Une situation grave et liberticide, un kidnapping inadmissible, bref un abus de pouvoir manifeste. Le Directoire du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix a ainsi haussé le ton hier, face à la presse pour dénoncer l’interpellation vendredi dernier, du président du MFA, Anaky Kobena, par les services de la DST. Après avoir rappelé le contexte de l’arrestation du président du Mouvement des Forces d’Avenir, le président du directoire du RHDP a conclu qu’il s’agit ni plus ni moins, d’une « affaire essentiellement politique, surtout une tentative d’intimidation et de diversion pour empêcher d’aller aux élections ». En effet, a expliqué le conférencier, au moment où l’on tend vers la fin de l’identification, rendant inéluctable la tenue des élections, « le camp présidentiel comme à son habitude, tente de créer artificiellement une situation insurrectionnelle afin de se maintenir au pouvoir ». Le Pr Djédjé Mady en est d’autant plus convaincu qu’au fond, l’intervention d’Anaky n’avait rien de séditieux. Le président Anaky, a-t-il dit, n’a fait que rappeler un principe sacro saint, à savoir que dans une démocratie, le pouvoir appartient au peuple. Et que le peuple de Côte d’Ivoire devrait en prendre conscience. « Mettre la population devant ses responsabilités et dire que c’est chaque peuple qui prend son sort en main, ce qui est une évidence, n’est pas une invitation à un quelconque soulèvement », a martelé Djédjé Mady. « C’est une opinion qu’il a exprimée », a-t-il ajouté. Cela dit, il a fait savoir que « le RHDP ne dérogera pas à cette position qu’il a affirmée avec force à travers tous les accords signés », a rappelé le conférencier. Concernant le fond du problème, Djédjé Mady a, en outre, condamné «l’intrusion inadmissible de l’Etat-Major des Forces de défense et de sécurité dans le débat politique au mépris de son devoir de réserve et de l’esprit républicain qui devrait être le sien ». En effet, l’Etat-major a produit le jour de l’interpellation d’Anaky, un communiqué pour endosser l’arrestation de celui-ci. Alors, le conférencier a dit ne pas comprendre que, dans un pays qui se dit de droit, que ce ne soit pas le procureur de la République qui se saisit de cette affaire. En tout état de cause, il s’agit, à en croire le président du Directoire, d’un abus manifeste de ceux qui ont posé cet acte contre un ancien ministre d’Etat et un député en cours de mandat. En effet, en tant qu’ancien ministre, et conformément à la loi n° 2005-201 du 16 juin 2005 portant statut d’ancien président de la République, d’ancien chef ou président d’institution et d’ancien membre de gouvernement, Anaky ne devrait être arrêté qu’à la suite d’une procédure spéciale déclenchée par la cour suprême. De même, jouissant de «l’immunité parlementaire », Anaky ne devrait être interpellé qu’à la suite d’un vote en plénière ou l’accord du bureau de l’Assemblée nationale, d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’un flagrant délit. « Il y a donc une violation du droit » à double titre, qui ouvre la voie à toutes les dérives, a affirmé Djédjé Mady. C’est pourquoi, il a dit : « Nous voulons vivre sous la force de la loi et non sous la loi de la force ». Il a été demandé au conférencier si le RHDP allait retirer ses ministres du gouvernement. A cette question, Djédjé Mady a répondu que cette préoccupation sera débattue au niveau des présidents des partis politiques qui composent la coalition. Toutefois, il a affirmé que le RHDP prenait acte du retrait du MFA du gouvernement. Quelle réaction le RHDP réserve-t-il aux violations répétées des libertés par le régime FPI ? A cette question, Djédjé Mady a répondu en prenant l’image de l’escargot qui, quoique toujours patient, finit par exprimer son dédain à celui qui contrarie son chemin. « La réaction proportionnelle, si on est poussé à bout, elle viendra un jour », a-t-il dit. Avant d’appeler les uns et les autres à un comportement pacifique et républicain. « Travaillons à ce que la sortie de la crise soit pacifique et fraternelle. La Côte d’Ivoire a besoin de tous ses enfants ». A la presse, Djédjé Mady a demandé à ce qu’elle travaille à la promotion de la liberté et la pluralité d’expression. «Ce n’est pas parce qu’on est au pouvoir qu’on détient la vérité. Ce n’est pas non plus parce qu’on est dans l’opposition qu’on a tort », a-t-il conclu.
Ibrahima B. Kamagaté
Ibrahima B. Kamagaté