts. Ce que nous savons, c’est que nous devons toujours aller plus loin dans nos efforts. Nous ne sommes pas des gens introvertis qui cherchent à nous apprécier. Nous travaillons en toute objectivité et nous sommes heureux des appréciations que nos partenaires et les observateurs font de nos actions et engagements. Ici en Côte d’Ivoire, les partis politiques, les ONG des femmes et des jeunes nous voient en action. Ils vous diront leurs appréciations des actions du NDI. Votre démarche en venant à nous n’est-elle pas un aveu que vous appréciez, nos actions ?
N.V. : Pour l’instant je suis avec vous et j’aimerais savoir si le NDI n’a jamais été confronté à des difficultés dans l’exercice de sa mission dans quelques pays à travers le monde.
C.Y.D. : Lorsque vous voulez faire du bien dans ce monde, vous rencontrerez les forces du mal au travers de votre chemin. La voie du bien n’est jamais un boulevard. C’est souvent une voie étroite, parsemée d’embûches. Le NDI se préoccupant justement du renforcement de la démocratie, rencontre parfois des obstacles de la part des antidémocrates, des autocrates et autres despotes. Tout récemment au Kenya, un de nos responsables a été détenu dans les geôles du pouvoir refusant l’alternance. Il a fallu la mobilisation de NDI au plan international afin qu’il soit élargi. Nous sommes donc en danger vis-à-vis de ceux qui ne voient pas d’un bon œil, la promotion de la démocratie.
N.V. : Sans doute que le pouvoir vous accuse de rouler pour l’opposition ou vice-versa ?
C.Y.D. : Si le pouvoir est objectif dans un pays, il ne peut jamais nous accuser de rouler pour l’opposition. Nous ne roulons pour personne mais pour la démocratie. Nous parlons avec tout le monde. En Côte d’Ivoire, par exemple, nous avons contribué à l’élaboration du code de bonne conduite des partis politiques. Nous avons aussi contribué à sa signature officielle à Abidjan, le 24 avril 2008 devant le SG de l’ONU, M. Ban Ki-Moon. Qui peut nous accuser de rouler pour la majorité au Pouvoir ou pour l’opposition ? Personne. Nous disons ce qui doit être la règle du jeu en démocratie.
N. V. : Le NDI a-t-il souvent le sentiment d’être incompris ?
C.Y.D. : Je ne vois pas d’hostilité entre les gouvernants et le NDI ou entre l’opposition et le NDI. Je vois plutôt une adversité entre les antidémocrates et le NDI. Les antidémocrates, on peut en trouver dans les équipes au pouvoir comme dans l’opposition.
N.V. : C’est ce genre d’hostilité que le NDI a rencontrée, par exemple, en Ukraine où votre action a été critiquée par certaines parties ?
C.Y.D. : Nous n’avons pas rencontré d’hostilité véhémente en Ukraine. C’est vrai que dans certains pays, nous affrontons des situations parfois difficiles. Notre équipe, par exemple, en Irak a eu à enregistrer des pertes en vie humaine. Nous consentons des sacrifices parfois douloureux pour la promotion de la démocratie. Nous travaillons en Irak et dans les pays difficiles pour faire avancer la démocratie. Même ici en Côte d’Ivoire, au moment où la situation était très tendue, le NDI n’a pas quitté le pays. Parce que les vrais amis, on les voit lorsque le temps est à l’orage. Ce n’est pas seulement par beau temps que les vrais amis se manifestent.
N.V. : Comment jugez-vous le processus de démocratisation en Afrique durant ces dix dernières années ?
C.Y.D. : Il y a eu des hauts et des bas. Ce qui vient de se passer au Ghana, c’est-à-dire l’atmosphère avant et après la tenue des élections présidentielles, constitue un bel exemple de démocratie. Au Bénin, par exemple, il y a eu la conférence nationale, des élections démocratiques et plusieurs fois l’alternance. Ce sont des avancées démocratiques. Au Libéria et en Sierra Léone, on a vu qu’il y a des efforts faits en matière de promotion de la démocratie. Malheureusement, à côté de ces exemples réconfortants, on a des choses regrettables qui montrent qu’en Afrique, nous ne devons jamais nous asseoir sur nos lauriers. L’Afrique ne doit pas se satisfaire de quelques piques de démocratie ça et là, elle a encore du travail à faire. Il faut se battre pour que ceux qui avancent, ne reculent pas. Et que ceux qui n’ont pas encore démarré, le fassent et progressent à leur rythme. C’est cela aussi la démocratie. Il s’agit de respecter justement le rythme de chaque peuple.
