Il est vice-président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI). Il est le président du conseil général d'Abengourou et député de ladite circonscription. Dans cette interview qu'il nous a accordée le mardi 24 février 2009, à son bureau de l'assemblée nationale à Abidjan Plateau, il parle des derniers scandales qui ont touché la république. Pour Boa Amoakon Edjampan, tout ceci augure de ce qu' " on commence à atteindre le fond de l'abîme ".
Deux incendies le bureau de l'Assemblée Nationale et le command car du chef de l'Etat. Deux scandales : l'escroquerie de la secrétaire particulière de Laurent Gbagbo et les emplois fictifs à la présidence. Comment commentez-vous ces différents évènements ?
Cela fait beaucoup de choses. En ce qui concerne les incendies, vous pouvez ajouter les marchés qui brûlent dont celui d'Abengourou qui a brûlé deux fois. Bien sûr, nous enregistrions des incendies à l'époque mais pas à un rythme aussi accéléré. Devant une population appauvrie, ce sont des choses qui ne sont pas bien. Quand cela se constate au niveau de l'institution suprême du pays où on découvre des escrocs, des détenteurs de faux diplômes et des agents fictifs au plus près des responsables. Je crois qu'on commence à atteindre le fond de l'abîme. Pour un pays qui fut naguère aussi respecté que la Côte d'Ivoire, cela est triste. Mais cela n'est pas surprenant. Quand nous dénoncions les abus faits dans le secteur du café et du cacao, quand nous dénoncions le secret qui entourait l'exploitation pétrolière et gazière, personne ne réagissait. Mais c'est un ensemble. A partir du moment où dans l'impunité, on peut faire certaines choses, chacun se prête au jeu parce que chacun veut gagner quelque chose rapidement. J'ai lu l'énormité des sommes détournées au niveau du café et du cacao. Aujourd'hui, les principaux responsables de la filière sont en prison mais nous ne savons pas ce que deviennent ceux qui les ont aidés à faire cela.
A qui faites-vous allusion ?
C'est l'enquête qui doit nous permettre de le savoir. Je sais que les différents ministres de l'Agriculture et de l'Economie ont été entendus. Je sais aussi que des planteurs ont été indexés comme ayant reçu des sommes importantes de certains parmi ceux qui sont en prison. Est-ce que tout cela doit rester tel quel ? On doit aller jusqu'au bout. Si ce n'est pas fait, on encouragera davantage cet esprit malsain qui consiste à avoir de l'argent en vitesse, pour reprendre le slogan de notre loterie nationale. Les gens croient que la Côte d'Ivoire est une loterie tout entière. Ce n'est pas le cas. Il faut éviter de laisser perdurer les choses de cette nature. Et je suis heureux que le président lui-même ait pris les devants dans les cas d'escroquerie et d'agents fictifs. Mais il faut aller jusqu'au bout. Si nous le faisons à moitié comme on l'a fait pour les déchets toxiques, ce sera inconséquent. Aujourd'hui, les gens meurent des suites des déchets toxiques et personne ne s'émeut.
Y compris les députés que vous êtes?
Y compris les députés qui ont posé des questions et à qui on a balancé à la figure "vous n'avez rien à voir là-bas" c'est trop grave.
Monsieur le président, pourquoi l'Assemblée nationale ne réagit pas pour réclamer sur les cas où il y a déni de justice, des enquêtes parlementaires ?
Il y a une chose qui est claire. Nous avons eu une séance d'information sur le café-cacao et nous avons demandé des enquêtes. Et j'espère que cela se fera. Par ailleurs, à diverses occasions, nous avons parlé de l'insécurité, de l'insalubrité, des branchements anarchiques dans les marchés, l'insuffisance des moyens des sapeurs pompiers, l'absence même d'éléments permettant d'éteindre un petit feu. Tout cela est resté lettres mortes. Mais en plus, vous savez que l'Assemblée Nationale est dans une léthargie prolongée. L'incendie du bureau du président est venu réveiller un peu cette maison puisque personne n'y est.
Qu'est-ce qui explique cela ?
Nous avons été déchargés de ce que nous faisons en priorité. A savoir voter l'impôt et octroyer le budget à l'Etat. Depuis trois exercices, le budget ne vient pas à l'Assemblée Nationale. Le budget est concocté et arrêté au niveau de l'exécutif.
