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Politique Publié le mercredi 22 avril 2009 | Le Nouveau Réveil

Après la suspension de "Le National"/Eugène Kacou (Président du CNP) : “Le tribunal peut nous permettre de fermer définitivement un journal”

Le quotidien "Le National" a cessé de paraître. Et cela, pour un mois. C'est une décision du Conseil National de la Presse (CNP) qui a décidé de passer à une autre phase de son combat de régulation de la presse, c'est-à-dire la répression. Son président, Eugène Dié Kacou que nous avons rencontré hier, a donné ici les raisons de cette mesure et les dispositions en cas de récidive. Dans cette interview, le président du CNP s'est également prononcé sur les dossiers de la convention collective, les fonds à la presse et l'affaire Ministère public contre le journaliste "Gnamantêh"

M. le président, nous avons été surpris de la suspension du journal "Le National" suite à un communiqué du CNP. Qu'est-ce qui a motivé cette décision ?
Je suis surpris de vous voir surpris. Vous savez que nous sommes l'organe de régulation. Et, nous avons expliqué dans le communiqué lu à la télé que nous avons envoyé d'ailleurs aux organes de presse écrite. Et je suis heureux que vous soyez les premiers à publier ce communiqué intégralement. Parce que d'autres l'ont commenté. Avant de prendre cette décision contre "Le National", nous avons fait un premier communiqué d'ailleurs que vous avez publié. En décidant de passer au 2e degré, c'est-à-dire nous sommes passés des avertissements, des blâmes, maintenant à la loi qui nous donne le droit de suspendre un journal et d'infliger des amendes. Et donc, nous avons décidé de passer à cela. Et c'est tombé sur "Le National" qui, ces derniers temps, ne fait pas honneur à la Côte d'Ivoire. Cela ne fait pas honneur au journalisme. Ça ne sera certainement pas "Le National" seul.

Cela veut-il dire que le temps de la répression a sonné ? Quelles seront les différentes sanctions, et en fonction de quoi vous les infligez ?
D'abord, on vous a laissé beaucoup de temps. Parce qu'il y a longtemps que la loi a été votée (depuis 2004). Et il y avait 6 mois pour se mettre en conformité avec la loi. Cela veut dire que depuis le mois de juin ou de juillet 2005, on aurait dû commencer à sortir le bâton. On ne l'a pas fait, on a continué à sensibiliser. Ensuite, nous avons prononcé des avertissements, des blâmes. Les gens ont pensé que nous ne pouvions pas appliquer la loi. Mais, nous pouvions l'appliquer. Quand vous parlez des différentes sanctions, c'est le conseil qui juge. En fait, je voudrais dire que c'est le conseil qui décide. Même si c'est signé par le président Eugène Dié Kacou. Il y avait 21 membres du conseil. Depuis, il y a eu des décès, mais les autres membres sont là. Nous sommes 16 et dès que le quorum est atteint, nous pouvons décider. C'est vrai, le président a voix prépondérante. Mais c'est le conseil qui décide. Et pour "Le National", c'est le conseil qui a décidé. On peut décider de mettre un mois. Ça dépend. Il y a les quotidiens, les hebdos et les périodiques. Donc, au niveau des quotidiens, on peut partir d'un mois jusqu'à deux mois maximum. Mais après ce temps, nous pouvons donner d'autres sanctions, par exemple, qui sont de faire payer une amende de 3 à 6 millions.

Est-ce que la sanction peut aller jusqu'à la fermeture ? Peut-on parler de fermeture définitive d'un journal ?
Ça, c'est le conseil qui décidera. Je pense que nous pouvons nous adresser au tribunal pour pouvoir prendre une telle décision. Le tribunal peut nous permettre de fermer un journal définitivement.