N.V. : Le lundi 26 janvier 2009, une délégation venue du siège international du NDI à Washington
DC a eu, à vos côtés, une séance de travail à Abidjan avec l’ONG ivoirienne ELAN au sujet de l’organisation future d’un débat radiotélévisé entre les principaux candidats à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Qu’est-ce qui vous fait penser que les différents candidats à la présidentielle ivoirienne pourraient accepter ce débat contradictoire ?
C.Y.D. : Avant de répondre à votre question que je trouve très intéressante, je voudrais me féliciter des progrès que réalise la Côte d’Ivoire sur la voie de sortie de crise. Il faut féliciter les différents responsables pour les efforts qu’ils déploient pour le retour à un environnement de paix et d’unité afin que se tiennent des élections équitables, justes et transparentes. Moi, je crois qu’il y a beaucoup de démocrates en Côte d’Ivoire. Les vents contraires ont perturbé un peu le jeu démocratique dans ce pays mais la Côte d’Ivoire peut rebondir rapidement, retrouver sa sérénité et poursuivre son processus démocratique. J’ai confiance aux responsables politiques ivoiriens et je crois qu’ils comprennent que la démocratie, c’est d’abord le dialogue. Se savoir différents pour s’aimer et travailler complémentaires. Avoir conscience qu’on n’est pas d’accord avec ce que l’autre dit mais qu’on doit tout faire pour qu’il exprime son point de vue. Et que cet autre aussi nous permette de dire notre opinion. Dans un dialogue civilisé, on parviendra à trouver la meilleure solution pour la satisfaction des besoins de la communauté.
Rien ne me prouve que les leaders politiques ivoiriens seraient hostiles justement à ce B.A-BA de la démocratie qui est le dialogue. Notre conviction est qu’ils accéderont à cette demande de débat formulée par ELAN, une ONG ivoirienne que nous sommes prêts à soutenir. Nous ne nous sommes pas trompés en répondant à la sollicitation de ELAN. Parce que la mission du NDI à laquelle vous faites allusion, quand elle a rendu visite à des leaders des partis politiques ivoiriens, elle a constaté auprès de ceux-ci un vif intérêt pour ce débat.
N.V. : Parce que vous aviez rencontré les leaders des partis politiques ?
C.Y.D. : Oui, nous en avons rencontrés, mais pas tous; le temps nous a manqué. Tous ceux qu’on a rencontrés nous ont dit que l’idée du débat contradictoire est excellente, qu’ils y adhèrent. Nous avons rencontré la direction du FPI, du PDCI-RDA, du RDR, du PIT, de l’UDPCI et du MFA. Nous allons poursuivre ces rencontres avec les autres formations politiques.
N.V. : Ne s’agissait-il pas d’un intérêt feint de la part de ces partis politiques pour ce débat contradictoire futur ?
C.Y.D. : Non pas du tout. Aucun des leaders des partis politiques rencontrés ne nous a paru hésitant sur la question. De ce point de vue, je crois que nous avons vu juste et que nous sommes sur la bonne voie.
N.V. : Comment comptez-vous travailler avec l’ONG ELAN pour réussir ce défi?
C.Y.D. : C’est l’ONG ELAN qui est porteuse de cette initiative en Côte d’Ivoire et elle nous a contactés. Nous avons décidé de nous rapprocher de cette ONG pour mieux la connaître. Nous avons su qu’elle a déjà organisé des débats animés par des personnalités politiques et de la société civile ivoirienne. Ainsi que des personnalités étrangères amies de la Côte d’Ivoire. Le président Laurent Gbagbo, les Premiers ministres Alassane Dramane Ouattara et Charles Konan Banny, le président du Conseil économique et social, Laurent D. Fologo, le représentant spécial du SG de l’ONU, Y. Choi sont passés à la tribune de ELAN. Faire parler les hommes politiques, ça participe de l’éducation civique des citoyens. Parce que les élections sont un contrat social que passe le peuple avec des personnes qui prétendent diriger ce peuple, il faut que les deux parties comprennent les termes du contrat. En choisissant l’un d’eux et son équipe, le peuple dit en quelque sorte : “Ok, je suis d’accord. Tu peux me diriger pendant une telle période”. Pour que ce contrat soit bien scellé, il faut que le peuple sache à quoi il s’engage en donnant mandat à une personne X pour le diriger. Il faut nécessairement créer des espaces qui permettent aux différents prétendants au pouvoir d’expliquer au peuple ce pour quoi ils ambitionnent la conquête du pouvoir. Et que le peuple, en concédant le pouvoir à une personne et à son équipe, sache pourquoi il le fait. C’est cela l’objectif des débats présidentiels.