Vous êtes payés à ne rien faire ?
Nous sommes payés pratiquement à ne rien faire. Nous avons de petites activités mais ce n'est pas normal que dans une période aussi importante où nous devons utiliser toutes les ressources humaines, matérielles, toutes les expériences des hommes qui sont à l'Assemblée Nationale, nous ne faisons rien et que tout le monde trouve cela normal. Cela fait partie de l'anormalité. Il faut qu'on fasse tout pour revenir à des choses plus correctes.
L'entourage du chef de l'Etat vous inquiète-t-il face aux différents scandales plus ou moins connus dont il se rend coupable ?
Ce n'est pas l'entourage qui m'inquiète tant. Ce qui m'inquiète beaucoup, c'est l'évolution générale des choses en Côte d'Ivoire. Nous avons vu ici de très hauts fonctionnaires, des ministres de qualité ayant géré correctement sans avoir de revenus particuliers. Aujourd'hui, six mois après que des gens soient nommés, ils ont tout. Y compris des choses auxquelles les gens eux-mêmes n'ont jamais rêvé. Et cela se poursuit. Il y a encore des scandales qui vont éclater. Il y a des institutions en Côte d'ivoire qui fonctionnent dans des conditions inacceptables. Je ne veux pas rentrer dans des détails.
Soyez plus précis. Qu'entendez-vous par "conditions inacceptables" ?
Des conditions inacceptables parce qu'il y a des pratiques qui ne doivent pas être faites.
Voulez-vous parlez de l'Assemblée Nationale ?
Non. Je parle des régies financières et autres qui fonctionnent dans des conditions que ceux qui connaissent comment cela doit fonctionner, ne peuvent pas accepter. Il faut que cela soit su.
Comment fonctionnent les régies financières ?
Elles fonctionnent dans une espèce d'opacité écoeurante pour ceux qui savent comment ça fonctionnait avant. Je n'entre pas dans les détails. Mais il y a des choses qui trahissent. Quand vous voyez des gens qui ont fait deux ans dans un service en tant que petit fonctionnaire (excusez-moi l'expression) et qui au bout de quelques mois ont des milliards qu'ils brassant et utilisent pour faire des actions politiques parce qu'ils ont été mis à la tête d'une régie, ce n'est pas normal.
L'opposition parlementaire ne donne pas très souvent de la voix pour dénoncer ce "qui n'est pas normal". De quoi avez-vous peur ?
Nous dénoncions. Moi, je suis issu du groupe parlementaire PDCI. Chaque fois qu'il y a eu des événements de cette nature, nous dénonçons à travers des communiqués, pendant les débats parlementaires qui n'existent d'ailleurs plus. C'est la raison pour laquelle je dis qu'il faut qu'on se dépêche de sortir de cette crise. Parce qu'on ne peut pas laisser les choses ainsi en l'état depuis 9 à 10 ans. Certains sont satisfaits parce qu'ils y gagnent. Mais la majorité du pays perd, l'économie disparaît, la paupérisation s'installe et on trouve cela normal.
A qui faites-vous allusion quand vous dites "certains y gagnent" ? au chef de l'Etat, à son Premier ministre ?
Je vais vous dire quelque chose sur cette sortie de crise, pour répondre à votre question. Il y a quelques jours, le Comité d'évaluation et d'accompagnement de l'accord de Ouagadougou c'est réuni dans la capitale burkinabé. Vous savez bien ce qui s'y est passé. Les deux protagonistes de l'accord se sont pratiquement opposés à ce qu'on fixe la date des élections au cours de cette année 2009. D'habitude, on disait que c'est nous de l'opposition qui accusions ceux-là de vouloir bloquer par toute sorte de ruse et de manipulation, le processus de sortie de crise. Mais à cette réunion, aucun parti d'opposition n'était représenté. C'est l'exécutif avec ses deux têtes qui étaient représenté et l'exécutif s'est permis de révéler à la face du monde qu'il n'était pas d'accord pour qu'il y ait des élections. Je trouve que cela est extrêmement grave parce qu'à cette allure, la Côte d'Ivoire peut être considérée comme prise en otage par un groupe qui n'a aucun intérêt que la démocratie fonctionne, qui veut simplement recueillir tous les fruits de sa position de rente et oublier les problèmes de la nation.
