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Société Publié le lundi 20 avril 2009 | Nord-Sud

Santé de la femme - Pr Bohoussou Marcellin : "Voici les différentes phases d`un amour bien fait"

Dans la première partie de cette interview, publiée dans notre précédente parution (Nord-Sud Quotidien N°1176), le Pr. Bohoussou Marcellin, gynocologue obstétricien, a mis en garde contre les dangers de tenues plaquées comme le string et les caleçons masculins. Dans cette seconde partie, le spécialiste explique le vieillissement précoce de certaines femmes.



•Les infections causées par les strings ne sont-elles pas à l'origine des désagréments que certaines femmes connaissent lors des relations sexuelles ?

Au cours de la même émission (une émission de RFI où l'on a parlé des inconvénients des strings), un homme a appelé pour dire que sa femme saigne chaque fois qu'il couche avec elle parce que son pénis est volumineux. La journaliste lui a rétorqué qu'il plaisantait dans la mesure où le vagin est élastique et peut adopter n'importe qu'elle verge et que le problème se trouvait dans la manière dont il fait l'amour. Il faut savoir bien faire l'amour. Il comprend plusieurs phases : la phase d'excitation, celle en plateau, celle d'orgasme et la phase de résolution. En phase d'excitation, l'homme est seul à être excité dès le départ. Il lui faut exciter la femme. Ceci nécessite environ trois quatre minutes. Or, l'homme excité d'emblée ne peut pas attendre tout ce temps. Quand la femme est excitée, un liquide gluant remplit son vagin et fait de sorte que quel que soit le volume de la verge, elle pénètre.


•Croyez-vous que tout le monde puisse suivre cette procédure ?

Certaines personnes croient qu'en Afrique, l'amour est spontané. Ce qui n'est pas le cas.


•Même au village ?

Quand on parle d'initiation dans le bois sacré, de quoi s'agit-il ? Il y a des hommes qu'on transforme en femme…Tout est expliqué dans un livre intitulé « L'éducation sexuelle en Afrique », paru en 1974. Chez les Yoruba, dès l'âge de deux ou trois mois, la petite fille est préparée à être mère. Quand on la lave, on tire sur les petites lèvres de son vagin pour les développer. Et concernant le petit garçon, la maman verse de l'eau tiède sur sa verge, si elle se durcit, la mère se dit que son enfant n'est pas né impuissant. Elle est rassurée. Ce livre contient beaucoup d'informations. Je dis toujours que si l'Afrique n'était pas intelligente, nous n'existérions plus. Nous n'aurions pas survécu aux grandes épidémies. Une fois, au village, j'ai vu un homme qui avait la jambe enflée. J'ai demandé qu'on l'envoie à l'hôpital à Bouaké, ses parents disent qu'ils n'en n'ont pas les moyens. Lorsque je suis reparti au village quelques mois après, j'ai cru que l'homme était décédé. Que non ! Il avait totalement retrouvé sa santé. Comment ont-il fait ? Je ne saurai le dire.


•Pouvez-vous affirmer que nos parents dans les villages font l'amour comme vous venez de le décrire ?

Ils ont leur manière de le faire. Et seuls les initiés, ceux qui ont connu le bois sacré, le savent. Par contre, ceux qui n'y sont pas entrés ne le savent pas.


•Procèdent-ils par des caresses comme on le fait en ville ?

On ne fait pas de caresses, mais on leur montre dans le bois sacré, toutes les plantes qui permettent de faciliter l'amour. Des femmes utilisent le beurre de karité. Pourquoi des femmes, à un certain âge refusent d'avoir des rapports sexuels ? La réponse est qu'à un certain moment, elles ont une sécheresse vaginale parce que l'ovaire ne fonctionne plus.


•Pourquoi ?

