Le théâtre ivoirien est dans un état de léthargie. Wêrê-wêrê Liking fondatrice du village Kiyi réagit sur cette question, parle de son nouvel album et de son prochain spectacle au Palais de la Culture.
Partagez-vous l`idée selon laquelle le théâtre ivoirien est malade ?
Malade, non. Nous traversons une situation difficile. Le théâtre n`a jamais bénéficié de subvention et partout dans le monde il marche. Il a donc besoin d`être subventionné. La situation dans laquelle nous vivons, n`est pas venue pour arranger le contexte. Ce n`est pas le théâtre en lui-même qui est malade, c`est la situation du pays qui est catastrophique et qui ne permet pas à certaines formes d`art d`avancer.
Et pourtant, d`aucuns disent que la comédie jouée de nos jours par certains acteurs est une alternative au théâtre ?
Cette forme de comédie est en vogue, parce que c`est elle qui est encouragée. Elle passe à la télévision et donc elle est consommée. C`est un choix quand on décide de faire rire les gens, on utilise tous les systèmes possibles.
Quelle est l`importance du théâtre dans un pays comme la Côte d`Ivoire qui traverse une crise sociopolitique ?
C`est vital. Le théâtre est là. Il y a des gens qui font du théâtre. Mais, les gens ne vont pas au théâtre parce que ce n`est pas promu, soutenu, et valorisé. Et quand vous n`êtes pas valorisés dans les médias, personne ne s`occupe de vous. Si on veut valoriser le théâtre, on lui donne sa place. Aujourd`hui, Sidiki Bakaba travaille d`arrache-pied et crée des spectacles, mais personne ne va les voir. Et s`il n`était pas dans un Palais de culture où il y a quand même un petit contexte ? Ce qui lui permet au moins de former les jeunes même s`il n`y a pas de public. Et pourtant, il se défonce, dépense de l`argent, toute son énergie et toute son intelligence. Marie José Hourentier crée au moins un spectacle dans l`année. Et puis quoi encore. S`il elle devait vivre de ça, elle ne pourrait pas vivre. Moi j`ai créé des spectacles. Mais qui sait le prix de Sogolon. Alors on ne peut pas faire du théâtre dans un tel contexte. On fait ce qui est léger. Et ce qui est promu. Ce sont les Dj et c`est tout.
A vous écouter, on a l`impression que l`Etat ou le peuple reproche quelque chose au théâtre ivoirien…
Il y a un problème de politique culturelle et de conjoncture politique. Sinon, les créateurs de théâtre sont légion.
N’y-a-t-il pas un problème de qualité ?
Moi, je vous parle des gens qui font un travail. Qu`on aime ou qu`on n`aime pas, le travail théâtral est là. Il est fait et de façon sérieuse. Mais les gens ne peuvent pas vivre de ça. Il n`y a pas une politique culturelle volontariste pour soutenir le théâtre. Et il n`y a pas également un contexte politique favorable au théâtre. Ceux qui font le théâtre sont vraiment fous, ils sont passionnés. Mais ils ne peuvent pas le faire de façon continue, comme on le faisait avant, parce qu`on ne pourra plus se relever.
Si la situation reste telle, c`est dire que le théâtre va mourir ?
Le théâtre ne va pas mourir. Parce que la situation dans laquelle on se trouve ne sera pas éternelle. Il n`y a rien d’éternel. Cette situation va passer (elle se marre)
Quelle est la place du théâtre dans votre vie ?
Moi, je fais du théâtre tout le temps. Quand on écoute ma chanson, elle est théâtrale, ma danse est théâtrale. Vous savez, j`ai ce privilège de pouvoir faire mon théâtre en chantant comme en dansant et en écrivant. Je ne fais que du théâtre parce que pour moi, c`est un langage qui me permet toujours de prendre de la distance pour réfléchir, observer et pourvoir m`exprimer ce que je lis dans mes idées. Le théâtre est toujours là dans toutes les formes artistiques.
Mais on voit plus Liking dans la musique que sur les planches ?
Oui. Mais, vous voyez que mes chansons sont très théâtrales. Il faut reconnaître que, je suis une artiste pluridisciplinaire. Je suis une personne qui fait plutôt de l`opéra que du théâtre à proprement parlé. Ma tendance est opéra, une tendance d`art total. Ma musique n`est pas forcément dansante. On peut également l`écouter et aller très loin dans la réflexion comme dans vos émotions. Comme si vous étiez au théâtre. Mais elle est aussi dansante.
24 ans après, quel bilan faites- vous du village kiyi ?
Le bilan est positif, parce que malgré toutes les difficultés, nous avons quand même tenu. Nous continuons à former. Cette année, nous avons relancé la formation de façon officielle. Nous avons formé beaucoup de jeunes. C`est un bilan positif parce que nous formons une jeunesse apte pour notre pays et le continent afin de compétir à l`échelle internationale.
Quels sont vos rapports avec vos anciens élèves comme Boni Gnahoré, Bomou Mamadou…?