Avouez qu'il y a tout de même des avancées notables depuis la signature de l'accord politique de Ouagadougou notamment l'identification de la population électorale.
Oui, il y a des avancées. Mais ce sont ces avancées qui peuvent nous permettent de comprendre qu'il y a des gens qui n'ont pas la volonté d'aller jusqu'au bout, qui sont de mauvaise foi. Moi, je suis content qu'on ait dépassé les 50% d'ivoiriens identifiés et enrôlés. C'est donc à partir de ce moment que nous tous devons nous rendre plus circonspects, nous approcher de la réalité et fixer des dates. Certains veulent attendre 2010. Je suis très heureux que la CEI ait précisé les choses. Si d'ici le 28 février, nous avons atteint 6 à 6,5 millions d'enrôlés, le peu qui reste, nous devons trouver la formule de leur enrôlement. Afin que dans 2 ou 3 mois, qu'on puisse aller aux élections.
Des élections sans désarmement des Forces nouvelles ni démantèlement des milices ?
Non, des élections propres. Des élections auxquelles tout le monde va participer parce que tous les gens auraient été enrôlés parce qu'on aura nettoyé l'espace de tout ce qui est anormal. Le désarmement des forces rebelles, le démantèlement des milices, le redéploiement de l'administration avec ce qui va avec, c'est-à-dire, les gendarmes, les policiers, les juges, etc et non le préfet et le sous-préfet avec leurs casquettes. Une partie de tout cela a été fait mais il faut qu'il y ait la volonté manifeste d'aller de l’avant. Malheureusement, j'ai l'impression que ceux qui nous dirigent n'ont pas cette volonté.
Pensez-vous que tout ce processus peut-être raisonnablement boucler dans "2 ou 3 mois" ?
J'ai lu plusieurs fois M. Choi (représentant spécial du secrétaire général de l'Onu, ndlr) qui parle de quelques semaines. Mais pour ceux qui suivent ces choses, on peut maîtriser l'enrôlement. Je suis convaincu qu'en dépit du retard pris par la reconstitution des registres perdus (ce ne sont pas des millions de personnes qui sont concernés par cela), on doit pouvoir voir clair dans tout ce processus dans 2 ou 3 mois. Si la volonté y est, si on veut le faire.
Monsieur le président, le candidat de votre parti le PDCI sera prochainement dans les régions du Zanzan et au Moyen-Comoé à une date non encore connue. Pourquoi, selon vous, cette visite dans cette région précise de l'est du pays ?
Vous me voyez très heureux. Je n'ai même pas envie de savoir pourquoi. On l'attendait. Le fait qu'on nous l'ait annoncé, nous a donné un élan tel que nous sommes déjà en mouvement. Nous espérons pouvoir rendre compte rapidement au secrétariat général des avancées de nos préparatifs afin qu'une date soit fixée. En tout cas, depuis qu'on l'a annoncé, les populations veulent le voir, le toucher. Je crois qu'on aura plutôt des problèmes pour établir un calendrier qui ne le surcharge pas trop et qui permette en même temps de satisfaire les populations qui veulent communier avec notre président qui est aussi notre candidat. J'en profite pour dire que les tournées qu'on a faites dans le pays, singulièrement la dernière dans le sud-Comoé, ces tournées nous indiquent que le pays a véritablement changé. Ceux qui croyaient qu'ils étaient seuls au devant de la scène, savent désormais qu'il y a des gens qui sont là pour porter un autre message.
Que représente la visite de Henri Konan Bédié pour vos militants des deux régions citées plus haut ?
Vous savez, c'est une zone qu'on peut qualifier de bastion du PDCI. Il y a beaucoup d'agitations qui se font du côté de nos adversaires. Cependant, nous avons le devoir de faire en sorte que nos populations qui ont été frustrées d'abord par le coup d'Etat, ensuite par l'exclusion du PDCI à l'élection présidentielle, puissent exprimer clairement leur volonté de voir le PDCI revenir au pouvoir. Vous ne pouvez pas, par un coup d'Etat, supprimé l'histoire d'un pays. Nous avons participé à toutes les élections après qu'on eut été injustement éliminé de l'élection présidentielle. Nous les avons toutes gagnées. Législatives, municipales, ce parti-là n'est pas n'importe quel parti. Quand j'entends certaines personnes en mal de publicité dire des propos méchants du genre "le PDCI est dépassé", je réponds que ceux qui sont dépassés, ce sont ceux qui ont enfourché le cheval d'une idéologie dépassée.
