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Économie Publié le lundi 16 mars 2009 | Nord-Sud

Crise financière internationale - Bois, coton, hévéa, cacao - Les filières agricoles agonisent, l`Etat indifférent

Les effets de la crise financière mondiale entraînent progressivement une destructuration de nombreuses filières agricoles et industrielles. Du fait d’une forte dépréciation des cours en raison de la baisse remarquable de la demande, les producteurs et les industriels sont affolés et pendant que de graves menaces planent sur l’économie nationale, l’Etat semble être en panne de stratégie pour relancer la machine.


L’onde de choc continue de se durcir. Les effets de la crise financière mondiale qui ont entraîné une dépression économique, désagrègent progressivement de nombreuses filières agricoles et industrielles avec une baisse substantielle des prix des matières premières. Pourtant l’on avait pensé à une réaction spontanée et adéquate de l’Etat ivoirien qui avait vu le danger venir. La conférence sur l’impact de la crise financière internationale sur les 24 pays du groupe Afrique francophone au sein des institutions de Bretton Woods qui a eu lieu en décembre 2008 à Abidjan, avait suscité de l’espoir, dans la mesure où les opérateurs s’attendaient à une réponse globale. «Cette récession économique mondiale va impacter nos économies, si la crise n’est pas résorbée rapidement dans les pays développés», a averti à cette occasion le ministre Bohoun Bouabré, président du Groupe des 24, constitué de ministres de l’Economie et des Finances et de ceux du Développement et du Plan. Estimant que cette situation offre l’opportunité aux pays du Groupe des 24 d’opter pour la diversification de leurs économies, la transformation sur place des produits afin de réduire la forte dépendance des exportations de matières premières brutes ; car, les secteurs les plus exposés dans ce contexte, sont ceux tournés essentiellement vers les marchés internationaux.


Hémorragie partout

Hormis l’effet d’annonce, aucune mesure n’a été prise par les autorités ivoiriennes pour atténuer les effets induits de la crise des hypothèques sur le secteur productif. A telle enseigne qu’aujourd’hui, certaines filières sont au bord de l’effondrement. L’industrie locale du bois tournée à 95% vers le marché extérieur est en train de sombrer.

Avec les demandes en baisse de 30% au cours du dernier trimestre de l’année écoulée, de nombreuses entreprises à l’image de la Compagnie ivoirienne de bois (Cib) de Gagnoa ont déposé la clé sous le paillasson. Selon Wilfried Birken Maier, président du syndicat autonome des professionnels du bois en Côte d’Ivoire (sur les antennes de Rfi), de 40.000 employés, il y a 6 mois, il ne reste plus que 30.000 du fait l’hémorragie dans le secteur. Soit 10.000 emplois qui ont volé en éclat en un semestre. A l’en croire, l’arrêt de la construction de 800.000 logements en Espagne cette année du fait de la crise immobilière, a pénalisé les entreprises ivoiriennes du bois, parmi les principaux fournisseurs depuis 2007. Face à cette situation et en visite à San Pedro en février, Mme Amah Marie Téhoua, ministre de l’Industrie et du Développement du secteur privé a annoncé aux opérateurs en détresse, la mise sur pied d’un groupe de réflexion en vue de proposer des mesures au gouvernement. Jusqu’à présent, rien ne semble bouger. La filière oléagineuse dont la déprime gagne le marché avec une dégringolade des prix qui, de 600.000 Fcfa (1200 dollars US), sont retombés à 225.000 Fcfa (450 dollars US) la tonne, crée des tourments chez les planteurs et les industriels. La filière hévéicole a été également percutée par la crise des « subprimes » qui a conduit par ailleurs à une crise d’automobile aux Usa et en Europe. «On est en plein dans la crise qui s’est muée en une crise de l’automobile. Notre domaine d’activité est très secoué. Notre sort est étroitement lié à l’industrie automobile à hauteur de 70% du fait de la pneumatique et autres accessoires et 30% pour les autres industries. De janvier à juin 2008, le prix du caoutchouc aux planteurs vacillait entre 370 et 430 Fcfa le kilo. De juillet à novembre 2008, le prix tournait entre 460 et 320 Fcfa le kilo. Mais c’est à partir de décembre de la même année que la chute a été dramatique. Le prix est tombé à 190 Fcfa le kilo, érodant du coup le coût de revient», déplore Wadjas Assouan Honest président de l’Association des producteurs de caoutchouc naturel de Côte d’Ivoire (Aprocanci). Timorés par cette novelle conjoncture, les paysans s’interrogent sur l’avenir de leur filière, critiquant l’inertie de l’Etat devant une situation aussi préoccupante. Si les prix sont légèrement remontés aujourd’hui à 230 Fcfa le kilo, ajoute M. Wadjas, c’est bien grâce à l’impact positif de l’intervention des pays américains et européens qui ont injecté beaucoup de milliards de Fcfa dans leur économie pour ramener l’équilibre même si cela semble encore quelque peu fragile. Mais les effets tardaient à se faire sentir quant à l’industrie automobile et à l’immobilier, ce qui fait «qu’on n’avait pas de remontée de cours évidente.» «En Côte d’Ivoire, comme d’habitude, rien n’est fait. Les planteurs n’ont que leurs yeux pour pleurer. Aucun mécanisme n’a été prévu par l’Etat pour supporter de tels chocs. Ce sont les producteurs eux-mêmes qui doivent s’organiser pour éviter de subir ces effets », s’offusque le leader des producteurs de caoutchouc. Pour lui, les gouvernants doivent se réveiller pour soutenir les opérateurs dans les moments de crise. «Au cours de notre dernière réunion au ministère de l’Agriculture, où on nous parlait de la mise en marche du décret sur le contrôle de la pesée, on a indiqué au porte-parole du ministre qu’aujourd’hui ce n’est pas cela qui est urgent mais plutôt que l’Etat nous accorde des facilités pour nous équilibrer. C’est-à-dire réduire les facteurs de production en exonérant les produits chimiques (l’engrais est passé de 10.000 à 25.000 le sac. Or, il faut au minimum 4 sacs de 50 kilos), le diesel,…», rappelle-t-il, précisant que c’est à cette condition qu’ils pourront faire face à la crise actuelle. Le Fonds interprofessionnel de solidarité hévéa (Fish), mécanisme de soutien aux prix mis en place depuis 2005 par les producteurs eux-mêmes, ne joue pas également son rôle. «Les gestionnaires du Fish sont en train de se transformer en industriels, au mépris des missions assignées à cet instrument. Le Fish était approvisionné à hauteur de 4 milliards de Fcfa, nous avons même interpellé le président en vain», déplore le président de l’Aprocanci. Aujourd’hui l’espoir des paysans est tourné vers le fonds de développement hévéa, un prélèvement qui est fait sur le revenu du planteur (décote) et qui leur permet de mobiliser environ 700 millions de Fcfa par mois. « Ce fonds va nous permettre de produire des plants de qualité, de mettre en état les pistes villageoises pour le transport du produit et faire la formation des planteurs au métier de l’hévéa », explique-t-il, estimant que les pouvoirs publics les ont abandonnés et donc ils sont obligés de chercher des moyens de survie. Le palmier à huile et le coton n’ont pas été également épargnés par la déprime qui gagne le marché. De 1200 dollars, les prix de l’huile de palme sont retombés à 450 dollars, causant le tournis aux planteurs et aux industriels. Pour l’or blanc, les effets conjugués de la crise militaro-civile et actuellement avec les conséquences de la crise financière, la Côte d’Ivoire a perdu en 2008 sa place de deuxième producteur africain pour reculer à la troisième place avec une production de 150 mille tonnes en baisse depuis 2007. De nombreuses spéculations à l’instar de celles-ci sont sous la menace de la nouvelle conjoncture financière. Le directeur de cabinet du ministre de l’Agriculture qui reconnaît l’immobilisme de l’Etat par rapport à la réponse à donner aux opérateurs économiques et aux paysans, ne cache pas son inquiétude.
Rien à l’horizon

