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Société Publié le jeudi 2 avril 2009 | L’intelligent d’Abidjan

Dagnogo Oléfongo, SG du Syndicat National des Biotechnologistes de Côte d’Ivoire : "Le rôle premier de l`hôpital n’est pas d`engranger des recettes"

Dagnogo Oléfongo est le secrétaire général du Syndicat National des Bio technologistes de Côte d’Ivoire (Synabio-ci). Dans l’interview qu’il a accordée hier, il se prononce sur la privatisation des laboratoires qui bat son plein actuellement dans les hôpitaux publics. Mieux, il s’insurge contre les accusations de détournements dans les laboratoires formulées contre les techniciens exerçant dans les laboratoires. Sans détour, il assène ses vérités.


Vos camarades sont accusés de procéder à des détournements de réactifs dans les hôpitaux. Qu’en est-il ?

Merci pour l’occasion que vous m’offrez de me prononcer sur cette accusation qui est intimement liée à la privatisation des services dans les hôpitaux publics. C’est une question fondamentale qui a été traitée par votre journal la semaine dernière. Effectivement comme vous avez constaté sur le terrain, il y a des laboratoires publics qui ont fait l’objet d’une privatisation. Mais, ce ne sont pas seulement ces services qui sont touchés même si c’est à ce niveau que l’ampleur est beaucoup plus perceptible. Nous constatons effectivement que certains établissements de santé ont leurs laboratoires qui sont déjà privatisés tandis que d’autres fonctionnent correctement comme il se doit.


Selon vous qu’est-ce qui explique cette privatisation des laboratoires ?

Les initiateurs seuls peuvent nous dire les motivations d’une telle privatisation mais nous, en tant que syndicat, nous nous conformons aux textes qui sont prescrits dans la législation. Le décret de 1998 définit les dispositions qu’il faut prendre pour mener à bien les activités privées dans un établissement de santé publique. Les initiateurs savent pourquoi ils ont pris cette décision; nous ne comprenons pas pourquoi on peut concéder un service public à un privé.


Les initiateurs expliquent que c’est pour pallier le déficit de matériels ?

Certes, mais si l’on doit privatiser les laboratoires, cela doit se faire dans la légalité. Et nous constatons que ce n’est pas le cas car ils procèdent sous forme d’initiative privée. Très souvent, le DD (Directeur départemental) ou le directeur régional encore moins le président du Coges qui est le préfet n’est pas informé. Et c’est donc une initiative individuelle alors qu’il aurait fallu que cela passe dans le cadre des activités du Coges qui est le comité de gestion de l’hôpital dont le préfet est le président et dont fait partie le directeur départemental et le directeur régional. Quand vous voyez le contrat dans le fond, il y a un problème. Un particulier qui arrive et qui dit je vais faire un contrat avec vous, il prend la gestion et le fonctionnement du laboratoire en compte, il vient avec les équipements et au bout de 3 ans ou 5 ans, il quitte le laboratoire en concédant le matériel. Et le laboratoire prend le relais, c’est comme si l’Etat gagne du matériel mais quand vous regardez dans le fond, ce n’est pas juste. D’abord, les concessionnaires sont des sociétés qui n’existent pas réellement. C’est le cas de Grand-Bassam avec le Dr Diaby. En terme de matériel, Dr Diaby n’a fourni qu’un ordinateur pour saisir ces résultats, un réfrigérateur pour conserver ces réactifs et puis ces deux spectromètres. Il faut noter que pour le dernier appareil cité, l’hôpital de Grand-Bassam détient un de ces deux spectromètres mais puisque Dr Diaby est venu s’installer et il a mis à l’écart les techniciens qui sont des agents de l’Etat, les agents de Diaby utilisent leurs matériels car ne maîtrisant pas l’appareil qui était dans l’hôpital. Il a mis carrément cet appareil à côté. Pour un réfrigérateur et un ordinateur, si on doit concéder un service, je pense qu’il y a un problème. De deux, ce sont des appareils vieillissants qu’il a envoyés. Donc à courte durée de vie. Quand on vient avec un vieil appareil au bout de 3 sans de travail, il n’est plus opérationnel. C’est le cas du Chu de Yopougon. Ce n’est pas nouveau. Ils ont essayé avec la société Martegus. Qui avait pris le laboratoire du Chu de Yopougon en 2000 et quand la société a commencé à fonctionner, il y a eu des dysfonctionnements dans la gestion du personnel et des ressources financières. Quand elle est partie, le laboratoire était vide en matériel de pointe, car toute la dotation de Martegus est tombée en panne.