Monsieur le président, les élections auxquelles vous faites référence date de 2000 à 2002. Depuis septembre 2002, la crise militaro-politique, vous en conviendrez, a provoqué une recomposition du paysage politique. Alors croyez-vous que dans ces conditions, le PDCI puisse remporter haut les mains les prochaines élections ?
Vous voulez que je vous dise la vérité ? La crise du 19 septembre est venue montrer la limite de la gestion du pays par le FPI. Aujourd'hui, nous avons perdu 9 ans, alors qu'un pouvoir responsable qui a une vision à long terme, aurait réglé ce problème en un ou deux ans. Et vous croyez que les populations ivoiriennes ne savent pas que ce qui vient de se produire là, n'aurait jamais été fait par le PDCI-RDA ? Vous croyez que les populations ne savent pas que la gestion du PDCI n'a rien à voir avec cette gestion chaotique, sanguinaire et destructrice de ceux qui nous dirigent ? C'est cela la réalité. Les populations qu'elles soient au nord, au sud, à l'est, au centre ou à l'ouest auront l'occasion de dire dans les semaines à venir, qu'elles préfèrent entre ceux qui ont permis à la Côte d'Ivoire d'atteindre le niveau que nous avons connu, en matière de stabilité, de paix et de prospérité le PDCI et ceux qui sont là, qui sont venus avec de grandes idées, de grands mots comme la refondation et qui font pire comme jamais auparavant : le FPI. Le peuple ivoirien, contrairement à ce que les gens croient, beaucoup plus mûr. J'ai la conviction que ces élections à venir vont démontrer la maturité du peuple ivoirien qui remettra au pouvoir le PDCI, injustement chassé du pouvoir. Aujourd'hui, j'ai lu dans des journaux des déclarations de M. Sama. Il n'ose même pas parler de la période de la transition. S'ils avaient fait œuvre utile, il aurait glosé sur cela. Or, ils n'ont rien fait de bon si ce n'est tendre la perche à des gens incapables qui nous ont amenés dans les difficultés que nous connaissons.
Interview réalisée par André Silver Konan
Deux incendies le bureau de l'Assemblée Nationale et le command car du chef de l'Etat. Deux scandales : l'escroquerie de la secrétaire particulière de Laurent Gbagbo et les emplois fictifs à la présidence. Comment commentez-vous ces différents évènements ?
Cela fait beaucoup de choses. En ce qui concerne les incendies, vous pouvez ajouter les marchés qui brûlent dont celui d'Abengourou qui a brûlé deux fois. Bien sûr, nous enregistrions des incendies à l'époque mais pas à un rythme aussi accéléré. Devant une population appauvrie, ce sont des choses qui ne sont pas bien. Quand cela se constate au niveau de l'institution suprême du pays où on découvre des escrocs, des détenteurs de faux diplômes et des agents fictifs au plus près des responsables. Je crois qu'on commence à atteindre le fond de l'abîme. Pour un pays qui fut naguère aussi respecté que la Côte d'Ivoire, cela est triste. Mais cela n'est pas surprenant. Quand nous dénoncions les abus faits dans le secteur du café et du cacao, quand nous dénoncions le secret qui entourait l'exploitation pétrolière et gazière, personne ne réagissait. Mais c'est un ensemble. A partir du moment où dans l'impunité, on peut faire certaines choses, chacun se prête au jeu parce que chacun veut gagner quelque chose rapidement. J'ai lu l'énormité des sommes détournées au niveau du café et du cacao. Aujourd'hui, les principaux responsables de la filière sont en prison mais nous ne savons pas ce que deviennent ceux qui les ont aidés à faire cela.
A qui faites-vous allusion ?