Cette décision a été prise. Mais est-ce qu'elle a été prise avec la concertation des patrons de presse ? Ont-ils été informés ?
Informé, d'accord. Mais, nous n'avons pas à prendre ces décisions de concert avec eux. Nous sommes un organe de régulation qui a été mis en place. Est-ce que quand le CNCA décide de suspendre RFI ou une radio locale, elle va demander à l'association des radios ce qu'elle doit faire ? Non ! Si nous sommes là, c'est pour appliquer la loi. Mantenant, quand nous avons pris la décision, nous informons. Et c'est ce que nous avons fait d'informer tous les journaux. Donc, les patrons de presse sont les premiers à être au courant. Puisqu'on a envoyé à tous les directeurs de Publication. La loi ne nous dit pas de rentrer en concertation avec les patrons de presse.

M. le président, à quand la prochaine édition du prix CNP ?
On l'avait reportée parce qu'il y avait le décès de Diégou Bailly. Vous savez que c'était juste après le décès de Bailly qu'on devait le faire. On ne pouvait pas pleurer et en même temps rire. C'est-à-dire, on enterre Bailly une semaine après, on fait une fête. C'est indécent. C'est pourquoi on ne l'a pas fait. Ensuite, on avait le 29 avril. Mais, nous avons pensé qu’il était bon de le célébrer juste après le jour de la liberté de la presse. Vous savez que le dimanche 3 mai 2009 est la journée de la liberté de presse. Et donc, nous allons le faire quelques jours après la journée de la liberté de la presse.

Est-ce la seule raison ?
C'est la raison. Qu'est-ce qui peut coincer ? On a eu certaines difficultés, mais c'est les mêmes difficultés que tout le pays a eues. Mais, nous, vraiment la première fois, c'était pour Bailly. Et la deuxième fois, nous avons estimé que s'il y avait la journée de la liberté de la presse, il ne fallait pas faire cela avant. Donc, il faut se mettre dans le prolongement de la journée de la liberté de la presse.

M. le président, nous nous acheminons allégrement vers l'application de la convention collective en juin 2009. A ce niveau, quelles sont les dispositions qui sont prises ?
Il y a eu la négociation entre le GEPCI et le Syndicat de la presse privée. Ils ont 18 mois. A partir de ce moment, la loi nous dit qu'il faut que nous contrôlions pour savoir si on paie à la convention collective. Et c'est ce que nous allons faire. C'est la loi qui le dit, ce n'est pas nous.

Quelles sont les décisions que l'Etat prend dans le cadre de cette convention collective ? Est-ce que le gouvernement joue sa partition afin de rassurer les patrons de presse ?
Mais ça, ce n'est pas le CNP. Mais, je sais aussi qu'on a mis sur pied le conseil de gestion du fonds d'aide à la presse. Donc, je pense qu'il va statuer bientôt. Et ceux qui auront de bons dossiers seront retenus.

Cet argent va-t-il servir à payer les salaires ?
Je ne pense pas que ça serve à payer les salaires. Je pense personnellement que ça doit servir à l'achat d'une imprimerie par exemple. Mais, ça ne doit pas être fait pour payer les salaires. Parce que si vous voulez faire un journal, vous devez faire une étude pour savoir si ça va marcher ou pas. Mais, si vous faites un journal, vous devez pouvoir payer vos journalistes. Vous n'allez pas attendre le fonds d'aide à la presse. Et si vous n'êtes pas élu, parce que vous présentez un dossier. Vous voyez, c'est un peu le problème des journalistes. Ils pensent que le fonds d'aide à la presse est là pour le partager aux organes. On va dire tel journal, on te donne 100.000F, tel journal, on te donne 10 millions. Non. Je ne pense pas que ça soit ainsi. Ce sont des dossiers qu'on présente et si votre dossier n'est pas solide, vous n'en bénéficierez pas.

