Le président des Journalistes culturels d'Afrique en réseau (Jocar), Alassane Cissé, est le directeur de la revue «Baobab monde.» Dans cette interview, il parle de l'organisation culturelle des journalistes africains, du Fespaco et de sa revue.
•Pourquoi avez-vous crée le réseau africain des journalistes culturels ?
L'idée de créer une association des journalistes culturels africains remonte à 1995. Ici à Ouagadougou, en marge du Fespaco, les journalistes culturels, qui rédigeaient le quotidien du festival, se réunissaient tant bien que mal pour essayer de mettre en place l'association. Mais, on n'avait pas le temps. En 1997, au Masa d'Abidjan, on s'est retrouvé pour faire le journal du marché. On n'avait pas toujours le temps. C'est en 2000, en marge de la biennale de l'art africain contemporain qu'on a pu tenir une assemblée à Gorée pour mettre en place l'association panafricaine de la presse culturelle avec à sa tête Pascal Zantou du Bénin comme président. Mais c'est en 2003, en marge de la biennale de la photographie africaine de Bamako que l'association panafricaine de presse au terme d'une assemblée générale est devenue, Journalistes culturels d'Afrique en réseau (Jocar). Pascal Zantou n'avait plus le temps parce qu'il s'occupait d'un projet de l'Union européenne. Nous avons fait ce changement pour permettre aux associations nationales de journalistes culturels d'être membres et leur permettre individuellement d'être aussi membre. Le réseau est beaucoup plus opérationnel qu'une association. En mars 2006, à la biennale de Dakar, j'ai été reconduit.
Pourquoi journalistes culturels d'Afrique en réseau ?
C'est pour permettre aux journalistes culturels de se réunir pour accompagner les événements et initiatives culturels d'Afrique, accompagner les productions littéraires et artistiques et contribuer à la valorisation du patrimoine culturel africain. Ce patrimoine, dans un contexte de mondialisation, permet à l'Afrique de s'identifier et de contribuer à l'émergence d'une civilisation humaine en pacifiant le monde. La culture peut contribuer à humaniser et pacifier le monde. Si en 1994, les gens avaient travaillé sur ce qui unit les Hutu et les Tutsi, peut-être qu'il n'y aurait pas eu de génocide rwandais.
•Voulez-vous dire que le déficit culturel que connait le continent est dû aux nombreux conflits ?
Effectivement. Vous savez, plus les peuples se rencontrent, plus il y a une cohabitation harmonieuse. Idir, le chanteur algérien de la Kabylie disait, plus il y a de culture, moins il y a des problèmes. Saint-Exupéry disait à son tour «Si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m'enrichis.» Et Senghor avait l'habitude de dire «enrichissons-nous de nos différences mutuelles.» Depuis que, partout à travers le monde, il y a des échanges culturels, il n'y a pas une troisième guerre mondiale. Plus les peuples se rencontrent, plus il y a des compréhensions, moins il y a des malentendus. La culture peut jouer un rôle important dans la pacification, la prévention et la résolution des conflits. C'est pourquoi, nous autres journalistes culturels d'Afrique, nous percevons les enjeux de la culture pour qu'elle puisse être diffusée. Mais avec le regard critique. Pour la simple raison que les productions littéraires et artistiques doivent être de qualité. Plus les populations sont armées culturellement, plus le patriotisme est renforcé au sens africain du terme et non au sens étroit du terme. La presse culturelle africaine doit avoir un regard critique et sans complaisance par rapport aux productions littéraires et artistiques, aux événements culturels. Il y a eu des problèmes organisationnels au Fespaco après quarante ans d'existence. Il ne devrait plus avoir des problèmes de badges, de catalogue, de programmation. Après 40 ans, on devrait être à une autre étape. Ce sont des choses que les journalistes culturels doivent relever.
•A quoi sont dus ces problèmes organisationnels à votre avis ?