C'est l'enquête qui doit nous permettre de le savoir. Je sais que les différents ministres de l'Agriculture et de l'Economie ont été entendus. Je sais aussi que des planteurs ont été indexés comme ayant reçu des sommes importantes de certains parmi ceux qui sont en prison. Est-ce que tout cela doit rester tel quel ? On doit aller jusqu'au bout. Si ce n'est pas fait, on encouragera davantage cet esprit malsain qui consiste à avoir de l'argent en vitesse, pour reprendre le slogan de notre loterie nationale. Les gens croient que la Côte d'Ivoire est une loterie tout entière. Ce n'est pas le cas. Il faut éviter de laisser perdurer les choses de cette nature. Et je suis heureux que le président lui-même ait pris les devants dans les cas d'escroquerie et d'agents fictifs. Mais il faut aller jusqu'au bout. Si nous le faisons à moitié comme on l'a fait pour les déchets toxiques, ce sera inconséquent. Aujourd'hui, les gens meurent des suites des déchets toxiques et personne ne s'émeut.
Y compris les députés que vous êtes?
Y compris les députés qui ont posé des questions et à qui on a balancé à la figure "vous n'avez rien à voir là-bas" c'est trop grave.
Monsieur le président, pourquoi l'Assemblée nationale ne réagit pas pour réclamer sur les cas où il y a déni de justice, des enquêtes parlementaires ?
Il y a une chose qui est claire. Nous avons eu une séance d'information sur le café-cacao et nous avons demandé des enquêtes. Et j'espère que cela se fera. Par ailleurs, à diverses occasions, nous avons parlé de l'insécurité, de l'insalubrité, des branchements anarchiques dans les marchés, l'insuffisance des moyens des sapeurs pompiers, l'absence même d'éléments permettant d'éteindre un petit feu. Tout cela est resté lettres mortes. Mais en plus, vous savez que l'Assemblée Nationale est dans une léthargie prolongée. L'incendie du bureau du président est venu réveiller un peu cette maison puisque personne n'y est.
Qu'est-ce qui explique cela ?
Nous avons été déchargés de ce que nous faisons en priorité. A savoir voter l'impôt et octroyer le budget à l'Etat. Depuis trois exercices, le budget ne vient pas à l'Assemblée Nationale. Le budget est concocté et arrêté au niveau de l'exécutif.
Vous êtes payés à ne rien faire ?
Nous sommes payés pratiquement à ne rien faire. Nous avons de petites activités mais ce n'est pas normal que dans une période aussi importante où nous devons utiliser toutes les ressources humaines, matérielles, toutes les expériences des hommes qui sont à l'Assemblée Nationale, nous ne faisons rien et que tout le monde trouve cela normal. Cela fait partie de l'anormalité. Il faut qu'on fasse tout pour revenir à des choses plus correctes.
L'entourage du chef de l'Etat vous inquiète-t-il face aux différents scandales plus ou moins connus dont il se rend coupable ?
Ce n'est pas l'entourage qui m'inquiète tant. Ce qui m'inquiète beaucoup, c'est l'évolution générale des choses en Côte d'Ivoire. Nous avons vu ici de très hauts fonctionnaires, des ministres de qualité ayant géré correctement sans avoir de revenus particuliers. Aujourd'hui, six mois après que des gens soient nommés, ils ont tout. Y compris des choses auxquelles les gens eux-mêmes n'ont jamais rêvé. Et cela se poursuit. Il y a encore des scandales qui vont éclater. Il y a des institutions en Côte d'ivoire qui fonctionnent dans des conditions inacceptables. Je ne veux pas rentrer dans des détails.
Soyez plus précis. Qu'entendez-vous par "conditions inacceptables" ?
Des conditions inacceptables parce qu'il y a des pratiques qui ne doivent pas être faites.
Voulez-vous parlez de l'Assemblée Nationale ?
Non. Je parle des régies financières et autres qui fonctionnent dans des conditions que ceux qui connaissent comment cela doit fonctionner, ne peuvent pas accepter. Il faut que cela soit su.
Comment fonctionnent les régies financières ?
Elles fonctionnent dans une espèce d'opacité écoeurante pour ceux qui savent comment ça fonctionnait avant. Je n'entre pas dans les détails. Mais il y a des choses qui trahissent. Quand vous voyez des gens qui ont fait deux ans dans un service en tant que petit fonctionnaire (excusez-moi l'expression) et qui au bout de quelques mois ont des milliards qu'ils brassant et utilisent pour faire des actions politiques parce qu'ils ont été mis à la tête d'une régie, ce n'est pas normal.