«Nos matières premières sont liées à la consommation européenne. C’est leur problème classique et tant qu’en Europe ils auront les déterminants des prix, on ne peut pas les influencer. Dans le cas en interne, on est obligé d’ajuster nos coûts de production. Force est de reconnaître qu’aujourd’hui, il n’y a aucune conscience nationale ou un espace national où on s’est assis avec les ministères de l’Economie et des Finances, de l’Industrie, de l’Agriculture, du Commerce, … pour dire la réaction de la Côte d’Ivoire par rapport à soutient de cette crise financière sur les matières premières », lâche Diamouténé Alassane Zié qui ajoute que le cacao et le café, les deux mamelles de l’économie nationale risquent d’en pâtir. Si la consommation baisse dans ces pays industrialisés par exemple le chocolat, prévient le directeur de cabinet, le cacao (don la transformation donne le chocolat) sera forcement touché. La conséquence : les industries vont ralentir et cela va impacter négativement la demande. Le Droit unique de sortie (Dus) sur le cacao pour lequel l’Etat engrange annuellement 220 Fcfa sur chaque kilogramme et qui permet de mobiliser d’importantes ressources, pourra se rétrécir. Ce qui va entraîner nécessairement une baisse de la fiscalité de porte et de la parafiscalité. En définitive, souligne M. Diamouténé, tous les programmes qu’on veut mettre en œuvre aujourd’hui pour entretenir le verger, ne pourront pas voir le jour. Donc la pauvreté va s’installer en milieu paysan. «La seule chance qu’on a eue avec le cacao, c’est que notre production a baissé. Il faut que des réflexions nationales anticipatives, aient lieu parce qu’on se fait chaque fois surprendre», préconise-t-il. Le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire, Jean-Louis Billon, lui emboîte le pas. Il désapprouve le silence coupable des dirigeants du pays face à un problème aussi grave pour l’économie nationale. «C’est bien dommage parce que jusqu’à présent il n’y a aucune réponse nationale. La Chambre de commerce a écrit au gouvernement pour qu’on s’asseye pour traiter de ces questions. Tous les pays prennent des mesures. Même la RDC a pris des mesures pour le secteur du bois qui est d’ailleurs très sinistré en Côte d’Ivoire. L’ensemble des grandes filières de notre économie est en difficulté. Il faut qu’on prenne des mesures de sauvegarde, de relance et d’amélioration de notre compétitivité pour le plus grand bien des Ivoiriens. Il faut préserver l’emploi», alerte le président de la chambre consulaire. Pour lui, quand le coût de la vie a augmenté, tous les pays de la sous-région ont pris des mesures de baisse de la Tva, d’annulation même pour certains produits. «Il a fallu attendre en Côte d’Ivoire des grèves au mois de juillet pour qu’on réagisse et les décisions prises à chaud n’ont pas eu d’effets immédiats. Il faut anticiper sur les effets à venir. Il faut lire la situation économique mondiale pour pouvoir prévoir», préconise Jean-Louis Billon.

Cissé Cheick Ely
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