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Économie Publié le vendredi 20 février 2009 | Le Nouveau Réveil

Arrestations dans la filière café-cacao - Me Adjé Luc (Ancien bâtonnier et membre du collectif des avocats de la défense) : "Aucun détenu ne connaît la somme qu`il a détournée"

“Qu'on ne transforme pas la présomption d'innocence en présomption de culpabilité”
L'affaire de détournement de fonds dans la filière café cacao n'a pas bougé d'un iota malgré les enquêtes. Du coup, les détenus restent maintenus à la MACA. Face à cet immobilisme judiciaire, les avocats commis à la défense des détenus provisoires ( ??) ont eu un huis clos avec le juge Mabo Gohou, avant-hier. Me Adjé Luc, ancien bâtonnier et membre du collectif des avocats de la défense, a donné quelques explications sur les blocages de la procédure.

Maître, de quoi s’agit-il cet après midi ?

Comme vous le constatez, l'audience a lieu en chambre d’accusation. Les journalistes n'y ont pas accès, même les avocats qui ne sont pas constitués dans le dossier n'y ont pas accès. Aujourd'hui, les débats ont lieu sur la détention préventive. Vous savez que lorsque nos clients ont été arrêtés, ils ont été placés sous mandat de dépôt. Donc, ils sont privés de leur liberté, ils sont à la MACA. Et cela fait aujourd'hui huit (8) mois qu'ils sont à la MACA. Et donc, certaines demandes de mise en liberté provisoire ont été rejetées contre lesquelles nous avons relevé appel. En plus de ces rejets de mise en liberté provisoire, nous avons estimé que la période de détention était trop congrue. En ce sens qu'elle a dépassé les 6 mois prévus par la loi. Donc, tous les débats vont avoir lieu parce que le procureur estime que les faits qu'on leur reproche sont frappés des poursuites de l'article 110. Ce sont des circonstances aggravantes. Nous disons qu'il ne leur a pas encore notifié à chacun ces sommes qu'ils auraient détournées. Et donc, en conséquence, n'ayant pas encore déterminé la somme qui leur est reprochée, le juge ne peut pas d'emblée leur reprocher d'avoir détourné plus de 25 millions ; ce qui les mettrait sous le coup de l'article 110 du code pénal. Nous demandons qu'il ne faut pas renverser la charge et la preuve. Il ne faut pas qu'on transforme la présomption d'innocence en présomption de culpabilité. Parce qu'aujourd'hui, on a l'impression que ces personnes qui sont en détention sont considérées comme coupables. Et qu'étant coupables, la mission du juge est de rechercher les éléments de leur culpabilité. Alors qu'il appartenait à l'organe de poursuite de rapporter la preuve de leur culpabilité avant de viser cet article 110.


Qu'est-ce que vous pouvez décider par rapport à leur situation, après votre séance de travail ?

C'est la chambre d'accusation qui a décidé. Elle va décider de deux choses. Soit elle estime que les personnes effectivement offrent des garanties réelles de représentations. Là-dessus, nous n'avons pas de doute. Et dans ce cas, elle les met en liberté. Parce que ce n'est pas la première fois que des personnes sont soupçonnées d'avoir commis des infractions qui ont porté sur des sommes importantes et qui sont en liberté. Nous ne voyons pas pourquoi pour cette histoire, on en fait un cas particulier. Ça, ce n'est pas l'esprit du législateur. Parce que la Constitution pose le principe de la présomption d'innocence. Jusqu'à ce que vous soyez jugé, vous êtes considéré comme innocent. Et la mise en détention préventive est une situation exceptionnelle et le juge doit la motiver. Mais, malheureusement, ici, on est en train de renverser cette situation. Et on fait de la détention un principe.


Ne sentez-vous pas l'implication du politique dans cette affaire ?

Ecoutez, quand vous prenez le dossier, vous vous rendez compte que c'est du politique qui a été à la base des poursuites. Puisque c'est le politique qui s'est servi des rumeurs et qui a demandé au procureur de mener des investigations et de saisir le juge d'instruction. On ne peut pas écarter la politique dans ce cas-là. Dans le principe, le juge d'instruction est un juge qui est indépendant. Et donc, par conséquent, il devrait pouvoir, au cas où la politique s'implique, résister.


Qui a suscité cette audience ?

Ce sont les voies de recours qui ont été exercées qui font qu'on se retrouve ici. Soit parce qu'il y a un appel contre les ordonnances du refus du juge d'instruction. Soit parce qu'on a saisi directement la chambre d'accusation pour obtenir une mise en liberté d'office sur la base des articles B8 et B9 du code de procédure pénale.


Qu'est-ce vous espérez au terme de cette séance ?

Que nos clients soient mis en liberté provisoire.


Par rapport au délit de détournement de plusieurs milliards qui est reconnu par le politique. Est-ce que ce sont les chiffres ou la volonté délibérée du politique qui font qu'ils sont détenus ?

C'est le juge d'instruction qui devrait nous instruire sur les éléments qui lui permettent ou qui motivent le maintien de ces gens en détention préventive. Ce qui est sûr, le juge d'instruction, pour rejeter les demandes de mise en liberté provisoire, estime que leur détention est encore nécessaire.


Pendant qu'ils sont en détention préventive, on a observé des cas de maladies très sérieuses en leur sein. Au cas où il adviendrait le pire, quelle serait la réaction des différents avocats commis à la défense de ces personnes ?

Nous attentons que cela arrive. Mais, je pense que la justice a besoin de s'humaniser aussi. Et adapte les mesures qu'il prend à la situation de chacun des prévenus. D'ailleurs, c'est pour cela que le législateur a prévu l'individualisation des peines.


Est-ce cela la logique ?

Cela est logique. Justement parce que la justice est humaine. On estime qu’une personne peut commettre une infraction dans les circonstances qui lui permettent de bénéficier de circonstances atténuantes. Alors qu'une autre peut, de façon consciente et délibérée, commettre la même infraction.

Si d'aventure après le procès, certains sont reconnus non-coupables. Qu'est-ce qu'ils pourront faire par rapport à la détention qu'ils ont vécue durant ces mois.
Nous aviserons.


Pour vous les spécialistes, on parle de beaucoup de thèmes. A quoi l'opinion publique devrait s'attendre ?

Ça, c'est un accord avec nos clients que nous allons envisager. Il y a une panoplie de procédures que le code de procédure pénale met à la disposition des prévenus qui bénéficient d'une décision de relaxe. Nous aviserons en accord avec nos clients.

Propos recueillis par Marc Koffi
Coll : Morgan Ekra
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