L'opposition parlementaire ne donne pas très souvent de la voix pour dénoncer ce "qui n'est pas normal". De quoi avez-vous peur ?
Nous dénoncions. Moi, je suis issu du groupe parlementaire PDCI. Chaque fois qu'il y a eu des événements de cette nature, nous dénonçons à travers des communiqués, pendant les débats parlementaires qui n'existent d'ailleurs plus. C'est la raison pour laquelle je dis qu'il faut qu'on se dépêche de sortir de cette crise. Parce qu'on ne peut pas laisser les choses ainsi en l'état depuis 9 à 10 ans. Certains sont satisfaits parce qu'ils y gagnent. Mais la majorité du pays perd, l'économie disparaît, la paupérisation s'installe et on trouve cela normal.
A qui faites-vous allusion quand vous dites "certains y gagnent" ? au chef de l'Etat, à son Premier ministre ?
Je vais vous dire quelque chose sur cette sortie de crise, pour répondre à votre question. Il y a quelques jours, le Comité d'évaluation et d'accompagnement de l'accord de Ouagadougou c'est réuni dans la capitale burkinabé. Vous savez bien ce qui s'y est passé. Les deux protagonistes de l'accord se sont pratiquement opposés à ce qu'on fixe la date des élections au cours de cette année 2009. D'habitude, on disait que c'est nous de l'opposition qui accusions ceux-là de vouloir bloquer par toute sorte de ruse et de manipulation, le processus de sortie de crise. Mais à cette réunion, aucun parti d'opposition n'était représenté. C'est l'exécutif avec ses deux têtes qui étaient représenté et l'exécutif s'est permis de révéler à la face du monde qu'il n'était pas d'accord pour qu'il y ait des élections. Je trouve que cela est extrêmement grave parce qu'à cette allure, la Côte d'Ivoire peut être considérée comme prise en otage par un groupe qui n'a aucun intérêt que la démocratie fonctionne, qui veut simplement recueillir tous les fruits de sa position de rente et oublier les problèmes de la nation.
Avouez qu'il y a tout de même des avancées notables depuis la signature de l'accord politique de Ouagadougou notamment l'identification de la population électorale.
Oui, il y a des avancées. Mais ce sont ces avancées qui peuvent nous permettent de comprendre qu'il y a des gens qui n'ont pas la volonté d'aller jusqu'au bout, qui sont de mauvaise foi. Moi, je suis content qu'on ait dépassé les 50% d'ivoiriens identifiés et enrôlés. C'est donc à partir de ce moment que nous tous devons nous rendre plus circonspects, nous approcher de la réalité et fixer des dates. Certains veulent attendre 2010. Je suis très heureux que la CEI ait précisé les choses. Si d'ici le 28 février, nous avons atteint 6 à 6,5 millions d'enrôlés, le peu qui reste, nous devons trouver la formule de leur enrôlement. Afin que dans 2 ou 3 mois, qu'on puisse aller aux élections.
Des élections sans désarmement des Forces nouvelles ni démantèlement des milices ?
Non, des élections propres. Des élections auxquelles tout le monde va participer parce que tous les gens auraient été enrôlés parce qu'on aura nettoyé l'espace de tout ce qui est anormal. Le désarmement des forces rebelles, le démantèlement des milices, le redéploiement de l'administration avec ce qui va avec, c'est-à-dire, les gendarmes, les policiers, les juges, etc et non le préfet et le sous-préfet avec leurs casquettes. Une partie de tout cela a été fait mais il faut qu'il y ait la volonté manifeste d'aller de l’avant. Malheureusement, j'ai l'impression que ceux qui nous dirigent n'ont pas cette volonté.
Pensez-vous que tout ce processus peut-être raisonnablement boucler dans "2 ou 3 mois" ?
J'ai lu plusieurs fois M. Choi (représentant spécial du secrétaire général de l'Onu, ndlr) qui parle de quelques semaines. Mais pour ceux qui suivent ces choses, on peut maîtriser l'enrôlement. Je suis convaincu qu'en dépit du retard pris par la reconstitution des registres perdus (ce ne sont pas des millions de personnes qui sont concernés par cela), on doit pouvoir voir clair dans tout ce processus dans 2 ou 3 mois. Si la volonté y est, si on veut le faire.