En Afrique, nous devons exceller dans la recherche des débats entre candidats pour permettre une élévation du niveau de la campagne électorale. Parce que la campagne électorale, dans la plupart de nos pays, se réduit à la distribution de quelques gadgets, de tee-shirts et de prébendes. Ce n’est pas bien, car on n’appelle cela l’achat de consciences, l’instauration d’une culture de mendicité et de dépendance.
L’électeur doit voter pour une personne parce qu’il est convaincu que cette personne est la mieux indiquée pour la fonction. Le mobile déterminant l’électeur ne doit pas être l’appartenance à la même ethnie ou à la même religion que le prétendant au pouvoir. Le mobile doit être la capacité physique, intellectuelle et morale du candidat à gouverner le peuple et à bien le faire. Il faut qu’on sache que si cette personne arrive aux commandes, elle va conduire tout le peuple à sortir des conditions moins humaines pour accéder à des conditions plus humaines. C’est sur ce plan-là que le débat est une donnée fondamentale dans une campagne électorale. Nous devons, en Afrique, tendre vers des campagnes électorales civilisées. Le débat entre les candidats est également une contribution essentielle à l’apaisement du climat politique. C’est-à-dire à la réduction des risques de violence.
N.V. : Pourquoi ?
C.Y.D. : Voyez-vous les débats électoraux aux Etats-Unis ? Avant que les différents candidats ne s’affrontent, dès qu’ils arrivent sur le plateau, ils se serrent les mains et se congratulent. Même si, à un moment donné, le débat est musclé. A son terme, les candidats se serrent de nouveau les mains. Ils se tapent même , les épaules en guise d’amitié. Ces images ont une portée considérable. Elles démontrent aux différents états-majors des candidats, aux militants et au peuple, en général, que la campagne électorale n’est pas une guerre ; que le champ politique n’est pas un champ de bataille, mais que c’est tout simplement un terrain de jeu où deux ou plusieurs équipes s’affrontent pour livrer un beau match.
N.V. : Vous pensez que la Côte d’Ivoire peut réussir cela comme ce fut le cas au Ghana, il y a quelques mois ?
C.Y.D. : Dans la sous- région ouest africaine, le Ghana et le Nigeria sont les pays leaders de leurs homologues anglophones. La Côte d’Ivoire demeure la locomotive des Etats francophones de la région. Si le Ghana et le Nigeria ont réussi des campagnes électorales avec des débats parfaits, il devient impérieux pour la Côte d’Ivoire, qui est aussi un pays phare, de réussir cela. La locomotive francophone doit montrer que ce n’est pas seulement dans la culture anglophone qu’on fait des débats présidentiels démocratiques.
N.V. : Vous avez aussi rencontré la Radiodiffusion Télévision ivoirienne (RTI) pour l’aspect technique de l’organisation de ce débat présidentiel. Pensez-vous, sans état d’âme, que la RTI peut affronter cet enjeu ?
C.Y.D. : La RTI me semble beaucoup mieux outillée que de nombreuses structures de même nature des pays de la sous-région. Des télévisions et radios nationales qui ont réalisé ce genre d’émissions ne sont pas mieux équipées que la RTI. Maintenant, tout est une question de volonté. Si la RTI veut faire une émission-débat de ce genre, elle a les outils qu’il faut. Et elle peut acquérir des outils complémentaires. La RTI possède à la fois le savoir- être et le savoir-faire nécessaires. Elle peut améliorer son savoir-faire en s’ouvrant à l’expérience de ceux qui ont déjà organisé ces débats. La RTI peut bénéficier de l’expertise de la Commission des débats présidentiels (CPD) aux Etats-Unis. La délégation du NDI venue de Washington DC était composée d’experts de la CPD. L’expertise américaine et celle des pays africains ayant bénéficié de l’appui du NDI en la matière peuvent être mises à la disposition de la RTI et de l’Etat ivoirien.
N.V. : Avez-vous rencontré la Commission électorale indépendante (CEI) à propos de ce débat présidentiel ?