(Elle se marre)Mais c`est le rapport que tout village a avec les villageois. Les gens vont et viennent. C`est comme ça. Quand c`est ton village, c`est ton village. Tu vas et tu viens quand tu veux. J`ai de bons rapports avec tous ceux qui sont partis d`ici. Je n`ai été en palabre avec personne. Souvent vous les voyez tous ici, comme s`ils se sont donné rendez-vous. C`est la bonne ambiance quoi !
Parlons de votre album intitulé. Profession Femme. Que recouvre ce titre-là ?
Nous avons voulu donner cette importance à la femme qui est quasiment divine. Parce que, vous savez très bien que pour la naissance, c`est la femme qui porte l`Homme pendant 9 mois. Et après cela, elle doit supporter cet enfant pour qu`il grandisse et souvent, au prix de sa propre vie. Et parfois au prix de beaucoup de souffrances et quand elle a fini de donner cette vie, il lui faut encore beaucoup de temps pour pouvoir continuer toute seule. Et en même temps dans ce monde d`aujourd`hui, on lui demande de prouver sa compétitivité sur le plan intellectuel et professionnel. Aussi doit- elle s`occuper de l`homme pour mériter la reconnaissance. Malgré tout cela, la femme est la mère de la vie. Je pense que c`est une profession.
C`et donc une reconnaissance de la femme ?
Absolument. C`est attirer l`attention des gens mais insister davantage sur le rôle et l`importance de la femme. Ce n`est pas parce que, la femme n`est pas, par exemple, allée à l`école ou n`est pas un cadre qu`il faut la traiter comme certains hommes le font. Sous prétexte que ce sont eux qui achètent tout à la maison. C`est comme s`ils le faisaient à Dieu. C`est pourquoi, les Reines Mères disent que Dieu est Femme.
Vous préparez un spectacle pour mai prochain, à quoi le public doit s`attendre ?
Les gens n`ont pas vu les Reines Mères, il y a longtemps. Ça fait un peu plus de 10 ans que les Reines Mères n`ont plus donné de spectacle. Les Reines Mères ont tourné aux Etats-Unis, en Afrique et ailleurs mais pas à Abidjan. La dernière fois qu`on les a vues elles étaient trois. Il y avait encore Honakamy. Maintenant, elle mène une carrière professionnelle. Je pense que les gens doivent s`attendre à un bon spectacle. Il y aura beaucoup de surprises. Nous allons en plus du nouvel album, revisiter les anciens titres le 2 mai au palais de la culture.
Interview réalisée par
Renaud Djatchi
Partagez-vous l`idée selon laquelle le théâtre ivoirien est malade ?
Malade, non. Nous traversons une situation difficile. Le théâtre n`a jamais bénéficié de subvention et partout dans le monde il marche. Il a donc besoin d`être subventionné. La situation dans laquelle nous vivons, n`est pas venue pour arranger le contexte. Ce n`est pas le théâtre en lui-même qui est malade, c`est la situation du pays qui est catastrophique et qui ne permet pas à certaines formes d`art d`avancer.
Et pourtant, d`aucuns disent que la comédie jouée de nos jours par certains acteurs est une alternative au théâtre ?
Cette forme de comédie est en vogue, parce que c`est elle qui est encouragée. Elle passe à la télévision et donc elle est consommée. C`est un choix quand on décide de faire rire les gens, on utilise tous les systèmes possibles.
Quelle est l`importance du théâtre dans un pays comme la Côte d`Ivoire qui traverse une crise sociopolitique ?
C`est vital. Le théâtre est là. Il y a des gens qui font du théâtre. Mais, les gens ne vont pas au théâtre parce que ce n`est pas promu, soutenu, et valorisé. Et quand vous n`êtes pas valorisés dans les médias, personne ne s`occupe de vous. Si on veut valoriser le théâtre, on lui donne sa place. Aujourd`hui, Sidiki Bakaba travaille d`arrache-pied et crée des spectacles, mais personne ne va les voir. Et s`il n`était pas dans un Palais de culture où il y a quand même un petit contexte ? Ce qui lui permet au moins de former les jeunes même s`il n`y a pas de public. Et pourtant, il se défonce, dépense de l`argent, toute son énergie et toute son intelligence. Marie José Hourentier crée au moins un spectacle dans l`année. Et puis quoi encore. S`il elle devait vivre de ça, elle ne pourrait pas vivre. Moi j`ai créé des spectacles. Mais qui sait le prix de Sogolon. Alors on ne peut pas faire du théâtre dans un tel contexte. On fait ce qui est léger. Et ce qui est promu. Ce sont les Dj et c`est tout.
A vous écouter, on a l`impression que l`Etat ou le peuple reproche quelque chose au théâtre ivoirien…
Il y a un problème de politique culturelle et de conjoncture politique. Sinon, les créateurs de théâtre sont légion.
N’y-a-t-il pas un problème de qualité ?