Monsieur le président, le candidat de votre parti le PDCI sera prochainement dans les régions du Zanzan et au Moyen-Comoé à une date non encore connue. Pourquoi, selon vous, cette visite dans cette région précise de l'est du pays ?
Vous me voyez très heureux. Je n'ai même pas envie de savoir pourquoi. On l'attendait. Le fait qu'on nous l'ait annoncé, nous a donné un élan tel que nous sommes déjà en mouvement. Nous espérons pouvoir rendre compte rapidement au secrétariat général des avancées de nos préparatifs afin qu'une date soit fixée. En tout cas, depuis qu'on l'a annoncé, les populations veulent le voir, le toucher. Je crois qu'on aura plutôt des problèmes pour établir un calendrier qui ne le surcharge pas trop et qui permette en même temps de satisfaire les populations qui veulent communier avec notre président qui est aussi notre candidat. J'en profite pour dire que les tournées qu'on a faites dans le pays, singulièrement la dernière dans le sud-Comoé, ces tournées nous indiquent que le pays a véritablement changé. Ceux qui croyaient qu'ils étaient seuls au devant de la scène, savent désormais qu'il y a des gens qui sont là pour porter un autre message.
Que représente la visite de Henri Konan Bédié pour vos militants des deux régions citées plus haut ?
Vous savez, c'est une zone qu'on peut qualifier de bastion du PDCI. Il y a beaucoup d'agitations qui se font du côté de nos adversaires. Cependant, nous avons le devoir de faire en sorte que nos populations qui ont été frustrées d'abord par le coup d'Etat, ensuite par l'exclusion du PDCI à l'élection présidentielle, puissent exprimer clairement leur volonté de voir le PDCI revenir au pouvoir. Vous ne pouvez pas, par un coup d'Etat, supprimé l'histoire d'un pays. Nous avons participé à toutes les élections après qu'on eut été injustement éliminé de l'élection présidentielle. Nous les avons toutes gagnées. Législatives, municipales, ce parti-là n'est pas n'importe quel parti. Quand j'entends certaines personnes en mal de publicité dire des propos méchants du genre "le PDCI est dépassé", je réponds que ceux qui sont dépassés, ce sont ceux qui ont enfourché le cheval d'une idéologie dépassée.
Monsieur le président, les élections auxquelles vous faites référence date de 2000 à 2002. Depuis septembre 2002, la crise militaro-politique, vous en conviendrez, a provoqué une recomposition du paysage politique. Alors croyez-vous que dans ces conditions, le PDCI puisse remporter haut les mains les prochaines élections ?
Vous voulez que je vous dise la vérité ? La crise du 19 septembre est venue montrer la limite de la gestion du pays par le FPI. Aujourd'hui, nous avons perdu 9 ans, alors qu'un pouvoir responsable qui a une vision à long terme, aurait réglé ce problème en un ou deux ans. Et vous croyez que les populations ivoiriennes ne savent pas que ce qui vient de se produire là, n'aurait jamais été fait par le PDCI-RDA ? Vous croyez que les populations ne savent pas que la gestion du PDCI n'a rien à voir avec cette gestion chaotique, sanguinaire et destructrice de ceux qui nous dirigent ? C'est cela la réalité. Les populations qu'elles soient au nord, au sud, à l'est, au centre ou à l'ouest auront l'occasion de dire dans les semaines à venir, qu'elles préfèrent entre ceux qui ont permis à la Côte d'Ivoire d'atteindre le niveau que nous avons connu, en matière de stabilité, de paix et de prospérité le PDCI et ceux qui sont là, qui sont venus avec de grandes idées, de grands mots comme la refondation et qui font pire comme jamais auparavant : le FPI. Le peuple ivoirien, contrairement à ce que les gens croient, beaucoup plus mûr. J'ai la conviction que ces élections à venir vont démontrer la maturité du peuple ivoirien qui remettra au pouvoir le PDCI, injustement chassé du pouvoir. Aujourd'hui, j'ai lu dans des journaux des déclarations de M. Sama. Il n'ose même pas parler de la période de la transition. S'ils avaient fait œuvre utile, il aurait glosé sur cela. Or, ils n'ont rien fait de bon si ce n'est tendre la perche à des gens incapables qui nous ont amenés dans les difficultés que nous connaissons.
Interview réalisée par André Silver Konan