C.Y.D. : Nous avons rencontré la CEI avec qui nous avons eu de très bons échanges. La CEI a aussi trouvé géniale l’idée de l’organisation du débat. Nous sommes allés à la Primature où nous avons été reçus, en l’absence du Premier ministre, Guillaume Soro, en déplacement, par le directeur de cabinet entouré de certains officiels. Nous avons échangé avec le ministre de la Communication, entouré des membres de son cabinet. Ainsi qu’avec le Conseil national de la Communication audiovisuelle (CNCA) et le Groupement des éditeurs de presse de Côte d’Ivoire (GEPCI). Nos échanges avec l’Union des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI) sur la question ont été enrichissants. Nous avons, à pas de charge, fait le maximum de rencontres que nous avions prévues. Nous avions programmé rencontrer le Conseil national de la presse (CNP). Ce qui ne fut pas possible par manque de temps. Je me ferai l’obligation en tant que directeur résident du NDI d’aller les rencontrer pour partager avec eux nos vues sur la question du débat. Notre souhait est que ce débat présidentiel se tienne parce qu’il apportera énormément à la clarification de la position de tous ceux qui ambitionnent le pouvoir dans ce pays. Ils diront pourquoi ils ambitionnent le pouvoir, et s’ils l’ont, qu’est-ce qu’ils en feront au profit des populations. Le débat permettra au peuple ivoirien de pouvoir demander plus tard des comptes à ceux à qui il aura confié le pouvoir. L’organisation de ce débat est une initiative ivoirienne; le NDI ne fera qu’apporter son expertise. Le NDI est prêt à appuyer les Ivoiriens. Mais ce sont les Ivoiriens qui organiseront politiquement, techniquement et médiatiquement le débat de leurs candidats. Le NDI ne vient pas organiser le débat présidentiel en Côte d’Ivoire.
Interview réalisée par Didier Depry ddepry@hotmail.com
Notre Voie : Qu’est-ce que le NDI et quelle est son histoire ?
Charles Yaovi Djrèkpo : Le National Democratic Institute for International Affairs (NDI) est une ONG créée aux Etats-Unis en 1983.Elle a rayonné au point de déborder les limites des Etats-Unis très rapidement. C’est une ONG qui travaille dans les pays de démocratie émergente. Elle cherche à promouvoir l’avènement et l’enracinement de la démocratie à travers le monde. Dans les pays émergents, bien entendu. Mais aussi dans certaines grandes démocraties. Parce que la démocratie qui est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, constitue une quête permanente. On ne réalise pas la démocratie de façon définitive, c’est un processus qui doit se parfaire progressivement. Le NDI est présent en Côte d’Ivoire depuis plusieurs années mais travaille effectivement de façon continue sur le terrain depuis 2005.
N.V. : Est-ce vrai que le NDI est adossé au parti démocrate américain et que son premier responsable se nomme Madeleine Albright, l’ex- Secrétaire d’Etat américaine sous l’administration du Président Bill Clinton ?
C.Y.D. : C’est vrai que la présidente de notre conseil d’administration aux Etats-Unis est Mme Madeleine Albright qui a été effectivement Secrétaire d’Etat du gouvernement démocrate américain conduit par le Président Clinton. Mais le NDI n’est pas pour autant inféodé à un parti politique. Il y a des démocrates mais aussi des républicains dans notre conseil d’administration.
N.V. : Vous n’êtes donc pas adossés au parti démocrate ?
C.Y.D. : Non, nous ne sommes pas une structure bretelle du parti démocrate. Il faut distinguer l’esprit d’ouverture que les gens ont dans certains pays comme les Etats-Unis de l’approche très sectaire de l’action politique que l’on constate dans d’autres nations. Dans un pays comme la République fédérale, la coopération au développement avec nos pays passe surtout par des Fondations. Ainsi entend-on parler des fondations telles que Friedrich Ebert, Konrad Adenauer,Friedrich Neumann et autres. Aux Etats-Unis, c’est pareil.
Au lieu que le Département d’Etat (ministère des Affaires étrangères) accapare tout et veuille le gérer seul, il développe une coopération avec les pays du monde à travers des structures non gouvernementales à but non lucratif comme le NDI, IFES, etc. ou à travers des structures purement privées à caractère lucratif avec lesquelles il passe des contrats. C’est ainsi que notre ONG est financée par le Département d’Etat américain et d’autres structures. Nous travaillons sur la base des fonds du contribuable américain. Mais aussi des contribuables d’autres pays. Par exemple, on peut travailler sur la base des fonds de l’Union Européenne ou du financement des organisations internationales comme le PNUD, etc.