Jusque-là, vous ne répondez pas à notre question. Vos camarades détournent-ils ou non le matériel technique dans les laboratoires ?

Le détournement de matériel bio médical a été révélé j’en suis sûr par les directeurs des hôpitaux mais cela relève de leur incapacité à faire fonctionner leurs services tel que cela devrait être. Quand le directeur constate que l’agent technique empoche directement l’argent, il y a des procédures disciplinaires et des demandes d’explications. Quel directeur a appliqué la procédure disciplinaire prévue dans le statut de la fonction publique en cas de détournement du matériel ou d’utilisation à des fins personnelles ou privées ? La loi est faite pour les hommes et elle doit être appliquée. Alors que les directeurs savent que les Biotechnologistes empochent l’argent et que c’est la privatisation qui est la solution pour mettre fin aux détournements, mais cette privatisation ne se fait en dehors du biotechnologiste. Les techniciens du Chu de Yopougon manipulent le matériel pour le privé. S’ils veulent empocher, ils le feront. C’est un faux-fuyant. Je m’inscris en faux contre cette accusation sans preuves. Le directeur est le responsable des services, il doit veiller au bon fonctionnement des services sous son autorité. S’il investit 3 millions dans les intrants, cela ne suffit pas pour faire des recettes, car il y a tout un dispositif pour faire de bonnes recettes. D’ailleurs, la gestion du laboratoire est très complexe. Il ne suffit pas de payer les réactifs. Pour produire des recettes, il y a trois composantes majeures.


Quelles sont ses composantes ?

Il y a le matériel, il y a les intrants c’est-à-dire les réactifs et enfin la maintenance. Si tu as un budget de 3 millions et que tu utilises tous les 3 millions de francs dans l’achat des réactifs uniquement, il doit s’ensuivre un problème de maintenance du laboratoire. Je connais des laboratoires où les appareils tombent en panne pendant 6 mois et le directeur est incapable de réagir. Tout cela fait partie de la politique de gestion d’un laboratoire. C’est cela même qui illustre leur carence dans la gestion des établissements de santé. Cela explique aussi la chute des recettes et non les détournements. Quand tu investis 3 millions dans l’achat de réactifs, si les appareils tombent en panne, alors qu’il n’y a une date de péremption de réactifs, l’investissement sera une perte. Il n’y aura pas de bonnes recettes. Le directeur dira j’ai payé 3 millions de réactifs et les techniciens ne m’ont même pas donné 100 mille. Mais il ne saura pas qu’en aval c’est lui qui a causé la perte. Il est certes vrai que nos camarades peuvent agir sur les recettes. C’est possible mais c’est la question la plus facile à résoudre si les directeurs le veulent. Ils ne le veulent pas parce que c’est eux-mêmes qui orchestrent les détournements de réactifs. A ce propos, des directeurs demandent à nos camarades de vendre des tubes et à la fin de chaque semaine, il vient signer, apposer son cachet pour prendre de l’argent et par la suite accusent nos camarades de détourner nos malades et les médicaments et les orienter vers les hôpitaux privés. Il faut noter pour chaque passage que le directeur peut empocher au moins 40 000 F CFA chaque semaine.


C’est tout de même une pratique irrégulière ...

J’en conviens avec vous. C’est pour cela que j’ai demandé à mes camarades d’arrêter et de dénoncer ces genres d’agissements. Il faut noter qu’après le paiement d’un examen, le malade ne doit plus payer de tube ou de seringue car tout cela est compris dans le coût de l’examen. La vente supplémentaire des tubes et des seringues ne profite pas seulement à nos camarades mais aussi et surtout aux directeurs. C’est une question de conscience professionnelle. Si les directeurs veulent le changement, c’est le problème le plus facile à résoudre.


Quelle est la situation à San-Pédro où vos camarades sont à couteaux tirés avec le directeur de l’hôpital?