A mon avis, il faut que le Fespaco s'élargisse dans son comité d'organisation. Il faut qu'il y ait des Africains dans le comité. Le Fespaco ne doit plus être l'affaire des Burkinabé seulement. Il doit être financé par les pays africains. Pour cela, il faut qu'il y ait dans le conseil d'administration d'autres Africains. Ambroisinia était le secrétaire général du Festival des arts nègres en 1977 au Nigéria. Le professeur Yacouba Konaté de la Côte d'Ivoire était le commissaire général de la biennale africaine de l'art contemporain de Dakar en 2006. En 2009, ce sera une Tunisienne. Pour les événements majeurs, il faut mettre dans le comité d'organisation au niveau de la direction artistique et dans le conseil d'administration, les autres Africains. On ne doit plus continuer à compter exclusivement sur l'apport du Nord. Il faut que les Etats africains investissent dans la culture qui est un facteur de développement et de pacification. Parce qu'on a besoin de paix pour que des efforts de développement ne soient pas annihilés. Voilà les enjeux perçus par les membres du réseau des journalistes culturels d'Afrique pour accompagner le développement culturel sur le continent. Plus les Africains se rencontrent, plus on accélère la création des Etats-Unis d'Afrique.
•N'y a-t-il pas un danger de délocalisation du Fespaco au cas où les autres pays africains arrivaient à participer à son financement ?
On ne doit pas délocaliser le Fespaco. En 1995, j'avais participé à l'évaluation du Masa à Abidjan. Je faisais partie de ceux qui avaient dit que le Masa soit domicilié dans la capitale économique ivoirienne. Parce que le Festival mondial des arts nègres crée en 1966 à Dakar a été transféré en 1977 à Lagos au Nigéria. Il a disparu. Et depuis lors, il n'y a plus eu de festival. Jusqu'à ce que le président de la République du Sénégal, Me Abdoulaye Wade, accède aux affaires et reprenne cette initiative historique en 2009 pour le 3ème festival des arts nègres. Cela veut dire que quand tu délocalises un festival, les expériences en termes d'organisation seront vaines et on a l'impression qu'on recommence. C'est dans cette optique que nous avons proposé que le Masa reste à Abidjan. De fait, nous souhaitons que cette manifestation redémarre pour aider à consolider la paix en Eburnie. On consolide une réconciliation par la culture. La réconciliation en Côte d'Ivoire est l'affaire de tous les Africains dans tous les secteurs. Le cinéma est extrêmement important dans le monde moderne parce que c'est la synthèse de tous les arts. La production des cinéastes africains montre que le continent a son mot à dire. C'est ce que les Chinois ont fait avec leur culture et leur langue nationale. Le continent d'avenir est l'Afrique.
•L'Union européenne a décidé, au cours de cette 21ème édition, d'apporter son aide aux pays du Sud. L'indépendance du cinéma africain n'est-elle pas menacée ?
Ce qui est fondamental, il faut que les africains soient armés culturellement. Je n'aime pas le terme «aide.» Il faut qu'on dise à nos partenaires du Nord que ce mot doit être gommé de tous les vocabulaires. Moi je préfère qu'on dise accompagnement ou partenariat. Parce qu'ils ont besoin de notre culture et d'échanges. Nous sommes dans un monde globalisé. Parce que les Américains inondent même l'Europe, c'est pourquoi, on parle de diversité culturelle. L'Europe a besoin de nous dans ce combat de la diversité des expressions culturelles et artistiques. Et donc c'est un partenariat. Il faut qu'on parle de soutien réciproque. Cela doit galvaniser davantage l'Union africaine d'accompagner notre culture. Mieux vaut tard que jamais. Il faut que la culture africaine qui est riche dans sa diversité inonde le monde.
•Pour soutenir la culture africaine, vous avez mis en place « Baobab monde ». Pensez-vous qu'une seule revue suffit-elle pour booster culturellement le continent ?
La revue en tant qu'instrument de promotion culturelle du continent à elle seule ne suffit pas. Ce n'est qu'une petite contribution pour valoriser ce que font les acteurs culturels, les créateurs dans toutes les disciplines. Dans tous les cas, nous pensons que la revue va jouer un rôle extrêmement important dans la promotion de la culture africaine. Mais, ceci dit, il faut penser à la diversification, c'est seulement à ce prix que nous allons imposer la culture du continent dans les compartiments de notre développement.