N.V. : Cela paraît paradoxal. Une organisation non gouvernementale (ONG) qui est financée par des fonds publics. Pourquoi cette option ?
C.Y.D. : Nous sommes aussi financés par des fonds privés. Le NDI n’est pas lié à un gouvernement donné. Nous sommes liés à toutes les structures qui travaillent pour la promotion de la démocratie à travers le monde. Notre financement ne vient pas d’un parti politique américain. Il provient du Département d’Etat. Le gouvernement américain peut être républicain ou démocrate, cela ne nous empêche pas de travailler. Par exemple, nous avons continué à travailler sous le mandat du président républicain, Georges W. Bush. Certes, le Département d’Etat constitue notre gros bailleur de fonds mais nous travaillons sur la base d’autres financements. Par exemple, la Grande Bretagne va bientôt nous financer pour une activité en Côte d’Ivoire.
N.V. : De quelle activité s’agit-il ?
C.Y.D. : Nous nous préparons pour la formation des partis politiques, des magistrats et des avocats à la gestion du contentieux électoral. Parce que quand on aura fini l’enrôlement, il va s’agir de régler le problème du contentieux électoral. Et cela nécessite que des formations soient données afin que les personnes concernées sachent comment procéder, quelle est la règle du jeu ?
N.V. : Le slogan du NDI est : “Travailler au renforcement et à l’expansion de la démocratie à travers le monde”. Que répondez-vous à ceux qui soutiennent que votre mission, en réalité, est de promouvoir la vision américaine de la démocratie ?
C.Y.D. : Je répondrai qu’ils ont une vision de personnes ayant des œillères sur les yeux. Elles ne devraient pas dire ça. Objectivité oblige. Une petite enquête auprès des partis politiques ivoiriens de droite ou de gauche avec qui nous travaillons permettra de confondre ceux qui soutiennent cela. Nous ne soutenons aucune idéologie. Nous sommes au service de la démocratie. C’est-à-dire de la libre expression de la volonté du peuple, du libre choix par lui de ses dirigeants et de la promotion d’une gestion participative des biens publics.
N.V. : Sur l’échelle de l’appréciation de 0 à 10 du bilan du NDI depuis sa création, à quel niveau se situe votre organisation en matière de lutte pour l’expansion de la démocratie dans le monde ? Est-ce au niveau 1, 2, 3, 4, 5… ?
C.Y.D. : Nous nous interdisons de porter un jugement d’auto-satisfaction sur notre action et nous laissons le soin à ceux qui nous observent de dire si nos activités sont bonnes ou mauvaises.
N.V. : Vous avez tout de même un bilan à dresser…
C.Y.D. : Nous ne nous satisfaisons jamais de notre propre appréciation de nos efforts. Ce que nous savons, c’est que nous devons toujours aller plus loin dans nos efforts. Nous ne sommes pas des gens introvertis qui cherchent à nous apprécier. Nous travaillons en toute objectivité et nous sommes heureux des appréciations que nos partenaires et les observateurs font de nos actions et engagements. Ici en Côte d’Ivoire, les partis politiques, les ONG des femmes et des jeunes nous voient en action. Ils vous diront leurs appréciations des actions du NDI. Votre démarche en venant à nous n’est-elle pas un aveu que vous appréciez, nos actions ?
N.V. : Pour l’instant je suis avec vous et j’aimerais savoir si le NDI n’a jamais été confronté à des difficultés dans l’exercice de sa mission dans quelques pays à travers le monde.
C.Y.D. : Lorsque vous voulez faire du bien dans ce monde, vous rencontrerez les forces du mal au travers de votre chemin. La voie du bien n’est jamais un boulevard. C’est souvent une voie étroite, parsemée d’embûches. Le NDI se préoccupant justement du renforcement de la démocratie, rencontre parfois des obstacles de la part des antidémocrates, des autocrates et autres despotes. Tout récemment au Kenya, un de nos responsables a été détenu dans les geôles du pouvoir refusant l’alternance. Il a fallu la mobilisation de NDI au plan international afin qu’il soit élargi. Nous sommes donc en danger vis-à-vis de ceux qui ne voient pas d’un bon œil, la promotion de la démocratie.
N.V. : Sans doute que le pouvoir vous accuse de rouler pour l’opposition ou vice-versa ?