A deux mois de juin, M. le président, nous n'avons pas l'impression que les choses bougent
Mais, le fonds est là. C'est M. Kébé Yacouba qui dirige. Nous-même avons quelqu'un dans ce bureau. Il y a Mlle Amoakon qui est au fonds de la presse. Quand vous dites que vous ne voyez pas l'Etat bouger, mais, dites-moi, il y a combien d'organes qui ont déposé un dossier au fonds d'aide de la presse ? On dit, si vous avez votre fétiche que vous ne l'adorez pas vous-même, ce n'est pas quelqu'un d'autre qui le fera. Personne n'a déposé un dossier et vous voulez que des gens se réunissent pour dire qu'on va donner quelque chose. Je vous ai dit tout à l'heure que ce n'était pas pour distribuer à n'importe qui. Le fonds d'aide à la presse, quand le Premier ministre Banny était là, il avait mis un milliard. Mais, supposons qu'un seul organe de presse dise qu'elle a besoin d'un milliard pour acheter une imprimerie. Est-ce qu'on peut donner le milliard à ce seul organe ?

Comment sera-t-il reparti ?
C'est à M. Kébé Yacouba qu'il faut poser cette question. Moi, je sais qu'il y a le fonds d'aide. Mais, le reste, c'est l'affaire de M. Kébé Yacouba.

M. le président, nous allons terminer avec un sujet qui intéresse le groupe "Le Réveil". Il s'agit du problème que "Le Repère" a eu avec la justice " Affaire Gnamantêh ". Comment avez-vous vécu ces instants ?
Vous savez comment nous avons vécu cela. Nous nous battions tous pour ne pas qu'on mette un journaliste en prison. Je l'ai dit et je le répète, ce n'est pas bon de mettre un journaliste en prison. Parce que de toutes les façons, on ne va pas emprisonner tout ce qu'il a dans la tête. On ne peut pas museler la presse en la mettant en prison. Nous avons aussi, au niveau du CNP, dit que Gnamantêh était journaliste. Pourquoi ? Parce que pour être journaliste, selon les textes, selon la loi, il faut être sorti d'une école de journalisme et avoir le diplôme, première chose. Deuxième chose, vous avez une maîtrise et vous passez un an dans une rédaction. Troisième chose, vous avez une licence et vous passez deux ans dans une rédaction. Or, Gnamantêh était Professeur. Donc, le minimum qu'il a, c'est une licence. Et, il a passé 5 ans au "Nouveau Réveil". Ça veut dire qu'il est journaliste.

Le procureur a dit qu'il n'était pas journaliste professionnel.
Ecoutez ! Ça, c'est le procureur. Moi, je le dis selon les textes. Mais s'il n'était pas journaliste professionnel, est-ce qu'on ne l'aurait pas mis en prison ?

M. le président, y a-t-il une différence ?
Il y a une différence. Bien sûr. La différence c'est qu'il faut solliciter la carte. Parce que c'est ce que le procureur a dit. Il n'a pas dit qu'il n'est journaliste professionnel. Il a dit : Est-ce qu'il a sa carte de journaliste professionnel ? " Il y a une différence entre être journaliste avec le diplôme que tu as. Et puis, être journaliste professionnel, c'est-à-dire que tu as sollicité la carte de journaliste professionnel et tu l'as obtenue. Ça c'est bien fait aussi parce que c'est la négligence qu'il y a dans les organes de presse. Ça vous fait quoi de faire un dossier parce que vous avez tout ? Il suffit d'aller le déposer parce qu'on paie 15.000F. Mais enfin 15.000F pour une carte professionnelle aussi importante que la carte professionnelle de journaliste. Mais moi je vois des journalistes claquer 15.000F pour boire de la bière ou aller en boîte de nuit. Mais, maintenant, je suis sûr que pour ce qui s'est passé pour Gnamantêh, ils iront chercher leur carte professionnelle. A notre époque, la carte de journaliste professionnel coûtait 5.000F. Encore là, des gens ne venaient pas payer 5.000F. Et après ils venaient se plaindre quand il y avait des problèmes. Mais, nous avons un peu eu la chance parce que la loi est un peu légère. Parce qu'elle ne dit pas, comme vous n'avez pas la carte professionnelle, vous ne pouvez pas écrire. C'est ça qui nous a sauvés : c'est une bonne chose pour dire aux journalistes de faire attention. Il y a un problème d'éthique. Et souvent, les gens oublient cela. Le code de déontologie, le Conseil national de la Presse l'a distribué à tous les organes de presse. Moi qui vous parle, je suis un journaliste et je me battrai tous les jours pour être journaliste. Je ne pourrai jamais être Médecin, Professeur d'Université… C'est pourquoi, je me bats avec le CNP pour que la liberté de la presse soit respectée. Ce cas du "National", est-ce que vous pensez qu'on doit écrire des choses pareilles ? (Et il lit la teneur de l'article concernant Guédé Pépé dit James Cenach dans le communiqué). Vous croyez que c'est digne de la presse ? Est-ce que des gens qui écrivent des choses pareilles, on ne doit pas les sortir de la presse ? Voilà pourquoi, nous avons suspendu le "National", et il y a pire que cela avec "Le National". Et, il y a d'autres journaux d'ailleurs. Les gens ne savent que la loi dit quand vous avez diffamé quelqu'un par exemple, il fait un droit de réponse. Et que vous n'avez pas le droit de répondre quand il a fait son droit de lui réponse. Alors qu'il s'agisse du droit de réponse non-publié, des cas de diffamation ou autres faits graves commis par voie de presse. Eh bien, ces choses seront examinées et punies par la loi.

