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Art et Culture Publié le mardi 24 février 2009 | Notre Voie

Affaire Billy Billy : Pr. Séry Bailly avertit

Le succès commercial du zouglou a fait que le débat sur son sens et sa pertinence artistique a été étouffé. Voici que le jeune artiste Billy Billy se trouve au centre d’un scandale à cause des propos qu’il a tenus au cours d’une cérémonie. Les discussions auraient dû porter sur le sens de son art et ce qu’il apporte au pays. Hélas !

Si nous le jugeons avec les yeux et les oreilles de la morale ou de la politique, on parle d’institution mise en danger, nous risquons de commettre une erreur. C’est par l’écart qu’on juge de l’originalité d’une œuvre. Mais, il y a toujours un seuil à partir duquel on choque la société. Modigliani a choqué en ajoutant quelques poils alors qu’on s’était habitué à voir des femmes nues sans réagir. Même le grand Michel Ange a choqué pour un Christ qui n’avait pas de barbe ! Plus près de nous dans le temps et dans l’espace, l’écrivain ghanéen Armah a dit des choses tout aussi graves sur la mère dont nous savons qu’elle est vénérée.

Ce ne fut pas pour cela qu’ils devinrent de grands artistes. Ils avaient du talent et des sens à proposer à la communauté. Passé le choc, c’est ce qui demeure. Le jeune artiste veut nous heurter. Il espère ainsi nous réveiller de notre léthargie. Mais il fait partie lui aussi de la crise, il est en crise. S’il s’était arraché l’oreille comme Van Gogh nous nous en serions rendu compte plus aisément. Un homme en crise a besoin de sédatif et non de procès ou d’un boucan qui aggraverait son état.

Ayant atteint le sommet dans cette esthétique négative, pour parler comme certains amis philosophes, il devra donner une suite à sa carrière. Il pense qu’il est le coq du village. Il a chanté, nous l’avons entendu, nous sommes réveillés et sonnés. Quelle est la suite ? Nous le regardons et l’écoutons. Il verra que le coq seul ne peut produire des œufs. Il verra qu’il a besoin des vieilles poules qu’il méprise et qu’il croit toutes être des poules mouillées. Il passera dans l’histoire de l’art comme un jeune homme en colère. Il y en a beaucoup avant lui. Ou bien il voudra y rester comme un artiste plein de talent, un grand artiste ivoirien. Nos maîtres nous ont enseigné la dialectique pour reconnaître le bien du négatif et la nécessité du positif.

Je comprends Bienvenu Néba, le grand tragédien. Billy Billy n’a rien à voir avec Césaire. J’imagine que mon grand frère Bottey Zadi doit être en colère, plus qu’il ne l’est avec le zouglou. Billy Billy n’est pas Dibéro. Il y a des vohou-vohou qui heurtent les yeux et les oreilles. Que voulez-vous ? Laissons l’art avancer.

Je comprends les responsables du Burida. Mais ils ne sont point en procès car ils ne sont pas coupables. Ils peuvent se contenter de présenter leurs excuses au public et à la nation. Ce sera suffisant à mon humble avis. Ce qui est en jeu dépasse le trophée et l’argent. Il croirait que nous sommes des enfants comme lui qui voulons lui arracher ses jouets.

L’auteur de Soundiata, lion du mandingue, l’épopée étant un sommet de l’esthétique positive, ne vous en voudra pas. Il est artiste. Une réprobation morale suffit, si nous sommes dans le domaine de la morale.

Il ne sert à rien de se battre dans la boue, nous allons nous salir ensemble. Il ne sert à rien de se battre dans les sables mouvants, nous allons nous enfoncer ensemble. Telle n’est pas la voie du salut.

Prof Sery Bailly, enseigneur-chercheur à l’Université de cocody-Abidjan
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