Nos camarades ne s’opposent pas à la privatisation du laboratoire. Aujourd’hui le laboratoire de San-Pédro est le seul qui va faire le dépistage en milieu rural alors que des rumeurs font croire qu’ils refusent de techniquer le sang. Quand nous avions appris que le même opérateur du Chu de Yopougon voulait s’emparer de l’hôpital d’Abobo et de San-Pédro, nous avons adressé un courrier aux directeurs des hôpitaux d’Abobo et de San-Pédro. Celui d’Abobo m’a répondu immédiatement et m’a reçu et nous avions échangé. A San-Pédro, quand le directeur a présenté le projet à ses agents, ils ont refusé avant même mes camarades techniciens. Quand vous deviez établir un contrat, il faut que cela se fasse aux yeux de tous. Afin que tous sachent les avantages du partenariat pour le laboratoire et de la population. C’est cela notre rôle en tant que syndicat. On ne peut pas nous imposer la privatisation avec le farfelu argument de manque de moyens. Pourquoi les hôpitaux de Daloa, de Bouaké, de Divo arrivent à fonctionner correctement sans privatisation ? Il faut savoir que le rôle premier de l’hôpital n’est pas d’engranger des recettes mais plutôt de soigner les malades. Il ne faudra pas que l’on dise que la privatisation est une nécessité parce qu’on a besoin des recettes. La politique du gouvernement actuellement n’est pas d’engranger des recettes. Si c’est cela la politique du ministre Allah Kouadio, qu’on nous le dise car pour nous, il laisse faire et ce laisser-aller peut déboucher sur des commentaires, des appréciations plus ou moins justes. Je ne sais pas quelle est la position du ministre Allah Kouadio. Je ne sais pas s’il ruse avec moi ou bien s’il est en train de traiter mon problème. Mais, s’il est en train de résoudre mon problème, je constate qu’il prend trop de temps et cela m’inquiète. J’ai été informé qu’il a mis sur pied une commission d’enquête. Il a commis à la tâche des inspecteurs et nous n’avons pas d’autres informations là-dessus. L’Etat est en train d’être grugé en terme de finance et le ministre le sait. En terme d’inspection, il y a donc lieu de faire bouger les choses. .


Que peut-on retenir de cet entretien ?

On doit retenir que la privatisation des services des hôpitaux publics est une question très capitale parce qu’elle touche la loi fondamentale de la Côte d’Ivoire. Le droit à la vie. Aujourd’hui pour ces questions de privatisation qui engendrent des surcoûts, des populations peuvent ne pas avoir accès à la santé. En outre, ce n’est pas une question nouvelle. Elle a été expérimentée à Yopougon. ça n’a pas marché. Si cela avait été le cas, le CHU de Yopougon n’aurait pas le visage qu’il a aujourd’hui. C’est parce que la privatisation a été un fiasco que Yopougon ne fonctionne pas quand bien même on l’aurait concédé à nouveau à Dr Boni. Quand vous expérimentez quelque chose qui ne marche pas, pourquoi l’étendre, s’il n’y a pas de desseins inavoués ? Je note qu’à partir du moment où les contrats sont conclus en dehors de la réglementation, c’est du vol. Et qui veut s’accrocher à cela s’accroche au vol. Il faut que le ministre de la Santé se réveille car la privatisation des services publics des hôpitaux va pourrir le système de santé national. Je viens d’être informé que les services de radiologie sont également en train d’être privatisés. On risque de se retrouver dans des hôpitaux publics où il n’y a en réalité que du privé. Il faut qu’on se réveille tous. Les directeurs n’ont-ils pas de plans de gestion des laboratoires publics pour les donner aux opérateurs privés ? Je m’interroge. La santé est un milieu très sensible. Personne n’est contre l’équipement des services. Personne n’est contre l’augmentation des recettes. Mais nous n’accepterons pas une vision qui renferme des risques de prévarication des recettes par des individus. Je demande aux camarades de demeurer sereins. Nous allons faire front. Nous n’accepterons pas que des directeurs outrepassent les dispositions légales pour nous imposer la privatisation de nos services. Le directeur qui s’imposera à nous sera tenu responsable des conséquences qui adviendraient. Nous demeurons fermes et vigilants.

Réalisée par M.T.T
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