Interview réalisée par Issa T.Yéo à Ouagadougou
•Pourquoi avez-vous crée le réseau africain des journalistes culturels ?
L'idée de créer une association des journalistes culturels africains remonte à 1995. Ici à Ouagadougou, en marge du Fespaco, les journalistes culturels, qui rédigeaient le quotidien du festival, se réunissaient tant bien que mal pour essayer de mettre en place l'association. Mais, on n'avait pas le temps. En 1997, au Masa d'Abidjan, on s'est retrouvé pour faire le journal du marché. On n'avait pas toujours le temps. C'est en 2000, en marge de la biennale de l'art africain contemporain qu'on a pu tenir une assemblée à Gorée pour mettre en place l'association panafricaine de la presse culturelle avec à sa tête Pascal Zantou du Bénin comme président. Mais c'est en 2003, en marge de la biennale de la photographie africaine de Bamako que l'association panafricaine de presse au terme d'une assemblée générale est devenue, Journalistes culturels d'Afrique en réseau (Jocar). Pascal Zantou n'avait plus le temps parce qu'il s'occupait d'un projet de l'Union européenne. Nous avons fait ce changement pour permettre aux associations nationales de journalistes culturels d'être membres et leur permettre individuellement d'être aussi membre. Le réseau est beaucoup plus opérationnel qu'une association. En mars 2006, à la biennale de Dakar, j'ai été reconduit.
Pourquoi journalistes culturels d'Afrique en réseau ?
C'est pour permettre aux journalistes culturels de se réunir pour accompagner les événements et initiatives culturels d'Afrique, accompagner les productions littéraires et artistiques et contribuer à la valorisation du patrimoine culturel africain. Ce patrimoine, dans un contexte de mondialisation, permet à l'Afrique de s'identifier et de contribuer à l'émergence d'une civilisation humaine en pacifiant le monde. La culture peut contribuer à humaniser et pacifier le monde. Si en 1994, les gens avaient travaillé sur ce qui unit les Hutu et les Tutsi, peut-être qu'il n'y aurait pas eu de génocide rwandais.
•Voulez-vous dire que le déficit culturel que connait le continent est dû aux nombreux conflits ?
Effectivement. Vous savez, plus les peuples se rencontrent, plus il y a une cohabitation harmonieuse. Idir, le chanteur algérien de la Kabylie disait, plus il y a de culture, moins il y a des problèmes. Saint-Exupéry disait à son tour «Si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m'enrichis.» Et Senghor avait l'habitude de dire «enrichissons-nous de nos différences mutuelles.» Depuis que, partout à travers le monde, il y a des échanges culturels, il n'y a pas une troisième guerre mondiale. Plus les peuples se rencontrent, plus il y a des compréhensions, moins il y a des malentendus. La culture peut jouer un rôle important dans la pacification, la prévention et la résolution des conflits. C'est pourquoi, nous autres journalistes culturels d'Afrique, nous percevons les enjeux de la culture pour qu'elle puisse être diffusée. Mais avec le regard critique. Pour la simple raison que les productions littéraires et artistiques doivent être de qualité. Plus les populations sont armées culturellement, plus le patriotisme est renforcé au sens africain du terme et non au sens étroit du terme. La presse culturelle africaine doit avoir un regard critique et sans complaisance par rapport aux productions littéraires et artistiques, aux événements culturels. Il y a eu des problèmes organisationnels au Fespaco après quarante ans d'existence. Il ne devrait plus avoir des problèmes de badges, de catalogue, de programmation. Après 40 ans, on devrait être à une autre étape. Ce sont des choses que les journalistes culturels doivent relever.
•A quoi sont dus ces problèmes organisationnels à votre avis ?