Moi, je vous parle des gens qui font un travail. Qu`on aime ou qu`on n`aime pas, le travail théâtral est là. Il est fait et de façon sérieuse. Mais les gens ne peuvent pas vivre de ça. Il n`y a pas une politique culturelle volontariste pour soutenir le théâtre. Et il n`y a pas également un contexte politique favorable au théâtre. Ceux qui font le théâtre sont vraiment fous, ils sont passionnés. Mais ils ne peuvent pas le faire de façon continue, comme on le faisait avant, parce qu`on ne pourra plus se relever.
Si la situation reste telle, c`est dire que le théâtre va mourir ?
Le théâtre ne va pas mourir. Parce que la situation dans laquelle on se trouve ne sera pas éternelle. Il n`y a rien d’éternel. Cette situation va passer (elle se marre)
Quelle est la place du théâtre dans votre vie ?
Moi, je fais du théâtre tout le temps. Quand on écoute ma chanson, elle est théâtrale, ma danse est théâtrale. Vous savez, j`ai ce privilège de pouvoir faire mon théâtre en chantant comme en dansant et en écrivant. Je ne fais que du théâtre parce que pour moi, c`est un langage qui me permet toujours de prendre de la distance pour réfléchir, observer et pourvoir m`exprimer ce que je lis dans mes idées. Le théâtre est toujours là dans toutes les formes artistiques.
Mais on voit plus Liking dans la musique que sur les planches ?
Oui. Mais, vous voyez que mes chansons sont très théâtrales. Il faut reconnaître que, je suis une artiste pluridisciplinaire. Je suis une personne qui fait plutôt de l`opéra que du théâtre à proprement parlé. Ma tendance est opéra, une tendance d`art total. Ma musique n`est pas forcément dansante. On peut également l`écouter et aller très loin dans la réflexion comme dans vos émotions. Comme si vous étiez au théâtre. Mais elle est aussi dansante.
24 ans après, quel bilan faites- vous du village kiyi ?
Le bilan est positif, parce que malgré toutes les difficultés, nous avons quand même tenu. Nous continuons à former. Cette année, nous avons relancé la formation de façon officielle. Nous avons formé beaucoup de jeunes. C`est un bilan positif parce que nous formons une jeunesse apte pour notre pays et le continent afin de compétir à l`échelle internationale.
Quels sont vos rapports avec vos anciens élèves comme Boni Gnahoré, Bomou Mamadou…?
(Elle se marre)Mais c`est le rapport que tout village a avec les villageois. Les gens vont et viennent. C`est comme ça. Quand c`est ton village, c`est ton village. Tu vas et tu viens quand tu veux. J`ai de bons rapports avec tous ceux qui sont partis d`ici. Je n`ai été en palabre avec personne. Souvent vous les voyez tous ici, comme s`ils se sont donné rendez-vous. C`est la bonne ambiance quoi !
Parlons de votre album intitulé. Profession Femme. Que recouvre ce titre-là ?
Nous avons voulu donner cette importance à la femme qui est quasiment divine. Parce que, vous savez très bien que pour la naissance, c`est la femme qui porte l`Homme pendant 9 mois. Et après cela, elle doit supporter cet enfant pour qu`il grandisse et souvent, au prix de sa propre vie. Et parfois au prix de beaucoup de souffrances et quand elle a fini de donner cette vie, il lui faut encore beaucoup de temps pour pouvoir continuer toute seule. Et en même temps dans ce monde d`aujourd`hui, on lui demande de prouver sa compétitivité sur le plan intellectuel et professionnel. Aussi doit- elle s`occuper de l`homme pour mériter la reconnaissance. Malgré tout cela, la femme est la mère de la vie. Je pense que c`est une profession.
C`et donc une reconnaissance de la femme ?
Absolument. C`est attirer l`attention des gens mais insister davantage sur le rôle et l`importance de la femme. Ce n`est pas parce que, la femme n`est pas, par exemple, allée à l`école ou n`est pas un cadre qu`il faut la traiter comme certains hommes le font. Sous prétexte que ce sont eux qui achètent tout à la maison. C`est comme s`ils le faisaient à Dieu. C`est pourquoi, les Reines Mères disent que Dieu est Femme.
Vous préparez un spectacle pour mai prochain, à quoi le public doit s`attendre ?
Les gens n`ont pas vu les Reines Mères, il y a longtemps. Ça fait un peu plus de 10 ans que les Reines Mères n`ont plus donné de spectacle. Les Reines Mères ont tourné aux Etats-Unis, en Afrique et ailleurs mais pas à Abidjan. La dernière fois qu`on les a vues elles étaient trois. Il y avait encore Honakamy. Maintenant, elle mène une carrière professionnelle. Je pense que les gens doivent s`attendre à un bon spectacle. Il y aura beaucoup de surprises. Nous allons en plus du nouvel album, revisiter les anciens titres le 2 mai au palais de la culture.
Interview réalisée par
Renaud Djatchi