La femme de campagne est en générale une femme qui atteint sa puberté à 12, 13,14 ans. Et elle va faire des enfants tous les deux ans. Quand vous la voyez à 30 ans, elle a l'âge d'une femme de 50 ans. Chez ces femmes de campagne, il y a les maternités précoces, avant l'âge de 16 ans, les maternités nombreuses et la situation de vie. Aujourd'hui, dans mon village, tu demandes la somme de 200 Fcfa à des pères de famille, ils ne l'ont pas. Je suis de Tiébissou, du village qui précède Didiévi. Les Américains ont fait une étude qui montre que la femme africaine est la première à se lever et la dernière à se coucher. A son réveil, elle va chauffer de l'eau pour son mari. Pendant ce temps, ce dernier est encore couché. Elle va préparer le petit déjeuner pour lui. Ensuite ils se rendent ensemble à la plantation où la femme travaille dur sous le soleil. Une fois de retour à la maison, le mari va rejoindre les gens de sa génération pour deviser ou jouer. Pendant ce temps, la femme va chercher à faire la cuisine. Elle va piler et faire la sauce. Elle va appeler son mari pour aller manger. Après le repas du mari, cette femme va laver les assiettes. En même temps chauffer de l'eau pour que son mari et ses enfants se lavent, balayer la cour parce que le lendemain il faut partir tôt. Et elle va être la dernière à dormir. Tout cela a été calculé en heures. Selon cette étude, l'homme africain travaille 1.400 heures dans l'année et la femme travaille 2.490 heures.


•Où a été faite cette étude ?

En Ouganda. Quand la femme fait la cuisine, tous les bons morceaux de viande ou de poisson sont servis au mari. Cela, je l'ai constaté à Adjamé où je suis né. Par ailleurs, la petite fille, dès sa naissance, fait l'objet de discrimination. Les garçons sont inscrits à l'école et non elle. Du point de vue nutrition, comme la petite fille mange avec sa maman et qu'elles ne mangent que des miettes, elle est défavorisée par rapport au petit garçon qui mange avec son père. Elle n'a pas toutes les vitamines, donc c'est un enfant qui est handicapé sur le plan de sa constitution. Cette petite fille handicapée va arriver à l'âge de la puberté et elle va avoir très rapidement sa première grossesse. Lors d'un congrès sur l'excision à Addis-Abeba, j'ai appris que là-bas, tout comme dans certaines sociétés malinkés, la jeune fille ne doit pas faire ses règles deux fois sous le toit paternel, sauf si elle s'est cachée. Mais, si on découvre qu'elle a eu ses règles, immédiatement, on lui donne un mari. Quand vous prenez la vie de la femme rurale, elle est jonchée de problèmes jusqu'à sa mort. Chaque grossesse l'épuise et elle ne mange pas bien. Aujourd'hui, j'ai applaudi quand je faisais ma consultation. Pour la première fois, à Abidjan, j'ai vu une femme qui est consulté avec 14 grammes d'hémoglobines. C'est la première fois que je le voyais, toutes classes sociales confondues. La plupart des femmes ivoiriennes ont entre 8 et 10 grammes. Et quand vous prenez les cadres moyens, c'est 11 ou 11,5 grammes maximum.


•Quelle explication ?

C'est la malnutrition. Je procède actuellement à la confection de la politique de la Côte d'Ivoire 2008-2013 sur la santé de la reproduction. Il apparait que près de 40% des femmes qui viennent en consultation sont anémiées. Or, l'anémie rend fragile. Au moment de l'accouchement, cette femme fragilisée par l'anémiée risque de mourir. Le taux de mortalité maternelle est 543 pour 1.000. C'est trop élevé. Des pays comme Cuba, en Amérique centrale, qui ont le même niveau de développement que nous ont un taux de 200 pour 1.000. Selon le représentant de l'Unicef en Côte d'Ivoire, il y a près de 900 décès pour 100.000 naissances. Je pense que la situation est plus grave parce que je participe régulièrement à des conférences internationales. D'ailleurs, ces chiffres ne sont plus publiés. Il y a un document qui présente chaque année le taux de mortalité dans les différents pays. Mais, certains Etats ne fournissent plus leurs chiffres parce qu'ils sont mauvais.


•Qu'en est-il pour les femmes de la ville ?