A mon avis, il faut que le Fespaco s'élargisse dans son comité d'organisation. Il faut qu'il y ait des Africains dans le comité. Le Fespaco ne doit plus être l'affaire des Burkinabé seulement. Il doit être financé par les pays africains. Pour cela, il faut qu'il y ait dans le conseil d'administration d'autres Africains. Ambroisinia était le secrétaire général du Festival des arts nègres en 1977 au Nigéria. Le professeur Yacouba Konaté de la Côte d'Ivoire était le commissaire général de la biennale africaine de l'art contemporain de Dakar en 2006. En 2009, ce sera une Tunisienne. Pour les événements majeurs, il faut mettre dans le comité d'organisation au niveau de la direction artistique et dans le conseil d'administration, les autres Africains. On ne doit plus continuer à compter exclusivement sur l'apport du Nord. Il faut que les Etats africains investissent dans la culture qui est un facteur de développement et de pacification. Parce qu'on a besoin de paix pour que des efforts de développement ne soient pas annihilés. Voilà les enjeux perçus par les membres du réseau des journalistes culturels d'Afrique pour accompagner le développement culturel sur le continent. Plus les Africains se rencontrent, plus on accélère la création des Etats-Unis d'Afrique.
•N'y a-t-il pas un danger de délocalisation du Fespaco au cas où les autres pays africains arrivaient à participer à son financement ?
On ne doit pas délocaliser le Fespaco. En 1995, j'avais participé à l'évaluation du Masa à Abidjan. Je faisais partie de ceux qui avaient dit que le Masa soit domicilié dans la capitale économique ivoirienne. Parce que le Festival mondial des arts nègres crée en 1966 à Dakar a été transféré en 1977 à Lagos au Nigéria. Il a disparu. Et depuis lors, il n'y a plus eu de festival. Jusqu'à ce que le président de la République du Sénégal, Me Abdoulaye Wade, accède aux affaires et reprenne cette initiative historique en 2009 pour le 3ème festival des arts nègres. Cela veut dire que quand tu délocalises un festival, les expériences en termes d'organisation seront vaines et on a l'impression qu'on recommence. C'est dans cette optique que nous avons proposé que le Masa reste à Abidjan. De fait, nous souhaitons que cette manifestation redémarre pour aider à consolider la paix en Eburnie. On consolide une réconciliation par la culture. La réconciliation en Côte d'Ivoire est l'affaire de tous les Africains dans tous les secteurs. Le cinéma est extrêmement important dans le monde moderne parce que c'est la synthèse de tous les arts. La production des cinéastes africains montre que le continent a son mot à dire. C'est ce que les Chinois ont fait avec leur culture et leur langue nationale. Le continent d'avenir est l'Afrique.
•L'Union européenne a décidé, au cours de cette 21ème édition, d'apporter son aide aux pays du Sud. L'indépendance du cinéma africain n'est-elle pas menacée ?
Ce qui est fondamental, il faut que les africains soient armés culturellement. Je n'aime pas le terme «aide.» Il faut qu'on dise à nos partenaires du Nord que ce mot doit être gommé de tous les vocabulaires. Moi je préfère qu'on dise accompagnement ou partenariat. Parce qu'ils ont besoin de notre culture et d'échanges. Nous sommes dans un monde globalisé. Parce que les Américains inondent même l'Europe, c'est pourquoi, on parle de diversité culturelle. L'Europe a besoin de nous dans ce combat de la diversité des expressions culturelles et artistiques. Et donc c'est un partenariat. Il faut qu'on parle de soutien réciproque. Cela doit galvaniser davantage l'Union africaine d'accompagner notre culture. Mieux vaut tard que jamais. Il faut que la culture africaine qui est riche dans sa diversité inonde le monde.
•Pour soutenir la culture africaine, vous avez mis en place « Baobab monde ». Pensez-vous qu'une seule revue suffit-elle pour booster culturellement le continent ?
La revue en tant qu'instrument de promotion culturelle du continent à elle seule ne suffit pas. Ce n'est qu'une petite contribution pour valoriser ce que font les acteurs culturels, les créateurs dans toutes les disciplines. Dans tous les cas, nous pensons que la revue va jouer un rôle extrêmement important dans la promotion de la culture africaine. Mais, ceci dit, il faut penser à la diversification, c'est seulement à ce prix que nous allons imposer la culture du continent dans les compartiments de notre développement.
Interview réalisée par Issa T.Yéo à Ouagadougou