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Économie Publié le jeudi 19 février 2009 | Nord-Sud

Exportations agricoles : L’ananas ivoirien n’est plus sucré

Les producteurs d’ananas dans la région de Bonoua sont désemparés. Ruinés par la concurrence internationale, ils regardent vers d’autres filières, notamment l’hévéa et le palmier à huile.

L’ananas de Côte d’Ivoire se porte mal. Les variétés, qui faisaient sa renommée, ont perdu la cote au profit d’autres plus prisées sur le marché international. Notamment le MD-2 en vogue dans les pays d’Amérique Latine. Cet ananas est plus parfumé, moins acide à la différence de la variété Cayenne lisse cultivée en Côte d’Ivoire. L’introduction de cette nouvelle variété a enfoncé la filière locale, entraînant une déstructuration du secteur. De 86 % des parts du marché européen, elle ne représente aujourd’hui que 26 %. La production nationale a subi une forte baisse en passant de 213.000 tonnes en 1999 à 73.000 tonnes en 2007.


Des plantations abandonnées

Plus de 80% des petits producteurs ont abandonné aujourd’hui la culture de l’ananas. Nombreux sont ceux qui ont trouvé refuge dans la culture de l’hévéa et du palmier à huile. D’autres ne s’avouent pas vaincus. Ils croient en des lendemains meilleurs avec le retour d’une meilleure rémunération de l’ananas. Mais les chances sont bien maigres. Les producteurs d’ananas ont des concurrents et non des moindres. Selon Elloh Vosso président de la Coopérative fruitière de la Comoé (Cfc), ce sont de grands groupes dont le budget dépasse celui des producteurs locaux. Ils disposent, selon lui, de moyens logistiques colossaux. Ce qui n’est pas à la portée «de petits producteurs» devant un marché européen de plus en plus exigeant. Pour Sandwidi Mady, planteur à Thinchébé, un campement de Bonoua, tout est désormais compliqué. « Aujourd’hui, les choses sont difficiles. Depuis 2001, nous n’arrivons plus à bien vendre notre produit. Souvent nous sommes déficitaires, c’est nous qui devons à notre coopérative après vente. Nos productions ont baissé. Nous n’avons pas les moyens d’entretenir nos plantations. Je dois me battre pour payer la location du terrain, or l’ananas demande beaucoup d’argent pour l’entretien. J’avais au départ 30 manœuvres, deux tracteurs quand les choses marchaient, aujourd’hui, il ne me reste que 6 manœuvres. J’ai vendu mes tracteurs et mon camion citerne. Si j’avais un terrain à moi, j’allais me reconvertir à d’autres cultures », dit-il. S.O est également producteur d’ananas à Thinchébé. Il raconte sa mésaventure. Depuis 2003, ses espoirs ont volé en éclats. «J’ai travaillé comme manœuvre. Mais, c’est en 1988 que je me suis investi dans cette filière. Tout allait bien jusqu’en 2003 où tout a véritablement basculé. On exporte désormais à perte », se désole-t-il. Certains acteurs estiment que la crise, a également mis à mal la filière. Pour Elloh Vosso, «le pays était déclaré zone à risque au plus fort de la crise. Les conséquences ont été fatales puisque les coûts de production ont triplé. Le sac d’engrais acheté à 10.000 Fcfa en 1999 est passé aujourd’hui à 30.000 Fcfa. Il en est de même pour les produits phytosanitaires». Selon lui, il faut au moins 4 millions de Fcfa pour mettre en valeur une superficie de 40 hectares (ha) d’ananas. A tout cela s’ajoute le problème de la multiplicité et de l’inorganisation des coopératives qui vont en rangs dispersés pour commercialiser les produits à la même structure en Europe. A la différence des cultures comme l’hévéa et le palmier à huile, l’ananas est confronté à un problème majeur à Bonoua, puisqu’il est cultivé en général sur des terres en location du fait de la complexité des questions foncières. La majorité des producteurs sont des allogènes qui ne peuvent pas par conséquent diversifier leur production.


La relance comme remède

Bonoua reste malgré tout, la capitale de l’ananas. Pour le président du conseil général de Grand-Bassam, Akoï Innocent, également producteur d’ananas, il faut penser maintenant à la relance en réorganisant la filière avec l’appui de l’Etat. Il estime que tous ceux qui interviennent dans la filière doivent se mettre ensemble pour fixer le prix d’achat de l’ananas afin de permettre aux producteurs de vivre de leur travail. Avant de faire un clin d’œil à «l’achat ferme». « Il faut qu’on sache la production du planteur et combien il doit gagner. Ainsi l’Etat pourra mettre à la disposition des producteurs un fonds d’aide pour la relance de cette filière », propose-t-il. A l’en croire, la Côte d’Ivoire était positionnée sur les marchés français, anglais et allemand et ceux de l’Europe de l’Est. Peu à peu, ses parts de marché se sont réduites. Il souhaite que la vente à la commission soit écartée. Akoï Innocent insiste. Pour lui, la fin de crise est plus qu’importante pour favoriser l’investissement dans la filière.

Emmanuelle Kanga Correspondante régionale
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