C.Y.D. : Si le pouvoir est objectif dans un pays, il ne peut jamais nous accuser de rouler pour l’opposition. Nous ne roulons pour personne mais pour la démocratie. Nous parlons avec tout le monde. En Côte d’Ivoire, par exemple, nous avons contribué à l’élaboration du code de bonne conduite des partis politiques. Nous avons aussi contribué à sa signature officielle à Abidjan, le 24 avril 2008 devant le SG de l’ONU, M. Ban Ki-Moon. Qui peut nous accuser de rouler pour la majorité au Pouvoir ou pour l’opposition ? Personne. Nous disons ce qui doit être la règle du jeu en démocratie.
N. V. : Le NDI a-t-il souvent le sentiment d’être incompris ?
C.Y.D. : Je ne vois pas d’hostilité entre les gouvernants et le NDI ou entre l’opposition et le NDI. Je vois plutôt une adversité entre les antidémocrates et le NDI. Les antidémocrates, on peut en trouver dans les équipes au pouvoir comme dans l’opposition.
N.V. : C’est ce genre d’hostilité que le NDI a rencontrée, par exemple, en Ukraine où votre action a été critiquée par certaines parties ?
C.Y.D. : Nous n’avons pas rencontré d’hostilité véhémente en Ukraine. C’est vrai que dans certains pays, nous affrontons des situations parfois difficiles. Notre équipe, par exemple, en Irak a eu à enregistrer des pertes en vie humaine. Nous consentons des sacrifices parfois douloureux pour la promotion de la démocratie. Nous travaillons en Irak et dans les pays difficiles pour faire avancer la démocratie. Même ici en Côte d’Ivoire, au moment où la situation était très tendue, le NDI n’a pas quitté le pays. Parce que les vrais amis, on les voit lorsque le temps est à l’orage. Ce n’est pas seulement par beau temps que les vrais amis se manifestent.
N.V. : Comment jugez-vous le processus de démocratisation en Afrique durant ces dix dernières années ?
C.Y.D. : Il y a eu des hauts et des bas. Ce qui vient de se passer au Ghana, c’est-à-dire l’atmosphère avant et après la tenue des élections présidentielles, constitue un bel exemple de démocratie. Au Bénin, par exemple, il y a eu la conférence nationale, des élections démocratiques et plusieurs fois l’alternance. Ce sont des avancées démocratiques. Au Libéria et en Sierra Léone, on a vu qu’il y a des efforts faits en matière de promotion de la démocratie. Malheureusement, à côté de ces exemples réconfortants, on a des choses regrettables qui montrent qu’en Afrique, nous ne devons jamais nous asseoir sur nos lauriers. L’Afrique ne doit pas se satisfaire de quelques piques de démocratie ça et là, elle a encore du travail à faire. Il faut se battre pour que ceux qui avancent, ne reculent pas. Et que ceux qui n’ont pas encore démarré, le fassent et progressent à leur rythme. C’est cela aussi la démocratie. Il s’agit de respecter justement le rythme de chaque peuple.
N.V. : Le lundi 26 janvier 2009, une délégation venue du siège international du NDI à Washington
DC a eu, à vos côtés, une séance de travail à Abidjan avec l’ONG ivoirienne ELAN au sujet de l’organisation future d’un débat radiotélévisé entre les principaux candidats à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Qu’est-ce qui vous fait penser que les différents candidats à la présidentielle ivoirienne pourraient accepter ce débat contradictoire ?
C.Y.D. : Avant de répondre à votre question que je trouve très intéressante, je voudrais me féliciter des progrès que réalise la Côte d’Ivoire sur la voie de sortie de crise. Il faut féliciter les différents responsables pour les efforts qu’ils déploient pour le retour à un environnement de paix et d’unité afin que se tiennent des élections équitables, justes et transparentes. Moi, je crois qu’il y a beaucoup de démocrates en Côte d’Ivoire. Les vents contraires ont perturbé un peu le jeu démocratique dans ce pays mais la Côte d’Ivoire peut rebondir rapidement, retrouver sa sérénité et poursuivre son processus démocratique. J’ai confiance aux responsables politiques ivoiriens et je crois qu’ils comprennent que la démocratie, c’est d’abord le dialogue. Se savoir différents pour s’aimer et travailler complémentaires. Avoir conscience qu’on n’est pas d’accord avec ce que l’autre dit mais qu’on doit tout faire pour qu’il exprime son point de vue. Et que cet autre aussi nous permette de dire notre opinion. Dans un dialogue civilisé, on parviendra à trouver la meilleure solution pour la satisfaction des besoins de la communauté.