Je ne suis pas sociologue, mais, je puis affirmer qu'en zone urbaine, il y a trois catégories d'Ivoiriens comme celles que le Pr Niangoran Boa appelait : Les “En haut de en haut”, les “En bas de en bas”, les “Au milieu de en bas”. Il y a la classe bourgeoise. Je parle des hauts cadres. Même là aussi, il y a des problèmes. Prenons l'exemple des médecins. Quand j'étais en service (Il a pris sa retraite à la Fonction publique), sur une vingtaine de médecins, seuls trois ou quatre avaient un véhicule. Les autres venaient au service en gbaka (minicar de transport en commun). Un matin, en me rendant au service, j'ai entendu un bruit d'accident au niveau de la descente de l'école de police. Un gbaka venait de tomber. Arrivé au service, je constate que deux médecins étaient absents à la réunion technique. Au bout de 30 minutes, ils arrivent et m'informent que leur gbaka a fait un tonneau. J'avais été témoin de l'accident, mais j'étais loin d'imaginer que mes deux collègues étaient dans le véhicule. L'on a l'habitude de dire que les médecins ne sont jamais présents à leur poste. La raison est que les trois quart des membres de la corporation résident aujourd'hui à Yopougon ou à Abobo. A notre temps, il n'y avait pas de médecin dans ces quartiers. Lorsque j'étais assistant, tous les médecins résidaient à Cocody. Cela signifie qu'il ne faut plus se fier aux classifications classiques. Il faut vivre la réalité.


•Quelle est cette réalité ?

Certaines personnes vivent bien. D'autres vivent de façon acceptable. D'autres encore vivent dans la misère. Ce sont les trois catégories que je vois. En tant que médecin, je suis bien placé pour le voir. Les gynécologues et les pédiatres sont les mieux placés pour constater la pauvreté dans un pays. Nous voyons le couple, l'enfant, la mère et l'époux qui supporte tout. Dans les pays scandinaves, l'espérance de vie pour les femmes est de 83 ans. En France, elle est de 81 ans. Ici, l'espérance de vie chez les femmes est de 46 ans, alors qu'elle était de 52 ans, il y a 15 ans. Cela pose des problèmes. La classe bourgeoise ici est mieux lotie. Parce qu'il faut être logé, bien se nourrir, être véhiculé. C'est le niveau supérieur. Au niveau moyen, ce n'est pas l'eldorado, mais tu ne meurs pas de faim. Tu peux te déplacer dans le bus ou d'autres moyens de transport en commun. Il y a le niveau le plus bas où l'individu, pour se rendre d'un quartier à l'autre, est obligé d'aller à pied. Il n'a qu'un repas par jour et n'a pas souvent d'eau à boire. J'ai des amis qui vivent à Marcory au premier étage d'un immeuble. Ils n'ont l'eau qu'à une heure du matin. En gros, la situation est uniforme en zone rurale. Mais, en ville, on peut classer trois catégories : les miséreux, les acceptés, c'est-à-dire les Ivoiriens moyens et ceux qui sont au-dessus d'eux. Les miséreux peuvent être estimés à 50 % de la population, les acceptés 40% et 10% pour la bourgeoisie. Sans être sociologue, voilà le profil sociologique que je puis établir à partir des observations que me permettent mon métier.


•Les raisons du vieillissement rapide des femmes aujourd'hui sont-elles uniquement sociologiques ?

Il y a plusieurs raisons. Ce qui tue les gens dans les pays développés, c'est la sédentarité. Et cette sédentarité commence à gagner la Côte d'Ivoire. Quand vous vous levez le matin et que vous vous mettez à marcher pour aller à votre plantation en balançant vos mains, c'est du sport que vous faites. Ce qui est en train de disparaître chez beaucoup d'Ivoiriens. Il y a aussi le fait d'être soumis à une variation importante de la température. Imaginez quelqu'un qui est dans un véhicule climatisé et qui en descend pour affronter une température de 36°. Une fois rentré à la maison, il va avoir mal à la tête, la fièvre, le paludisme, une poussée hypertensive. La manière de vivre et de consommer certains aliments est source de problème de santé. Actuellement de quoi meurt-on en Europe et aux Etats-Unis ? De la malbouffe.

Interview réalisée par Kesy Jacob et Cissé Sindou
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