Le Repère a été condamné à payer 40 millions. Votre commentaire ?
Il n'y a pas de commentaire à faire. C'est la loi qui dit qu'on condamne jusqu'à 20 millions. Et puisqu'il y avait 2 journalistes, ça fait 40 millions. Ils sont condamnés à la peine maximale. Mais, “Le Repère” a fait appel. Et si les juges s'aperçoivent que les frères se sont assagis, les choses vont s'améliorer. Je pense personnellement qu'avec l'appel, on va baisser parce que 40 millions, c'est beaucoup. "Le Nouveau Réveil" est solide. Mais quand vous payez 40 millions, vous allez dire aux journalistes de faire attention. Parce que c'est le journaliste qui écrit, mais c'est l'organe de presse qui paie. C'est-à-dire c'est le groupe "Le Réveil" qui paie. Et s'il paie 40 millions deux fois, vous mettez la clé sous le paillasson. Il faut que nous fassions attention en pensant à nos salaires, à ceux qui ont mis de l'argent en faisant un journal.

M. le président, quels sont vos rapports avec le Procureur de la République ?
Mais quels rapports voulez-vous que j'aie ? Moi personnellement, je respecte la loi. Le procureur de la République, c'est le Procureur de la République. Ce n'est pas n'importe qui. C'est comme le Chef de l'Etat. Nous nous offusquons et la loi dit que le Chef de l'Etat est protégé. Mais, presque tous les jours que Dieu fait, on l'insulte. Pourtant, on sait que la loi le dit. Quand le Procureur s'autosaisit ou que le CNP s'autosaisit, vous trouvez à redire. Le Président de la République est protégé par la loi. Ce n'est pas nous qui le disons, ce sont les députés qui l'ont décidé. Donc, c'est le Peuple qui a décidé. Et, c'est la même chose pour le Procureur de la République. On ne peut pas se lever tous les matins pour insulter le Procureur de la République. Moi, je suis en de très bons termes avec le Procureur de la République. Ça sert à quoi de défier la loi ? De toutes les façons, il est là et c'est pour faire appliquer la loi. Moi, personnellement, je ne suis pas avec lui tous les jours. Mais, je le respecte parce que c'est le Procureur. Comme je respecte le Chef de l'Etat et le Premier ministre. Comme j'exige que mon fils me respecte. Il faut faire attention, ce n'est pas parce qu'on est journaliste qu'on peut tout faire. Et le Procureur intervient au même titre que le CNP dans le contrôle des publications. Et la loi dit, avant de mettre un journal sur le marché, il faut demander un récépissé de publication auprès du Procureur de la République. Donc, il est évident que le CNP et le Parquet sont les deux structures qui interviennent dans le contrôle. Je pense que dans cette logique, les deux structures travaillent en étroite collaboration.
Interview réalisée par
Djè KM Coll : Morgan Ekra

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