Rien ne me prouve que les leaders politiques ivoiriens seraient hostiles justement à ce B.A-BA de la démocratie qui est le dialogue. Notre conviction est qu’ils accéderont à cette demande de débat formulée par ELAN, une ONG ivoirienne que nous sommes prêts à soutenir. Nous ne nous sommes pas trompés en répondant à la sollicitation de ELAN. Parce que la mission du NDI à laquelle vous faites allusion, quand elle a rendu visite à des leaders des partis politiques ivoiriens, elle a constaté auprès de ceux-ci un vif intérêt pour ce débat.
N.V. : Parce que vous aviez rencontré les leaders des partis politiques ?
C.Y.D. : Oui, nous en avons rencontrés, mais pas tous; le temps nous a manqué. Tous ceux qu’on a rencontrés nous ont dit que l’idée du débat contradictoire est excellente, qu’ils y adhèrent. Nous avons rencontré la direction du FPI, du PDCI-RDA, du RDR, du PIT, de l’UDPCI et du MFA. Nous allons poursuivre ces rencontres avec les autres formations politiques.
N.V. : Ne s’agissait-il pas d’un intérêt feint de la part de ces partis politiques pour ce débat contradictoire futur ?
C.Y.D. : Non pas du tout. Aucun des leaders des partis politiques rencontrés ne nous a paru hésitant sur la question. De ce point de vue, je crois que nous avons vu juste et que nous sommes sur la bonne voie.
N.V. : Comment comptez-vous travailler avec l’ONG ELAN pour réussir ce défi?
C.Y.D. : C’est l’ONG ELAN qui est porteuse de cette initiative en Côte d’Ivoire et elle nous a contactés. Nous avons décidé de nous rapprocher de cette ONG pour mieux la connaître. Nous avons su qu’elle a déjà organisé des débats animés par des personnalités politiques et de la société civile ivoirienne. Ainsi que des personnalités étrangères amies de la Côte d’Ivoire. Le président Laurent Gbagbo, les Premiers ministres Alassane Dramane Ouattara et Charles Konan Banny, le président du Conseil économique et social, Laurent D. Fologo, le représentant spécial du SG de l’ONU, Y. Choi sont passés à la tribune de ELAN. Faire parler les hommes politiques, ça participe de l’éducation civique des citoyens. Parce que les élections sont un contrat social que passe le peuple avec des personnes qui prétendent diriger ce peuple, il faut que les deux parties comprennent les termes du contrat. En choisissant l’un d’eux et son équipe, le peuple dit en quelque sorte : “Ok, je suis d’accord. Tu peux me diriger pendant une telle période”. Pour que ce contrat soit bien scellé, il faut que le peuple sache à quoi il s’engage en donnant mandat à une personne X pour le diriger. Il faut nécessairement créer des espaces qui permettent aux différents prétendants au pouvoir d’expliquer au peuple ce pour quoi ils ambitionnent la conquête du pouvoir. Et que le peuple, en concédant le pouvoir à une personne et à son équipe, sache pourquoi il le fait. C’est cela l’objectif des débats présidentiels.
En Afrique, nous devons exceller dans la recherche des débats entre candidats pour permettre une élévation du niveau de la campagne électorale. Parce que la campagne électorale, dans la plupart de nos pays, se réduit à la distribution de quelques gadgets, de tee-shirts et de prébendes. Ce n’est pas bien, car on n’appelle cela l’achat de consciences, l’instauration d’une culture de mendicité et de dépendance.
L’électeur doit voter pour une personne parce qu’il est convaincu que cette personne est la mieux indiquée pour la fonction. Le mobile déterminant l’électeur ne doit pas être l’appartenance à la même ethnie ou à la même religion que le prétendant au pouvoir. Le mobile doit être la capacité physique, intellectuelle et morale du candidat à gouverner le peuple et à bien le faire. Il faut qu’on sache que si cette personne arrive aux commandes, elle va conduire tout le peuple à sortir des conditions moins humaines pour accéder à des conditions plus humaines. C’est sur ce plan-là que le débat est une donnée fondamentale dans une campagne électorale. Nous devons, en Afrique, tendre vers des campagnes électorales civilisées. Le débat entre les candidats est également une contribution essentielle à l’apaisement du climat politique. C’est-à-dire à la réduction des risques de violence.
N.V. : Pourquoi ?
C.Y.D. : Voyez-vous les débats électoraux aux Etats-Unis ? Avant que les différents candidats ne s’affrontent, dès qu’ils arrivent sur le plateau, ils se serrent les mains et se congratulent. Même si, à un moment donné, le débat est musclé. A son terme, les candidats se serrent de nouveau les mains. Ils se tapent même , les épaules en guise d’amitié. Ces images ont une portée considérable. Elles démontrent aux différents états-majors des candidats, aux militants et au peuple, en général, que la campagne électorale n’est pas une guerre ; que le champ politique n’est pas un champ de bataille, mais que c’est tout simplement un terrain de jeu où deux ou plusieurs équipes s’affrontent pour livrer un beau match.
N.V. : Vous pensez que la Côte d’Ivoire peut réussir cela comme ce fut le cas au Ghana, il y a quelques mois ?
C.Y.D. : Dans la sous- région ouest africaine, le Ghana et le Nigeria sont les pays leaders de leurs homologues anglophones. La Côte d’Ivoire demeure la locomotive des Etats francophones de la région. Si le Ghana et le Nigeria ont réussi des campagnes électorales avec des débats parfaits, il devient impérieux pour la Côte d’Ivoire, qui est aussi un pays phare, de réussir cela. La locomotive francophone doit montrer que ce n’est pas seulement dans la culture anglophone qu’on fait des débats présidentiels démocratiques.
N.V. : Vous avez aussi rencontré la Radiodiffusion Télévision ivoirienne (RTI) pour l’aspect technique de l’organisation de ce débat présidentiel. Pensez-vous, sans état d’âme, que la RTI peut affronter cet enjeu ?
C.Y.D. : La RTI me semble beaucoup mieux outillée que de nombreuses structures de même nature des pays de la sous-région. Des télévisions et radios nationales qui ont réalisé ce genre d’émissions ne sont pas mieux équipées que la RTI. Maintenant, tout est une question de volonté. Si la RTI veut faire une émission-débat de ce genre, elle a les outils qu’il faut. Et elle peut acquérir des outils complémentaires. La RTI possède à la fois le savoir- être et le savoir-faire nécessaires. Elle peut améliorer son savoir-faire en s’ouvrant à l’expérience de ceux qui ont déjà organisé ces débats. La RTI peut bénéficier de l’expertise de la Commission des débats présidentiels (CPD) aux Etats-Unis. La délégation du NDI venue de Washington DC était composée d’experts de la CPD. L’expertise américaine et celle des pays africains ayant bénéficié de l’appui du NDI en la matière peuvent être mises à la disposition de la RTI et de l’Etat ivoirien.
N.V. : Avez-vous rencontré la Commission électorale indépendante (CEI) à propos de ce débat présidentiel ?
C.Y.D. : Nous avons rencontré la CEI avec qui nous avons eu de très bons échanges. La CEI a aussi trouvé géniale l’idée de l’organisation du débat. Nous sommes allés à la Primature où nous avons été reçus, en l’absence du Premier ministre, Guillaume Soro, en déplacement, par le directeur de cabinet entouré de certains officiels. Nous avons échangé avec le ministre de la Communication, entouré des membres de son cabinet. Ainsi qu’avec le Conseil national de la Communication audiovisuelle (CNCA) et le Groupement des éditeurs de presse de Côte d’Ivoire (GEPCI). Nos échanges avec l’Union des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI) sur la question ont été enrichissants. Nous avons, à pas de charge, fait le maximum de rencontres que nous avions prévues. Nous avions programmé rencontrer le Conseil national de la presse (CNP). Ce qui ne fut pas possible par manque de temps. Je me ferai l’obligation en tant que directeur résident du NDI d’aller les rencontrer pour partager avec eux nos vues sur la question du débat. Notre souhait est que ce débat présidentiel se tienne parce qu’il apportera énormément à la clarification de la position de tous ceux qui ambitionnent le pouvoir dans ce pays. Ils diront pourquoi ils ambitionnent le pouvoir, et s’ils l’ont, qu’est-ce qu’ils en feront au profit des populations. Le débat permettra au peuple ivoirien de pouvoir demander plus tard des comptes à ceux à qui il aura confié le pouvoir. L’organisation de ce débat est une initiative ivoirienne; le NDI ne fera qu’apporter son expertise. Le NDI est prêt à appuyer les Ivoiriens. Mais ce sont les Ivoiriens qui organiseront politiquement, techniquement et médiatiquement le débat de leurs candidats. Le NDI ne vient pas organiser le débat présidentiel en Côte d’Ivoire.
Interview réalisée par Didier Depry ddepry@hotmail.com